Vêpres d'automne

Christian Lemoine

Par la grande fenêtre, le remuement engourdi, à peine perceptible, des platanes et des marronniers, leurs longs doigts arthritiques essayant en vain de retenir la feuille roussie dont le pédoncule, déjà, se détache. De ces feuilles d'or terni, la lumière du soleil se joue par taches éclaboussées, tant que le jour perdure. Pourtant, il n'est bientôt plus que la pâleur du ciel, dans l'immensité ouverte d'un horizon à l'autre, une toile qu'un Magritte incommensurable aurait déroulée vers tous les cardinaux. Arbres et branches nus, maisons et toits fermés. Tout sombre sous le clapot régulier du soir. Aussi, ce sont des ombres blanches, de spectres anonymes, que l'obscurité défibre en filaments abstraits. Ce crépuscule sourdant du sol, grimpant contre les façades et les troncs, absorbe et confond dans sa pâte images remémorées et visions épuisées. Finalement, la vieillesse. Les nuits de l'âme, plus noires que les yeux fermés intenses. Mais eux, plus clairvoyants qu'en l'extrême lumière, tournés au-dedans de soi, observent impassibles l'effondrement apathique des berges.

  • Merci pour tous ces commentaires. Savoir l'émotion partagée en renforce la puissance.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Voeux 2019 1

    Christian Lemoine

  • Très belle écriture !!!

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Louve blanche

    Louve

  • Je suis toujours impressionnée de tout le vocabulaire que vous glissez là.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Img 20170918 100320

    Aurore Rodi (Ancienne Alice Gauguin)

  • ah les "longs doigts arthritiques" des arbres ........quelle image ! et d'ailleurs le tableau tout entier est crépusculaire, cela me fait songer à ce magnifique Chant d' Automne de Baudelaire,
    "Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
    Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
    J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
    Le bois retentissant sur le pavé des cours."

    vous allez dire que j'exagère avec cette comparaison, mais c'est que j'ai appris à quinze ans ce poème et qu'à chaque automne je crois devoir à nouveau le réciter....

    Scansion d'automne

    à l'heure de notre propre effondrement

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Image de femme baroque

    anna-c

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