Vomir la presse à sensations

Jean Claude Blanc

sous les feux de la rampe, certains en meurent

                         Vomir la presse à sensations

Moindres faits et gestes enregistrés

Pour les connus, les réputés

Punis par où ils ont péché

Ne fait pas bon d'être célèbre

Avant de parler se mordre les lèvres

 

L'actualité « qu'en dira-t-on »

Sur les idoles, les cloches sonnent

Je vomis cette presse à sensations

« N'aimant pas qu'on m'abime un Homme » (ST Ex)

 

D'être repéré, une vraie plaie

En première page le portrait

Décortiqué, analysé

Et même en toute impunité

Aussi violée l'intimité

 

Crimes et violences banalisés

Que l'on nous sert chaque quart d'heure

Pour faire de l'audience la télé

Repasse en boucle tous les malheurs

 

Plupart du temps, bien désolant

Rien à se mettre sous la dent

Que la météo, jeux à pognon

Qui veut gagner, être champion

Un peu de réclame pour vieux fossiles

Appareillés plus bien habiles

 

Même spectacle au bar-tabac

Où l'on ne sert pas que du pastaga

D'immondes torchons comme Gala

Pour 2 Euros, on pète la joie

Y découvrant tout à la fois

« La Nausée » avec « Les Mains Sales »

Compilation de Sartres à poils

 

Y'a des vedettes comme Hallyday

Pour qui ça ne fait plus d'effet

Habitués d'être éreintés

C'est la rançon de leur succès

 

Certains s'y prêtent diligemment

Pour se faire remarquer, manquent pas de cran

Un peu de cul, n'est pas de trop

Pour les adeptes « diable dans la peau »

D'autres ignorés, aimeraient en être

Quitte à fourbir leur quéquette

Mais refoulés, trop d'infortune

Pas assez lourdingues pour faire la Une

Les politiques pas épargnés

Faut dire qu'ils l'ont un peu cherché

Exhibent s'en honte leurs mouflets

Leurs bonnes femmes et leurs palais

Gardant caché leurs payses

Qui sont l'objet de convoitise

Des magazines, rubrique surprise

 

Tout ce beau monde de haute volée

S'en fait une gloire d'être adulé

Photographié sous toutes les faces

D'en abuser certains s'agacent

Même trouvent ça dégueulasse

Que les paparazzis les prennent en chasse

Mais se mérite, toucher la grâce…

 

Moi qui ne suis pas une lumière

Pige que les images sans commentaires

J'en suis fourni chez mon libraire

Y'a que des revues d'histoires légères

Où ça raconte la vie des riches

De Monaco, princesses potiches

Toute la saga du prince Rainier

Les avortées, les divorcées

Les accidents au sport d'hiver

Des mots d'esprit, n'y en a guère

Tout avantage a son revers….

 

J'en ai fait ma philosophie

De vous la livrer, j'en meurs d'envie :

« Heureux qui comme la rivière

Peut suivre son cours dans son lit

Tandis que les peuples du désert

Crèvent d'attendre tomber la pluie »

 

J'ai bien le droit de faire ma pub

Faute de pouvoir en faire un tube

Comme je suis vieux, plus très malin

Me laissent choir les quotidiens

Mon seul public, c'est mon brave chien

 

N'empêche j'enrage de ces veinards

Qu'atteignent les sommets de leur art

Même sans talent, sont admirés

Mais par bonheur, par les benêts

 

Suis pas amer, que désolé

Que l'on nous gave d'énormités

Feuilles de choux sans texte, papier glacé

France-Dimanche pour se délasser…

Et faire rêver les réprouvés

Pourtant ça marche (selon Macron)

Lui-même jeune et beau garçon

Vraiment flatteuses ses apparences

Sont rares ses compositions

Mais il a le sens de la séduction

Tombe sous son charme la vieille France

 

Comme ses comparses, il est en vogue

Etant de toutes les synagogues

Car pour plaire aux médias

Faut faire du bruit, du cinéma

Se rouler par terre, donner de la voix

Faire des risettes par ci par là

Jouer les poivrots comme Renaud

Toujours debout…pas vraiment sot

Pour attirer le populo

 

Garde pour la fin, le plus tragique

Des fois ça tourne de travers

Les petits malins, forts en affaires

Ne peuvent qu'être la proie des flics

Mais se devant à leur public

Envoient péter la République

 

Alors la presse à sensations

Tape sur la gueule de ces poltrons

Ainsi retourne l'opinion

Rendez-vous à la case prison

Hélas ce n'est qu'une illusion

 

Toujours s'en sortent ces mignons

Mais durent qu'un temps les ovations

Etant soumis aux variations

De l'humeur du peuple, qu'a ses raisons

N'être plus pris pour cornichon

 

Alors pour comble d'allégresse

Suffit surfer sur internet

Y'a des parties de pince-fesses

Des plus torrides, ses vedettes

 

Presse people sous toutes ses formes

Rien à redire, amuse son homme

En douce on va y faire l'aumône

D'un peu d'ivresse, gastronomes

Plus de rubriques chiens écrasés

Déjà qu'on laisse de côté

Les opprimés, les affamés

Que l'on observe que de loin

Pourquoi les plaindre, on n'y peut rien

C'est invendable la vérité

Presse qui se targue d'être libre

La museler serait terrible

Hélas souvent tendancieuse

On l'aimerait plus vertueuse

Avec des codes égalitaires

Traiter tout le monde de la même manière

 

Tellement sacrée qu'on n'ose pas

La critiquer pour ses défauts

Alors quitte à passer les normes

En cette période monotone

Je pousse plus loin même à l'extra

Me paie chaque semaine Charlie Hebdo

C'est la potion à tous mes maux

 

Presse poubelle à ne pas jeter

Qui encourage les frustrés

Prendre leurs désirs pour réalité

Une branlette, c'est la santé

Pour pas devenir obsédé

Prendre qu'un instant d'éternité

 

Sûrement utile à sa manière

Cette presse pressée de nous informer

Du moindre pet de l'univers

Pour nous soustraire à l'anxiété

 

Il suffirait ne plus l'acheter

Pour qu'elle se taise à jamais

Pardonnez-moi cette évidence

Que me délivre ma conscience

De spectateur, consommateur

Qui de tant de haine, il a peur

 

Les mots qui blessent peuvent tuer

Que l'on soit noble ou roturier

On en rigole qu'en société

Mais concernés pas bon sujet

 

Car sous les feux de la critique

On en connait qui se suicident

L'humanité qu'en nous réside

Devrait se fixer des limites

 

Que ça plaise ou non, c'est la logique

Obligatoire qu'on cohabite

« Mon cri d'amour du crapaud

Je vous le pousse, je coa-bitte

J'ai ma presse bitte qui me tient au chaud »

Permettez-moi ce mot douteux

D'un drôle d'artiste besogneux…            JC Blanc avril  2017  (ma vie d'artiste)   

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