Racines Maudites

shin

Seriez vous prêt à mentir aux gens qui vous sont chers afin de les protéger ?

 

''... Je suis navrée .... Excusez mon départ précipité mais je dois absolument mettre un terme à cela ...''.

Les larmes qui perlaient au coin de ses yeux tombèrent subitement et vinrent mouiller, de la manière la plus délicate, la feuille où elle s'inscrivait ces mots. Des mots qui imprégnaient son cœur de désespoir, d'amertume et de désolation. Croyant avoir entendu des bruits de pas, elle plia la feuille et essuya ses larmes du revers de la manche de son chemiser bleu pâle. Ayant attendu quelques secondes pour se persuader que ces bruits n'étaient que pure illusion, elle se remit à écrire. C'était une belle jeune femme de la trentaine, son chemiser bleu faisait non seulement ressortir l'éclat de ses cheveux châtain clair mais aussi l'éclat de ses yeux gris. Yeux qui reflétaient une mélancolie et une tristesse profonde voire infinie.

A l'emplacement où elle se trouvait, elle pouvait contempler des flocons de neige qui valsaient et qui tournoyaient dans le ciel avant d'être emportés par le vent hivernal vers une contrée lointaine. Quant à la neige, elle s'écoulait du ciel et venait orner inlassablement les arbres des alentours leur donnant ainsi un charme bien différent de celui où ils étaient bien verts. Un peu plus loin elle pouvait entrevoir le lac, la fierté de leur petite ville. Ce lac d'où on pouvait, par les jours printaniers, aisément admirer sa population était recouvert aujourd'hui par une fine couche de glace où il s'y reflétait le ciel bleu-gris et les flocons qui comme des diamants resplendissaient de mille feux. Malgré ce magnifique paysage que lui offrait mère nature, la jeune femme n'esquissa aucun sourire. Cette peine qui la rongeait au plus profond d'elle-même, l'avait emprisonnée dans une prison de glace ou rien ne pouvait plus l'atteindre : ni joie, ni soulagement ni aucun autre sentiment mis à part le désespoir et un immense vide qui ne pouvait être comblé.

Ayant achevé sa lettre, elle la déposa bien en évidence sur le rebord de la table. Après avoir calmé ses tremblements, Araw Elric se remit à imaginer la réaction de ses deux enfants lorsqu'ils découvriront cette lettre.

« Ils vont certainement m'en vouloir, se mit elle à murmurer à voix basse. « Quelle mère indigne fais-je en les quittant, en laissant seuls ! Mais hélas, je crois que c'est la seule et unique solution que j'ai. Je ne peux plus supporter de voir leurs regards tristes à chaque fois qu'ils détectent ma peine et mon chagrin, à chaque fois qu'ils décèlent cet angoisse qui me comprime et perce mon cœur et je ne peux plus également supporter d'avantage mon sourire hypocrite, ce sourire que je m'efforce de former pour les soulager. Il est vrai que leur présence seule réussit à m'apaiser et à combler cet immense vide, et que leurs rires m'arrachent à chaque fois un sourire franc ; mais je trouve que ce court moment de quiétude et que ce sourire démontre à quel point je peux me montrer égoïste envers ceux que j'aime. Mais ai-je vraiment le droit de dire que je les aime ? Ai-je vraiment le droit de partager et de me réjouir de leur bonheur à lors que je ne leur rapporte que soucis et tristesse ? Je ne sais plus quoi penser mais je suis persuadée qu'en les quittant je pourrais les rendre heureux puisqu'en assumant mon devoir et mon destin l'épine du désespoir qui s'était enfoncée dans mon cœur s'ôtera enfin, me permettant ainsi devenir la mère que je n'ai pas su être. ».

La sonnette du téléphone retentit tout à coup ôtant ainsi Araw de ses pensées. Après avoir échangé quelques mots avec son interlocuteur, elle s'efforça d'ingurgiter ses médicaments malgré la saveur et le goût atroce qu'ils procuraient avant de sombrer dans un sommeil profond voire éternel...

CHAPITRE 1 :

Quelques heures plus tôt ...

- Tu es sûre de ne pas vouloir venir maman ? demanda soudain Chrys.

Cette simple question fit sortir la jeune mère de ses pensées. N'ayant entendu la question qu'à moitié, un petit « hein ? » se fit entendre. Tout en soupirant Chrys reprit sa question avec un petit sourire triste :

- Tu ne veux vraiment pas venir ? Ça ne peut te faire que du bien tu sais, rester cloîtrée pratiquement toute la journée dans la maison ne va pas t'aider à te sentir mieux. Et en tant que future médecin je ...

- Oui, certaine. Je .... Euh .... Je me sens assez fatiguée et je suis censée attendre une vi.... Euh ... un colis qui devrait arriver vers 20h. Donc ça sera pour une prochaine je vous le promets.

