Sédition des crêtes

Christian Lemoine

Les vastes plaques de roche nue se rappellent le souffle des hauteurs, les verticales des parois derrière le gris bleuté du torrent élargi en son fond de vallée. Aussi, à portée des lignes de faille, dans l’escalier des couches lithiques, l’éclair d’un sourire éclatant de neige immaculée. Il faut s’en méfier, de ces images repeintes. La matraque du soleil vitrifie l’air, disperse devant les ombres un tulle vaguement brumeux. L’écrasement de la chaleur renverse les perspectives, et les aiguilles n’aspirent plus à susciter l’ascension mais s’abattent dans la canicule. Ne chante plus là-haut la fraîcheur des altitudes. L’atmosphère enflammée ne peut plus enfanter la promesse de l’espace infini où ne vibre ni chaleur ni lumière. Le haut pic sans végétation, pierre abrupte, semble brûler comme la margelle d’une cheminée. Les grands sillons livides dans la roche s’affichent comme autant de balafres saignées à blanc. Été d’incendies. Bientôt les roches tomberont du plus haut des massifs, dessoudées des glaciers étrécis. Elles broieront les chemins, emporteront les falaises. Les cimes brisées plongeront dans les vallées pour écraser les villes et la prétention des hommes.
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