Taupe prédatrice aveuglément

Jean Claude Blanc

un mal pour un bien, ces bêtes qui certes détruisent les vermines de nos jardins mais labourent "en même temps " le territoire ; fable qui m'évoque certains comportements humains, pas vous?

                    Taupe prédatrice aveuglément

S'embusque une taupe en mon jardin

Pas une espionne, n'y voit pas bien

Dotée d'ouïe et d'odorat

Sachant roublarde choisir sa proie

A en constater les dégâts

Nombre vers de terre, simple festin

Que pour s'emplir l'estomac

 

Vraiment utile comme nuisible

Pourvu que je n'en sois pas la cible

Naturellement manque de goût

Sous ma pelouse creuse des trous

Tas de monticules rejetés partout

Qui sous la pluie se changent en boue

 

A peine 100 grammes, 15 centimètres

De ce gros boudin, n'en suis pas maitre

S'en donne la peine, madame sans gêne

En ses galeries souterraines

Entasse sa bouffe, cupide reine

 

Pousse de son nez, mottes de luzerne

Gratte en silence dans son sous-sol

Ne risque pas perdre la boussole

Se joue de moi, vieille baderne

Qu'en vain des plombes, je lanterne

Pour la saisir, faut être mariole

Près de 20 mètres en un seul jour

Qu'elle dégage sur son parcours

Puissantes griffes, pas les doigts gourds

Un véritable bulldozer

Transforme mon pré, tranchée de guerre

 

Maligne fouisseuse, lâchement se cache

Pour l'attraper, franchement macache

Juste au sortir de l'hiver

Que demoiselle célibataire

Pond 4 petits, nommés mystères…

Va pas s'enticher d'un mari

Certes la vue basse mais avertie

Jalousement bâtit son nid

Car par elle-même, mieux servie

 

N'empêche que bougnat paysan

M'incommode copieusement

Au point que mes champs, couverts de volcans

N'y récolterai que du chiendent

 

De l'en chasser autre paire de manche

Face au danger, jamais ne flanche

En labyrinthes à l'étroit

Craint pas le gèle ni les chats

 

Selon les coutumes de mes anciens

Qu'obligeamment, je les respecte

Faut pas les tuer, ces fortes têtes

Sûrement un mal pour un bien

Pour liquider tous ces insectes

Elles-mêmes gagnantes, plus crève la faim

 

Mais devant ma turne, c'est abuser

Venir ici, cette mal élevée

Y ériger son garde-manger

Mon pas de porte plein de saletés

 

Sait plus comment me débarrasser

De cette clandestine camouflée

Qui détruit tout sur son passage

Par chance l'effraye cette sauvage

Lorsqu' à l'affût, planté sans bruit

N'étant pas sourde, de suite me fuit

 

Pour la flinguer, très compliqué

Y'a le poison, le gaz, les fusées

Pas dans mon genre, tortionnaire

Me restent les pièges, ressors de fer

Coupée cabèche sûre de mourir

Sans en souffrir le martyr

Pas d'autre choix, que prendre patience

L'attendant ferme, cette putain

Avec ce qui me tombe sous la main

Râteau denté, meilleur moyen

En une seconde, percée la panse

De cette musaraigne, peau de chagrin

 

Seulement pas conne, se lève tôt

Tandis que roupille mon cerveau

Se dépêche, profite, se gave d'asticots

Dégueulassant tout mon terrain

Anonymement, sans le moindre témoin

 

Pas de solution à ce problème

S'en contrefiche, si discrète

(Genre d'OSS 117)

Star culottée se met en scène

Hélas pour moi, triste vedette

 

Désormais la laisse tranquille

Pourquoi donc, me faire de bile

Si je démolis son ouvrage

Comme elle ne manque pas de courage

Demain dès l'aube, nouvel outrage

Un champ de patates, vaste pacage

Comme marécage, après l'orage

 

Ne vit que 5 ans sauf accident

Mais suffisant pour procréer

Lui succède riche postérité

De la même race, bandes de gourmands

De ces instruits et initiés

Tout dans le flair comme leur maman

 

« Raison du plus fort, la meilleure »

Fan de La Fontaine lui pique cette fable

En l'occurrence, grand seigneur

A cette miraude, bête à poils

Daigne lui offrir ces vers… de bon cœur

 

A la retraite, plus de tourment

Bientôt la mort au tournant

La laisse faire cette myope

Sûrement fière et misanthrope

En fait du propre, même salope

L'environnement, comme du « destop »

Produit chimique, mis en stock

Pour que je la chope, mais elle s'en moque

Encore lucide pour son époque

 

Même muni d'un microscope

D'un émetteur, qu'envoie des ondes

Aucun effet, encore abonde

De ses instincts fait chier le monde

Pas morfondue, elle vagabonde

Même pas peur d'une bombe

Enucléée quelle bonheur

A ses lumières intérieures

Même si muette comme une tombe

Plus de vermines à la ronde

 

Qu'êtres humains, savants, chercheurs

Malgré leur air supérieur

Pas près trouver ces taupes sombres

Qui se tapissent dans les décombres

De cette planète de vers luisants

Se baffrant de ses excréments

Ecologistes, ça dans le sang

Pas hémophiles, que des cancans

Que prédatrices aveuglément

 

L'écosystème est à ce prix

Coule de source l'énergie

Ne s'agit pas le contrarier

Fait ce qu'il veut, peut pas lutter

L'homo sapiens en société

Bien au contraire doit s'y soumettre

Les animaux certes féroces

Ne se comportent pas en traitre

Ainsi la taupe roule sa bosse

Pour ameublir fertiles tertres     JC Blanc mai 2018

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