4- Le roi Poucet

astiacle

Quatrième chapitre de "les ombres de l'oubli"

Août fit craquer son cou lorsqu'il retrouva sa forme humaine. Après un bref regard aux alentours, il se tourna vers Septembre qui tentait encore de se glisser dans sa chemise.

-J'arrive, petiot, je vole à ton secours.

Il ouvrit largement le bas du vêtement pour que le corbeau puisse y entrer plus facilement.

-Eh, je vole à ton secours, pour un corbeau, c'est pas mal hein ?

Septembre reprit forme humaine et offrit un sourire indulgent à la plaisanterie de son frère.

-Allez, en route.

Ils avaient volé des heures et Août aurait bien continué, mais il avait vu Septembre fermer de plus en plus les yeux et son vol se faisait parfois plus lent, quand il ne semblait pas tomber avant de se reprendre de justesse. Août avait donc décidé de s'arrêter une fois un château en vue.

Ils avaient atterri à proximité de l'un d'eux et, en voyant Septembre baillait à s'en décrocher la mâchoire, il sut qu'il avait fait le bon choix. Alors qu'ils se dirigeaient vers les immenses murailles qui protégeait le château, Août parla à Septembre en sachant très bien que le garçon ne pouvait lui répondre :

-Tu te demandes sans doute pourquoi on n'a pas atterri directement dans l'enceinte du château ? Eh bien, cela aurait soulevé tout plein de question, tu sais. Les gardes nous auraient arrêté et cela aurait été difficile d'expliquer notre mission si on nous enferme.

Ils arrivaient déjà devant les portes où deux gardes surveillaient les allée et venue sous la grande porte d'entrée de la muraille. Août avança directement vers celui de gauche :

-Bien le bonjour, nous sommes Août et Septembre, membre de la fratrie des douze frères.

Pour prouver ses dires, il dégagea la base de son cou découvrant une cicatrice qui marquait le chiffre huit. A ses côtés, Septembre fit de même, montrant le chiffre neuf.

-Nous avons un message de la plus haute importance à délivrer à votre roi.

Le soldat les observa l'un et l'autre avant de répliquer :

-Transmettez-moi le message, je verrais s'il est digne d'intérêt pour le roi Poucet.

-Non, on doit voir le roi. Je veux rien vous dire à vous. Si vous ne voulez pas qu'on le voie, je peux aussi crier très fort.

Août recula d'un pas, empli ses poumons et hurla du plus fort qu'il put :

-Je voudrais voir le roi Poucet ! S'il vous plaît ! Nous sommes membre de la fratrie des douze frères ! Nous avons un message important !

Le garde fit signe à son confrère et les deux s'avancèrent, l'air menaçant. Sans attendre, Août saisit la main de Septembre et se mit à courir sur la route en s'éloignant des portes.

-D'accord, je suis désolé ! Je le ferais plus, promis !

Les gardes les poursuivirent sur une courte distance avant de les laisser partir. Une fois assuré qu'ils étaient tranquilles, Août lâcha son frère et prit une profonde respiration :

-Quoi ? Entré directement dans le château en corbeau ? Mais quelle idée ingénieuse, pourquoi ne pas l'avoir proposé plus tôt ?

Septembre sourit en secouant la tête d'un air désolé. Ils retirèrent leurs chemises, les prirent dans leur bec et s'envolèrent. Ils dépassèrent les murailles et commencèrent à tourner près des tours et des bâtiments. Août cherchait une fenêtre ouverte, un trou qui leur permettrait d'entrer. Il finit par trouver une opportunité lorsqu'une servante ouvrit une porte pour aller chercher de l'eau à un puits à proximité. Avant que la porte ne se referme, Août et Septembre fusèrent à l'intérieur. Ils furent poursuivis par des cris de surprise et de colère, mais continuèrent leur exploration jusqu'à trouver un coin tranquille pour reprendre forme humaine.

Août sortit la tête du cagibi où ils avaient trouvé refuge pour vérifier que la voie était libre. Comme aucun danger ne pointait son nez, il fit signe à Septembre de le suivre.

-Le roi devrait être dans le coin.

Son frère le fixa avec perplexité.

-Mais si, tu sens ça ?

Il inspira à plein poumon :

-C'est leur du manger. Fions-nous à notre odorat.

Septembre fit quelques signes qu'Août interpréta aisément :

-Voyons, les cuisines sont en bas, la seule odeur de nourriture à l'étage où nous sommes ne peut venir que…

Il poussa un battant et un silence surpris tomba sur la salle à manger. Le roi et la reine observèrent les arrivants, interloqués.

-D'ici. Bon appétit, vos altesses !

Deux gardes surgirent pour les saisir quand les rires du couple royal raisonnèrent. Le roi fit un geste de la main qui fit reculer les soldats.

-Voilà une entrée surprenante, êtes-vous sorcier ou fée ?

Août prit son frère par le bras pour le traîner derrière lui jusqu'à la chaise du roi près de laquelle ils s'agenouillèrent.

-Roi Poucet, nous sommes porteurs d'affreuses nouvelles. Nous sommes les frères Août et Septembre de la fratrie des corbeaux.

Se redressant, il découvrit la marque à la base de son cou, imité par son cadet. Le petit Poucet avait grandi, bien qu'il n'arrivât toujours pas au niveau de la ceinture d'un homme de taille normal, il ne pouvait plus se cacher dans l'oreille d'un cheval ou se faire gober par une vache. Son peuple aimait à parler de lui en disant que le petit Poucet était devenu un grand roi. En voyant les chiffres sur la peau des jeunes hommes, son regard s'assombri :

-Vraiment ? J'avais espéré que le grand pardon perdurerait. Etes-vous sûr ?

-Certain, mon roi. Notre royaume a été attaqué et la menace avance. Les fées ont parlé à notre aîné, Janvier, lui demandant de rassemblait les anciens héros pour faire face à ce nouveau mal.

-Qu'est-ce donc ?

Août avait perdu son sourire et parlé avec le plus grand sérieux.

-Je l'ignore. Je n'ai pas pu distinguer clairement ce dont il s'agissait. Seul mon frère Mars a approché le danger suffisamment pour en parler, mais il a refusé de le faire. Je vous demande de me croire sur parole, il faut nous rendre au bois brisé où les fées nous attendent.

-Puis-je accompagner mon père ?

Août leva la tête pour voir qui parler. Un sourire se dessina sur les lèvres de Septembre en apercevant le jeune homme, pas plus haut qu'un pouce qui se tenait assis en tailleur sur le bord de l'assiette de la reine. La femme jeta un regard inquiet à son mari qui se contenta de demander :

-Dois-je venir seul ? Où puis-je prendre une escorte pour combattre cette menace qui pourrait nous tomer dessus à tout moment, si j'ai bien compris ?

-Les fées n'ont pas précisé, mon roi. Faites comme bon vous semble et, si je puis me permettre, l'idée d'une escorte me plaît assez.

Le roi Poucet sourit :

-Bien, ma chère, mon fils, préparez vos affaires, nous partons sur le champ.


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