Songe d'un après-midi d'été

menestrel75

sous la chaleur des pensées en folie
Où suis-je ?
La pénombre d'un après-midi d'été...
Lumières aux senteurs d'herbe séchée, de jasmin à travers les persiennes d'une fenêtre mi close.
Les mille petits bruits de la nature qui sieste au soleil ou à l'ombre, selon si l'on est lézard ou lapin...
Les multiples sensations qui vous font sentir bien, que rien ne bouge mais que tout est vivant, dans ce paradis oublié.
 
Je ferme les yeux pour mieux ressentir... mais je les ouvre, curieux, où suis-je ? Où me mène ce songe ?
 
Et de la fenêtre protectrice mais ouverte sur le monde, mes yeux vont de droite à gauche :
écritoire où repose un cahier épais ouvert, laissé là depuis peu de temps, à en croire le feutre de couleur lie de vin...
Un bouquet dans un vieux pot qu'il me semble reconnaître. Mais non... à moins que...
 
Un ronronnement... Je souris. J'aime cet endroit.
J'aime qu'Ariane suive des yeux les arabesques de mon feutre. Une tasse est posée là, à moitié pleine.
On devait donc revenir. Mais peut-être est-ce moi que ce cahier attend ?
Suis-je dans une de ces maisons que j'aime à louer pour l'été ? Pourtant, je ne sais pas, je me reconnais sans me reconnaître tout à fait ?
 
Mes yeux se lèvent du siège près de la petite table où ils s'étaient posés un instant, remontent.
Tiens un dico ? On dirait mon premier Larousse ? Mais où suis-je ? Dans un rêve éveillé sans doute.
Ou dans les réminiscences brûlantes du passé.
Oh oui, je me rappelle si précisément…
Elle portait ses mains à son cœur qui s'était mis à battre...
Sous la douceur du tissu léger d'une robe d'été aux couleurs douces, elle sentait vivre son corps.
 
Quelque chose derrière moi capte l'attention aiguisée de mon esprit et, doucement, très doucement,
dans un moment suspendu aux mille perceptions libérées une à une,
comme des petites bulles de savon ou de lave crevant son magma, respirant doucement à la surface d'un volcan, je me tourne...
 
Un sofa contre un treillis en fer forgé montant à mi-hauteur, une petite table en bois rustique, une lampe aux couleurs passées, un livre...
des coussins sens dessous dessus et dessous, dessus, une silhouette qui fait se bouger un coussin posé sur la poitrine.
 
Mes yeux remontent... sur un cou ? Un autre coussin cache à moitié un visage, les yeux, ne laissant entrevoir que des boucles collées par la sueur sur les tempes...
Déjà je me sens fondre.
 
Je laisse mon songe me guider sur ses fantaisies. Mais comme souvent, je sais que je pourrai décider de son évolution selon mes fantasmes ou mes désirs...
 
Et cette forme-là, étendue, à moitié recouverte par les coussinets, la serviette de bain, m'est quelque peu familière.
Une cuisse découverte très haut, musclée et longue, ne serait-elle pas cette jambe couverte de mes baisers, brûlants,
par un après-midi de sieste, semblable j'en jurerais tellement par ces quelques poils si féminins à la teinte et au dessin connu.
 
Envie. En vie... 
 
Ne pas réveiller cette émouvante féline qui dort.
J'avance d'un pas mais arrête mon élan. Une paupière a frémi ?
Je distingue mal dans cette pénombre aussi protectrice qu'elle me conduit à des rêves inavouables.
Mais qui me demanderait d'avouer ?
A part elle... à ce moment précis où je me rendrai près d'elle...
Car c'est elle...
Illustration Musée RODIN
Signaler ce texte