6- Berylin
astiacle
Avril se laissait porter. Il voulait s'éloigner suffisamment de ses frères afin d'être sûr de ne pas arriver dans un royaume déjà averti. La nuit commençait à tomber et il se disait qu'il allait chercher un endroit pour s'arrêter quand un sentiment étrange l'envahi. Il se posa sur un arbre pour tenter de faire le point sur ce qui était en train d'arriver. Il avait l'impression d'être tout proche d'un frère perdu depuis longtemps. Il fut saisi de l'irrépressible envie de voler vers lui, de le retrouver, mais une part de sa raison lui rappeler que les seuls frères qu'il avait jamais eu été en vol vers d'autres contrées. Ce doit être un charme, peut-être un piège… il sourit, autant qu'un corbeau puisse sourire, et pris son envol se dirigeant droit vers l'endroit où le guider cette impression.
Il ne mit pas longtemps à arriver à destination. Sur le balcon d'une haute tour d'un château niché dans un vallon, il aperçut des centaines d'oiseaux amassés. Du rapace au moineau, tous semblaient guetter, comme lui l'avait senti, la présence de cet être ou chose qui avait l'air si essentiel à leur vie. En approchant, Avril aperçut les porte-fenêtre ouvertes donnant sur une chambre spacieuse. Un large lit en son centre, des animaux sculptés à même les murs. Dans un coin, une cheminée au feu éteint attendait le bois qui la réveillerais. Le corbeau se fraya un passage parmi les autres volatiles pour atteindre le sol de la pièce et s'y transformer. Une fois homme, il se rendit compte que le sentiment qui l'avait habité, l'avait guidé jusque-là, avait disparu. Avril se tourna vers le balcon. C'était sans doute leur crainte des hommes qui empêchaient les oiseaux de pénétrer dans la chambre, sans ça, le jeune homme ne doutait pas que l'intérieur serait aussi envahi que l'extérieur. Mais tout cela n'expliquait pas le fait qu'ils étaient attirés ici, encore moins pourquoi, maintenant qu'il avait retrouvé sa forme première, Avril ne ressentait plus ce manque. Bon, temps que je suis dans un château, autant allé trouver le roi et la reine pour jouer les oiseaux de malheur. Il se dirigea vers la porte sans plus se poser de question, quand soudain, jaillit dans la pièce, un adolescent aux cheveux châtains mêlés de noir, armé d'une arbalète. Surpris, Avril sursauta avant de faire un signe de la main en souriant :
-Ah, bonjour. Justement, je cherchais les dirigeants de ce château, vous pouvez…
Il remarqua bien que le nouvel arrivant rejeter sa tête en arrière, mais il eut à peine le temps de se demander pourquoi qu'il recevait son front sur le nez. Poussant un cri de douleur, Avril recula de quelques pas, levant une main pour prévenir tout autre attaque :
-Attends, attends, je viens en ami…
-Tu fous quoi dans ma chambre ?
-J'ai été attiré, je suis passé par la fenêtre et…
Il vit l'inconnu remonter son arbalète :
-Calmons-nous, je vais expliquer…
Passant près de lui sans le regarder, le garçon se dirigea vers le balcon en lâchant sèchement :
-Dégage.
Avril obéit sans se faire prier. Le nouveau venu se positionna, visa et tira. Le carreau alla se planter dans la pierre du balcon provoquant l'envol des occupants ailés.
-C'est ça, foutez le camps, bande de crevard ! Sales bêtes ! Parasites !
Il replaça un carreau sur l'arbalète, arma et visa Avril :
-Donc tu es passé par la fenêtre.
-Oui, je suis désolé, mais j'ai une bonne raison, un message de la plus haute importance.
Le garçon parut intrigué et Avril en profita :
-Je fais partie de la fratrie des corbeaux, je dois prévenir le roi et la reine de ce royaume d'une menace imminente.
Après un long regard, l'inconnu finit par baisser le bras et dire :
-Je suis le prince Berylin, je vais te conduire à mes parents. Au moindre geste suspect, je te tue.
Le ton utilisé était des plus badins, si bien que Avril se demanda pendant une seconde si ce n'était pas une plaisanterie. Il faillit même rire, mais se souvint rapidement de l'arbalète et se retint.
L'adolescent le conduisit dans un jardin où un couple discutait paisiblement, assis à une petite table de fer blanc.
-Père, mère, voici Avril de la fratrie des corbeaux.
Avril s'agenouilla pour annoncer :
-Je suis désolé de m'introduire de la sorte, mais j'ai de sombres nouvelles.
Il raconta, comme ses frères, l'arrivé d'un mal inconnu et leur demanda de se rendre au bois brisé.
-Nous n'irons pas.
-Nous irons.
Avril passa son regard du roi qui avait refusé, à la reine qui avait accepté. Ils se jaugèrent un instant, puis la femme sourit avant de se pencher vers le messager :
-Nous irons.
Le roi donna un violent coup de poing sur la table en grondant :
-Belle ! Cesse de t'imaginer que tu peux prendre toutes les décisions toute seule !
Malgré lui, Avril sursauta alors que le prince et la reine se contentèrent d'haussement de sourcils. Le roi se racla la gorge avant de dire d'un ton plus calme :
-C'est vrai quoi, on doit en discuter avant de décider.
Belle sourit :
-N'as-tu pas déclarer de suite que tu ne voulais pas y aller.
-Et j'ai de bonnes raisons et je suis sûr que notre fils l'approuve.
Le prince hocha vigoureusement la tête. La reine plissa les yeux, sourit et se pencha en avant de nouveau pour glisser à Avril :
-Ils n'aiment pas beaucoup les fées. Le père parce que l'une d'elle l'a changé en bête et le fils parce que lorsque les fées se sont penchées sur son berceau pour lui offrir des dons, l'une d'elle trouva bon de lui offrir l'amour des animaux. Cela en souvenir de la bête que fut son père.
Avril se souvint des oiseaux sur le balcon et du sentiment qui l'avait saisi lui-même lorsqu'il était passé à proximité du château.
-ça a marché apparemment.
Belle retint un rire :
-Les animaux l'adorent, c'est sûr, mais lui…
-Lui ?
-Disons qu'il est devenu un excellent chasseur.
Avril s'étonna :
-Pourtant je viens de le voir rater des cibles faciles.
La reine se redressa, étonnée :
-Vraiment ?
-Oui, voyez-vous je suis arrivé par la fenêtre de sa chambre…
Le prince finit par lancer :
-Non, mais ça va oui ? On dérange pas ?
Avril se rappela soudain de sa position et inclina la tête vers le prince :
-Je suis désolé.
Cependant, le roi envoya une gifle cinglante à son fils :
-Ne parle pas comme ça à ta mère.
-Désolé, mère.
Belle papillonna des yeux :
-N'est-il pas adorable ? Allez, tout le monde va faire ses bagages, nous partons !
Disant cela, la reine bondit sur ses pieds alors que son mari et son fils faisaient la moue. Voyant cela, elle leur sourit :
-Oh, allez, une fois là-bas, vous pourrez toujours tenter d'y mettre le feu.
Belle s'empressa de retourner au château, tandis que le père et le fils, après un regard entendu, commencèrent à monter des plans dans l'espoir d'anéantir les fées. Avril passa de la reine au duo en tentant :
-Je ne crois pas que… vous … non…on devrait….
Se voyant ignoré, il se résolut à se taire en attendant le départ.