Vertigo - Chapitre 6

A S Mtzr

J'ai un réveil ! Et il est 6h30 lorsqu'il sonne pour la première fois. Je me lève d'un bond et file sous la douche. J'ai encore fait des cauchemars remplis de noirceur, mon inconscient est très agité. Malgré la sensation d'avoir peu dormi, je suis pleine d'entrain, même si cette journée va être comme celle de la veille... et comme celle de demain. Mon nouveau métier implique beaucoup de routine, je ne sais pas si j'apprécierais de le faire longtemps, mais je suis tellement heureuse de profiter de mon indépendance qu'à l'heure qu'il est je m'en contente avec plaisir. 

En sortant de la douche je m'enveloppe dans un drap de bain et sors de la salle de bain. Je pousse un petit cri de surprise en voyant Mickael, assis sur le bord du lit en train de regarder mon ordinateur. Il porte un sweat-shirt bleu roi et un jogging noir. Il lève furtivement les yeux vers moi et se concentre de nouveau sur l'écran :

-Désolé, tu ne répondais pas alors je suis entré pour te réveiller...

-Ce n'est pas grave. J'ai acheté un réveil, j'aurais dû te le dire. 

-Ah, bien. Super. 

Je vois qu'il utilise le trackpad, je suis tendue, en alerte.

J'ai pris soin de supprimer tout ce qui était enregistré dessus et qui pouvait permettre d'établir un lien entre ma véritable identité et moi. Non pas qu'elle soit une honte, au contraire, mais ça m'apporterait plus d'ennuis qu'autre chose. Mon nom serait un fardeau à porter, être la fille de, je n'en ai pas envie. Ma famille retrouverait ma trace en moins de quarante huit heures et c'est bien la dernière chose dont j'ai envie.

Il fronce les sourcils et je ne tiens plus : et si j'avais oublié d'effacer des choses ?

-Qu'est-ce que tu fais ? 

J'essaie de paraître aussi détachée et calme que possible.

-J'ai connecté ton ordinateur au wifi d'Alex. Et là je regarde tes playlists sur deezer.

Je suis instantanément soulagée. 

-Et tu y trouves des choses intéressantes ?

Il sélectionne un titre et j'entends les premières notes de la chanson With or Without You de U2. Il me regarde en souriant :

-Bon choix.

-Ouais... J'ai été bercée au U2. C'est le groupe préféré de mon père.

-Ah oui ? Et si je te disais qu'ils viennent donner un concert à Toulouse dans dix jours ? Et que je vais les voir avec un pote ? 

-Non ! Mais non ! 

Je m'exclame sidérée en me précipitant vers lui.

-J'en rêve ! dis-je en me m'accroupissant près de la table basse.

-Ouais, c'est ça la classe !

-C'est carrément la classe, oui !

Je n'en reviens pas.

Je fixe l'écran, songeuse, l'espace d'un instant. Je reviens à moi quand je me rends compte que Mickael me regarde. Je suis près de lui, juste entourée de ma serviette et je réalise que ce n'est pas une tenue appropriée. Je vois que ses yeux s'attardent sur mes genoux.

-Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? 

Ses yeux rejoignent les miens.

L'adrénaline et le dégout de moi-même me font me lever d'un bond et me diriger vers la commode pour cacher ces horribles cicatrices qui s'étendent de mon bas ventre à mes genoux.

-J'ai eu un accident. 

-Un accident de quoi ? 

-Un accident de moto.

-C'est le bitume qui t'a fait ça ?

-Oui. 

Je mens un peu, mais il ne saura jamais la vérité.

Ces marques ne s'atténueront jamais. Porter des shorts et des jupes sans collants opaques ne fait qu'attirer les regards sur ces marques disgracieuses. Je passe donc ma vie à les cacher. A me cacher. A l'adolescence je me sentais tellement mal dans ma peau que j'ai voulu en finir. Deux fois. Ce qui n'a fait qu'empirer mon cas puisque je porte depuis de belles cicatrices aux deux poignets. Mickael n'essaie pas d'en savoir plus et j'en suis soulagée. J'ouvre un tiroir de la commode et sors un t-shirt blanc avec le portrait de Bono, le chanteur du groupe U2, imprimé dessus.

