Voyager

nastasia

Préface: construction d'une richesse intérieure en marge de la société

Avant 20 ans on relativise, à partir de 20 ans on prend conscience et à 30 ans on construit.

De base je voyais la vie comme ça, une bonne situation financière, un investissement dans l'immobilier;des enfants et un mari. Concernant ma mère, on a peu de chance de faire un métier qui nous plait, et pour mon père c'est le salaire qui doit être privilégié. Et pour moi c'était d'être heureuse. Cela fait souvent sourire les gens de représenter sa vie selon une émotion, un état d'esprit: le bonheur. Sa présence au sein de notre vie peut être irrégulière, dégradée, oubliée. Pourtant j'en ai fait ma priorité. Je ne me vois toujours pas faire le même métier toute ma vie, et encore moins être enfermée dans un bureau, et toujours au même endroit. Une vie trop réglée et organisée, que j'imagine platonique. Alors j'ai commencé à travailler autant de temps que je comptais partir. Je m'explique; si je travaille 2 mois d'affilé par exemple, je partirais alors 2 mois à l'étranger. Je refuse d'avoir le sentiment de plus travailler que de profiter de la vie, et le confort dans lequel je me construisais finit par m'étouffer.

Bien avant que le désir de voyager m'envoûte, je percevais les voyageurs comme des vagabonds, sans but dans la vie, perdus. Je voyais à travers le regard de la société, mon esprit était autrefois mis en cage. C'est cette même société qui a domestiqué mon comportement comme le fait que je désirais les mêmes choses que les autres. Et c'est ce qui m'a interpellée, nos envies devraient être propres à nous mêmes, autant que l'on devrait pouvoir se différencier des uns et des autres. Et c'est cette homogénéité qui a fini par m'irriter. Je ne passe pas la plupart de mon temps en vacances à me reposer. Voyager est épuisant, cela demande de l'organisation, de l'adaptation, une bonne communication et une grande autonomie. S'adapter à la culture locale, à sa population, sa langue, son système de transport et d'hébergement, mais aussi son alimentation. Et cela sans horaire fixe, pas que de 8:00 à 18:00 du lundi au vendredi. Tout le monde ne peut pas voyager ! J'ai fait un choix qui en effrayerait plus d'un. Mais je ne porte aucun jugement sur celui qui ne se sent pas capable de prendre le risque, tant qu'il est heureux c'est le principal. Je ne voulais juste pas être contrôlée par ma peur, mes doutes et me rassurer dans mon confort quotidien. À chaque voyage je me reconstruit, je m'étonne et je me surprends. J'apprends de mes erreurs, et il m'arrive d'être fière de moi selon les situations que j'affronte. Je vis par et pour moi même et ça fait du bien ! Voyager me permet d'apprendre à me connaître, je prends le temps de me découvrir pour faire plus tard les bons choix qui seront décisifs pour le restant de ma vie. N'oubliez pas, ce sont les choix que l'on aurait dû faire qui nous ferons regretter. Et regretter est un sentiment qui entache celui du bonheur. Je prends pleinement conscience de l'importance de mes choix à travers les jours qui passent, puisqu'aucun ne se ressemblent. Je ne fais rien par automatisme, et je me rends compte que la vie est pleine de surprises. Dans d'autres pays, les gens n'ont pas la possibilité d'espérer mieux de leur situation actuelle et encore moins d'entreprendre des voyages à la découverte du monde; ils s'en tiennent aux récits des voyageurs. Partout où l'on passe, on transporte des souvenirs, des savoirs. D'autres à mobilité réduite n'ont pas non pas la possibilité de monter par exemple le volcan Stromboli, et d'y voir sa fameuse lave rougeâtre. Je voyage aussi parce qu'on a m'a donné la possibilité de pouvoir le faire. Je vote car dans le monde toutes les femmes ne le peuvent pas. C'est cette même chance je ne veux absolument pas étouffer.

Voyager me rend aussi un peu plus sauvage, je fais beaucoup plus confiance à mon instinct et reste sur mes gardes. J'ai appris à me méfier car j'étais plutôt naïve, mais aussi à analyser au delà de l'apparence. A force de devoir demander mon chemin, expliquer dans une autre langue à des étrangers mes difficultés, ma timidité s'est évaporée. Je la voyais comme une peur qui m'empêchait d'agir, je l'ai brusqué et me suis fait violence jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Voyager me permet aussi de me détacher du monde virtuel et de privilégier le contact direct entre humains. Mais surtout de relativiser et d'apprécier les belles choses que le monde nous offre et qu'on a la possibilité de contempler. Dans ma vie de sédentaire, je ne faisais attention qu'au bébé qui pleurait dans le métro, au 5 minutes de retard du bus ou encore au monsieur qui avait écrasé mon pieds par inadvertance. Le genre de petits tracas qui avaient le don de m'énerver et de me mettre de mauvaise humeur. Bien sûre je rencontre des situations assez désagréables lorsque je voyage, mais ce n'est rien comparé au nombre de belles choses que je peux admirer. Voyager à donc changer mon regard, et ma rendu plus zen. Je me plains moins et je ne connais plus ce sentiment constant d'agacement. Je vois le monde qui m'entoure d'une autre manière. Je me rends compte que mon regard était totalement braqué sur ma petite vie. J'ai appris à regarder le tableau dans son intégralité et pas seulement un détail de celui ci. J'ai vu la véritable beauté, je sais désormais que l'imperfection peut avoir du charme. J'en ai eu tout simplement assez d'être insatisfaite et d'espérer que les choses viennent à moi, et de me satisfaire jusqu'à m'en convaincre que ce que j'avais m'était assez. Le voyage m'aura rendue ambitieuse et persévérante,mais aussi plus confiante. Il m'aura aussi permis de faire le point sur ma vie et de revoir mes priorités, sur ce qui va et ne va pas, et sur ce qu'il faut absolument que je change. On peut revoir plus facilement ses priorités en s'y détachant. C'est comme les problèmes d'ailleurs, on s'en contente et pourtant ont les chéri autant qu'on les déteste. Comme une addiction, on ne connaît même plus la vie sans problème puisqu'on est persuadé qu'ils sont indissociables. J'apprends de nouveau à les faire disparaître des qu'ils pointent le bout de leur nez, je n'attends pas comme un enfant que ça passe tout en pleurant. Et adulte, on continue de se plaindre mais en se trouvant cette fois ci des excuses, nos lamentations passent par le dialogue. Dans ma vie quotidienne j'ai tendance à tout vouloir contrôler et c'est ce qui m'étouffe. En voyageant, c'est ce laisser aller qui m'apprend à réellement respirer.

J'ai "troqué le rassurant pour l'exaltant", j'ai tout simplement fait le choix de sortir de ce "bonheur léthargique" dans lequel je m'encrais au fil du temps (Raphaëlle Giordano). Et puisque le " changement est une porte qui ne s'ouvre que de l'intérieur" (Tom Peters), alors j'ai tout simplement décidé de la pousser ! Et "tant mieux si la route est longue, (je pourrais) faire un peu plus de détours" (Orelsan). Et si cela devait s'arrêter, j'aurais au moins pu me réaliser en exploitant mes capacités. Ce n'est pas le temps consacré à une tâche qui va compter, mais ce qu'on en aura appris et ce qu'on aura réalisé. Le voyage est ma catapulte, il me propulse sans détour dans la vie.

PS: les cours de langues et d'histoire géographie prennent tout leur sens quand on voyage. Voyager c'est l'école de la vie.

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