Retour en amnésie

Giorgio Buitoni

Un autre chapitre de mon roman "Amélie à tout prix"

Tout ça, c'est du déjà vu.

La pluie inonde les quais de l'apocalypse. Je suis endormi sur un tortillon long de cordage moisi à l'abri du hangar des vœux et de son enceinte de carreaux brisés, j'ouvre les yeux et j'entends le claquement mitraillette des talons sur le béton humide et fissuré de la fin du monde.

Et l'écho qui joue les souffleurs de théâtre dans la toiture de tôle rouillée et ajourée.

Clac clac clac lac lac ac ac c

J'ignore quand et comment, mais je sais que tout ceci est une redite de mes souvenirs oubliés.

Nul besoin de me redresser et de darder un regard dans l'obscurité vers l'entrée du hangar à bateau, nul besoin de demander : "C'est toi mon, amour?"

Je dis : "Même à cette distance, je reconnais ton pas de traitresse".

Même à cette distance, je sens ton parfum trop sucré.

Même à cette distance, je pourrais t'en coller une dans la tête.

Les claquements s'arrêtent.

" Une quoi, lapin?"

Les claquements reprennent dans le silence de l'apocalypse sur fond de sifflement venteux  et de dégoulinade pluvieuse. Je me redresse sur le tortillon de cordage pour jauger la distance qui la sépare de moi. L'ombre de sa silhouette de chatte projetée sur le sol par le lampadaire devant la porte du hangar lèche la pointe de mes charentaises détrempées.  Une chimère noire au jambe-échasse qui rétrécit et se compresse au claquement de ses talons. Chaque seconde plus petite, plus compacte.

Clac clac clac...

J'épaule ma carabine.

Dans la croix de la lunette, même dans l'obscurité, découpée en ombre chinoise dans l'encadrement lumineux de la gigantesque porte du hangar, son corps est désir. Ses jambes sont un rêve de peintre. Le roulis de ses hanches ficelées par la ceinture de son imperméable ultra-court est le film que vous voudriez regarder pour l'éternité au paradis.

Je dis : " Un pruneau, mon amour... dans ta jolie petite tête."

Je dis : "Je me suis beaucoup entrainé au tir ces temps-ci. Surtout depuis l'enterrement de Mamie Jeannette."

Les claquements s'arrêtent à nouveau. Les longs doigts à plaisirs d'Amélie s'épinglent à ses hanches, un instant elle ressemble à la silhouette de l'une des "drôles de dames" de cette série télé que regardait ma mère. Ou une jolie amphore bien roulée.

"Quoi? Tu veux encore me tirer dessus? C'est une manie, lapin."

Elle renifle, et ça renifle au quatre coins du hangar en échos fatigués et rouillés.

" C'est toi qui m'a demandé de venir, je suis là. Alors laisse moi m'approcher."

Ceci c'est déjà produit.

Ceci est déjà arrivé.

Ceci est déjà vu, déjà vu, déjà vu. Ceci est souvenir recyclé. Papier blanchi et réimprimé à l'infini. Crotte de lapin ingurgité et ré- évacuer pour l'éternité.

Une certaine méthode de torture consiste à laisser goutter un robinet dans une casserole - ploc ploc ; le claquement métronomique de des talons d'Amélie est mon supplice d'écartèlement personnel.

Son regard de minou papillonnant de cils au rimmel noir surlignés est l'atroce manivelle intestinale tire-tripe moyenâgeuse  destinée à ma petite personne.

Son sourire est ma poire d'angoisse.

Elle est l'inquisition de mon cœur.

La guerre de cent ans de mes ennuis.

Son ombre démoniaque rétrécit pour atteindre une dimension de trois mètres à peine. Dans le contre jour du lampadaire extérieur,  la silhouette d'Amélie envahit presque la totalité du cadre éblouissant de la porte du hangar dans son dos. La croix de la lunette vise une étendue noire et indistincte, si bien que je rouvre l'œil gauche pour vérifier quelle partie de son corps je suis en train de viser.

Je dis  : n'avance pas trop non plus, je ne voudrais pas t'atteindre au ventre.

Avec une blessure au ventre, l'agonie peut durer des heures, j'ajoute.

Clac clac clac...

"Trop aimable, lapin... Tu sais qu'au moyen âge, ils incisaient les coupables à l'abdomen et crochetaient leur intestin grêle au bout d'une corde. Ensuite, le bourreau tournait la manivelle pour extraire toute la tripaille à l'air libre."

Ceci est exactement ce que tu m'as fait.

