Tiges

Christian Lemoine

Fougères. Feuilles défroissées. Erotisme végétal de la tige dressée, celle-ci qui toise les feuilles mortes de l'hiver achevé. Ramure croquante du chêne. Cônes blanc cassé des toupets floraux aux floconnements des châtaigniers. Glissando délicat d'un souffle sur la canopée. Dans la foule pacifique des troncs, rien qu'une ombre qui fuit, bondissante, à l'approche pataude de l'homme intrus. Le plus souvent, elle est invisible. Elle peut être partout aussi bien que nulle part. Mais elle emplit les bois de sa vie devinée. Fougères. Mince tronc naissant, écorcé, saignant. Marques des incisives fines et tranchantes. Peut-être celui-ci ne s'en guérira pas. Une butte de terre, léger repli du sol, ici grattée, fraîchement retournée. Ce n'est guère une piste, un chemin qu'on pourrait traquer, rien autre que de maigres indices du passage d'une vie. Discrète. Fougères. Glands et châtaignes enfouis, marrons oubliés. Eclaboussures scintillantes au bout des balais hirsutes établis en résineux. Feuilles mortes déjà défaites et vaincues de pluies et de bourrasques. Et pépiements sonores, flèches tracées entre deux frondaisons. Un cercle de plus à la ronde concentrique des troncs noués. Le sol entre brun et jeune disparaît sous le vert. Fougères.
Signaler ce texte