Rose

franekbalboa

Il faisait nuit noire. Nous étions dans une soirée très agitée, et j'avais comme à mon habitude ressenti le besoin de m'extraire. C'était une belle nuit d'été. La brise légère et douce caressait mon visage et mon dos, j'étais torse nu, les arbres chantaient sous le mouvement du vent, les lampadaires éclairaient faiblement l'allée. Je m'assis un peu plus loin, entendant légèrement le vacarme de la soirée, les rires, les voix, la musique, étouffés par la rangée de haies qui me séparait de celle-ci. J'étais assis à même le sol, dans une tenue douteuse, j'étais légèrement éméché, ayant bu plus qu'à mon habitude, un peu guilleret, ma tenue, disais-je, se composait d'un maillot blanc, qui ne l'était plus suite aux péripéties de cette soirée, un bermuda noir, et des chaussures vertes et blanches. Je devais avoir l'air ridicule, mais je m'en fichais. Je profitais de mon isolement. 

J'entendis des bruits de pas. Un pas très léger. Délicat. Je tournai légèrement la tête et vit une des filles présentes avec nous tout à l'heure. Elle n'avait pas été très bavarde durant l'ensemble de nos échanges, elle semblait ailleurs, pas à sa place. Il faut dire qu'elle venait de rompre. C'est donc tout naturel d'être effacé. Je ne dis pas un mot, décryptant son allure, alors qu'elle passait sous le lampadaire. Elle avait des cheveux mi-longs. Ils étaient d'un noir intense, avec quelques restes d'une coloration qui commençait à dater. Elle portait une robe qui mettait en valeur ses hanches prononcées avec un veston recouvrant ses épaules. Elle ne portait pas de chaussures à ce moment là. 

Je ne sais pourquoi, elle s'assit à côté de moi. Me regardant droit dans les yeux, la lumière artificielle baignant légèrement l'endroit, ses yeux brillaient, l'un vert, l'autre brun. Son nez légèrement recourbé surmontait un sourire asymétrique. Un côté de ses lèvres était partiellement paralysé, et une dent était légèrement abîmée. Elle restait malgré tout très jolie. Je joignis mes mains au dessus de mes genoux, et elle fixa l'ombre devant nous. Je continuais à l'observer, alors qu'elle sortir quelque chose de sa veste. 

Un petit sachet de papier, plié soigneusement, elle déplia ce dernier pour en libérer une fleur séchée. Une rose rouge. Elle huma le parfum de la rose, la manipulant avec énormément de précaution, puis elle en arracha deux pétales. Je ne sais pas du tout ce que tout cela signifiait, je continuais à rester mutique, la laissant faire, elle aussi, silencieuse. Elle frotta les pétales dans sa main gauche, puis les laissa tomber. Le vent qui soufflait légèrement les fit tomber à mes pieds, avant qu'une légère bourrasque les emporte quelque part dans le noir. 

Nous restions là assis et immobiles. Silencieux. Cela dura sans doute de longues minutes. Puis alors que je me bougeais pour me lever, elle posa sa main sur la mienne. Arrêtant mon élan. Je sentais une légère peur dans ce geste, je me rassis alors. Sans mot dire, elle glissa alors ses doigts dans les miens, déposa sa tête sur mon épaule, et serra mon bras avec son autre main. Après quelques minutes, je sentis des gouttes mouiller mon épaule, elle pleurait, surpris, je tournais la tête vers elle. Elle ne faisait pas un bruit. Seules les larmes pouvaient en faire, leur chute étant camouflée par le vent. La voyant en larmes, je me levai, remis mon maillot sale, elle voulut se lever à son tour, je lui posais la main sur l'épaule, puis m'assis derrière elle, l'entourant  de mes bras, sentant le monoï qu'elle portait sur la peau. Elle continua à pleurer, et à mouiller mes bras, en silence. Pendant minutes, quelques dizaines de minutes, nous restions là. Moi veillant sur elle et sa peine, alors que quelques minutes plus tard, nous retournerions à cette soirée festive, où nous nous replongerons dans le brouhaha d'une soirée mémorable. 

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