10- Baba Yaga

Sitôt la maison arrêtée, Janvier posa la main sur son épée. Février stoppa son geste en murmurant :

-Une épée contre une sorcière ? T'es sérieux ?

-Disons que ça me rassure, là.

Janvier fixa la porte, angoissé, le cœur battant la chamade.

-Tu savais qu'elle avait donné un de ses poisons les plus violents à un roi pour l'aider à tuer ses oncles ou ses frères, je sais plus.

Il ignora février qui continua :

-Ses oncles je crois. Après ça, lui et sa femme se sont fait dévorer vivants par des rats.

-Février, tu te souviens de notre discussion sur le fait que tu déblatères quand tu angoisses ?

-Oui, je n'ai pas écouté. Tu appelles ça comment quand tu tues tes oncles ? Un frère, c'est un fratricide, mais un oncle ? Une sœur, c'est inclut dans fratricide tu crois ? Ou alors c'est un…

-Sororicide peut-être ?

Janvier sentit son sang se glacer. Lentement, il tourna la tête vers Février qui s'était déjà tourné vers la vieille femme apparut à ses côtés. Celle-ci portait de longs cheveux blancs en chignon, des yeux gris d'acier et une robe grise par-dessus laquelle pendait un vieux tablier troué. Elle portait d'innombrables rides qui accentuaient étrangement les expressions de son visage. A cet instant, elle semblait dans une profonde réflexion et finalement, elle finit par dire :

-Oui, je crois que c'est cela.

Février fixa la femme accroupie à côté de lui et réussi à dire d'une voix étonnamment calme :

-Merci.

-De rien.

Elle se releva, faisant craquer ses os et épousseta son habit. Un amas de poussière en jaillit comme s'il n'avait pas été lavé depuis des années. Les deux garçons toussèrent. Février serra sa sœur contre lui alors que Janvier se levait. Se souvenant de ce qu'avait dit son frère, il se retint de sortir son épée. La vieille femme dit d'une voix étrangement jeune :

-Maintenant, dite-moi pourquoi vous avez essayé de voler ma maison.

Janvier tenta de paraître aussi calme que Février :

-Vous êtes Baba Yaga ?

-Non, je suis la petite souris. Vous me devez des dents, jeune homme.

L'air de rien, elle sortit un marteau de sous son tablier. Février lança un regard à son frère qui ne put s'empêcher de reculer d'un pas, mais il se ressaisit rapidement.

-Les fées nous envoient.

Baba Yaga agita la main :

-Oui, oui, je sais.

Janvier baissa les yeux vers le marteau et la vieille femme sourit :

-Je plaisantais enfin. Depuis le grand pardon, on a beaucoup moins l'occasion de s'amuser, vous ne trouvez pas ?

Elle s'était tourné vers Février qui se contenta de hausser les épaules, désemparé. Cela ne sembla pas la gênée plus que cela car elle commença à s'intéresser à la jeune fille dans les bras du jeune homme.

-Oh, voilà la petite.

Elle écarta les cheveux qui tombait sur son front et découvrit l'étoile d'or qui s'y trouvait.

-C'est bien elle. Elle a été touchée par le mal, n'est-ce pas ?

Janvier reprit la parole :

-Les fées ont dit que…

-Les fées ont dit ci, les fées ont dit ça, ce ne sont pas vos mères quand même !

L'agacement soudain de la sorcière le fit taire. Il jeta un regard rapide vers Février en se demandant ce qu'il devait faire, mais son frère se contentait de fixer la vieille femme. Janvier savait qu'il était prêt à réagir au moindre geste suspect. Cependant, la sorcière reprit calmement :

-Essayez donc de commencer une phrase qui ne commence pas par les fées.

Elle fixa Janvier de ses yeux perçants.

-Vous pouvez aidé notre sœur. Savoir ce qu'il s'est passé et pourquoi elle ne se réveille pas.

Elle prit un air étonné :

-C'est vrai ?

A nouveau, Janvier lança un regard interrogateur à son frère qui le lui rendit. La sorcière éclata de rire :

-Oh, vous n'êtes décidément pas drôles. Alors, il n'y a personne qui peut dire ce qui lui est arrivé ?

Janvier hésita avant de dire :

-Notre frère, Mars, il était là quand c'est arrivé, mais il ne veut pas en parler.

-Il ne veut pas ? Ce n'est pas très gentil.

Janvier reprit :

-Qu'est-ce que vous allez faire alors ?

Baba Yaga poussa un profond soupir qui permit à son haleine fétide d'arriver jusqu'aux narines de Janvier qui fit un effort énorme pour ne pas se détourner.

-Je vais m'occuper de la petite, allez donc retrouver les souveraines empailletées.

Janvier hésita, mais Février souleva leur sœur :

-Vous promettez ?

La sorcière fit la grimace :

-Non, mais on ne marchande pas avec les fées. Posez-la donc sur le lit.

Février obéit. Janvier demanda alors :

-Où sommes-nous exactement ?

-Ne soyez pas stupide.

Elle prit un peu de la poussière qui traînait et leur jeta au visage. Le temps qu'ils éternuent, ils avaient disparu. Baba Yaga s'approcha à petits pas de la jeune fille.

-Bon passons aux choses sérieuses.

Elle prit une vieille cuillère dans la poche de son tablier, cracha dedans et la posa sur le front de la jeune fille. Elle prononça une formule dans une langue étrange et un halo gris s'étendit du contenu de la cuillère pour envelopper la fille et la sorcière.