Que mes remords soient aussi légers que tes boucles

My Martin

Va d'abord trouver l'amour. Ensuite reviens près de moi, je te montrerai le chemin


Fine coupe, pierre lisse vert pâle. Banale, sans fioritures

Un texte dense court à sa surface -caractères arabes

Selon le cartel, jadis la coupe a appartenu à un empereur moghol (?). Inde, XVIe siècle



Bref coup d'œil

Sans intérêt



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Inde du Nord, 1607-1608

Coupe à vin de l'empereur moghol Jahângîr 1569-1627

Datée "1016 H" : avril 1607 à mars 1608 après J.-C.

Jade. 5,5 cm X 7,4 cm

Ancienne collection Guennol, New York. Alastair Bradley Martin 1915-2010 et son épouse Edith Park Martin 1917-1989. Coupe exposée au Brooklyn Museum, New York

Paris, collection Al Thani



Cette coupe à vin est le plus ancien objet en jade daté, appartenant à un empereur moghol

Elle comporte trois bandes -calligraphies persane et arabe

la bande centrale – gravée en écriture Sols monumentale (style d'écriture persane) – contient une dédicace royale : réservée à son usage exclusif, la coupe est créée pour l'empereur Jahângîr

la bande supérieure, en écriture nastaliq. Style de calligraphie persane, alphabet persan. Coupe personnelle de l'empereur. Fabriquée au cours de la deuxième année de son règne, entre avril 1607 et mars 1608 après J.-C.

la coupe est ornée de vers en persan, poésie du XVIIe siècle contemporaine de l'objet

L'empereur a récompensé le responsable des orfèvres royaux, fabriquant de la coupe, pour ses talents de poète



À la cour moghole, le jade, utilisé pour les poignards, invoque le succès au combat

Le jade est censé réagir en présence de poison. De nombreux récipients à boire sont en jade

Les Moghols sont influencés par la céramique et les jades chinois ; la forme de la coupe est celle d'une tasse à thé chinoise de cette période

Le jade tacheté utilisé reflète l'affinité moghole pour les bronzes chinois, leurs surfaces tachetées



La consommation de vin fait partie de la culture de la cour timouride. Les peintures de la cour moghole représentent des scènes de consommation de vin. Les vins, les verres à vin, sont associés aux plaisirs, avec une large symbolique

Poète mystique persan 1207-1273, Rumi parle des vertus du vin. Il utilise la métaphore de la coupe à vin, de la taverne, de l'échanson et de l'ivresse, pour la manifestation du divin

Banur, prince timouride de l'Inde et fondateur de l'Empire moghol 1483-1530. Dans l'une des peintures, Babur est représenté ivre, une bouteille et une coupe de vin à la main

Un tableau des dernières années du règne d'Akbar (1556-1605) représente un jeune prince, une coupe de vin, un livre, une fleur à la main. Mysticisme poétique. Verset soufi

La littérature persane identifie la coupe de vin avec la Coupe de Jamshid, héros persan légendaire. Élixir de longue vie

Dans l'une des peintures, un prince présente une coupe à l'empereur. Subordination du prince et loyauté envers l'empereur



Omar Khayyam et Hafez de Chiraz, ont chanté le vin, l'ivresse

Omar Khayyam 1048-1131. Savant, il résolut géométriquement une équation cubique, par l'intersection d'un cercle et d'une parabole

Hafez de Chiraz 1325-1390 poète, philosophe et mystique persan



... Elle passe bien vite cette caravane de notre vie

Ne perds rien des doux moments de notre vie

... Bois du vin, car tu dormiras longtemps sous la terre,

Seul sans ami, sans camarade et sans femme

... Lève-toi, donne moi du vin, à quoi bon discuter,

Ce soir ta petite bouche suffit à tous mes désirs

Sers-moi du vin rose comme tes joues

Et que mes remords soient aussi légers que tes boucles



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Vers 1156 - 1227 Gengis khan renverse ses rivaux au sein des tribus nomades d'Asie centrale et d'Asie de l'Est