-Je ne le porte pas souvent pour ne pas l'abimer. Je l'adore. dis-je en lui lançant.

Il le tient déplié devant lui et le regarde. Il me sourit :

-Il est super. Euh... 

Il me regarde de la tête aux pieds, étonné.

-Tu comptes sortir comme ça ? 

Je resserre un peu plus la serviette autour de moi.

-Non, biensûr que non ! 

J'attrape la pile de vêtements que j'avais préparée et retourne dans la salle de bain en écoutant Mickael rire. 

Je m'habille en vitesse. Ma tenue sera très similaire à celle d'hier, de toutes les façons peu importe la tenue : je sentirai quand même le fumier lorsque j'aurai terminé ma journée. En sortant de la salle de bain, ma chambre est vide, Mickael est reparti. Je descends dans la cour à sept heures. Le jour commence à se lever et les chevaux, sentant l'heure du petit déjeuner arriver à grands pas, m'accueillent avec des hennissements impatients. Je suis à la lettre les rations indiquées sur les portes de chaque boxe et je passe la grande arche avec la brouette à grain pour nourrir les chevaux dans les enclos extérieurs. Je longe la piste, sur un chemin qui mène aux différents paddocks. Les chevaux ne tiennent pas en place, ils tournent en rond et font les cent pas en attendant que j'arrive pour les servir. Lorenzo a 25 chevaux au total. C'est peu, chez moi il y en avait quatre-vingt, sans compter les chevaux d'élevage qui sont quasiment aussi nombreux.

L'air est encore très froid, ce matin, et le brouillard est très épais. Mes boots font crisser l'herbe givrée à chacun de mes pas. J'avance de mangeoire en mangeoire, paddock après paddock et chaque cheval mange son grain avec un appétit vorace. Lorsque je reviens dans la cour, précédée par la brouette, j'aperçois Lorenzo regarder par-dessus la porte d'un boxe avec un air suspicieux. Il m'entend et se retourne, surpris :

-Salut.

-Bonjour. Je vais commencer à faire les boxes.

Je désigne du doigt un grand cheval noir qui sort la tête de son boxe et qui semble avoir terminé son repas.
Lorenzo hoche la tête et me fait signe de commencer. Il a l'air troublé. 

-Ah, attends ! Nous partons aux courses à midi et demi, on a un partant, tu pourras venir avec nous, si tu veux. 

Je saute de joie intérieurement. Je ne pensais pas être invitée à aller aux courses. Je ne suis qu'une simple palefrenière. Je suis tellement heureuse que je contiens difficilement ma joie :

-Je viendrai, oui ! Merci. dis-je avec beaucoup trop d'enthousiasme.

Et je commence à travailler avec entrain, le sourire jusqu'aux oreilles.

Laura et Charlotte arrivent vers huit heures, les piaillements de Roxanne ne se feront entendre qu'à partir de neuf heures. Peut-être que je devrais lui prêter mon réveil ? ma conscience est d'humeur moqueuse. Rien ne peut remettre en cause ma bonne humeur, j'ai des ailes. Mon rythme ralentit un peu lorsque je nettoie les trois derniers boxes. Lorenzo et Charlotte sortent plusieurs chevaux pour leur faire faire des joggings. Laura me donne un coup de main à mettre le foin aux chevaux. 

Elle est réservée et très discrète, mais c'est une sacrée bosseuse. Elle ne s'arrête jamais, je ne la vois jamais faire de pause. Ses très longs cheveux châtain foncés sont attachés en une queue de cheval basse qui ondule à chacun de ses pas. Son pantalon de survêtement et son gros blouson trop grand pour elle lui donnent l'apparence d'être parée pour escalader le Mont Blanc. Elle est très simple dans sa façon d'être et complexée aussi. 

Une fois les boxes terminés et tous les chevaux servis en foin, le plus gros de mon travail est fini. Je demande à Lorenzo ce que je peux faire et il me confie la préparation du cheval que nous amènerons à l'hippodrome pour courir aujourd'hui : Vortex. 

