Ta terre ... et ses fantômes

Louve

Les genoux écorchés ...

Quand tu es d'un pays, quand tu es d'une rue

Tu y reviens toujours, c'est fort comme un aimant

Qui t'attire à la terre que tu avais perdue.

Tu as le coeur qui bat, car tu sais qu'elle t'attend


Et soudain, elle est là, tu la frôle de pas

Se souvient-elle déjà de tes vertes années ?

Oui, elle te reconnaît et te prend dans ses bras

Comme pour consoler tes genoux écorchés


Et voilà la fontaine qui t'accueillait, jadis.

Au creux de son doux ventre, à présent, si rouillé

Ecoutant tes chansons, silencieuse complice

Berçant ton corps d'enfant, dans les doux soirs d'été


Assois-toi un instant près de sa bonhomie

Et laisse-toi aller en son coeur, comme avant

Tu peux fermer les yeux, et de loin, de l'oubli

Jailliront en étoiles les souvenirs d'antan


Tu revois, toute émue, les fantômes de ceux

Qui ont peuplés tes jours, façonnés ton envol

Vers cette vie future, en te donnant un peu

De toutes ces valeurs, attachées à ce sol


La maison, le jardin, où s'accrochent encore

Les rires et les colères, d'il y a cinquante ans.

Sur le pas de la porte, une fille bouclée d'or

Contemple ses trésors dans la boîte en fer blanc


Non loin, sous la tonnelle, dans ses tabliers gris

Elle flotte, transparente, si fragile témoin

D'un temps, où son sourire embellissait ta vie.

Grand-mère qui savait, guérir tous tes chagrins

Cher visage, si doux, aux nattes bien tressées

L'entourant sans défaut, sans un cheveu follet

Diaphane, sans couleur, tristement émacié

Mais où brillait encore ce regard qui t'aimait


Ils sont tous là, tous revenus pour toi, ils flottent

Souvenirs douloureux : ils ne sont plus de chair

Parents, voisins, amis, ils glissent sans révolte

Dans ton coeur, sur ta peau. A tout jamais ils errent


Et galoches qui sonnent sur le sol torturé

De ces matins glacés, dans la campagne nue

Etés noyés de blés, de coquelicots semés

De luzerne coupée, embaumante sous la lune


Et tu ne peux rouvrir tes paupières, t'arracher

A ce sol, qui t'a si bien cueillie, façonnée

A tes chers disparus, à l'enfance envolée

Qui ne reviendra plus, mais qui t'a tant marquée


Et tu remontes encore le flot de souvenirs

Qui déferlent en toi, en capturant le temps.


Tous ces bruits, ces parfums et ce ciel qui t'attire

Regardé à l'envers, le nez dans les lys blancs.

Signaler ce texte