Sexy Bluette

Christian Le Meur



Phase 1: Bla bla stage

Ennuyeux, Inter...minable ce stage de formation fourre-tout au contenu approximatif et son intitulé portemanteau «conception/ financement/ production/ rentabilité ». Une incitation sournoise à rester cloîtré chez soi et à s'abâtardir le cerveau dans l'intégrale de la série «Les Feux de L'amour».

J'implore une nouvelle fois ma montre pour qu'elle accélère le rythme des aiguilles, mais la précision horlogère est impitoyable; le temps demeure figé. J'en viens à penser que cette salle de réunion est en réalité un vortex qui m'aspire cellule après cellule dans cette dimension parallèle où la durée se distend dans un infini abscons.

Au secours ! Sortez- moi de ce piège.

- Puisqu'il n'y a plus de questions, nous gong-finalise enfin notre gourou , je vous dis non sans une pointe d'humour «à demain, si vous le voulez bien!.»

Apocalypse Now!!! Ginette Pipelette , la bredine du groupe qui pose des questions dont elle connaît déjà la réponse, lève le doigt.

… Pitié!rien ne me sera épargné. Pourquoi un tel acharnement. Ginette, mon sucre d'orge aromatisé à l'eau minérale, prête l'oreille et écoute mon humble fessier, il n'en peut plus d'être comprimé sur cette chaise.

- A quelle heure ça commence demain?

Soulagement suprême ou faveur des astres, sans attendre la réplique de notre bonimenteur, la populace s'efface.

Sentinelle vigilante ma petite voix intérieure me ramène sur la terre des réalités . Ce soir je m'inflige la torture des néo-flagellants étiquetés cadres dynamiques: une nuitée hôtelière en solitaire.

Je vais passer la nuit sans la chaleur bienfaisante de ma couette et la bienveillance de mon oreiller mémoire de forme. Toutefois je me suis accordé une petite compensation en apportant mon sachet de potion chamanique. Une concoction élaborée en me référant aux prescriptions scapulaires de la grande prêtresse Rika Zaraï: Camomille. Un sachet de félicité qui me rendra plus supportable cet intermède de désespérance à venir.

J'intègre la horde des stagiaires épuisés , laminés , migraineux qui cheminent lentement et mécaniquement vers la sortie lorsque, soudain, une voie sensuelle comme émanant des cieux, m'interpelle:

- Vous aussi vous dormez à l'hôtel ?

- Euh, euh oui susurré-je timidement.

La sublime et divine créature qui vient de m'apostropher, ce n'est pas Ginette Pipelette ni même Dame prude et quête d'émancipation! Non! Cette étoile qui scintille dans l'infini du firmament reflète la féminité incarnée, un aimant à mec, un rayonnement qui vous liquéfie les neurones et vous transfère le cerveau direct dans les testicules . Bref, comme le braillait avec tant de talent et de conviction notre grand poète Johnny « Ah que Cette fille là mon vieux ,elle est terrible! Rock an roll».

- Ça vous dirait que nous dînassions ensemble ce soir ?

- Euh,... euh oui! balbutié-je en vibrato glotteux

- Disons sept heures trente «Chez Raymond Pied de cochon».

Je reste planté là, dubitatif, le groin sniffant l'air, les bras ballants, le visage défiguré par ce rictus de béatitude si spécifique aux élus entrant en relation avec la grâce .

Pourquoi moi? Circonspection et réflexion. Si Ginette bredine vient elle aussi accompagnée du beau gosse, body-buldé huilé genre premier de la classe, j'en déduirai que ces deux loustics nous ont perfidement sélectionnés pour «un dîner de cons». Méfiance!


Phase 2: 19 H 15 «Chez Raymond pied de cochon»

En aparté et pour les gourmets je vous dévoile la spécialité du père Raymond. Il l'affiche en lettre d'or sur le menu: Pied de cochon pané servit avec son sabot d'ongulé accompagné d'un chou farcis à la purée de marron confit dans une sauce d'échalote au beurre salé . Il va de soi que cet aréopage Rabelaisien vous mettra la tripaille en liesse et que votre rectum vous jouera du trombone .