Vortex est un cheval bai plutôt classique. Il a une jolie pelote blanche sur le chanfrein et un œil malicieux. Je le sors de son boxe et l'attache dans une stalle. Il faut qu'il soit parfaitement propre pour se rendre sur le champ de course. Je lui fais le nettoyage des grands jours. Laura m'apporte un très beau licol en cuir avec une plaque dorée sur laquelle il est inscrit Vortex en lettres cursives. Je trouve son nom amusant. Ne voyant personne pour me dire où le mettre en attendant notre départ, je décide de faire comme chez moi et le conduis au marcheur pour qu'il puisse s'échauffer un moment. 

En tournant vers l'écurie j'entends une discussion animée sur le parking. Je m'immobilise derrière le tronc d'un énorme chêne pour observer la scène. Laura discute avec un homme court sur pattes qui fait de grands gestes et s'énerve. Ils sont à côté d'une voiture et l'homme fait des gestes brusques à deux doigts de son visage. Mon cœur se serre en la voyant. Elle à la tête baissée et je devine qu'elle aimerait disparaître de là.

Finalement il contourne la voiture et se met au volant, Laura se dépêche de monter sur le siège passager. Ils quittent le parking.

Abasourdie, je retourne vers la cour, ne sachant pas bien à quoi je viens d'assister.

Perdue dans mes pensées, je nettoie la stalle que j'ai salie en nettoyant Vortex. Lorsque Lorenzo apparaît, il s'inquiète :

-Il est où Vortex ?

-Je viens de le mettre au marcheur, je me suis dit que...

Il ne me laisse pas finir ma phrase.

-OK super. 

Et il disparaît dans son bureau en marmonnant quelque chose en italien. 

Je passe rapidement un coup de balais dans la cour et lorsque je jette un œil à la pendule, à côté de la porte de la sellerie, il est midi. Charlotte me fait signe qu'elle monte se changer. 

Il ne reste que Roxanne qui sort un de ses chevaux d'un boxe. Je pars en direction des escaliers et croise Mickael :

-Tu as le sourire pour ton deuxième jour. C'est bien.

-Mais oui ! Je vais aux courses. 

-Dis donc, il t'a à la bonne Bécca. Tu y es déjà allée ? 

-Oui mais rarement. 

À mon plus grand regret. 

Ma mère m'a eue à dix-sept ans. J'ai gâché sa vie. Donc, comme je n'avais pas assez de jugeote, il m'était interdit de faire beaucoup de choses qui pourraient m'amener à côtoyer des garçons de près ou de loin. Et les hippodromes regorgent de garçons. 

Et à dix-neuf ans j'étais toujours considérée comme un être dénué de jugement qui allait se faire engrosser par le premier garçon venu.

-Tu y vas, toi ? Oui je viens avec vous, je n'ai pas de cheval à emmener aujourd'hui.

-Hé Emma ! 

Roxanne m'interpelle au loin. 

Oh non, qu'est ce qu'elle me veut ? Je me retourne pour la regarder.

-Tu pourrais me préparer mon cheval, s'il te plait ? J'ai un coup de fil à passer.

C'est une question qui sonne comme un ordre, je sens que je n'ai pas le droit de dire non. 

Mickael me dévisage, il pince ses lèvres et lève un sourcil. J'ai l'impression qu'il attend que je lui dise non. 

-Oui, j'arrive.

Je lui réponds en évitant de regarder Mickael.

Mais je vois qu'il secoue la tête en riant et je rejoins Roxanne auprès de son cheval.

Je m'exécute en vitesse : harnais, bride, protections... j'harnache le plus rapidement possible. Lorenzo passe devant la stalle et me voit aux pieds du cheval. Au même moment Roxanne s'esclaffe au téléphone à quelques mètres de nous. 

-Non mais elle est bonne, celle-là. Marmonne-t-il. 

Il se tourne vers elle et l'interpelle :

-Ehi tu vaccona ! Mi fai cagare fuori dal vaso. Au lieu de téléphoner là, tu te prépares ton cheval toi-même, bene ? 

Il se tourne vers moi, j'essaie de garder mon sérieux.

L'entendre parler à Roxanne est vraiment un plaisir pour moi, mais l'entendre bougonner en italien me donne une envie irrépressible de rire. 

-Va te préparer, on part dans une demi-heure. Me dit-il en m'indiquant de laisser le cheval.

