Portrait d'auteur #11 : Découvrez un de nos auteurs de la semaine !
TweeterBonjour.
Qu'il est dur de se raconter ! En une virgule bien sentie réside tout l'art d'une autobiographie orientée et dont le scénario est en constant remaniement. Faisons au mieux : deux choses ici sont primordiales ; les mots et la musique.
Allez, je vous emmène.
Sur votre gauche, c'est Annecy. Cette ville sauvagement poétique que j'aime à savoir être mon lieu de naissance. C'était un jeudi d'octobre 1991. Vous faisiez quoi, vous ? Dans cette ville dont les photos me tiennent lieu de souvenirs lointains, c'est pour moi les extrêmes qui se rencontrent, le sublime des montagnes qui se regardent le nombril dans un lac clément, le décor paradoxal de mon premier cri et du dernier souffle de l'homme de ma situation. Le glacier hors de prix du Petit Venise aux 42 parfums improbables et la valeur sentimentale d'un carré de pelouse sur la Promenade.
A droite maintenant, il y a l'Auvergne. C'est finalement ici que tout commence. Une enfance heureuse, des amis en bandoulière avec lesquels je trinquerai encore demain soir, partout des livres, des pièces de théâtre qui tournent en boucle, tout à apprendre. Et puis j'ai 9 ans, et pour la première fois de ma vie, j'écris un poème. J'ai cru à une anecdote, cette envie soudaine de coucher trois rimes et deux idées sympas sur une page clandestine. J'espère que vous aussi, vous avez eu 9 ans. Parce qu'il s'est alors passé quelque chose de grand à l'intérieur : c'est un peu la Lune qui vient faire des claquettes sous le nez d'Armstrong, Charlie Chaplin qui crie très fort, la Tour Eiffel qui se voit d'en bas. Tout ça bouillonne parfaitement, puis l'anecdote devient récurrence, la récurrence, rituel, et le rituel, oxygène.
La même année, un soir de COD avant le verbe et de problèmes de baignoire qui se vide trop page 12, je claque la porte de l'appartement en femme d'affaire épuisée, et déclare le plus simplement : je vais apprendre la musique. Ce sera la clarinette, c'est un film vu trois jours plus tôt qui me l'a dit. Ça commence comme ça, et puis ça dure douze ans, de cours, de leçons de vie, de frissons rarement égalés, de rencontres.
Bientôt, musique et mots ont une jolie tendance à se croiser dans ma tête et sous mes doigts. Depuis, j'écris en musique. Radiohead, Erik Satie, Muse, Parov Stelar, Philip Glass... A chaque décor syntaxique son générique.
Tournez légèrement la tête, et dites bonjour à la grand Place. Nous arrivons à Lyon. Cette ville est mon plus beau bouleversement. Je lui ai souri avec une envie universitaire de comprendre l'Homme. Comprendre par quel procédé magistral il peut se passer la même chose dans la tête de mon voisin de palier que dans celle du chef de la communauté des Chipayas en Bolivie. Alors j'ai essayé de saisir, ça et bien plus. Pendant ce temps-là, la ville se dévoile chaque jour un peu plus, elle me donne des millions de raisons d'être ici ; je tombe tout de suite amoureuse de sa folie maîtrisée. Elle donne envie de s'y perdre, de réapprendre la nuit, d'écrire. Ici plus qu'ailleurs, j'ai ce besoin viscéral de coucher ses humeurs citadines sur papier, comme tout voler sans la toucher vraiment. Pour moi, Lyon est un roman. Et une affaire à suivre.
Aujourd'hui, c'est à nouveau l'Auvergne, quartier de la vie qui change. J'ai ajouté quelques instruments de musique à ma liste, j'apprends à ne pas changer d'écriture mais à me lire différemment. Et je savoure la délicieuse dépendance qui me lie aux mots. C'est une psychanalyse à chaque virgule, que l'on joue avec la fiction, que l'on y injecte un brin de réalité malmenée, que l'on s'emporte que l'on maîtrise la moindre terminaison. L'écriture doit être un constant frisson.
Un peu avant, quand mon âge achevait sa première dizaine, mon entourage m'a exercé sans le savoir tout à fait : on m'a demandé d'écrire une version sous extasy de "Pierre et le Loup" pour quatuor de saxophones, d'écrire un conte pour enfants et de les emmener loin dans mon histoire. Quel adjectif piocher pour dire à quel point j'ai aimé ça ? J'ai voulu continuer, et me voilà quelques mois plus tard à écrire des articles culturels sur Internet. Au même moment, j'ai eu envie d'aller toquer chez les gens autour, pour leur faire goûter un peu de mes mots, et puis savoir ; c'est là que WeloveWords est arrivé.
Inscrite depuis sa première année d'existence, cette plateforme est une véritable école. Je me suis vue évoluer, livrer un regard surprenant à mes premiers textes relus des années plus tard. Elle m'a permis l'évidence, aussi : comprendre que quand je serai grande, je veux jouer avec les mots.
Finalement, l'Homme, et tout ce qu'il fait, est vite devenu une source d'inspiration inépuisable, ma plus belle encre. Partie prenante du grand foutoire qu'on nomme la Vie ; dans ses travers les plus sombres, dans ses plus douces folies, il me rend amoureuse au matin et me procure la plus sauvage des haines l'heure suivante. Inventer tant d'émotions qu'on mettra l'Histoire du Monde à définir tout à fait : c'est quand l'Homme devient fou que je l'aime le plus. Ecrire sur ce qui ne se voit pas, sentir ses tripes faire des loopings en écoutant une mélodie : tout est intérieur et fait pourtant des étincelles. On ne peut que se camer à grand coup de magie intangible.
Dites, j'espère que vous aimez frissonner, c'est important.
Mon top Words :
Musique : la vie prend un relief génial quand elle est là. C'est sûrement pour ça qu'elle est là partout, tout le temps.
Rouge : couleur de prédilection pour l'amoureuse constante que je suis.
Desproges : une religion.
Nuit : des milliers de pages l'ont dit avant moi, mais je réitère : c'est pour moi le plus beau décor. Il ne peut se passer que de grandes choses la Nuit.
Humour : quelle magistrale invention !
Frisson : le plus beau signe de vie que l'on puisse ressentir.
Chocolat : L’épisode de la Création n’a réellement débuté qu’à l’instant où le grand Barbu y a goûté pour la première fois. Il en est forcément de même pour le bon vin.
Instant : c'est là que le quotidien est fascinant : il suffit d'un instant, pour tout. Une histoire tient en l'instant.
Fanfreluche : parce que je m’étais juré d’employer ce mot avant 2025.
Par Fanny Houët
#ForABetterWord