Voitures à chevaux (7)

aile68

Les mois ont passé, puis les années, on était bien content quand nos soldats revenaient pour une permission, même les gueules cassées on les accueillait à bras grands ouverts avec tout le respect et l'émotion qu'on leur devait. Le soir on priait pour que tout se passe bien, on espérait que cette maudite guerre se termine au plus vite. Ma mère et tante Lulu faisaient des bocaux de légumes pour que l'hiver nous semble moins long, il me semble que toutes les saisons étaient plongées dans un hiver qui gardait les coeurs froids et meurtris, seules les confitures sur le pain nous donnaient l'impression d'un regain qui nous aidait à aller de l'avant. Les Noëls se faisaient dans un silence religieux, nous allions à la messe tous les dimanches, c'était notre seul point de rencontres avec l'épicerie, nous nous croisions tels des fantômes pressés de rentrer. J'ai eu dix-huit ans moi aussi, malgré les événements une légère euphorie gagna mon coeur, je l'ai gardée tout contre moi, en silence, pendant que je vaquais à mes tâches quotidiennes, ma mère m'avait trouvé une place de servante chez de riches bourgeois. Je ramenais un peu d'argent à la maison, et de baume au coeur, je ne disais rien de ma condition, ma mère savait que ma maîtresse était une peau de vache, je ravalais ma haine et mes rancoeurs contre cette dernière, ma mère je ne lui en ai jamais voulu, c'était la guerre.


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