Un quart d'heure avant l'heure dite je m'aventure dans cette taverne rustique aux odeurs rustiques, au décor rustique occupé par un couple de tenanciers du terroir.

Je suis le premier. J'informe Ténardier mâle qu'un groupuscule de trois ou quatre convives accompagnés d'une sublime invitation à l'exaltation de la libido doivent me rejoindre et que nous commanderons mets et ripailles à leur arrivée.


Vers huit heures la porte s'ouvre, les conversations s'interrompent, les bellâtres font une poussée de testostérones, la gente féminine se renfrogne et s'en-jalouse , le maître de la gargote accourt et se génuflexise en moultes courbettes .

Dans le clair-obscur du porche la silhouette de ce joyau à talons hauts sublime la voûte caverneuse; mon Oréade est seule. Elle s'entretient un court instant avec le tourmenteur de Cosette qui, après réflexion et une once de déception, dirige son index dans ma direction.

L' élégante pavane sa démarche chaloupée dans l'arène, déposant dans son sillage un halo de séduction, un ouragan de sensualité et de convoitise. Il suffirait qu'elle libère une simple fragrance hormonale pour qu'aussitôt la meute des matous en rut qui hante cette taverne se livre un combat sans merci dans le but d'obtenir les faveurs de la féline.

Je me lève de ma chaise rustique, l'invite à s'assoir sur sa chaise rustique, et je reprends ma place.

- Vous êtes seule? hasardé-je

Son joli minois juché sur un long cou fin se désarticule de trois cent soixante degrés pour explorer les lieux .Puis, avec ce sourire taquin cultivant l'art de la cachotterie en jupon, elle me rétorque «Faut croire que oui . Déçu?»

Je contemple ses lèvres charnues et pulpeuses qui m'incitent à la damnation. Je projette ma contemplation dans son décolleté panoramique qui pervertit mon esprit dans un maelstrom de fantasmes à faire rougir le plus impétueux des bonobos. Déçu? alors que ce présent du père noël m'offre la féerie de la nativité en plein mois de mai, avec la guirlande qui clignote et les boules qui scintillent.

Que puis-je faire? Parader, imiter le coq et porter haut le jabot, la crête écarlate.

Ou imiter la race des seigneurs et prendre le risque de courtiser pareille poulette. Par expérience je sais que ce défi de galanterie est réservé aux téméraires, aux exaltés des missions impossibles, à ce type de compétiteur capable de gravir l'Everest en tongs, chemise hawaïenne et sombrero sur la tête.

Personnellement je me contente de slalomer entre les icebergs pour éviter de sombrer dans le ridicule. Je limite mon champ de vision à la courbure mon assiette et à cet horizon qui se dévoile juste au-dessus de son front sublime. .

Grâce à ce stratagème, je parviens à discourir sans bafouillage ni pédanterie sur la banalité du quotidien. Le repas se déroule agréablement et, cerise sur le gâteau, elle insiste pour payer la moitié de l'addition.


Cheminot cheminant, clopin-clopant, nous rentrons à l'hôtel.

Malgré cela, tout au long du chemin une question me taraude, me tourmente: Pourquoi moi? Mais pourquoi moi? Peut-être apprécie-t-elle mon côté ‘dandy... dandy cool ‘


Phase 3: l'hôtel « Édredon et Polochon »

Dans le hall;

- Moi: merci de votre diligence, j'ai passé une très bonne soirée.

- Mon Aphrodite: La soirée ne fait que commencer et si tu es d'accord, cette nuit , je te confisque ta clé.

En guise d‘acquiescement mes joues prennent la couleur des lampions de bal musette, mon cœur tachycardise et mes pensées me submergent par flots contradictoires à un rythme stroboscopique.

- Ma déesse : ( plaçant délicatement ses phalanges sur mes attributs) par contre bel étalon ,je te préviens : je n'apprécie que moyennement les figurants prétentieux qui se complaisent dans le court métrage.

