rA.T.

     D'abord, il y a la recherche. Il y en a des dizaines, tout le temps, il faut faire un tri. Une nouvelle ou un roman ? Un texte, un poème ou une chanson ? Il faut bien choisir son format, en fonction du temps que l'on pourra y consacrer, de ses habitudes, et de sa motivation. Ensuite, il y a la découverte du sujet. Il y a de tout, dans tous les genres, et parfois, même, le sujet est libre. Dans ces cas là, l'exercice est difficile pour moi : je travaille mieux en étant guidé, même avec un style ou un thème qui ne me sont pas familier. Imaginer un récit fantastique sur un dragon neurasthénique est un défi pour moi. Et j'aime les défis. C'est ça qui me pousse à répondre à des AT.

     Un AT, qu'est-ce que c'est ? C'est un appel à texte, une sorte de “commande” littéraire pour un éditeur ou un magazine. En trouver est relativement facile, il suffit de taper “appel à texte” dans n'importe quel moteur de recherche. En sélectionner un est plus compliqué : face à la multitude des propositions, je me sens comme un enfant avec une pièce de cinquante centimes chez un marchand de bonbons. Tout a l'air délicieux, mais il faut faire un choix… J'adore écrire, depuis mes premières rédactions à l'école primaire jusqu'à la pièce que j'ai monté avec une demi-douzaine de camarades en classe de Première. Dès que j'ai un peu de temps libre, ce qui arrive trop rarement à mon goût, j'ouvre mon Drive et je m'y mets. J'ai sans cesse dix textes différents en cours, malheureusement, mes “œuvres” sont rarement terminées. Je m'arrête souvent en route, inspiré par un autre sujet ou occupé par un autre projet. Les AT me permettent de me concentrer sur une seule histoire et d'aller jusqu'au bout, la plupart du temps.

     Répondre à un AT m'oblige également à faire relire mes textes, ne serait-ce que pour en vérifier l'orthographe et la syntaxe, et à tenir des délais, deux choses avec lesquelles je ne suis pas très à l'aise. Tant que mes écrits restent dans mon ordinateur, je peux fantasmer tranquillement sur leur potentiel et sur leurs qualités. Mais quand je les lâche dans le vaste monde, c'est une autre histoire. La critique n'est jamais facile à recevoir, même si elle est nécessaire pour avancer. Et si un jour j'ose contacter des éditeurs, il faudra bien que je me confronte à leur avis. Et à leur refus.

     Car tout écrivain en herbe rêve secrètement de voir son oeuvre en bonne place dans les librairies. Celui qui dit n'écrire que pour son propre plaisir rédige patiemment son journal intime ou se ment à lui même. Les scribouilleurs sont souvent de grands lecteurs qui imaginent leur propre roman dans le classement des meilleures ventes. Et puis se dire qu'un jour, son nom figurera sur une couverture plastifiée, ses mots seront imprimés sur du papier beige clair, des milliers de gens se plongeront dans ses écrits… Cela remotive dans les instants de doute. Mais ce n'est pas facile de se lancer.

     Il y a tellement de concurrence ! Je n'ose imaginer combien de tapuscrits sont envoyés chaque jour dans les maisons d'édition. La Poste a encore de beaux jours devant elle. Dans cette jungle littéraire, les appels à texte sont des oasis dans lesquelles il est encore permis d'espérer.

     J'essaye d'en faire un par mois, histoire de garder le rythme et d'avoir une certaine discipline dans mon écriture. La littérature, c'est un sport d'endurance, qui nécessite de la patience et un travail régulier. Si je suis plus productif que Gustave Flaubert, je suis loin de l'efficacité de Victor Hugo, et je trouve bien trop facilement “mieux à faire” que de me consacrer à mes écrits. Ces derniers n'ont que mon temps libre pour se développer, ce qui est bien souvent insuffisant.

     Je privilégie donc les nouvelles, tant pour m'adapter à mes disponibilités que pour ménager mes bêta-lecteurs. Je ne les envoie pas toujours, mais au moins je sais qu'elles sont là. Elles me rassurent, elles me prouvent que je peux mener un projet de A à Z. Je les peaufine, de les bichonne, et je ne les lâche pas dans le vaste monde avant de les avoir relues et corrigées, jusqu'à atteindre la perfection. Ma vision de la perfection tout du moins.

     Mais les AT sont cruels, eux aussi. Jusqu'à maintenant, aucun de mes envois n'a été sélectionné pour être publié. Il y a des jours où je me dis que mes efforts sont vain et qu'il me serait plus facile d'arrêter et de faire quelque chose “d'utile”. Et puis je me rappelle cette citation d'Edison : “La plupart des échecs viennent de personnes qui n'ont pas réalisé à quel point elles étaient proches du succès lorsqu'elles ont abandonné”.

     Alors je cherche un nouvel AT. Et j'écris. Et j'espère. Car un jour, ça va marcher.