- Oooh puisque tu nous le promets, rétorqua son fils sarcastiquement, ça sera pour l'année prochaine. Heureusement pour nous que ce festival est annuel !

- Wyl chéri, tu sais très bien que j'ai mes raisons cette année, non ? Et tu sais ... tu voudrais bien arrêter avec cet air narquois et sarcastique ? Tu sais très bien qu'il peut facilement me faire changer d'avis, mais cette fois-ci je vais résister à la tactique adverse, dit-elle en imitant à la perfection le ton de son fils. Et en plus, reprit-elle avec un air beaucoup plus sérieux, ce n'est pas comme si vous y allez seuls, Lys vous avez bien donné rendez-vous là-bas, non ? En y pensant, vous ne deviez pas la rencontrer à 19h30 ? La connaissant elle devrait déjà être là-bas entrain de vous attendre, et vous la connaissait elle et sa fameuse ponctualité si vous arrivez en retard je peux vous assurer que vous n'en sortirez pas indemnes.

Ils se regardèrent pendant un court moment, puis éclatèrent de rire.

- Allez salut m'man ! répondirent-ils en cœur. On t'appelle une fois arrivés donc à toute, ajouta Chys.

Les deux jumeaux se dépêchèrent de sortir en claquant la porte derrière eux. A peine sortis, qu'ils ressentaient déjà l'immense différence de température. En effet, c'était l'une des nuits les plus froides que connaissait leur village. Situé, tout à fait au sud il était très rare que la température atteigne les -10°. Ils marchaient sans se parler depuis un bon bout de temps, on entendait clairement le bruit de leurs pas rapides et autonomes qui s'enfonçaient facilement dans la neige, et de temps à autre survenait le crissement de quelques brindilles sous leurs pieds. Soudain, Chrys rompit ce silence qui commençait à se faire sentir par une voix calme mais pleine de reproches :

- Tu sais Wyl, tu n'étais pas obligé de lui reprocher encore une fois son absence. Oui, j'admets que ces deux dernières années son comportement a radicalement changé, mais ce n'est pas une raison. On est majeurs et vaccinés bon sang ! Tu n'es plus un gamin pour lui reprocher chaque refus, elle marqua une courte pause pour reprendre son souffle avant de le sermonner de nouveau, et je suis sûre qu'elle doit se sentir coupable de nous délaisser sur ce point. Donc évite de remuer le couteau dans la plaie, ok ? Essaie de la comprendre aussi. Elle s'est occupé de nous pendant 20 ans sans l'aide de qui que ce soit, tu crois que ça a dû être facile pour elle de travailler, de nous éduquer et de nous chouchouter ? Je crois que personnellement je n'y arriverai jamais, être éloignée de ma famille et de ma ville natale, éduquer mes deux enfants et leur procurer les meilleures conditions possibles afin qu'ils s'épanouissent et cela sans compter sur aucune aide extérieure. Je trouve que c'est... comment dire... incroyable ? Oui c'est ça, ce que maman a réussi à accomplir est tout simplement incroyable...

- Tu as fini ? lui répondit-il tout en bayant. Tu sais Chrys, tu n'es pas obligée de me faire la leçon à chaque fois que tu en as l'occasion. A force, je vais me sentir coupable, se moqua-t-il. Mais je tiens néanmoins à te féliciter pour ce merveilleux monologue, mais dis-moi tu as répété pendant combien de temps pour le mettre au point ?

- Je te parle sérieusement là, maman va finir par se faire des films tu sais comment elle est !

- Parfaitement ! Et, elle sait que je ne fais que plaisanter donc évite de me faire le morale madame-je-n'ai-pas-le-sens-de-l'humour, répondit-il entre deux rire. Tu sais quoi ? Je crois que je devrais te donner des cours afin que tu apprennes qu'est-ce que l'humour ! Et évidemment, je te ferais une petite réduction puisque tu es ma sœur a-d-o-r-é-e... hmm .... Disons .... 300 euros la séance ? Ah ... J'ai une meilleure idée tu n'as qu'à me donner des cours aussi !! Comme ça je saurais faire d'aussi magnifique monologue que toi.

- Raaah... tu m'énerves, grouille Lys va encore péter un câble si on l'a fait attendre. Tu la connais, elle et sa fameuse ponctualité.

- On n'est pas arrivés là ? Nous devions nous rencontrer près de la fontaine et ... bizarrement elle n'y est pas. Il est bien 19h30, nan ?

- Euh .... Oui. Peut-être qu'on ne l'a pas vue à cause de la foule.

- N'empêche que ça serait une première si Lys arrivait en retard on ...

- Ne te fatigue pas frérot, elle nous avait prévenu qu'elle pouvait arriver en retard à cause de son travail. Ah zut j'ai failli oublier d'appeler maman.

