1 - LA PREMIÈRE

ileen-gass

Partie 3/9

Va t'en ! Pourquoi tu ne me laisse pas tranquille ?

Voilà les mots que j'aurais voulu lui hurler si mon père n'avait pas été là.

— Oh, mais t'es frigorifiée ! a-t-il remarqué en touchant mes mains glacées. C'est vrai que ça caille dans ta chambre. Comment ça se fait ?

Il s'est levé pour toucher mon radiateur et le régler.

Moi, je suis restée les yeux fermés. À trembler de froid et de peur.

— Il semble fonctionner. Comment ça se fait qu'il fasse si froid, alors?

— Trouve moi, a répétée La Première, comme pour lui répondre.

J'ai gémit un peu en la sentant s'approcher de moi.

— Je veux bien qu'on soit en hiver, mais quand même ! a continué mon père. Bon, je vais voir la chaudière, en bas. Peut-être qu'il y a un problème...

Il a quitté ma chambre.

— Va t'en. Va t'en. Va t'en..., j'ai supplié pendant plusieurs secondes.

— Trouve moi.

— Pitié !...

— 48 56 13 89 123.

J'ai plaquée mes mains contre mes oreilles.

— Tais-toi !...

— 48 56 13 89 123

J'ai encore gémit.

— Trouve moi.

Soudain, la température de mon corps s'est mis à grimper. Ça m'avait tellement surpris, que j'avais sursauté en ouvrant les yeux.

La Première n'était plus là.

Pour ne pas rester seule - et lui laisser l'opportunité de revenir me hanter -, je suis sortis de ma chambre en courant et j'ai fermée ma porte à clé.

En y repensant, cette action était complètement stupide. J'avais affaire à mon premier fantôme. Et lui, comme tous les autres, pouvait aisément la traverser. Fermer ma porte à clé ne servait  donc strictement à rien.

Mais pourtant, je l'ai fait.

Dans la panique, on ne réfléchit pas...

J'ai descendu les marches en bois de l'escalier qui menaient à la cuisine, en faisant tout mon possible pour paraître sereine et détendue face à mes parents.

Ma mère était postée devant la gazinière. Elle préparait le repas et me tournait le dos.

J'ai profité du fait qu'elle ne me voit pas pour essuyer mes larmes en vitesse.

La dernière marche sur laquelle j'ai posé le pied, a craquée.

Ma mère a tournée la tête vers moi. En me voyant, elle m'a sourit.

Je le lui ai renvoyé.

Elle a posée sur une planche le couteau qui lui servait à couper des tomates en tranches, s'est essuyée les mains sur un torchon propre et a pivotée vers moi.

J'ai hésité. Failli changé d'avis, mais finalement, je l'ai serrée dans mes bras.

— Bon, je sais pas ce qui se passe avec ton radiateur, la chaudière est...

Mon père qui revenait du cellier, s'est figé quand il nous a vu.

— OK, a-t-il terminé sur un air étonné.

Je lui ai envoyé un sourire timide.

— Et bien, je vois que ça va mieux, vous deux !

On a rit bêtement.

Ma mère et moi avons beaucoup parlé après ça. De l'hôpital psychiatrique. De Marco. De moi.

Surtout de moi.

Ça a duré jusqu'à la fin du repas.

Après, elle m'a apprit :

—  Je t'ai réinscrite au lycée.

J'étais en train de nettoyer la table quand elle m'a dit ça.

Heureuse, j'ai pivoté vers elle avec un grand sourire.

— C'est vrai ?

Sur le moment, j'ai pensé à Daniel. Aux instants magiques passés avec lui. À Julia. À nos blagues qui ne faisaient rire que nous. Dans ma tête, j'allais les retrouver. Puis je me suis rappelé que Daniel m'avait plaquée. Que nos instants magiques étaient terminés. Que Julia ne m'avait ni écrit ni téléphoné depuis deux ans. Qu'il n'y aurait plus de blagues. 

Et mon sourire s'est effacé.

J'ai recommencé à paniquer.

Ma mère, occupée à faire la vaisselle, n'avait rien vu.

Enjouée, elle m'avait proposée :

— Oui. Si tu veux, je t'y dépose demain matin ?

J'avais hésité.

Était-ce une bonne idée que je retourne au lycée après deux ans d'absence ? Étais-je prête pour ça ? Affronter les regards et les messes basses des élèves, me retrouver seule, le destin scellé comme un agneau face à une meute de loups désireux de me manger toute crue... Pilestone est un petit village où tout se sait très vite. Tout le monde savait où j'étais passée. À coup sûr, j'allais avoir droit au surnom de Cinglée. C'était obligé.  Je savais tout ça. Je n'étais pas prête. Pas assez forte. Ce n'était pas une bonne idée. Mais pourtant j'ai répondu :

— Oui. D'accord.

Dans la panique, on ne réfléchit pas...


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