Une bataille de plus à mener

Dominique Capo

Questionnement

J'avoue qu'aujourd'hui, je n'ai pas vraiment le cœur à écrire. Le Destin, le Hasard, Dieu ? Peut se montrer monstrueux, cruel, parfois. C'est le cas aujourd'hui.


Je ne m'étendrai pas sur les raisons qui meurtrissent mon cœur et mon âme depuis quelques heures. J'aurai certainement l'occasion, à plusieurs reprises, d'y revenir ultérieurement. Je peux uniquement dire qu'à compter de ce jour, s'ouvre devant moi un combat que je ne suis pas sûr de remporter, loin de là. Néanmoins, il est nécessaire, vital même, que je le livre avec force, en y mettant toute mon énergie, ma volonté, ma détermination. C'est mon équilibre personnel, ce que j'ai construit au sein de mon quotidien depuis des années, qui est en jeu. Je n'ai donc pas le choix.


Evidemment, je m'en serai bien passé. Mais on ne choisit pas toujours. Les épreuves vous tombe,t dessus et bouleversent votre vie du jour au lendemain sans que vous ne vous y attendiez. Et généralement, elle surgissent d'un événement qui, à première vue, ne prête pas à conséquence. Or, celui-ci, tout à coup, est susceptible de bouleverser ce que vous avez mis tant de temps à ériger en profondeur. Tant pis si vous y avez mis tout votre sang et toute votre sueur. Tant pis si vous vous y consacrez corps et âme ; si vous y laissez votre santé et tout ce que vous êtes. Tout ceci est capable d'être balayé d'un revers de la main en un instant.


Je ne pleure pas. Sur ce sujet spécifique, il y a longtemps que j'ai appris à endurer les coups. Il y a longtemps que j'ai appris à me relever à chaque fois que le chemin que je suis me fait trébucher. Malgré la fatigue, malgré les douleurs, malgré les blessures, malgré tout ce que je peux endurer, je poursuis ma route. J'use des moyens qui sont à ma disposition. J'use des capacités et des possibilités qui sont les miennes. Parfois, je suis conscient qu'elle ne pèsent pas lourd face à l'inéluctable. Mais je fais avec. De toute façon, que puis-je faire d'autre. Je dois affronter ce qui se profile devant moi vaille que vaille. Ce n'est pas la première fois ; ce ne sera pas la dernière fois non plus.


De temps en temps, j'aimerai pouvoir me retirer au fins fonds d'un lieu retiré du monde et de ses affres ; une grotte, un chalet perdu au milieu de la foret ou de la plaine. Pouvoir y être au calme, tranquille, serein, en accord avec moi-même ou avec les autres. Hélas, ce rêve derrière lequel je cours depuis toujours – depuis ma plus petite enfance, en fait, n'est pas pour moi. Il y a des gens dont l'existence est, sans cesse, constellée de chausse-trappes, de déchirements, d'adversités. J'appartiens à cette catégorie.


Mon handicap, la maladie de Sturge-Weber dont mon hémiplégie partielle du coté droit est le résultat, sont les premiers avec lesquels j'ai dû batailler. Par la suite, d'autres se sont manifestés à moi sous une forme ou sous une autre. Ils ne m'ont jamais laissé aucun repos, aucun répit. J'ai toujours été obligé d'être sur le qui-vive, à l'affût des signes précurseurs des obstacles à venir.


C'est épuisant, autant physiquement, que nerveusement, ou moralement. C'est aussi pour cette raison que l'écriture et la lecture sont mes seuls refuges. Là où toutes ces menaces, ces peurs, ces blessures, ne peuvent m'atteindre. L'ultime sanctuaire où je suis à l'abri. Un peu comme cette maison de campagne dans le Doubs où je passais mes vacances en compagnie de mes grands-parents lorsque j'étais enfant. Rien ne pouvait me faire de mal là-bas. Je n'étais ni jugé, ni condamné, pour mes différences – autant physiques qu'intellectuelles.


Malgré tout, la Réalité m'a toujours rattrapé d'une manière ou d'une autre. La preuve, aujourd'hui encore avec le coup de massue que je viens de recevoir sur le crane. Oh, je sais que je vais l'affronter, que je vais employer toutes mes forces pour qu'il n'ait que le moins d'impact possible sur la vie que j'ai. Je ne suis pas, comme à une époque, où j'étais tellement terrorisé par ce à quoi j'étais confronté, que j'avais des attaques de panique régulières. Des crises de vomissement chaque matin, parce que les émotions que ces épreuves suscitées en moi étaient trop violentes, trop destructrices. Non, cette époque est terminée, et heureusement.


Pour autant, le Destin sait vous rappeler que vous n'êtes jamais à l'abri, jamais tranquille.


Dans les jours qui viennent, en parallèle de « De Deiteus Mythica », de la poursuite de la rédaction de mon ouvrage sur les Origines du Nazisme, et de celui sur l'Actualité, je vais écrire le pourquoi et le comment de tout cela. Seules deux ou trois personnes ici sont au courant de cet aspect de ma vie. Le plus dur, le plus éprouvant, le plus délicat, celui qui me torture chaque jour parce que je suis seul à devoir l'assumer. Je suis seul à devoir le porter. Je suis le seul à pouvoir me battre contre lui du matin au soir, sept jours sur sept, trois-cents-soixante-cinq jours par an.


Jusqu'à aujourd'hui, il ne me semblait pas nécessaire de le mettre en avant. Je crois que le moment est venu de le dévoiler au grand jour. Car, j'avoue que, seul, je ne sais pas que faire pour dépasser ce qui me semble insurmontable, au point de mettre ce que j'ai bâti tout le long de ces dernières années. Ce qui se dessine devant moi, c'est le mon Everest. Et je n'ai pas d'autre alternative que de le gravir, si je veux sauvegarder ce à quoi je suis si attaché ; ce qui est important, vital.


Après, je vous laisserai seuls juges. Mais, au moins, vous connaîtrez l'une des facettes essentielles qui a fait de moi l'homme que je suis aujourd'hui. Et un certain nombre de questions que vous vous posez peut-être à mon sujet trouveront des réponses. Vous serez dès lors éventuellement surpris de découvrir que le Destin peut emprunter des circonvolutions inattendues. Et qu'il peut vous faire emprunter des itinéraires que, jamais vous n'auriez soupçonné le jour où vous êtes entré dans l'age adulte…

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