Correction orthographique : où quand la routourne va tourner

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Que ceux qui n’ont jamais eu les yeux qui piquent en lisant un commentaire sur Facebook lèvent la souris.

Que ceux qui n’ont jamais eu honte d’un footballeur français en l’écoutant parler vident leur poubelle en mode non sécurisé (oui celle de l’ordinateur, non parce que la vraie, la concrète, je ne comprendrais pas vraiment le principe du mode sécurisé voyez-vous. À part faire un double nœud avec la ficelle d’attache peut-être…).

Non mais vous imaginez le nombre de coups de règle qu’il faudrait asséner sur les doigts fautifs de ces trublions de la langue française ? Trublions, qu’écris-je, assassins oui ! Et ils commencent à tuer dès le plus jeune âge : 6, 9, 12 ans… Notre époque est tellement ahurissante. J’exagère ? Je suis persuadé que si un nouveau-né était capable d’écrire son premier mot, « mamment » serait son chef-d’œuvre.

La dernière fois que je me suis connecté sur un forum public, je me suis demandé comment il était possible de faire sept fautes dans un mot qui ne compte que cinq lettres.

Tiens, si j’étais un dictateur (oui je me vois bien dans un costume strict, un peu à la Kooples vous voyez), la première chose que j’ordonnerais serait d’imposer le Bescherelle en tant que livre de chevet national. La deuxième : reprogrammer la Dictée de Pivot tous les dimanches, voire… trois fois… par jour. Et la troisième : remplacer les bénédicités par la récitation d’une règle de grammaire : « Je vous salue verbe marier, en lien direct avec le sujet, l’accord est avec vous. »

Oui j’ai peur je vous l’avoue. Ho oui j’ai peur. Si cette situation était un film, il s’intitulerait L’Exorpsychorec Activity. Ces monstres sont assoiffés de fautes d’orthographes et nous, pauvres spectateurs terrifiés, subissons les assauts désordonnés de ces cruels semeurs d’anarchie lexicographique.

D’ailleurs si cela était possible, j’aimerais reprendre le principe du film American Nightmare où pendant une journée, les gens peuvent laisser libre cours à leurs pulsions meurtrières. Là moi, je demanderais juste un jour où plus personne ne ferait de fautes d’orthographe. Je sais oui, à classer dans le genre science-fiction.

  • Sa va ?

  • Non ça ne va pas là non.

  • T où ?

  • Dommage que je ne sois pas à tes côtés pour te mettre un taquet.

  • Tro chanmé ce truk !

  • Trop tu vas m’ouvrir un dictionnaire toi.

  • C’est qui qui a fait ça ?

  • Je ne sais pas mais en tout cas tu tenteras de m’expliquer qui est ce Kiki hein.

  • Et si j’aurais su franchement…

  • Oui je te confirme, tu ne serais pas venu.

L’indolence orthographique de mes contemporains serait-elle la raison première de mon désir de devenir correcteur orthotypographique ? Mais non non, il faut parler de passion, d’amour de la langue française, de cette envie chatouillante d’ouvrir des dictionnaires pour vérifier le sens, l’étymologie ou l’orthographe d’un mot.

Tiens, parlons-en de ces dictionnaires :

  • dictionnaire des synonymes, (ha bon ? « Ingénu » c’est pas la même chose que « ingénieur » ?),

  • des antonymes (puisque je te dis que ce n’est pas l’appellation du jumelage des villes d’Antony et de Nîmes),

  • des homonymes (t’es sûr que ça n’a rien à voir avec des mots qui aimeraient des mots du même genre qu’eux ?),

  • des difficultés de la langue française (pour certains c’est la même chose qu’un dictionnaire classique),

  • et Grevisse et Larousse et Robert !

  • le dictionnaire des expressions contemporaines et inusitées (j’espère que la routourne tournera),

  • des proverbes et autres dictons (qui part à sa place tire la chasse),

  • des accords du participe passé (elles se sont succédées),

  • des genres (après-midi ? échappatoire ? pétale ? Haaaaa je ne sais jamais !),

  • des conjugaisons (il faut qu’elle croive à son projet),

  • des pluriels (un intervalle = des intervaux ?),

  • des métiers (un entraîneur et donc une entraîneuse ?).

Mais quelle richesse, quel plaisir jouissif d’aller se promener dans les chemins parfois broussailleux de cette langue. Ce français qui se dit logique mais qui a l’esprit souvent sadomasochiste, torturé de ses innombrables, curieuses, surprenantes mais ô combien intéressantes règles. Ce français qui nous laisse croire qu’il est domptable mais qui nous dominera toujours, sortant de sa poche un tour inédit qu’on n’avait pas vu venir ! Ce français d’une souplesse et d’une hospitalité plus ancrées qu’on ne veuille le croire. Quelle autre langue accueille autant de mots étrangers, quelle autre langue accepte en son sein autant de nouveaux mots et expressions nés de la bouche et du quotidien de ses sujets. Elle n’est pas une vieille bourgeoise coincée dans ses apparats du XVIIIe siècle, mais attention, même si elle court les rues, elle ne fait pas pour autant le trottoir.

Ne faut-il pas lui ressembler pour l’aimer ? Avoir un esprit sadomasochiste, torturé, curieux, surprenant ? Etre souple, généreux, ouvert ? Connaître ses limites, savoir être flexible sans pour autant être un béni-oui-oui des aspirations simplistes de ceux justement qui voudraient tout simplifier. Simplifier la langue française ? Vous voulez dire l’angliciser ? Moi correcteur vivant, JAMAIS.

Laissez-moi continuer à me faire surprendre par ses exceptions. Ha ! Ses exceptions. Véritables pièges déguisés en puits recouverts d’une couche de paille pour que tout lambda vienne chuter de toute sa lourde apathie verbale et être recouvert d’éclaboussures de honte.

La honte. Eh bien non justement. On n’a plus honte de ses fautes d’orthographe. Les inepties sont appréciées, les inappropriés sont applaudis, quelle morale retient-on de tout ceci (je vais envoyer cette dernière phrase au concours de poésie de la RATP).

Mais non, rien n’est perdu, ici chez Welovewords, se regroupe la résistance, se développe la contre-attaque !

Au chant dissonant des méconnaissants, fera écho celui, défiant, des correcteurs de Nousaimonslesmots (Loi Toubon oblige hein). Alors levons-nous et promettons-nous en chœur et dans le cœur de chacun cette loi tablée (ou tablette si vous n’êtes pas sur smartphone) :

Dans le monde des mots, de leur acception, de leurs particularités et de leurs exigences, je chercherai la coquille malheureuse, la syntaxe troublée, le sens brouillé, l’expression tronquée et la faute trop c... Méticuleux, je prendrai un plaisir personnel épanouissant à trouver LA règle de français, LA précise orthographe, LE juste accord qui mèneront, à sa cible et sans aucune embûche, un texte à son objectif principal : l’intelligibilité du message qu’il porte.

Alors amis correcteurs et autres amoureux de la langue française, ne nous laissons pas empaqueter dans la boîte des aigris obsolètes, combattants d’arrière-garde, frigides de la modernité et du progrès. L’évolution ne se définit pas sur la simple avancée chronologique nous le savons.

Et n’oublions jamais : l’erreur n’est pas de faire des fautes d’orthographe, mais bel et bien de ne pas les corriger.

http://welovewords.com/ivan-c