Un petit coin de parapluie

Damien Nivelet

J'errais ce soir-là comme d'hab' dans un coin pourri, à la recherche de je ne sais plus trop qui.... Une ex qui voulait qu'on se parle, je crois. Moi qui pensait lui avoir tout dit en un mot : adieu! Elle m'avait fait les 400 coups, je lui en avais rendu 800. Je ne faisais pas les choses à moitié... Et donc, je traînais mes guêtres dans le quartier de la Motte où l'on rentrait d'ailleurs comme dans du beurre, ce qui n'était pas forcément le cas d'autres coins de la cité. La faute à pas de chance, à la société, à Dieu? Qu'est ce que j'en savais, et surtout je m'en fichais comme de ma première paire de bottes.  La pluie tombait, comme disait mon cher grand-père «les anges nous pissaient dessus». Je cherchais un endroit où m'abriter car j'avais déjà pris une douche ce jour, ça me suffisait. Et je me réfugiais donc sous un(e) porche(rie) d'immeuble. Et là vînt me voir un loustic pour me proposer de l'herbe. Comme ça de but en blanc, mais pour en avoir, fallait de l'oseille et j'étais fauché comme les blés... De plus je n'aimais pas ça, ça faisait germer des grains de folie en moi. Bref... J'attendais que la pluie passe pour rentrer chez moi, n'ayant pas retrouvé la quiche que je devais voir. Et quand l'ondée s'en alla, des ondes que je percevais me firent signe de me retourner. J'en fûs tout retourné en effet... La plus belle femme que j'avais jamais vue qui sortait de l'immeuble. Quelle classe naturelle! Pourtant habillée de manière classique : Baskets-Jeans-Pull. Mais un charisme à couper le souffle. Je n'avais que 18 ans, elle devait approcher la quarantaine. J'étais sidéré par sa beauté, et tétanisé aussi... Elle m'adressa la parole pour simplement et poliment dire bonsoir. Je bafouillais ma réponse, comme le jeune couillon que j'étais. Ça avait l'air de l'amuser, elle me fît un sourire. Elle avait un parapluie, pour affronter l'averse, et chose extraordinaire, il se remit à pleuvoir. Je profitais de ce signe du destin pour lui demander si nous ne pouvions pas partager ce petit parapluie jusqu'à mon arrêt de bus, j'étais un peu effronté mais c'était plus fort que moi. Elle fût d'accord à ma grande surprise. Et nous avons discuté pendant le trajet , bizarrement ma tétanie était partie, je me sentais titan. J'essayais de la faire rire, elle souriait à mes blagues puériles. J'appris seulement qu'elle venait d'arriver dans la ville. Elle me laissa à l'arrêt de bus comme convenu. Je la remerciais. C'était un soir d'été 1994 où il pleuvait. Brassens avait raison «Un petit coin de parapluie pour un coin de paradis». Je ne savais pas que je la reverrais. Elle serait ma professeure de philosophie en terminale....

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