1 - LA PREMIÈRE

Il était tard, tu te souviens, Andrew ? Nous avions traîné trop longtemps dans ce bar où tu m'avais emmené. Quand on est retourné au lycée, c'était la pause déjeuné. Nous avions manqué le cours de mathématique que nous devions avoir, plus celui de français. Nous étions sûr d'avoir des problèmes en rentrant. Et ça n'a pas raté. Monsieur Chapman nous a arrêté dans le couloir pour nous demander où nous étions passé. J'avais gardée ma tête baissée, rouge de honte. Toi, serain et courageux, tu l'as regardé droit dans les yeux, et tu lui as répondu :

— On est allé faire un tour avec Gertrude et Jean-Claude.

J'ai étouffé un rire.

Le Directeur qui ne savait pas de quoi tu parlais, t'as demandé de t'expliquer. Et tu lui as dis :

— C'est un couple de personnes âgées. Ils marchaient devant le lycée avec des sacs remplis de courses. Ils galéraient à les porter. Johann et moi on s'est proposé de les aider. Ça nous a pris longtemps, parce que Gertrude a fait un malaise. On a du appeler les pompiers et les attendre jusqu'à leur arrivée.

Monsieur Chapman nous a regardé avec condescendance, puis il nous a expressément demandé de prévenir le lycée, la prochaine fois, avant de partir comme ça.

— Oui, m'sieur, as-tu dis.

Une fois seule tous les deux, je me suis placée devant toi et j'ai dis :

— T'es sérieux, là ?

— Bah quoi ? On a vraiment fait un tour avec Gertrude et Jean-Claude !

— Oui, mais...

Tu as placé ton index sur mes lèvres pour me faire taire. Ça m'avait surprise. Puis tu m'as planté là, avant de rejoindre le cours de français.

***

La fin des cours est arrivée à une vitesse si rapide que j'en ai été étonnée. Ma mère était déjà là. Elle m'attendait comme promis sur le parking du lycée.

Après l'avoir rejoint, j'ai ouvert la portière côté passager et posé sur la moquette grise et sale, mon sac à dos. Ensuite, je me suis assise et j'ai mis ma ceinture en souriant à ma mère.

— Comment s'est passé ton premier jour ?

— Plutôt bien, lui ai-je répondu en faisant rapidement le bilan de cette journée. Je me suis fait un ami.

Le visage de ma mère s'est illuminé.

— Ah oui ? m'a-t-elle demandée, visiblement heureuse.

J'ai confirmé.

— Il s'appelle Andrew. Il est super gentil !

Il m'a fait sécher deux cours aujourd'hui !

— C'est super, a sourit ma mère en posant sa main sur ma cuisse.

Là, sur le tableau de bord, j'ai remarqué un GPS.

— Tiens, c'est nouveau, ça..., ai-je reconnu.

— Oui. Je viens de l'acheter. Ton père et moi, on a décidé de t'emmener, ce week-end, visiter les montagnes jumelles de Greywood. Tu es d'accord ? Il y a beaucoup de films qui ont été tourné, là bas. Dont Au Dessus Des Nuages, ton film préféré.

— J'adorerais, ai-je dis avec sincérité.

— Je le savais, m'a-t-elle sourit avant de regarder le GPS avec contrariété. Par contre, je n'arrive pas à entrer l'adresse. Est-ce que tu peux essayer ? Ça me demande d'entrer les coordonnées GPS...

— Bien sûr, t'ai-je répondu en me saisissant de l'appareil fixé sur le tableau de bord.

Tandis que ma mère quittait prudemment sa place de parking, j'ai fixéle GPS avec une idée derrière la tête : et si je tapais les mystérieux numéros que me répétait sans arrêt La Première ? À force de les entendre, je les connaissais par cœur.

Sans plus d'hésitation, j'ai inscrit dans la case rectangulaire, chacun des numéros. D'abord le 48. Ensuite le 56. Puis le 13, le 89 et le 123.

Au moment d'appuyer sur "Rechercher" :

— Tu y arrives ? m'a interrogé ma mère en fixant la route d'un air concentré.

J'ai sursauté.

— Oui, oui. Ça cherche...

J'ai pressé "Rechercher".

— Heureusement que tu t'y connais mieux que ton père et moi. Sinon, on serait pas prêt de partir...

Tu as ricané. J'ai souris faiblement. Trop concentrée sur le message clignotant :

Recherche en cours...

Il a du se passer une minute avant qu'un son de cloche ne tinte pour me signaler que la recherche était terminée.

Je pensais que les numéros n'allaient aboutir à rien. Mais l'adresse du lac de Pilestone s'est affichée en grand, ainsi que le plan routier.

— T'as trouvé ? m'a demandé ma mère en observant l'écran du GPS, du coin de l'œil.

Je n'ai pas su quoi lui répondre. Trop effrayée sur le coup. J'ai laissé passer plusieurs secondes afin de me calmer.

— Jo ? Ça va ? s'est-elle inquiétée.

— Oui, ai-je mentis avant d'éteindre le GPS. Est-ce qu'on peut aller au lac ?

Elle a été surprise.

— Celui de Pilestone ? Pourquoi faire ?

J'en avais aucune idée. Alors, j'ai répondu :

— Y a quelque chose que je dois trouver.