Sauvages ; libres.

Gabriel Meunier

Il n'y a pas que les chiens qui sont tenus en laisse. Le couvre feu installera tout le monde devant l'entonnoir.
Un matin de septembre elle est partie à l'hôpital. Son compagnon avait déjà plié boutique. Je m'étais engagé à nourrir les chats.
Les onze chats.

Affolement au début ; ça grouille. Lequel servir en premier ? Un quart d'heure plus tard, les estomacs pleins, on devient philosophe.

Les jours, les semaines et les mois suivants m'ont appris à distinguer leurs traits de caractère, sinon leur psychologie.

Un abîme entre Zorro, toujours en retard, pressé, jamais assez de câlins, capable de flairer de loin le bon du mauvais, et Chatchat, placide gardien du temple, qui vient chaque fois à ma rencontre...et me raccompagne même à la voiture lorsque la pièce est finie.


Onze chats, de tous âges, de toutes races qui partagent ce lieu en bonne compagnie. J'ai même fini par conquérir et caresser les fiers Birmans, les Chartreux et Zorro ; plus de mal avec le Siamois.

L'hiver est arrivé, avec des petits matins dans le brouillard, la pluie, le froid ; personne n'a le moral. J'ai l'impression qu'ils me demandent des nouvelles de leur patronne. Il n'y en a parfois qu'un au début, puis ils arrivent peu à peu, prennent place sur le perron, sous le banc, sur le bord de la fenêtre. J'essaie de les tranquilliser ; parler d'une façon monocorde, pas de geste brusque. Si une gamelle est heurtée, c'est la débandade.

Un matin, la neige est venue. Ce fut leur Noël. Courses-poursuite, cache-cache, bonds de joie ou de peur feinte... Des jeux d'enfants, en somme. Il me faut repartir, les laisser seuls, la maison est isolée ; dur dur. Leur patronne ne reviendra sans doute pas; que vont-ils devenir ? Nous ne pourrons pas continuer un an. Les faire adopter ne sera pas simple.


Lent retour à l'état sauvage. Sauvage, et vulnérables, mais libres.
Ce que j'ai appris est moins important que ce qu'ils ont perdu ; une laisse - invisible mais réelle - terrible et efficace, les maintenait dépendants.
  • Tant de chats, tant de caractères si différents. Ce siamois si sauvage et pourtant il paraît que cette race est très bavarde !
    Un bonheur de les voir arriver chaque matin, mais quelle angoisse en même temps. Que vont-ils devenir ? Moi, je n'en ai qu'un et si il m'arrive quelque chose un jour, je sais qu'en accord avec l'association qui me l'a offert, il retournera dans sa famille d'accueil. D'ailleurs, c'est un chat qui s'adapte partout où il va. Je suis donc rassurée.
    Un texte très émouvant !!

    · Il y a plus de 3 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Merci Louve ! On peut aimer les animaux ET les humains

      · Il y a plus de 3 ans ·
      Autoportrait(small carr%c3%a9)

      Gabriel Meunier

Signaler ce texte