Étant averti nous pénétrons dans le lupanar des voluptés, à savoir sa chambre, la même que la mienne.

«Mets- toi à l'aise » m'invite péremptoirement ma doucereuse avant de disparaître dans la salle de bain.

A l'aise, à l'aise, vite dit quand le tensiomètre vire à l'alerte rouge.A la grande époque de l'amour courtois, la besogneuse, la petite main, l'épépineuse de groseilles appréciait le court métrage parce qu' elle le savait suivi d'un entracte. Un intermède sucré salé durant lequel son galant déposait à ses pieds: chichi, chouchou, magnum. Une collation nécessaire avant d'attaquer le long métrage format cinéma-scoop, haut en couleur, son stéréophonique avec si affinité, ambiance péplum.

Dolce vita , savoir gourmand. Mais ça c'était avant l'ère de l'automatisme hydraulique, et de l'orgasme garanti puisqu'inclus dans le forfait.

Ma naïade émerge de sa pièce d'eau, et là, ma mâchoire se décroche, ma langue choit au sol et mes yeux s'en servent de toboggan pour atterrir sur la moquette. L' intrigante est nue, sans même un voile de pudeur, jusqu'au fauteuil et avec une désinvolture qui me laisse béat, elle gambille son corps athlétique et sculpté pour le désir, ses fesses hautes , sa poitrine galbée .

« Oups, c'est froid!» s'acoquine-t-elle en y déposant son joli petit derrière.

Penser à autre chose, se focaliser sur le néant , fixer son attention sur un leurre . Et là, trahison de mon subconscient Freudien, la seule image qui s'impose à moi c'est le personnage de Luky Luke. Dans mon esprit l'affolement est total, le combat titanesque et soudain, Eurêka! l'échappatoire, l'antidote à vous faire puceau à vie ,tata tape-dur de son vrai nom Germaine Taloche la terreur des mouflets, boutiquière acariâtre chez qui , petit et tout mignon, j'allais acheter ma ration de bonbons. La mégère en bigoudis,emballée dans sa vieille blouse rose tannée et chaussée de ses charentaises, plongeait ses gros doigts boudinés , aux ongles négligés dans les bocaux de friandises et en extrayait qui un malabar qui un carambar tout en éructant dans un gargarisme bronchiteux, «encore quinze centimes , dépêche toi j'ai pas que ça à faire».

Ma prêtresse fouetteuse sangles et latex me titille-lubrique en écartant les jambes.

Je subis cette grivoiserie déloyale en apnée totale. Si je veux préserver ma dignité de mec, estampillée (vrai mec), il faut que je dépressurise la tuyauterie et régularise la dynamique de mes fluides internes.

Je tente l'ultime protocole, la botte secrète que m'enseigna jadis un grand maître du bushido .

- Le vénérable: petit ushi daeshi , concentres -toi sur ton Ki qui aussitôt te fera disparaître tout entier dans une sphère zénitude.

Mais toujours le même air dans ma tête: Pourquoi Moi? Oui pourquoi? A-t-elle succombé à mon fluide cosmique, à mon ancrage tellurique . Mystère.


Phase 4: Entre Nimbostratus et cumulonimbus

Parvenu dans un état d'apesanteur lévitique je m'extirpe de la nasse, j' apprivoise mon impatience dans ce refuge onirique qui est désormais le mien. Je contemple son visage, du bout des doigts j' effleure le soyeux de ses cheveux et m'enivre des effluves florales de son parfum. La couleur de ses yeux me renvoie vers des mondes extraordinaires,des mondes de couleurs et de lumières . Dans son regard miroir je découvre le visage d'un homme heureux , heureux d'être là, apaisé, heureux d'être ensemble.

Je lui avoue mon ressenti , elle sourit ,m'enlace et m'embrasse.

Je réponds à ses élans de tendresse qui transforment le temps en sensation frivole lorsqu'elle enlève lentement chacune des dentelles de pudeur qui drapent la galaxie de ses charmes.

