Vanoises

Christian Lemoine

Là-haut. Des vagues de nuées qui s'écharpent, agglutinées autour d'un pic, puis s'évanouissent, dissoutes dans l'air froid. Là-haut, le mont Bochor affûte ses aiguilles, ses adrets plantés en parois rétives. Les ogives tendues dressent dans les verticales toute une architecture de cathédrales ouvertes, des nefs révélées, des transepts alanguis dans des vaux d'ombres bleutées, des chœurs déterrés qu'ont désertés les fois pusillanimes. En cet embrassement large d'un cirque monumental, le silence en écho se recorde les grattements d'ascensions vertigineuses. Un coup résonne contre les falaises, répercuté dans les transparences. D'autres mélodies lointaines tracent les sentes sinueuses suivies par des bovins en estive. Se devine aussi, au flanc d'un éboulis, la rampe abrupte où s'effarouche la fuite des chamois. Le paysage serein invoque ces édens nostalgiques, ces paradis illusoires réfutés par la cruauté d'une chute de sérac, l'abattement sec d'un rocher démantelé, l'affolement asphyxié d'une moraine orpheline. Là-haut se trame la tragédie paisible, l'épuisement des sources.
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