Un rire sous tension

Jean Marc Kerviche

De l'extrêmement sérieux au rire décontractant

     C'était en classe de BTS pendant un cours d'électricité fondamentale au Lycée Diderot.

      Nous étions tous des adultes en formation professionnelle et bien sûr, contrairement aux lycéens normaux, encore très loin d'être confrontés aux exigences de la vie, notamment en besoins alimentaires, nous étions plus que jamais passionnés par le sujet.

       C'est dire l'intérêt que nous portions au cours, et la tension était palpable. (Normal en électricité !)

      Nous étions tous réunis (plus d'une quarantaine) dans un amphithéâtre et seul le professeur s'exprimait. On aurait pu entendre les mouches voler !

     C'était un samedi, le cours avait débuté dès 8 heures, et nous n'avions pris vers 10 heures que 5 minutes pour satisfaire les besoins naturels au lieu du ¼ d'heure habituel.

     L'anecdote se passe quelques minutes avant la fin du cours. Il devait être 11 heures 55.

     L'attention jusque-là particulièrement soutenue se relâchait quelque peu et je ne sais pas alors ce qui m'a pris. J'avais constaté depuis un bon moment que le professeur écrivait le point du i (intensité, i1, i2 i3… dans toutes les formules accompagnant les exposés non par un point mais par un petit rond et j'observais qu'il le dessinait toujours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. (pour les puristes le sens trigonométrique)

      Je me penchais alors vers mon camarade de droite pour lui demander dans quel sens, lui, le dessinait.

     Interloqué, et ne comprenant pas mon propos, il me demanda de répéter. Je m'expliquais alors et pour lui faire comprendre dessinais à mon tour sur mon cahier des petits cercles au-dessus des i, dans un sens, puis dans l'autre. Je lui devinais un sourire. Il se demandait bien évidemment quel pouvait être l'intérêt d'une telle remarque, et à son tour regardait au tableau la façon dont s'y prenait le professeur toujours dans le vif de son sujet. Et un rire commença à remplacer son sourire. Bref, on commençait tous les deux à rire sous le manteau, jusqu'à ce que d'autres élèves devant nous, ignorant la raison de notre hilarité, en fissent tout autant. Et de rangées en rangées le rire gagnait toute la classe, certains pouffant, d'autres esclaffant, jusqu'au professeur lui-même qui ne comprenant rien à rien commençait à rire également.

     Décontenancé, il posa alors sa craie et lança à la cantonade : "Je crois que ça va suffire pour aujourd'hui !"

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