Un train d'enfer

dechainons-nous

Il était une fois un futur oublié sur une voie de garage. Ce futur était lourd de conséquences et pesait le poids de deux vies qui voulaient tant s'enlacer, qu'elles ne se lassaient pas de tenter l'accostage. Les ratés formaient une longue chaîne de maillons déformés rattachant les remords de ce futur aux espoirs passés.

Au départ du voyage, la voie ne montrait point ses limites au convoyeur d'infortune qui se laissait aiguiller dans son quotidien. De gare en gare il s'engouffra dans les obscurs tunnels des habitudes, ébrouant tous ses wagons, chaque tranche de vie, sur les rails de sa destinée. A regarder inlassablement les paysages défilés, tous finirent par s'égarer.

La petite voix accompagnatrice annonçait les nouveaux départs, une fuite en avant sans jamais de retour possible. Chaque fermeture de porte guillotinait au passage un bonheur nourrit dans l'œuf de l'adolescence.

Le futur avait embarqué tôt le matin, la correspondance sur le quai ne fut qu'une transition entre une histoire passée souffrant d'agonie et un présent avorté dans une nuit d'étoiles filantes.

L'ancre au bout de la chaîne entachait un possible, agonisant, roulé dans le ballast qui s'était mis en traverse pour retenir les quelques bon souvenirs tramant les joies effilochées dans l'album photo.

Lentement le tortillard s'était hissé par delà les monts de l'incompréhension, franchissant l'incertitude d'une détermination inachevée d'enfance, refusant la maturité des évidences.

De loin en loin le convoi s'est enfoncé dans les brumes de l'obstination, disparaissant de sa propre histoire, emmenant ce futur à un train d'enfer, se perdre sur les voies hasardeuses d'un hangar, se heurtant sur le butoir d'une fin de non recevoir.

L'embryon de la seconde vie se charbonnait dans les replis des regrets.

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