Tout au bout du silence

franzzzz

Avez vous déjà observé une minute de silence?
Sans cérémonie, ni préliminaires, simplement avec le respect qu'elle mérite?
Sans l'interpréter, sans commentaires, une minute ne passe jamais assez vite.
60 silences de secondes qu'on supporte sans bruits, sans parasites,
60 nuances de r'grets potentiels et pourtant pas un cri.

Au début on attend que le silence se passe,
Comme les gens qui ont une soif de vengeance à tarir,
Après tout impatience et colère sont nos seuls atavismes.
De fait notre époque n'aime pas le pardon : elle a la rancune tenace,
Tient les coeurs en tenailles car notre époque elle se fout des menaces.

Enfermés, emmurés tous ensemble on fait silence,
Même si sur nos écrans de spectacle des gens s'égosillent à parler d'entraide
Nous on attend l'entracte. Que les canons se taisent pour qu'enfin les pourparlers reprennent !
Le monde marche en crabe, la violence de ses maux nous prend là, comme en traitre
pendant qu'on espère toujours que ce soit des actes que l'absence de nos paroles entraine.

Dans sa zone de confort, le silence lui continue à régner,
A régner en maître et sans partage ; un silence de mort et de cimetière,
Comme celui des mômes dans une bagnole au passage d'une frontière.
Après 30 secondes, les silence est marécage, terre meuble, instant dans lequel on s'empêtre,
Un peu comme un parterre de fleurs sur lequel on empiète, il nous rend piètre et sans pitié.

Même qu'on se sente piteux, gêné, car il y a des silences gênants,
on cherche à les affronter ensemble pour se rassurer car personne ne veut se réduire au silence,
Pas même dans une telle embuscade. Alors soulagé, pas peu fier de soi et de l'autre on se lance
des oeillades en freelance ; il faut dire qu'on juge mieux les regards que les hommes de paroles
Car quand on regarde de près ce qu'on entend, l'on voit bien que tout ça n'est que parlotte.

Sorti de son carcan, le silence ainsi se meuble de regards et c'est bien plus commode
Parce que finalement le mutisme en dit beaucoup, beaucoup trop,
surtout dans les moments graves et les contextes à couper au couteau.
Après 45 secondes, on attend que le silence se brise, que quelqu'un le fustige,
De grâce s'il vous plaît faites que le son du sifflet d'un imbécile le déchire.

La vie s'est arrêtée, va t elle jamais sortir de son silence ?
Pourquoi resterais je silencieux quand ailleurs d'autres déjà s'expriment ?
Mon chronomètre est il si lent si eux murmurent, bruissent et déjà s'écrient ?
Est-ce crime que de ne pas même s'acquitter  d'une minute? et puis à la fin pour quelle quittance
Cette minute nous fait-elle souffrir? qu'y-a t-il  donc tout au bout du silence ?

60 silences de secondes, qu'on supporte sans bruits sans parasites,
60 nuances de r'grets potentiels et pourtant, et pourtant pas un cri,
60 secondes d'apnée, qui respirent sans même un souffle
60 secondes qui s'écoulent, l'une après l'autre, 60 qu'on étouffe.

Et puis tout au bout du silence, il y aura une parole, qu'il faudra bien choisir.
Une phrase, quelques mots, un peu de poésie,
Un bruit sourd, une révolte, des regrets,
Une porte qui se ferme, un départ, un "s'il te plait",
Une claque, des pleurs, parfois juste un soupir
Un sourire, se souvenir qu'on aura pas pu tout s'dire
Un bruit d'soupe qu'on aspire et puis la télé qui gueule,
Un "j'te l'avais dit", un gamin qui parlera toujours tout seul...

Tout au bout du silence, tout au bout du silence
Tout au bout du silence il y aura une parole qu'il faudra bien choisir ou bien peut être rien du tout.


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