Ceci s'appelle la manivelle intestinale, je viens de le dire, maudite.

Cesse de lire mes pensées.

Je recolle mon œil dans la lunette : il fait nuit. La crosse recule contre mon épaule. Je rouvre l'œil gauche : l'ongle manucuré d'Amélie est enfiché dans le canon de ma Diana 280.

Amélie fait : "ooops!"

Je recule sur l'amas de cordage, mais le doigts d'Amélie avance et bouchonne à nouveau le canon de la carabine.

Je dis : "Arrête de faire ça!"

Elle s'accroupit lentement face à moi et souffle :

- "Depuis toute petite, je mets mes doigts dans les trous, tu en sais quelque chose, petit coquin."

Et je sais qu'elle cligne de l'œil dans l'obscurité.

Je sais que sa bouche appelle la mienne d'un mordillement de la lèvre inférieure sexy-sexy.

Je lâche une main de la crosse pour la gifler ; son visage recule et elle ôte son index du canon pour porter la main à sa joue.

"Oh oh...Bravo, tu progresses, lapin..." 

Même dans le noir,  je devine son sourire. Même en ombre chinoise, je sais qu'elle me fixe de ses immenses yeux de ce verts militaire si peu ordinaire, bloqués en mode narquois. Et vas-y-rentre-moi-dedans-j'ai-peur-de-rien-moi-je-suis-orpheline-et-rien- ne-m'atteint.

Je dis : "Je suis très sérieux, je me souviens de tout.

- Même de ce soir-là? Je suis rassuré, finalement, ce n'était pas un Alzheimer. Monsieur le psi fait du bon boul.."

Une seconde gifle jaillit de mon bras et  raye l'obscurité. Le claquement sur la joue d'Amélie raisonne sur les terres de l'apocalypse comme le doublage sonore d'une fessée de film pornographiques plus vrai que nature.

Soudain, la carabine me semble inutile. Soudain, je pourrais la tuer à mains nues.

Retour au centre du labyrinthe. Centimètre après centimètre, le bonhomme jaune recule, recule.

Bouffée délirante.

Syndrome de toute puissance.

C'est cela ma maladie.

Et j'aime ça, docteur Pipot.

Être moi.

"Non, excepté le souvenir de ce soir-là", je dis.

Amélie soupire et dit :

" Bref, tu sais que dalle... Quand vas tu te souvenir? Nous avons déjà eu cette discussion, il y a un an, jour pour jour, ici même. Tu braquais ce flingue sur moi, Lapin, le soir ou je...tu..."

L'ombre de sa main griffue glisse de sa joue et frotte ses yeux. Amélie renifle. Et maintenant, je sais que des larmes bouillonnent dans ses yeux. Que son corps tout entier se retient.

"Arrête de chercher à me voir, Lapin, ton psy a raison, tu n'as plus besoin de moi."

Qu'est ce que j'y peux, moi, si tu reviens toujours.

Une paire de main à bijoux pressent autour de mes temps. Soupir chaud sur mon visage.

"Je t'aime, mais je ne peux t'appartenir lapin. Je ne peux t'abandonner ma liberté, elle tout ce que je possède."

La silhouette noire d'Amélie se redresse lentement en contre-jour sur ses talons pic à glace. L'ombre desserre la ceinture de son imperméable et en écarte lentement les pans et ça fait comme un ange noir dépliant ses ailes.

"Te souviens-tu de ce que tu m'as dit? Si je sautais dans le vide, nous ne pourrions plus faire l'amour? Eh bien, c'est faux..."

L'imper tombe à ses pieds et ses bras s'élèvent à l'unissons, de part et d'autre de ses hanches, décrivant un arc de cercle parfait vers le sommet de son crâne. Le tout évoquant quelque numéro de go go danseuse derrière un paravent.

Inutile de danser, je dis.

Inutile de me faire ton numéro d'entraineuse.

Les bras d'Amélie retombent contre ses cuisses ; elle secoue la tête. Et ce qui s'ébroue autour du contour noir et opaque de son visage et fouette le contre-jour éblouissant de la lumière extérieure du lampadaire est une cascade de cheveux ondoyante tracée à l'encre de chine dessinant des vagues au dessus de ses épaules.

Et tout ça est meilleur que ma vie toute entière. Meilleur que n'importe quelle soirée micro-onde avec des carotides tranchées à la télé par une meute de loup-garous cannibales. Ceci a la saveur empoisonnée des choses qu'on désire et qu'on ne peut posséder.

Sa voix est mon poison.

Son odeur est mon addiction.