Roxanne coupe court à sa conversation et vient me remplacer pour poser la dernière guêtre. Elle ne dit pas un mot et ne me jette pas un regard. J'en profite pour filer jusqu'à ma chambre pour prendre une douche express et m'habiller. Je sèche rapidement mes cheveux me maquille légèrement et enfile un t-shirt tout simple, un pull et mon jean slim que j'adore. Je mets mes Stan Smith aux pieds et enfile une doudoune courte noire, un bonnet, noir lui aussi, et une écharpe grise que mon frère Jules m'avait offerte. 

Lorsque je retourne dans la cour, le camion est garé devant les stalles et Lorenzo embarque Vortex dedans par la porte latérale. Le camion ondule sous chacun de ses pas. Je m'approche pour aider à fermer les portes. Mickael aide Lorenzo à embarquer le matériel à l'arrière. Roxanne rentre de piste au sulky de son cheval et vient l'arrêter près du camion. Je m'approche du cheval pour aider Roxanne à décrocher le sulky. Elle rompt le silence :

-Ah ben, voilà. Ca y est, elle est prête la chouchoute du patron ! 

Le ton qu'elle emploie est désagréable, comme si elle parlait à un enfant, avec un grand sourire. 

-Pardon ?

Prise au dépourvu, je ne comprends pas tout de suite ce qu'il se passe. 

-Maintenant les palefreniers ont le droit d'aller aux courses après une seule journée de boulot. 

Je ne sais plus où me mettre, je soulève le sulky pour que son cheval puisse s'en éloigner et je pose les brancards au sol sans dire un mot, espérant qu'elle se taise. 

Je me rends compte qu'aller à l'hippodrome pourrait avoir des répercussions pour le moins... inattendues.

-Quand j'ai commencé dans ce métier, il fallait faire ses preuves avant d'aller sur les hippodromes, tu sais ? Ça voulait dire quelque chose. Ça se méritait, quoi. 

Elle fait une pause avant de reprendre, toujours aussi fort :

-Enfin, si tu veux mon avis, les palefreniers n'ont rien à y faire. Ce sont les lads et les jockeys qui doivent y aller. Les palefreniers doivent rester à l'écurie pour faire les boxes et nourrir les chevaux.

Elle mène son cheval vers les stalles et se retourne vers moi. 

-Mais bon, tu n'y peux rien si tu es la chouchoute de Bécca. dit-elle avec un air mielleux insupportable.

Je reste sans voix. Elle m'horripile et je me surprends à avoir envie de la gifler. Je chasse cette idée de mon esprit. Je n'arrive pas à lui répondre, alors la gifler... 

Ses mots me touchent plus qu'ils ne le devraient et je me sens me refermer sur moi-même. Tout compte fait, si, il y a une personne qui pouvait me faire perdre ma bonne humeur, aujourd'hui. 

-Ca fait quoi si elle vient ? Tout est fini ici de toutes les façons, il n'y a plus rien à faire avant ce soir. Autant qu'elle vienne.

L'intervention de Charlotte me réconforte et je me sens moins seule.

-Non mais c'est pas grave, je constate c'est tout. 

-Lâche-la, Roxanne, intervient Mickael en posant une main réconfortante sur mon épaule.

Charlotte lève les yeux au ciel et me fait signe de monter dans le camion.

Dans la cabine, il y a cinq places et les trois places à l'arrière font aussi office de couchette. Je m'installe à l'arrière derrière Lorenzo qui s'assied au volant. Charlotte s'installe à côté de moi et Mickael prend place sur le siège passager.

-T'inquiète pas, elle est comme ça avec tout le monde. 

La voix de Charlotte est douce et compatissante.

-Qui ça ? demande Lorenzo.

-Roxanne, répond Mickael.

-Che rompiscatole. Qu'est-ce qu'elle a fait, encore ?

-Rien. Ce n'est rien.

J'interviens rapidement pour couper court à la conversation.

Lorenzo soupire sans rien ajouter et nous conduit en dehors de l'écurie.

