Trois petits écureuils et moi

aile68

La tête en feu je me jette sur le lit pas fait avec l'envie de crier. Je suis pas bien chez lui, je veux partir, m'en aller, fuir cette prison qui me broie le cerveau. Je veux revoir les écureuils grimper dans les arbres, respirer l'air de la montagne qui me chatouille les narines et me grattouille la gorge. C'était si bien chez mes amis de là-haut je voudrais y retourner plus d'un mois, un an, dix ans. Dix ans ça peut passer vite mine de rien mine de crayon, j'ai une drôle de vie, deux vies devrais-je dire entre ma mère et mon père qui sont séparés. Que je le veuille ou non j'ai deux lits, deux bureaux, et en même temps je ne possède rien, même pas ma vie. Devoirs, ménage, le chien à sortir, chose que je déteste, je suis l'esclave de mon père. Son amie comme il dit, je la hais, je préférais quand il était avec Maman. Je m'occupais aussi du ménage et du chien, mais au moins on rigolait, nous étions heureux, Papa, Maman et moi. Quand il ne reste plus que des parents désunis, on a mal partout, on se sent cabossé comme une vieille voiture où les poules font leurs oeufs. La poule de mon père ne fait que fumer et se plaindre de grossir depuis qu'elle est avec lui, il fait trop bien la cuisine, ça c'est sûr et après c'est moi qui fait la vaisselle! Je voudrais partir loin très loin, je n'ai pas treize ans, il fait noir dans ma vie, il fait noir dans mon coeur. A quand la quille, à quand un vrai Noël sans disputes? Mes amis eux ont de vrais parents, aimants et aimables moi je n'aime que ma mère et mon père aussi un peu, parce qu'il le faut bien. Une vie sans amour c'est comme un oeuf sans poussin, sans cadeau à l'intérieur. Je voudrais mourir pour de vrai, ne plus revenir chez mon père et sa cocote. Mon sac à dos est là au pied de mon lit, je n'ai qu'à le remplir de vivres et de livres, les seules choses qui me font aimer la vie. Le jour quand je suis seule je m'engouffre dans l'épicerie en bas de chez moi et j'en sors les bras chargés de paquets de biscuits et de chocolat. La nuit je vomis pour embêter tout le monde, pour leur dire que je suis là et que j'aimerais vivre moi aussi! Pour moi la vie c'est Tristan et Iseult qui s'aiment à en mourir, j'ai la chance d'avoir une mère qui m'offre de belles lectures. 

  Je dirai tout ça au juge lundi matin, je ne veux plus voir mon père avec sa poule, je ne veux plus. J'ai besoin de vacances et d'amitié, de parties de rire dans la neige avec mes amis. Et puis je lui montrerai mes photos avec les écureuils pour que jamais plus je me cogne la tête contre les murs de ma chambre. Oui je sais c'est violent mais c'est tout ce que j'ai trouvé pour le convaincre et l'attendrir. J'ai besoin de tendresse et de caresses pour vivre, une chose que je n'ai jamais dite à personne, j'ai un petit ami que je vois quand je peux, il m'aime bien, il est patient, mais ça c'est ma troisième vie et je n'en parle à personne, même pas à mon journal intime.

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