Dans votre colonne défaut ajoutez : " complètement baisé."

"Je ne joue pas, Lapin, je n'ai jamais joué avec toi..."

Ah non?

Et pourquoi ton numéro de téléphone a-t-il changé?

Pourquoi ta boutique de gadget fluos est-elle fermée?

Et tes petites séances chaude et mouillée avec William durant mon sommeil? Le chagrin de ma mère? Le boulot que j'ai quitté - photocopiez, souriez, mangez, dormez, cette existence antalgique que j'ai abandonné pour toi?

"Tu oublies Madame Claude", je dis.

Tu oublies notre enfant.

Amélie rapetisse de dix centimètres. Drapée de noire, elle s'avance vers mon lit de cordage, abandonnant ses talons derrière elle. La seconde suivante, elle est assise a califourchon sur mon entrejambe. Et je me souviens des mots de mon patron, Victor : il faut emmancher la faucheuse, Georges. Je me souviens de tout ceux que la mort a révélé à eux même. Isabelle, Victor, Mamie Jeannette. Il faut que des gens meurent pour qu'on vous voit. Des larmes et du sang pour qu'on vous serre enfin.

J'aimerai bien me souvenir de qui meurt à la fin de cette histoire et lequel de nous deux a droit à un gros câlin d'amour. Mais le film de ma vie, la bande VHS mémorielle, réimprimée et réimprimée du naufrage de mon existence s'arrête là.

Ce soir-là.

La veille de ma première consultation rue d'Allonville, chez Pipot.

Notre rupture, traitresse, mon amoureuse.

"Nous avons déjà parlé de ça, Lapin... faisons la paix, je t'en prie. Faisons le, et ensuite, tu ne me chercheras plus."

La pointe de sa langue trace des lignes de salive sur mes lèvres.

"Faisons-le encore une fois, une dernière fois, Georges".

Sa langue force l'entrée de ma bouche. Ses doigts s'affairent dans le noir autour de l'élastique de mon caleçon et le baisse. Mes mains se pose sur la colline douce de ses fesses.

Et tout est comme au premier jour.

Je dis : "Mais bordel, tu es nue."

Amélie frotte son petit hérisson contre mon entrejambe et ce sont tous mes os saillants et les sucs de mon corps qui se rassemblent vers mon extrémité gonflé d'hémoglobine bouillante. Et mon cœur qui bat à l'intérieur.

"Oh! Monsieur, vous me flattez..." 

Je dis : "Ne va pas t'imaginer que je suis d'accord, c'est mon cerveau reptilien qui me trahit."

De toutes ces formes de tortures, la pyramide de judas qui vous écartèle l'anus, la poire d'angoisse qui vous explose la mâchoire en s'ouvrant dans votre bouche, la pire, c'est elle.

L'amour.

- Vous permettez, monsieur, que je m'assois plus confortablement? "

Oh.

Mon dieu.

Fournaise et joie.

Chevaucher la faucheuse.

Amélie monte et descend.

Je suis une étendue infinie de peau rose, fine, et sensible que l'on coupe à la feuille de papier. Qui frotte et qui frotte. Je suis un gland baobab de trois mètres de haut.

Monte et descend.

Mes tours d'ascenseurs.

Mes tours d'échelle.

Le va et viens de toute chose.

De ma bouche devraient sortir les mots : salope, traitresse, misérable petite amourette malsaine, illusion toxique, rend moi ma mémoire, mais je dis - le souffle rythmé par le poids de son corps écrasant mon entrejambe :

"QUE vais-JE faire SI je ne TE cherCHE plus?"

A quoi ça mène tout ça, si ce n'est pas vers toi?

Amélie me gifle, si fort qu'un instant je manque de barbouiller son intérieur bouillant de crème d'homme épaisse. Ma joue est une semelle de fer a repasser incandescente.

" T'au...t'aurais pu... retir...er tes cha...cha..rent...aises, aaaamour"

C'est ça, ta réponse, supot de Satan? Dresseuse de  loser maigrichon accro au glutamate monosodique? Madame "je mets mes doigts dans les trous"?

" Re...redit..ç..çaa..pou...pour voir."

Une autre gifle, plus forte.

Et elle ajoute un coup de rein violent au plus bas de sa descente, comme si elle voulait me faire rentrer tout entier à l'intérieur de son ventre. Moi, mon imper mes charentaises, et mes os de poulet de retour à la maison, ré-avalés par la matrice tiède.

Presque le paradis.

