Un conte de Noël - VIII

Olivier Verdy

- Maggy, tu viens avec moi, on va aller se promener pendant que les policiers retrouvent ton papa ?

- On l'attend pas ici ? il fait chaud et Adèle elle est trop gentille.

- Oui mais Adèle, il faut qu'elle cherche ton papa, elle ne peut pas te garder pendant ce temps. On va aller voir les illuminations et quelques vitrines si tu veux.

- Moi je veux mon papa surtout

- Allez viens ma puce, tu seras bientôt avec lui.

Que faire avec une gamine de six ans peu de temps avant noël, quand on n'a jamais d'eu d'enfants et pas plus envie que ça de s'en occuper ? Dan décide de l'emmener dans un bar. Il lui faut un verre. Histoire de faire le point. Dan se dirige vers le bistrot le plus proche et, tenant Maggy par la main, y entre et s'attable au premier endroit disponible.

- Tu veux un chocolat ou autre chose ?

- Non j'ai plus soif.

- Un verre d'eau ? un sirop ?

- Non rien du tout. Juste mon papa

- Je sais. Il va revenir bientôt

- S'il vous plait, un whisky, sec. Non un double s'il vous plait

Maggy regarde par la fenêtre. Dan sirote son whisky. Enfin. Ça fait chaud dans la gorge ; ça se diffuse partout de la tête aux pieds. Surtout dans la tête. Qu'est ce qui lui arrive ? Il voulait juste être tranquille et le voilà embarqué avec une enfant dans la ville. Elle a l'air si gentille et si perdue. Si joyeuse et si malheureuse. Pourvu qu'elle retrouve son père rapidement. Peut-être que s'ils allaient au cercle de jeux, ils trouveraient le téléphone de Jean Pierre Morgan et que ce dernier lui dirait ou est son père. Dan termine son Sky perdu dans ses pensées. Il regarde Maggy. Elle lui sourit. Pour la première fois en quatre ans, il a l'impression de ne pas être mort, qu'il sert à quelque chose, que sa vie aurait peut-être un sens. C'est décidé : Aller à la salle de jeu. Retrouver son père. Pour elle. Pour lui.

- Viens Maggy, j'ai une idée, on va aller chercher ton papa ensemble.

- C'est vrai ? oh merci Dan. On va ou ?

- Voir le monsieur qui, je crois, est parti avec lui.

Le verre fini d'un seul coup, Dan et Maggy se lèvent et sortent de nouveau dans la rue illuminée et froide. Direction la salle de jeux. Cette dernière n'est pas trop loin. Un autre atout des petites villes. On est toujours près de l'endroit où on veut aller. Se hâter. Aller rapidement au club. Trouver Morgan. Récupérer le père. Se sentir bien. Rentrer chez soi.

- Allez Mirza, tourne toi, allez, passe sous la chaise

Une vieille dame est là, debout, sur le côté du trottoir. Elle porte des paquets et, au bout d'une laisse un chien, qui ressemble à un shih tzu, emmêlé dans les pieds d'un banc. Et qui n'arrive pas à se défaire. Dan accélère le pas.

- Dan, le chien il est tout prisonnier

- Oui, mais on est pressé

- C'est rapide de détacher le chien, la dame elle y arrive pas.

Dan regarde Maggy ; son regard est encore plus triste. Elle l'implore des yeux de venir en aide à la mamie qui ne sait plus quoi faire, comme prise dans un piège.

- Ok, ok. Ne bougez pas madame, je vais vous aider. Comment il s'appelle ?

- Il s'appelle Mirza, il s'est pris la laisse dans le banc et je n'arrive pas à le faire se détacher.

Dan se penche, attrape le clébard d'un bras et le fait tourner sous les pieds, plusieurs tours sont nécessaires afin que le petit chien ne retrouve sa liberté. Enfin il rejoint les chaussures de sa maitresse.

- Merci beaucoup monsieur, vous êtes gentil. Nous allons pouvoir rentrer tranquillement maintenant. Allez viens mon petit coquin, tu as fait une bêtise, heureusement que le monsieur était là hein ?

- Tu vois Dan tu es en gentil en fait. Peut-être que je te donnerai un bonbon de noël si tu continues comme ça

Dan se sentirait presque fier. Il a fait quelque chose d'utile. Cela fait si longtemps. Comme s'il sortait d'un long coma. Mais ne pas perdre de vue son objectif, aller à la salle de jeux.