1196, roi des Mongols "Roi océanique universel puissant". Il fonde l'Empire mongol



Tartares ou Tatars. Ensemble des populations d'origine turque et mongole qui envahissent l'Occident au XIIe siècle. Le nom "Tatar" désigne à l'origine une ethnie mongole au temps de Gengis khan. Dès la fin du XIIIe siècle, nom générique de différentes ethnies turques



Timur Lang "le Boiteux" Kech près de Samarkhand, 1336-Otrar, 1405

Noblesse turque, clan Barlas. Timur est membre de l'ethnie des Barlas turquisés, sous-groupe mongol installé en Transoxane -l'Ouzbékistan- après avoir participé aux campagnes du fils de Gengis Khan, Chagatai 1183-1242, dans la région

Il s'empare du pouvoir et se proclame roi de Transoxiane 1370-1405

Personnalité complexe et déroutante. Guerrier intrépide, dévastateur sanguinaire, lettré et amateur d'art

A partir de 1380, il s'acharne contre l'Iran et les contrées avoisinantes, ravage les capitales, liquide les dynasties, massacre les populations -pyramides de têtes

Inde musulmane. 1398-1399 Invasion tartare de Timur Lang

1398 Il s'empare de Delhi (sultanat), dévaste l'Inde et l'abandonne, plongée dans l'anarchie

1400-1401 il pénètre en Syrie

1402 Il bat les Ottomans près d'Ancyre / Ankara

1405 A la veille de sa mort, il s'apprête à envahir la Chine



1526. L'un des descendants de Timur / Tamerlan 1336-1405, chassé de la Ferghana par les Ouzbeks, fonde en Inde l'Empire des Grands Moghols

Moghol ou mogol, dynastie mongole d'origine timuride, qui règne sur l'Inde du XVI au XIXe siècle

Le Grand Moghol, désignation habituelle des empereurs de cette dynastie



Amateurs éclairés, les Timurides embellissent leurs capitales -Harat Afghanistan, Samarkhand Ouzbékistan - et réunissent des lettrés autour d'eux

Système de féodalité militaire avec concession de domaines, afin de s'assurer les services des chefs musulmans (nababs), aussi bien qu'hindous (maharajas)



Éclosion de la peinture d'album : l'école moghole s'inspire des formules de l'Iran

écoles du Rajpout, Bengale, Deccan (thèmes brahmaniques)

écoles du Gujhat (thèmes jaïns. Non-violence universelle)



L'immense majorité de la population (hindouiste) reste misérable



*



... 1605-1627 Jahângîr succède à Akbar



Salîm, Nûr ud-Din Muhammad. Jahângîr ou Djahanguir « possesseur du monde » en persan

Quatrième empereur moghol de l'Inde

Fatehpur-Sikri, 9 septembre 1569 - Lahore, 28 octobre 1627


Akbar "le plus grand", le père de Salîm, est le troisième empereur moghol de l'Inde 1542-1605

Sa mère, la princesse hindoue Mariam uz-Zamani 1542 - 19 mai 1623 est l'une des épouses d'Akbar

Près d'Agra, Salîm est élevé dans le respect de l'islam -soufisme



Basée sur la connaissance de soi, le soufisme est la discipline spirituelle de l'Islam. Amour et tolérance

Djami 1414-1492 cheikh soufi. Pour bien commencer une journée tournée vers la spiritualité, l'amour est la pierre angulaire fondamentale. À l'un de ses élèves qui dit n'avoir jamais aimé, Djami dit : « Va d'abord trouver l'amour. Ensuite reviens près de moi, je te montrerai le chemin »



. Quoique l'islam interdise de boire du vin, les soufis ont coutume d'absorber ce breuvage, qui vivifie la foi et porte un symbolisme particulier

Salîm. "Je désire seulement une bouteille de vin et un morceau de viande, pour me garder joyeux"

