Trois petites gouttes - LiLiTh(permier jet)
dimitrilobet
En fin de journée, Marianne se préparait à un rencart. L'occasion parfaite pour rappeler Ryan. Elle était là, devant la glace entre les deux fenêtres. Son chignon ne voulait pas lui céder satisfaction.
Véritable faucheuse des cœurs dans sa robe noire, elle s'admirait et corrigeait les derniers détails importants. Son à rouge à lèvres était épais, liquoreux, sans doute collant et au goût amer. Un rimmel gris cendré assombrissait son teint. Cette Marianne colorée et ample que j'avais connue disparaissait, à mon plus grand regret. J'aurais voulu qu'elle ne changeât pas, mais il était trop tard. Quelque chose s'était brisé.
— Quoi ? C'est le noir qui te déplaît ? Tu as raison, la rouge m'allait peut-être mieux finalement.
Je me contentais de la fixer, de ne pas inspirer le tabac froid qui émanait de ses vêtements.
Charbon, cuivre et putréfaction. Ça rentrait, ça sortait. Mes narines menaient une dure bataille.
Elle se vautra sur le fauteuil où je lisais le journal, le matin. Elle marquait son autorité. Ses pattes se croisèrent, un briquet grésilla et l'extrémité incandescente de la cigarette l'éclairait encore plus.
Le silence, qui embaumait toute la pièce, se densifia. Alors, je pris les devants.
— Tu me crois fou à lier, c'est ça ton diagnostic ?
— Je n'ai jamais dit ça, Marc. Tu devrais grandir, c'est tout. Elle tira une latte, cracha la fumée et ajouta :
— Tu es malade. Malade, je refusais d'entendre ça. Tu ne te souviens pas le coup du port ? (enfin, non tu ne t'en souviens peut-être pas). Tu veux que ça continue ,c'est ça ?
— Ce traitement n'est pas adapté. Je ne ressens plus d'émotions fortes, je ne fais plus aucun rêve, tu trouves ça normal, toi ?
— Tu dois continuer ce traitement, sinon...
Ne dis pas ça, tais-toi. Sinon, nous te ferons placer ; dans un établissement spécialisé.
Salope.
Elle recracha sa fumée vers le plafond qui n'avait rien demandé à personne.
Nu face à cette paraphrase pour me dire qu'on allait m'interner, je détournai le regard vers la voisine qui jouait du piano, chez elle, de l'autre côté de la rue.
Si je ne te vois pas, tu n'existes pas.
Réelle Lilith enfumée, elle était manipulatrice et rebelle. Ses yeux, semblables à des serpents, sifflaient dans mon crâne. J'entendais son regard, il rôdait autour de moi. Elle enfonça sa cigarette dans le cendrier, l'écrasa encore une fois pour enfin se lever, prendre son sac et fermer la porte, à double tours. Les claquements de la serrure annoncèrent ma liberté et le retour sur Terre.
J'aérai l'appartement et pris mon carnet avant d'appeler le détective. Le bip téléphonique sonnait pour la troisième fois déjà.
Allez, réponds...