Sourdingues

Hervé Lénervé

Nous, les sourds, on n’entend pas tout.

Je ne parle pas des sourds qui n'entendent rien du tout, les veinards ! Je parle des autres, qui à cause de l'âge et du hard rock ont perdu les hautes fréquences, même en modulation.

Comme il est chiant de toujours tout faire toujours tout répéter, nous les sourds, on se démerde. On bricole, on reconstitue les mots manquants. Nous en avons pris l'habitude, nous excellons dans cet art de la « devination ». C'est un sens développé sur le sens de la phrase.

Un exemple, car on comprend mieux par un dessin :

Hier, une tendre et chère relation qui avait une mine tristounette, me susurre à l'oreille. La belle affaire, c'était ma pire : 

-         Je suis en peine, mon mari, m'a quitté pour une fille, ce matin.

-         Un de perdu, dix de retrouvus, ma chère !

Je n'étais pas fier aux obsèques.

Il faut dire que la méprise était subtile avec la phrase originale : « Je suis en peine, mon ami, ma fille m'a quitté, ce matin. »

Oui, des fois, la surdité intermittente n'est pas un spectacle.

J'ai un pote, comme moi, dur de la feuille, mais lui c'était par accident, donc cela compte moins. Lui, il ne s'emmerde pas, pas compris, il répond par sa phrase passe-partout : « Ça dépend du vent ? »

Sa technique a des avantages, mais connait aussi quelques déboires.

Un autre dessin pour comprendre :

-         Mon chéri, m'aimeras-tu encore quand je serai vieille et laide ?

-         Ça dépend du vent ?

Elle a pleuré, bien sûr ! Bien sûr, il n'y avait pas un souffle de vent avec cette canicule.

Vous avouerez, quand même, tout bien entendant que vous êtes, peut-être, que certains mots prêtent à confusion euphoniquement. A se demander si cela ne serait pas fait sciemment.

Par dessin :

Acculer… nyctalope… pédalo… (Complétez la liste, je suis en panne de sens.)

La panne subite de l'écrivain, se traduit par une panne blanche.

Allez, un croquis :

Bof ?

Ouais ?

Pfeuh ?

FIN

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