Elle enleva ses gants qui rendaient la manipulation du téléphone assez difficile, introduit le numéro de sa mère et appela. Après quelques minutes, elle entendit sa propre voix déclarant « Vous êtes bien chez les Elric, nous ne sommes pas là pour le moment merci de laisser un message après le bip. » Après une seconde tentative qui aboutit aussi à l'échec elle revint près de son frère et déclara avant même que celui-ci ait le temps d'ouvrir la bouche :

- Je suis tombée deux fois sur répondeur je lui ai donc laissé un message.

Ne trouvant plus rien à se dire, ils se mirent à contempler leur village qui était éclairé par des guirlandes de différentes couleurs. Une atmosphère joyeuse régnait en maître dans le village où la fête battait son plein. En effet, on pouvait entendre les verres qui s'entrechoquaient, des éclats de rire qui s'élevaient de toute part et des applaudissements qui étaient parfaitement synchronisés avec la musique qui enivrait danseurs et spectateurs. Malgré cette soirée hivernale, le village tout entier tenait à fêter le soixantième anniversaire de la fondation de leur village. Au milieu de la grande place était accroché entre deux poteaux une banderole comportant une inscription teinte en rouge « à nos 40 ans !!! ». Ce petit village situé au beau milieu de nulle part a été fondé par les survivants d'un massacre survenu il y'a soixante ans de cela lors d'une nuit estivale, une nuit qui était calme et douce, une nuit lors de laquelle personne ne se doutait qu'un bain de sang se préparait et qui allait bientôt ôter la vie d'un millier de personnes, qu'elle soit innocente ou coupable, qu'elle soit jeune ou âgée, qu'elle soit riche ou démuni personne n'a pu échapper à ce massacre nocturne mis à part quelques miraculés...

«..... Et c'est ainsi que notre petit village fut fondé… ». 

- Ils remettent encore ça au tapis on dirait, déclara soudain Wyl.

- Tu parles de comment notre village a été fondé ? Baaah... Il trouve que c'est le jour idéal pour le faire.

-Ouai... en fait, je me demandais... Tu ne trouves pas que les circonstances de fondation de notre village sont un peu étranges ?

- hmm... Euh ... Qu'est-ce que tu veux dire par "étranges" ?

- Je ne sais pas trop, je trouve qu'il y a quelques incohérences par ci par là. Tu sais, j'ai farfouillé un peu dans les recherches de maman et en les lisant attentivement j'ai trouvé ça un peu bizarre. Euh... Comment expliquer le fait que des bandits soient venus ici, alors que c'est un coin perdu pauvre en ressources et tout ?

- C'étaient des barbares ni plus ni moins, déclara Chrys d'une voix hésitante. Ils voulaient tout simplement semer la terreur en faisant couler le sang...

- Et pour les survivants ? Pourquoi les auraient ils épargnés ?

- euh... Je ... Il... Tu sais ce n'est ni le moment ni l'endroit pour en parler, dit Chrys d'une voix tremblante tout en passant une main dans ses cheveux

_ Tu es stressée ?

- Hein ? Non pas le moindre du monde.

- tu te passes toujours les mains dans les cheveux quand tu es angoissée ou stressée. Qu'est ce qui te fait stresser à point? Ce n'est qu'une petite discussion pour passer le temps il n'y a pas de raison pour s'affoler pour si peu.

- Pour si peu? Tu te fous de moi là ? ... Je me demande parfois si tu es con ou tout simplement inconscient.

- Je ne vois pas de quoi tu parles... dit Wyl tout en esquissant d'un sourire narquois.

-  Les détails de cette histoire tabous. On nous interdit depuis notre tendre jeunesse d'en parler.... Et toi tu en parles comme si tu discuter du beau temps ... Et en plus tu te paies ma tête en me demandant la raison pour laquelle je stresse je crois rêver. Ta bêtise n'a vraiment pas limite... Je... Tu ...il faut arrêter d'en parler si tu veux éviter les emmerdes.

Soudain, une voix d'outre-tombe se fit entendre "Alors comme ça on parle de *la nuit x* ? Vous n'avez pas froid aux yeux.... pfff les jeunes d'aujourd'hui"

Un petit cri échappa à Chrys et à Wyl qui se retournèrent vers leur interlocuteur livides. En face d'eux, se tenait une femme d'une quarantaine d'années qui les dévisageait d'un regard sévère laissant entrevoir les quelques rides qui commençaient à se former aux coins de ses yeux. Soudain, la jeune femme se mis à se tortiller dans tous les sens.

- On voit bien que tu as du mal à maîtriser ce fou rire, déclara Wyl d'une voix visiblement agacée. Tu as réussi ton coup, j'ai bien flippé... Vas-y rigole qu'on en finisse.

La jeune femme éclata aux éclats si bien qu'elle faillit tomber. Elle essaya plusieurs fois de reprendre son calme en vain, il lui suffisait de regarder l'air agacé des jumeaux pour rire de plus belle.

 

 

 

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