Après une petite demi-heure de route, j'aperçois l'hippodrome. Sa piste rouge et ses tribunes bleu turquoise sont atypiques. Lorenzo gare le camion sur le parking des professionnels autour duquel il y a des rangées de stalles et de boxes pour accueillir les chevaux. Lorenzo a réservé un boxe pour Vortex, nous l'y installons. Mickael s'est éclipsé. Je ne quitte pas Charlotte d'une semelle. Je repère les lieux et essaie de l'aider du mieux possible. Lorenzo harnache lui-même Vortex et part faire son échauffement sur la piste. En l'espace de vingt minutes, le parking s'est rempli de camions et les chevaux ont pris possession des lieux. Les chevaux circulent dans tous les sens, les gens aussi, c'est l'effervescence. Charlotte salue beaucoup de monde et me présente rapidement comme la nouvelle recrue de Lorenzo. Je fais la bise à des tas de gens sans savoir qui ils sont. Finalement, nous nous rendons en bord de piste pour voir l'échauffement de Vortex. Le froid ambiant me crispe et je frotte mes mains l'une contre l'autre pour les réchauffer avant de tirer sur machinalement sur mes manches. Vortex est serein et trottine gentiment sur la piste.

Les courses ont commencé et elles ont lieu à une demi-heure d'intervalle. Les professionnels s'affairent en coulisse, il y a du monde un peu partout. Il reste du temps à Vortex pour être tranquille avant sa course. Nous le suivons de loin, alors que Lorenzo le ramène jusqu'au boxe. Je marche dans l'ombre de Charlotte et j'aperçois au loin une personne qui me fait un signe de la main. Je m'arrête net en reconnaissant Joyce Patovsky qui était en troisième année quand j'entrais à l'école de jockey. Elle m'appelle en criant mon nom.

Je bondis sur ma gauche et cours à toute vitesse pour qu'elle ne puisse plus me voir. Au bout de l'allée je me retourne et la vois au loin me chercher du regard. Oh non merde elle va tout faire capoter !

Je cours encore et m'engouffre dans une autre allée plus éloignée du cœur de l'hippodrome et moins peuplée. Je regarde encore derrière moi pour voir si elle me suit toujours et je me heurte violemment à quelqu'un.

-Hé !

Fait l'homme en m'attrapant par les bras pour me retenir de tomber.

Je pousse un cri de peur et me défends en le frappant au bras. 

Je ne m'attendais pas à tomber littéralement sur quelqu'un.

Il me retient de tomber en me tenant par les bras et je me souviens que l'on me suivait. 

-Est ce que ça va ? 

Je reprends ma course sans lui répondre, le regard braqué vers l'arrière. Je ne prends même pas la peine de le remercier ni de m'excuser auprès de cette personne. 

Je disparais sur le parking et ralentis le rythme.

Je retrouve le camion de Lorenzo et monte dans la cabine. Je m'assieds sur la couchette et essaie de reprendre mes esprits. Qu'est-ce qu'elle peut bien faire dans le sud-ouest ? Je n'avais pas prévu que je croiserais des gens qui me connaissent. Je pensais être suffisamment éloignée avec peu de connaissances. Je vais devoir ouvrir l'œil. 

J'entends la porte arrière du camion s'ouvrir. Je sors pour voir qui est là.

-On avait oublié les seaux. Me dit Charlotte. Qu'est-ce que tu fais ?

-J'avais oublié de prendre de l'argent pour boire un verre...

Elle me fait signe de la suivre, je m'exécute, enfonçant un peu plus mon bonnet sur ma tête.

Je m'assieds sur la malle de course à côté de la porte du boxe. Mon petit coup de panique est passé, je suis heureuse d'être là et savoure l'instant présent. 

J'ai pu aller à l'hippodrome à quelques rares occasions, à l'insu de ma mère. Deux fois avec mon père, une fois avec ma meilleure amie, Anna. Je me souviens du scandale à la maison lorsque ma mère m'avait aperçue à l'écran sur Equidia. Elle ne s'en est aperçue qu'une seule fois sur les trois fois où j'y suis allée. Je m'en souviens comme si c'était hier. J'ai le cœur lourd en repensant à sa crise et à ses mots tranchants comme des lames de rasoir. Je baisse les yeux, plongée dans mes pensées les plus sombres.

Du coin de l'œil je vois quelqu'un arriver rapidement. C'est Lorenzo. Il me touche l'épaule pour attirer mon attention :

-Allez, on y va.

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