*****

Dan a été très gentil. Il a aidé une vieille dame qui avait son chien prisonnier. C'est quelqu'un de bien. Même s'il a toujours l'air triste ; comme s'il avait perdu quelque chose ou quelqu'un, peut être que lui aussi a perdu son papa et qu'il l'a jamais retrouvé. Et il avait raison, l'endroit où on va est tout prés. Mais le monsieur que Dan cherche n'est pas là. Et les gens n'ont l'air très gentil. Déjà, les enfants ne peuvent pas rentrer même juste pour se mettre au chaud. Ils doivent rester dehors et Maggy a eu froid et peur, froid parce qu'il commence à être tard, peur parce qu'elle a cru que Dan allait aussi se perdre

Mais il est revenu. Enervé. On ne voulait pas lui dire qui était le monsieur qui connait papa. Et là alors qu'ils s'éloignent, un homme apparait depuis une entrée et s'approche de Dan.

- Morgan, il est flic. Vous devriez voir avec eux.

- Hein quoi ?

Trop tard. L'homme est reparti dans le noir. Alors Dan, il dit des gros mots. Il n'a pas l'air content du tout. Il dit c'est pas possible, comment ils ont pu faire ça, ça va pas se passer comme ça, ils vont m'entendre. Puis, comme par enchantement, il pose un sourire sur son visage.

- Bon Maggy, on va retrouver ton papa bientôt ne t inquiètes pas.

- Qu'est-ce qu'il a dit le monsieur ?

- Il a dit que les policiers savent ou est ton papa et donc on va aller le retrouver bientôt

- C'est vrai ?

- Oui c'est vrai, je te le jure. Tu vas voir ton papa très très bientôt maintenant.et ce soir, tu mangeras et riras avec lui.

- Merci Dan, tu es un gentil monsieur.

*****

- Morgan

- Bonjour, ici Adèle du 21, on a une petite fille qui cherche son papa. Ça vous dit quelque chose ?

- Ouais, non, peut-être, je vous tiens au courant.

- Ok ; merci.

*****

Dan se pose pas mal de questions. Si Morgan est flic, alors le commissariat a déjà dû le retrouver, sauf s'ils savaient déjà qui il était, et alors, pourquoi ils n'ont rien dit ? Et si les flics l'ont embarqué, qu'est-ce qu'il a pu faire ? Et si il était en prison, que se passerait-il pour la petite Maggy ?

- Il fait quoi comme métier ton papa ?

- Il vend des maisons

- Ah oui, agent immobilier ?

- Je sais pas ça, mais il dit toujours qu'il doit aller voir des maisons pour les vendre.

Un agent immobilier qui ferait des transactions frauduleuses ? Un escroc ? Et même. On n'enlève pas un homme en pleine rue devant sa fille. Ca ne tient pas la route. La police ne ferait jamais ça. En tout cas, les flics pourront lui en dire plus. Il suffit d'y retourner et de leur demander.

*****

-Adéle ?

- Oui, à qui ai-je l'honneur ?

- Morgan. Comment vous avez dit qu'elle s'appelait la fille qui cherche son père ?

- Je ne vous l'ai pas dit. Elle s'appelle Maggy.

- Et son père ?

- Papa.

- S'ils reviennent, vous les gardez et vous me prévenez ok ?

- Ok. Noté.

*****

Le retour à la police semble presque plus rapide que l'aller. En tout cas, c'est la sensation de Dan qui fulmine en marchant. Aucune réponse ne lui vient à l'esprit. Si Morgan est flic, alors pourquoi ? Que se passe-t-il ? Dans tous les cas, ils vont l'entendre et lui fournir des explications. En plus, Maggy commence à être sérieusement, pauvre petite. Si seulement elle retrouvait son père rapidement, il verrait son sourire revenir et serait tellement heureux pour elle. Pour Elle ? Dan change, il se surprend. Content pour elle, et pas pour que lui recouvre sa quiétude de veuf triste. Les rues s'assombrissent encore, les passants se font plus rares. Il est l'heure des apéritifs tardifs ou même des premiers diners festifs. Arrivés devant la police, Dan respire un grand coup. C'est maintenant qu'il veut savoir, qu'il va savoir.

- Rebonsoir Madame. C'est nous. Avez-vous des nouvelles de son papa ?

- Peut-être. D'ailleurs si vous voulez bien patienter à côté. J'appelle un collègue et vous rejoins.

- En parlant de collègue, tout à l'heure je vous ai parlé de JP Morgan que vous ne sembliez pas connaitre….Il semblerait qu'il travaille avec vous non ?

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