Tribun

« Quoi qu'il en coûte ! » eûmes-nous à entendre, dit et répété, et sur tous les tons de la persuasion ; chaque principe articulé et précisément martelé, afin de nous convaincre, de vaincre les résistances et les craintes. « Tout sera fait pour être plus fort que le sort ! » et la foule assemblée pouvait se laisser bercer à la parole ferme et assurée de celui qui pérorait depuis la tribune. Devant l'affluence des habitants venus chercher les mots de la confiance, il avait fallu ajouter sur le tard dix gradins pour accueillir chacun ; mais surtout que chacun pût apercevoir de sa place cet ange antipathique, que nous considérions pourtant comme celui qui devait annihiler tous nos maux. Il charmait si bien nos oreilles, nous désirions tant entendre ces paroles que leur seule musique suffisait à nous plaire. « J'ai lutté dans la noirceur de la nuit la plus noire, assailli de démons venus pour me tenter, pour soudoyer ma chair », et nous étions rivés à sa silhouette, si loin là-bas sur l'estrade, mais sa voix apportée par les hauts-parleurs semblait ne parler qu'à chacun d'entre nous, « j'ai pu asservir mes tentateurs, faire de mes peurs une force », et nous applaudissions de joie, « j'ai réduit au silence tout ce que je voyais avant comme des défauts, mais encore et encore, tous mes complexes péris m'enténébraient encore », et nous frissonnions à ce récit comme si la lutte contée était présente et son issue encore incertaine, « jamais je n'ai cessé cette lutte, même au plus profond du doute, car me portait, plus forte que moi-même, la conviction que c'était là ce que je vous devais... » Le reste des mots se perdit dans l'ovation jaillie de toutes les bouches en extase.