Si ce ne sont les cordages brulant la peau de mes fesses sous la toile de mon falzar sous l'effet de la friction. L'odeur de vieille serpillère rappelant la maison et les boudins de portes-teckel de Mamie Jeannette. Si ce ne sont les cadavres plein ma cervelle.

" Pourquoi couches-tu avec mon frère?"

Amélie me retourne une nouvelle gifle pleine d'ongle ; ma prostate sursaute, contenant tant bien que mal mes gênes  liquéfiés en gamètes pâteux prêts à jaillir.

"Ou est ce flingue?"

Sa manucure arc-en-ciel de pute de bazar lacère la surface de ma joue. Et tout le sang qui pisse en ligne et pique comme une brûlure dans le froid de la fin du monde pour couler sur mes lèvres. Le goût d'Amélie dans ma bouche.

La claque et la sucette.

La vie et la mort, et la ligne de démarcation médiane où je me sens vivre en son unique présence.

Voilà ce qu'elle vous fera.

Amélie gémit : "Alors, t'as...T'AS..UUne au...autre Quequestion du Me Même Gen...re?"

Et, moi, je n'ose plus rien dire, ma joue me fait assez mal comme ça. Mais, tout à fait honnêtement, je n'ai rien à dire. Amélie, monte et descend et me balance des coups de rein, et je m'enfonce jusqu'à la garde en son bassin chaud, et c'est tout mon misérable intellect qui migre vers l'extrémité enflée de mon être, la seule partie authentique de ma vie, qui se raidit et gonfle à en devenir douloureuse.

Mourir maintenant serait une bonne idée.

Je rassemble le peu de lucidité qui n'a pas rejoins mon entrejambe, et mes doigts glisse lentement vers ma carabine échouée à côté de moi.

Un bras se détache de l'ombre noire d'Amélie, et retombe. Son poing et ses abominables bagues en toc cognent si fort l'os de ma pommette qu'un peu de jus s'écoule de moi. 

Je reconnais la bague madame Irma.

La bague myrtille party.

"C'est c' est ça ça taaa solution? crie Amélie Tu tu... Ne vaaas pas mou...mourir, GeorGeorges! Seulemeeent, te te souvenir!"

Lemeeent, te te souvenir!

Te te souvenir!

Souvenir!

venir!

Écho apocalyptique.

Mais, je ne me souviens de rien. Je suis une lance à incendie bouchée gonflée à huit bars de pression.

Je suis une fillette de cinq ans percutée sur la voie d'un tramway.

Je suis un cosmonaute de retour de l'espace.

Je suis le chagrin de ma mère et la trahison de mon frère.

Je suis les scarification blanche et boursouflée des poignets d'Isabelle.

Je suis l'hexagramme numéro 62 du Yi-king et la tumeur de Victor.

Un plat de poulet tandoory brûlant et micro-ondé attendant de polluer votre œsophage.

Monte et descend.

Je suis minuscule et j'émerge comme d'un œuf de mes cellules germinales, recraché mouillé et baveux sur des berges inconnues. Et je cours. Je cours tout à l'intérieur de mes testicules.  Je cavale au rythme des coups de reins de mon cher amour dans le couloir obscur et humide de mes tubes séminifères. 

Je cours vers elle, encore, toujours, tout rikiki à l'intérieur de moi.

Vers la lumière et la sortie du labyrinthe.

Suspendez-moi par les pieds et infligez moi le supplice de la scie. Sciez-moi lentement par l'entrejambe, partagez moi en deux parts égales. Oh, épargnez moi la torture de choisir entre elle et rien.

Et Amélie qui bascule la tête en arrière, la pointe acérée de son menton braque la charpente vermoulue de l'apocalypse, tandis que sa bouche ventrale m'avale rebond après rebond et pompe et pompe en moi la sève chaude. Son ombre danse sous mes yeux comme un rituel païen. Ses mains m'agrippent par le colback dans la pénombre et secoue ma carcasse prête à se laisser aller . Et Amélie crie :

"Aaalllez! Souuuviens-toi, Georges Beckett! Ré-ré-veille-toi mainte-tenant!"

Ses ongles s'enfoncent et poinçonnent le creux de mes épaules.

Monter.

descendre.

Passé.

Futur.

Wooooooooommmmm.

Je patauge dans un million de litre de bouillie blanche fumante qui monte et monte jusqu'à mes chevilles maigres, inondant peu à peu mon canal déférent.

" Sou...souvieeens-toi!"