Akbar adore Salîm, premier fils inespéré, mais leurs rapports se détériorent à mesure que Salîm prend de l'âge

Salîm se révolte deux fois contre son père, en 1591 et en 1601. Impatient de monter sur le trône

Il se réconcilie avec son père, pour obtenir son pardon, lui offre sept cents éléphants

1605. Akbar meurt. L'aîné Salîm (2 frères) sort victorieux des rivalités liées à la succession et accède au trône. Quatrième empereur moghol de l'Inde, Jahângîr « le possesseur du monde »

1611, Jahângîr épouse Mihr un-Nisâ, jeune veuve de l'un de ses officiers afghans. Elle reçoit le titre de Nûr Jahân, "Lumière du monde".

Nûr Jahân a une forte influence sur son époux, qui apprécie ses sages conseils. Jahângîr a sept autres épouses



Jahângîr n'a pas le sens politique de son père Akbar. Honnête et tolérant envers les hindous, les chrétiens et les juifs

Jahângîr décrète de nombreuses exécutions par éléphant. Être écrasé sous les pieds des éléphants est le châtiment réservé aux individus qui s'opposent à l'empereur. Plaisir sadique, Jahângîr assiste à ces supplices

Ses relations avec les Sikhs sont tendues. Les Sikhs croient en un Dieu unique, le Créateur, leur unique objet de dévotion est le Livre saint. Suivant les ordres de Jahângîr, Arjun Dev 1563-1606, cinquième des gurus du sikhisme, est exécuté

Jahângîr reçoit de nombreux étrangers à sa cour

Thomas Roe 1581-1644, ambassadeur du roi Jacques Ier d'Angleterre

le capitaine William Hawkins 1560-1613, commandant de l'Hector, demande une autorisation de commerce permanente. Elle lui est accordée pour le port de Surate -Gujarat, Ouest de l'Inde



L'art, la littérature, l'architecture, prospèrent

L'empereur commence ses mémoires, le Jahângîr Nâma,

il érige un mausolée à son père Akbar à Sikandra, près d'Agra,

il fait construire des jardins à Srinagar, Nord-Ouest de l'Inde



L'empire en état de guerre, continue son expansion

Au Nord-Est, les Moghols sont mis en difficulté par la tactique de guérilla des Âhoms. Au XIIIe siècle, ces peuples de langue thaïe s'installent dans la région de l'Assam

Jahângîr craint les Ouzbeks et les Perses, égaux des Moghols en ressources et puissance militaire

1616 à 1624. Le Nord de l'empire connaît une épidémie de peste. Jahângîr se réfugie à Fatehpur-Sikrî, la ville construite puis abandonnée pour raisons stratégiques, par son père Akbar

Jahângîr sombre dans l'alcool (dès ses 18 ans) et l'opium (40 ans). Il regrette le temps perdu dans l'ivresse, la dépendance à l'opium. Ses mains tremblent



au XVII siècle Alcool, opium, ces addictions se répandent à la cour moghole

Balchand 1595-1650 peint deux portraits d'un haut serviteur de l'empereur. Maigreur cadavérique, il est enfoui dans d'immenses coussins sur son lit d'agonie

L'image correspond à la description que Jahângîr fait du mourant dans la chronique de son règne, à l'année 1618



Nûr Jahân est la véritable dirigeante de l'empire

Les Perses tirent profit des conflits internes de la cour moghole et s'emparent de Kandahar

1627. Jahângîr tombe malade

Khurram, fils aîné de Jahângîr (cinq enfants), se rebelle à nouveau. Shâh Jahân 1592-1666, futur cinquième empereur moghol

Jahângîr (58 ans) est fait prisonnier, il parvient à s'évader. En route pour le Cachemire, il meurt à Lahore



1627-1637. Le tombeau de Jahângîr. Le mausolée est situé à Shahdara Bagh à Lahore, Punjab, actuel Pakistan, le long des rives de la rivière Ravi. Limite frontalière entre l'Inde et le Pakistan



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