7 JANVIER 2016, VŒUX.

Nicolas Miot

Et vous, vous vous souhaitez quoi pour 2016 ?

Là ou 2015 a rimé avec bien des mots, Horreur, Tristesse, Indignation, Lutte, Engagement, Union, Sécurité, Déchéance, Nation, Frontières, Danger, Devoir, Front, Terreur, Méfiance, Défiance… L'heure est d'une part au bilan, de l'autre à l'introspection.

En cette période où chacun se souhaite le meilleur, où réussite, succès, richesse et bonheur sont les maîtres mots de ce que l'on veut tous pour nos prochains et nous-même, où l'humanité s'aime, s'embrasse le temps d'un instant.

Ce fameux déclic millimétré décidé par l'homme pour décréter l'heure commune où l'on se doit de tourner une page de notre histoire.

Avant que chacun n'en retourne aux habitudes rigides d'une vie soumise à un tempo inflexible qui passe et nous enlève à chaque seconde le temps de l'instant. Avant que la vie et son rythme inlassable ne nous reprennent. Avant que demain ne vienne.

Et si nous prenions le temps de regarder nos pairs sans jugement, sans appréhension construite médiatiquement ou socialement. En laissant simplement à chacun la chance d'être, d'évoluer avec son histoire, ses envies sans l'en blâmer par avance ou garder rancœur de son passé. Si nous commencions par être nos propres juges avant de prendre sentence envers les autres, considérant que l'existence, le temps qui passe, est porteur d'expériences, potentiellement d'erreurs, qu'il est en notre esprit capable de pardonner si l'on s'en donne les moyens.


Si nous pensions autrement l'apprentissage et l'éducation, essence de notre avenir, en laissant une place supplémentaire à la passion, au goût des choses plutôt qu'à la hiérarchisation, à la classification des générations futures entres carnets de notes, diagnostics sociaux et orientation ostentatoire. L'école d'aujourd'hui n'est pas celle de la liberté, de l'égalité ou de la fraternité. Pourtant portée de bonnes intentions, l'éveil, la valorisation des potentiels, l'épanouissement et la curiosité ont été remplacés par la pensée unique, l'apprentissage vertical, la loi du plus fort et du meilleur régie par l'accession à un marché entrepreneurial changeant visant à pousser la population vers un avenir sécurisé et défiant plutôt que passionné et valorisant.

Chacun est le fruit d'une éducation mais le plus grand éducateur, c'est la personne elle-même.
– Ludmila Oulitskaïa | Sincèrement vôtre, Chourik

Si la passion devenait maître mot ? Elle qui coute aujourd'hui la vie. En 2015, l'humanité n'a pas seulement perdu quelques-uns de ses membres. Les attaques de Janvier et Novembre ne visaient pas uniquement la destruction de vies humaines mais plutôt la mise à mal d'un inéluctable croisement entre passion et liberté. Passion pour la musique au Bataclan, pour les métiers exercés par les différentes victimes mortes dans l'exercice de leur fonction, passion pour l'humain et pour la liberté des dessinateurs de Charlie Hebdo, liberté d'expression et d'actions. Ces Valeurs intrinsèques de la démocratie qui sont mises à mal en ces temps troubles. Loi sur le renseignement, 49.3, quotas d'accueils des réfugiés de guerre, Etat d'Urgence, Déchéance de nationalité, la sécurité gagne du terrain.

L'adversaire d'une vraie liberté est un désir excessif de sécurité.
– Jean De La Fontaine | Le loup et le Chien

La passion crée l'engagement, elle pousse à l'action, à la découverte, à la curiosité, au besoin de se détacher des idées reçues pour se construire. Car s'il y a bien une finalité à notre existence, c'est de faire grandir l'humanité, de la construire, la faire devenir responsable écologiquement, socialement et intellectuellement. Charb n'est pas mort il y a un an aujourd'hui pour des dessins, ni pour le tintamarre politique qui accompagne l'hommage politique. Il est mort pour que des mecs comme moi se rendent compte qu'il ne tient qu'à eux d'user de leur droit d'expression, de création, d'invention et d'action. D'être libre en somme, nous ne le sommes pas.


Englué dans un monde qui ne bat plus la mesure, notre esprit d'analyse ne trouve plus le rythme de la réflexion, du raisonnement. Entre influences diverses, réseaux sociaux et information de l'immédiateté, enchaînement des actions dans le paysage mondial, le système endort l'homme. Le poussant à penser avec émotivité, les nerfs à vif, pour transformer l'individu en un pantin idéologiste des sujets qui font la société et la consommation médiatique. Aujourd'hui, nous sommes dans une Affaire Dreyfus constante, bridant notre construction et notre sens critique, nous guidant au gré de sujets imposés dans lesquels la passion réelle n'a plus sa place.

En 2016, soyons passionnés, soyons libres, agissons pour conserver notre esprit critique et notre intégrité car il n'incombe qu'à nous d'être les façonneurs de nos vies et de notre monde.

En 2016, toujours Charlie, toujours Humain.


Signaler ce texte