Emporté par le torrent crémeux, je crawle dans la béchamel brûlante de mon jus d'homme au travers le conduit éjaculateur vers le sas à plaisir. Et mon cœur qui résonne comme le tonnerre au travers des parois de mes artères étrécit à l'huile de palme.

Boum Boum BOUM.

Sas à plaisir verrouillé.  Le niveau de bouillon crémeux monte jusqu'à ne laisser que mes oreilles à dépasser de la soupe blanche qui s'accumule contre le sas rose et obturé - prostate contractée au maximum. Je me noie ; mes propres gènes entrent dans ma bouche. Mes oreilles sifflent comme après le décollage d'un avion de ligne.

BOUM.

BOUM.

Amélie s'effondre à présent sur moi dans l'obscurité, immobilisant mes mains au dessus de ma tête sur le tas de corde. En sueur et suffoquante, elle lèche le sang coagulé sur ma joue, l'empreinte de ses ongles. Je sens sa sangle abdominale se contracter contre mon ventre. C'est tout son corps qui ondule pour venir se planter violemment sur ma queue.

Avale moi tout entier.

Recrache-moi meilleur.

Reste avec moi, en ton absence, les gens meurent.

"Les gengens...meurent de tou toute façon, Georrrrges."

Avons nous aussi fait l'amour ce soir-là?

"Nou..nous...avons...fait fait un auuutre gengenre de jeuu. Et tu...tu t'es...OH...Dé défilé."

Et je ne sais plus si c'est elle qui parle dans ma tête ou si c'est moi qui fait les questions et les réponses.

"Oooooh, Monsieuuuuuuuuuur! Souuuuviens-toi!"

Monte et descend.

BOUM. BOUM.

Un homme normal peut retenir sa respiration une minute complète.Je baigne tout entier dans le jus bouillant et opaque de mon plaisir, noyé dans le labyrinthe de mon propre intérieur. Mon cœur est une masse s'abatant sur une enclume. Mes veines gonflent et affleurent, vertes et dures, à la surface de ma peau.

"MOOOOONSIEUR! DIIITES-LE!"

Tout entier plongé dans un océan de sperme, on ne peut prononcer un mot, Amélie.

"DIIIIITTTTES-LE!

Je suis le jet d'eau du lac Léman envoyé à 160 mètres au ciel.

Je suis une giclée de lave andésitique évacuée sortant du Krakatoa à 200 km à l'heure.

Nos corps deviennent chiffons essoufflés, enveloppe de peau vidée de, vous savez, toute ces petites choses de la vie qui provoquent tensions musculaires dans les épaules et autres lombalgies anxieuses. Amélie est allongée, pesant de tout son poids sur moi, son menton fouisse mon cou pour s'y nicher et ses doigts desserrent les miens.

C'est ce moment où il ne faudrait rien dire. Le moment où je dis : "Je ne me souviens toujours pas, Amélie. Je ne sais plus quoi faire."

Les longs cils noir d'Amélie battent plusieurs fois contre ma joue, pattes de mouches chatouilleuses, sa main épouse mon menton et ses lèvres chuchotent à mon oreille :

"Une seule chose : sauter, Georges, tu vas sauter dans le vide."

J'ignore pourquoi, mais je sais ce qu'elle veut dire.

"Je t'aime, Lapin."

Et je crois bien que nous nous endormons.

  • J'adore._Un_peu_roman_noir,_avec_sa_femme_fatale,
    un_peu_grinçant._Bravo!

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Mai2017 223

    fionavanessa

    • Merci-avec-tous-mes-remerciements-fidèle-lectrice-;)

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Poule 2

      Giorgio Buitoni

    • Oui,_une_belle_écriture_rend_fidèle!

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Mai2017 223

      fionavanessa

  • Wow. Quelle intensité!

    · Il y a plus de 7 ans ·
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    Tête De Plume

    • Merci pour cette lecture et ce compliment, Ludivine. Bienvenue dans l'univers de mon premier roman. Content que tu aies aimé. G.

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Poule 2

      Giorgio Buitoni

  • Terrible ce texte !

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Avatar

    nyckie-alause

    • Salut Fidèle Nyckie, décidément, je passe mon temps à te remercier, et je ne m'en lasse pas! Merci donc pour cette nouvelle lecture. A noter que ce chapitre du roman se situe plutôt dans le dernier quart du livre, d'où peut-être quelques allusions mystérieuses pour qui n'a pas lu l'ensemble. Rien de gênant apparemment, tant mieux. J'écris toujours mes chapitres comme des nouvelles pouvant être lues indépendamment du reste. Pari gagné. :)

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Poule 2

      Giorgio Buitoni

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