Sorcière ou magicienne

redstars


Des émotions à bras ouverts, qui m'embrassent et me hantent en douce, sans cesse sur mon dos.

Je regarde tomber les oiseaux depuis mon trône de nerfs, de nerfs en pelote, pelote de bile, de suie et de cendres...

 

Tout est si fragile, je m'en rends compte. J'observe doucement autour de moi, et j'ai envie de disparaître du tableau. Gommer ma place avant l'heure, rayer mon visage au feutre indélébile, racler la peinture. Les gens sourient sous le cadre doré, et moi. Moi je m'efface avec ma gomme magique, j'ôte les contours, je découpe ma silhouette, je me noie dans l'encre de Chine.

 

Je ne suis plus que la violence des émotions qui me submergent. Je suis une carcasse écorchée vive, déposée là par hasard, parce que je ne pouvais plus avancer. J'aimerais parfois retrouver les draps blancs et les murs protecteurs. Les autres fous qui déambulent d'un pas lent. Et me sentir bien à leurs côtés. Et ne plus vouloir sortir de l'établissement Gardez votre réalité, je suis très bien loin d'elle. Et ne venez pas m'en extraire, ou je soufflerai sur vos cierges…

 

Je perds la boule, la tête, et tout le reste aussi. Parfois je regarde les boites de médicaments, en vrac dans plusieurs sacs, clefs d'or du monde des fous et du charbon qui viendrait les contrer si par hasard ou par folie je mangeais toutes les pilules, affamée. Parfois je regarde la lame tranchante, en manque de sa douceur, ou les ceintures grouillant à terre. Parfois j'ai envie d'un dernier saut de l'ange au crépuscule, sans trop savoir pourquoi… ou peut-être bien que si, justement. Un mélange d'épuisement, de lassitude, de dépit. Un cocktail explosif, parce que tout cela m'ennuie. Je regarde de l'autre côté de la fenêtre, un peu ailleurs, un peu perdue, à la recherche d'un avenir.

 

Et puis, je reviens sur terre, et puis, l'espoir est toujours là, même si je ne le comprends pas toujours. Même si parfois je le déteste profondément. Mais le fait est qu'il est là. Mais le fait est qu'il brûle en moi, et c'est sans doute grâce ou à cause de lui que je suis toujours ici et là, nulle part et partout à la fois.

 

J'écris plus par besoin que par envie. Des mots jetés là au hasard, jetés là comme la vaisselle que je casse parfois. Les amitiés se font rares et se dénouent, ou est-ce les chemins qui diffèrent, alors je m'accroche aux dernières branches sèches, qui ont un bruit d'os lorsqu'elles cèdent.

 

Je m'accroche, je parle, je me confie, mais c'est à croire que les blouses blanches n'écoutent plus, ou ne me prennent plus au sérieux. Je continuerai de me battre avec pour seule arme des mots qui à force d'être répétés, ne veulent peut-être plus rien dire. J'avale mes petites pilules, celles qui dit-on régulent mes humeurs mais aussi tout ce qui m'est cher, la création qui s'atténue tout autant. J'écris ce qui vient et l'inspiration me manque. Ma muse est morte, brûlée vive, un doux matin d'été. Je l'ai vue s'enflammer, j'ai senti l'odeur de son corps cramé et dévoré par les dernières étincelles.

 

Je vis. Je crois. J'essaie. Je ne sais plus, ou pas. Mais je vis, en attendant mieux.


Signaler ce texte