Rotterdam

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Il y avait les soirées au Bed, première douche au champagne, premiers bad trip à force d'avoir trop fumé, perdue dans les rues de Rotterdam avec un inconnu. Il y avait les lendemains, complétement défoncée en cours, à essayer de suivre ce que le timide et charmant Daniel expliquait, imperturbable. Je n'écris pas pour me souvenir, car ces instants ne sont même pas des souvenirs. Ils m'ont forgé, ils sont ce que je suis.

Il y avait ces lettres lumineuses que j'ai juré de me faire tatouer un jour: I have to change to stay the same, qui résument tout, ce panneau que j'adorais fixer quelques instant dans la nuit, en rentrant sur mon vélo, le vent fouettant mon visage enivré d'effluves de cocktails offerts au Blender, quartier général de notre bande.

Il y avait des gens merveilleux. Dans notre bande, on venait des quatre coins du monde, et c'est ce qui nous rassemblait. Une belle australienne un peu névrosée, une française un peu innocente qui s'épanouissait un peu plus chaque jour, un soleil indonésien un peu frimeur, un coureur de jupons hollandais au cœur tout triste, un nounours turc avide de câlins, et un papa pas très responsable mais terriblement sexy. On était tous tellement différents mais tellement ouverts. Il y a eu des engueulades, des cœurs brisés, des coups bas, des nuits d'amour, des shots de téquila à s'y noyer dedans, des cigarettes à moitié fumées, des câlins, des baisers, des larmes, du sexe, des danses enflammées, des verres de champagnes, de l'amitié, de la jalousie, des anniversaires, mais ce qu'on faisait le mieux, c'était faire la fête, et rire, rire jusqu'à en perdre la tête.

Il y avait cet appartement avec vue sur toute la ville illuminée, les buildings si grands, si imposants, si beaux, la cuisine avec les éclairages multicolores qui me donnait l'impression d'être dans un film, il y avait les chansons de R'n'B que j'ai appris à aimer à l'usure, et Justin Bieber, le balcon, sa table en bois et ses mégots, et moi qui rêvait de rester là pour toujours...

Il y avait mon lit et ses draps rouges qui ont vu défiler quelques hommes, mon adorable Nico qui m'a dit "You're so fucking sexy" lorsqu'il a m'a déshabillé pour la première fois, l'autoritaire Charles qui m'appelait Sexy French Lady et qui m'a détraquée le cerveau pendant plusieurs semaines, et d'autres hommes tous aussi charmants les uns que les autres.

Il y avait cette architecture, remplie d'Histoire et tellement nouvelle en même temps, les maisons faites de briques rouges mêlées aux gratte-ciels immenses, et je regrette de ne pas avoir pris plus de clichés de ce mélange d'écorchés, de cette envie de se reconstruire au delà de tout. Rotterdam est une survivante, à mon image, je crois que c'est pour ça que je m'y sens bien.

Il y avait quelque chose dans l'air, quelque chose qui vous rend heureux, qu'il pleuve ou qu'il vente, tout va bien, quoiqu'il arrive. J'admirais le fleuve en face de ma fenêtre, les canaux, les innombrables et magnifiques bateaux amarrés ici et là, et ça m'apaisait, et la musique dans mes oreilles me rendait heureuse. J'étais bien.

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