Valentine pas tous les jours ta fête
Jean Claude Blanc
Valentine pas tous les jours ta fête
Avignonnais, n'y pensez pas
Moi qui suis né, fier auvergnat
Près de mon poêle, ne crève pas de froid
Midi moins le quart si je ne m'abuse
C'est dans le sud, le Vaucluse
En mon hameau, lieu-dit « Le Sapt »
J'y ai ma baraque, que je retape
Ce n'est certes pas palais des papes
Mais peu m'importe, je m'en tape
Même si les gens, ça les épate
Ne vais pas me fouler pas la rate
Que mes montagnes pour horizon
Troupeaux de chèvres et de moutons
M'y réfugie, ils sont légions
Pas vraiment dure ma condition
Que pour ma pomme, créé des chansons
De mes inventions, j'en suis le patron
Même s'il n'y a ni fleuve, ni pont
J'ai parcouru bien des corsages
Dégoûté de ces batifolages
Qui ne me laissent que des regrets
Trop en avoir fait valser
« Pour vivre heureux faut vivre caché »
Cette maxime, tombe à point nommé
Alors voyageur sans bagages
Vais à la rencontre de mes vieux sages
Dont je partage le bout de fromage
De cette bonne fourme du village
Aller courir la prétentaine
Je suis trop vieux, trop mollasson
Mieux vaut mon clocher de St Anthème
Où je suis le maitre des cornichons
Y'a rien de mieux pour le moral
D'être la vedette du pays
Considéré « massif central »
Tant que j'en bouffe, hardi petit
A en gerber, de la cochonnaille
Me risque pas gagner le sud
Qui ne m'inspire que de l'amertume
Déteste la mer et ses écumes
Préfère mes proches, mes hivers rudes
Les servitudes et les coutumes
Qui subsistent en cette altitude
N'ai pas choisi ma destinée
C'est elle qui m'a enseigné
Qu'un petit chez soi, même pauvre hôte
Vaut mieux qu'un riche chez les autres
Toi qui t'exiles, obligée
Suivant ton homme, son métier
Que de sacrifices consentis
Plus de copains et plus d'amis
Si par malheur tu divorces
Seule dans ton coin, plus à la noce
Qu'une maison juste pour dormir
Le reste du temps à réfléchir
Ce que sera ton avenir
Sans voisinage pour te secourir
Heureusement, t'as ton boulot
A t'abrutir le cerveau
Mais en retour pas de cadeau
Te coucher tôt les volets clos
Pour quelques heures de repos
La plage, le sable et les galets
Côte d'Azur, carte postale
Que se disputent les étrangers
Tu t'y morfonds, fatal mistral…
T'y prêtes même plus attention
Accoutumée à ce ronron
Coincée dans la circulation
Dès les beaux jours, haute saison
Quelle galère, pour pas un rond
Où faut que tu partes aux commissions
Certes Pagnol, l'a chantée
Cette Provence et ces cigales
Pendant ce temps, l'eau a coulé
Y'a plus de « fille de puisatier »
La flotte pisse au robinet
Même plus de place pour se faire bronzer
Pour rêvasser, pas très génial
Fée Valentine qui te désespère
Que vas-tu faire, en ce bord de mer
Où en été la vie est chère
Prospèrent agences immobilières
Construisant des champignonnières
Douce chaleur à s'alanguir
Des santons mous dans la lavande
Que l'on emporte en souvenir
Que des babioles mais qui se vendent
Car il faut être du coin
Pour supporter cet air marin
Et ce furieux mistral gagnant…
Qui glace les sens, fouette le sang
Pour contrarier Nino Ferrer
De sa romance, j'ai pris le contraire
Le Sud, le Sud, la belle affaire
Où il y a foule pour se faire traire
Par les coquins, marchands de chimères
Alors n'ayant pour seule ressource
Fuir les pastèques et les melons
Reviens nous vite, ton cœur t'y pousse
Là où la Loire prend sa source
Sur notre Mont Gerbier de Joncs
Y résistent encore quelques burons
Avignonnais, fiers d'en être
Je vous comprends, y êtes voués
Même à jamais enracinés
Mais vieux gaulois en mes forêts
Adule mes paysages champêtres
Au cou des vaches tintent les clochettes
Sur les bruyères, fête complète
On y dance sur le pont d'Avignon
Mais dépassée cette tradition
Car j'en connais qui s'y font suer
Souhaitant cueillir des champignons
Sur les coteaux du pays roannais
Même pas assez Montélimar
Remonter plus haut, jusqu'à la Loire
Qu'importent les boules, le Ricard
Ici on se grise de bon marc
Pour toi ce texte, chère inconnue
Qu'il te revigore pour ces vertus
De miraculeuse potion magique
Pour que plus jamais tu te fasses flic
Tirer un trait sur ce présent
Rejoindre la Terre de tes parents
Où la plupart sont partis
Reviens à toi d'y faire ton nid
Avec la chance sait-on jamais
Y reconjuguer le verbe « aimer »
A la bonne heure, pas moins le quart
Au rythme du temps, son bon plaisir
Celui du tiens enfin revivre
Ne plus refaire de faux départs
Comme t'y invite ta mémoire
Saint Valentin, pour les chanceux
Vivant en couple harmonieux
Une bise, une rose, un tour au pieu
Pour se faire croire qu'ils sont heureux
Des mots d'amour à profusion
Mais cette fois plus que de raison
Il faut pas rater l'occasion
Un jour par an, douces confessions
Célibataire malgré lui
Aimerait aussi être chéri
Car cette nouba, se l'interdit
Va se coucher, dès qu'il fait nuit
Cette habitude de fausse pudeur
Qu'un faux semblant s'offrir des fleurs
Au sens propre, au figuré
On s'en lasse pas, même fâchés
Le ver plein à moitié vide
Le ver vide à moitié plein
N'hésite pas, suis pas stupide
M'éprends des deux, suivant le destin
En vérité je me débine
Voulant pas confier mon intime
Ce que je pense de ces couples en ruine
Mais qui persistent à faire bonne mine
Juste un instant de sentiments
Pour pas se montrer indifférents
Ça coûte pas cher mais jouissant
Se retrouver nouveaux amants
Pas très vertueuses ces manières
De s'enlacer, pour avoir l'air
D'être amoureux, d'un feu d'enfer
Alors qu'on y pêche… que la chair
Vous allez dire, il est amer
Ce mal baisé, en sa tanière
Alors qu'il se montre solidaire
De ces cœurs tristes, solitaires
Rien que pour toi, chère Valentine
Ces quelques rimes, d'un vieux garçon
Je te les offre sans contrefaçon
Toi qui va coiffer sainte Catherine
Que ce soit désormais ton hymne
« Mieux vaut vivre seule, que prendre des gnons
Par un époux, jaloux trop con » JC Blanc février 2017(Sainte Valentine, qu'un jour seulement)