En caressant la texture ferme de ses mamelons, je replonge dans ce cocon protecteur où l'exil se teinte du charme discret de l'étreinte, de la nostalgie de l'insouciance. Je me rassasie des saveurs d'un temps oublié, je m'unis à la chaleur de sa peau de soie et de vanille.

Enfin libéré, je repose ma tête sur son ventre et j'harmonise ma passion aux palpitations de son cœur, je berce mon âme dans le va-et-vient de sa respiration. Mon regard se perd et s'oublie dans la contemplation bienheureuse de son duvet pubien pendant que ma main se hasarde sur le chemin de son intimité révélée…

… Ben alors! Tu rêves Herbert!


Phase 5: Pouet Pouet galipette

Petite chipie: Sors ton kamasutra car j'aime tout ce que la morale réprouve

Moi: Va de rétro pécheresse ! Pour t'épargner la damnation il te faudra moult et moult fois allumer mon cierge

Maintenant j'en suis certain elle m'a choisi pour mon humour truculent et mes gauloiseries de bon aloi

Je m'approche de cette épicurienne qui d'un geste naturel et peu farouche, libère de son étroite boîte à malice mon diablotin farceur.

- Ma concasseuse de glands : Oulà quelle surprise !! phénoménal !!!

- Moi dit «M»: ça t'en bouche un coin

- Ma croquignolette : Quand on possède un monument pareil, on le montre, on l'exhibe, on en fait profiter la populace. Si tu permets je vais l'immortaliser sur le mur de mon facebook , ça rendra jalouses les copines.

- M dit le maudit: Si ce tatouage te plait tant que ça , je te donnerai l'adresse du Michel Ange de l'épiderme qui me l'a dessiné .

- Ma buse au regard perçant: J'te le lis moi, miel! c'est du gâchis; un truc aussi classe, ça se place sur le bras, pas sur le haut de cuisse …


...Un moustique passe, puis un deuxième et Vénus attaque.

-Moi: A. oh! ah-vant que mes acquis linguistiques ne ou-là ou-là se ré d-oui -sent au gloussement du coyote , Pourquoi, oh oui oui ouiiiiiii Pourquoi pourquoi moi ?


Se décongestionnant les mandibules et relevant sa petite frimousse , d'un ton espiègle qui sied à sa prestance ma bateleuse me sort:

- Parce que pendant le stage ,j'avais jeté mon dévolu sur une sélection de trois mecs valables mais manque de chance ils rentraient tous chez eux. Alors comme on dit par chez moi : si tu ne peux pas manger le poulet, contentes -toi des œufs . J'ai donc puisé dans le tout venant. Et là, l'ami, bingo pour tes grelots, t'as décroché le gros lot. Alors heureux?

Immersion brutale en Arctique au royaume des manchots escortés par des krills et des planctons .

Entre les serres griffues de cette harpie maléfique, mon mât de chêne royal se métamorphose en gaulette de saule pleureur. Fissa je remballe la marchandise et la tête haute je bas retraite dans ma tanière.

Ce soir ce sera camomille et au lit.


Phase 6 : Proverbe ( Mieux vaut que-tard que jamais )

Couloir faisant, je tombe sur Ginette Piplette qui erre en peine, voûtée par le fardeau de sa solitude.

Je lui souris, elle me sourit . Suivent les préliminaires d'usage et de politesses enrubannées de fadaises et autres fariboles qui nous mènent jusqu'aux violonades .

Je: Nous pourrions peut-être poursuivre cette courtoisie dans ma chambre, autour d'une tasse de camomille.

Ginette la guillerette prend la couleur rouge vif des pommes d'amour et du bout de ses lèvres gourmandes elle m'offre un oui !bien sucré.


Notes:

Ushi deshi : En japonnais : uchi : la maison Deshi : le disciple .Peut se traduire par : le disciple qui vit dans la maison du maître

Ki : l'énergie de vie

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