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Christian Lemoine

Que tu viennes en catimini, comme le chat de tes légendes, à la fois douceur et douleur, la griffure vive de l’or en fusion, la caresse molle du pelage de soie lustré. A l’heure qui te convient, ainsi que ces fantômes délicats revenus des abysses pour enfanter des rêves où ils palpitent encore. Que tu viennes en insurrection, comme la traînée enflammée qui bouche les rues parfois et gronde et menace et prend le pavé pour en faire barricades, l’arbre pour en faire javelot, le verre fracassé pour en faire bombe incendiaire, la colère pour nourrir la révolte. Même à l’heure la moins décente, même si ton irruption par sa soudaineté réchauffe des brûlures que le froid de la solitude n’aura pas su anesthésier tout à fait. Que tu viennes en triomphe au linteau d’une salle commune, incongrue peut-être, trop flatteuse pour l’humilité de ses hôtes, comme un Christ en gloire bénissant l’invisible depuis sa mandorle aux courbes suggestives. Quel que soit le temps choisi pour tes résurgences, ainsi que la rivière souterraine, ignorée des vivants et des mondes extérieurs, jaillissant d’une excavation qu’elle prétendrait source, eau nouvelle, eau primordiale, aussi pure qu’en son origine. Que tu viennes, par quelque voie de ton caprice, car tu sais, le précieux…
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