Une particule, il faut savoir se la mettre

Thierry Kagan

 

J'ai vraiment du mal avec les étrangers !

Maintenant, je m'accommode… ça fait tellement longtemps qu'on m'oblige à mélanger tout et n'importe quoi.

Et puis… je sais évoluer !

La preuve : au début, ça coinçait avec des qui la ramènent non-stop.

Voyez, n'est-ce pas ?

Ceux qui se la racontent parce qu'ils ont réussi à s'accrocher une particule.

Comme s'ils n'étaient pas capables de se suffire à eux même !

Ils ont besoin de justifier leur place parmi les autres.

Et de s'inventer une étymologie, parfois, ça fait de la peine !

 

Tiens, par exemple : "auto".

Ridicule, comme particule !

Avant chaque mise sous presse, les mots qui s'y collent revendiquent pour qu'on leur ajoute un sens ou deux.

"s'auto-matiser", bronzer sans l'aide de rien; "s'auto-intoxiquer", ne plus se supporter. Et même plus fort : "s'auto-tamponner", se bidonner tout seul comme un grand.

 

A contrario, il y a des mots, c'est vrai, qui savent se tenir.

Du coup, on les emploie souvent, sont bien contents d'être appelés : "s'auto-amnistier", seulement pour dire qu'on se pardonne des choses qu'on ne pardonnerait pas aux autres.

Tout simplement.

 

Mais bon !  D'une façon générale, c'est plaintif, c'est prétentieux dès que ça a une particule.

C'est ridicule !

Enfin, je dis ridicule...

 

Y a des fois, je reconnais, faut pas leur jeter la pierre, aux particules.

 

Tiens ! L'autre jour, je me suis fait ouvrir.

Par un jeune homme : très gentil, mains propres, plein d'égard pour ma couverture, touché par mes couleurs.

Flatteur, quoi !

Il cherchait.

Il cherchait comment exprimer sa contrariété envers un ami qui lui disait : "viens donc à la maison ! Je fête mon anniversaire avec quelques connaissances triées sur le volet. Ca me ferait plaisir que tu viennes m'offrir un cadeau. Un cadeau groupé. Bien sûr, chez moi, on ne prendrait que l'apéritif. A ce titre, apporte une bouteille. Choisis-la bien : comme tu sais, je connais les vins. Et après, on irait au restaurant. Tu pourras, avec les autres amis choisis, m'offrir le repas. Evidemment, tu ne viendras pas seul mais accompagné de ta femme. Et comme ton bébé ne supporte pas le bruit, tu le feras garder par une baby-sitter de ton choix. Tu vois, je suis souple : je te suggère très fort de venir me porter un cadeau, mais tu as le choix de la baby sitter ! "

 

C'est à cela que l'on reconnaît les amis : ils vous laissent le choix.

 

Le jeune homme n'est pas plus enjoué que ça de fêter l'anniversaire de ce proche.

Pour le sortir de l'embarras, aimable dictionnaire que je suis, je reconnais avoir un peu failli. J'ai créé le verbe à particule "se tierce-excuser".

Avec un sens de compétition : « s'excuser par l'évocation d'une ou plusieurs tierces personnes  ».

 

Par exemple, dans le cas pratique de la barbante invitation : "je me tierce-excuse, je ne pourrai venir à ton anniversaire, je viens de quitter ma femme pour ma baby sitter, mais cette dernière n'est pas libre et je dois donc garder mon fils. "

 

Voyez, c'est simple : si vous êtes gentil avec moi, que vous savez me caresser dans le sens des sens, j'inventerai – rien que pour vous - tous les termes qu'il vous faut.

 

Qu'est-ce que vous dites de ça ?

 

Ah, je vois : les mots vous manquent !

 

 

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