8- Six princesses, un prince

astiacle

Huitième chapitre de "Les ombres de l'oubli"

Juillet ne comprenait pas. Il avait observé les directions prises par ses frères afin d'être sûr de ne pas les suivre, d'être sûr d'atteindre des contrées qui ne serait pas prévenues, alors comment était-ce possible ? Il se tourna vers Juin qui marchait tranquillement à côté de lui :

-T'es sûr que tu ne m'as pas suivi.

-Oui.

-Comment tu expliques qu'on est atterri au même endroit alors ?

Juin glissa un sourire à son jumeau :

-Le destin.

-C'est ça, ouais.

Juillet avait atterri à proximité d'un château immense, aux tours d'argent, cerné de forêt. Plutôt isolé, il s'était attendu à être le seul à s'y rendre, mais il était tombé sur son frère au détour d'un chemin. Ils avaient alors fait la route ensemble sans échanger un mot jusqu'aux portes du château. Une foule se mouvait lentement entre les deux hauts murs crénelés, passant d'un pas lent dans la vaste cour de terre blanche. Les deux frères s'étaient paisiblement mélangés à la foule pour entrer et c'est là que Juillet avait craqué. Depuis qu'ils étaient petits, les jumeaux avaient tenté de se séparer, mais peu importe où, à quelle distance et à quelle vitesse ils allaient, ils finissaient toujours par se retrouver au même endroit.

-Tu crois que c'est important pour notre avenir ?

-Quoi donc ?

-Le fait que l'on ne puisse pas se séparer.

Juin haussa les épaules :

-Bof, c'est peut-être qu'on est débile.

-Toi peut-être, moi ça va.

Juin le dévisagea :

-Oui, t'as raison, ça doit venir de moi.

Juillet sourit en lui filant un coup de coude qui le fit sourire à son tour. Ils entrèrent dans la cour, après une bonne heure de patience. Juillet se mit sur la pointe des pieds :

-Qu'est-ce qu'il se passe là ? Franchement, on est pressé nous.

-Pourquoi on vole pas directement à l'intérieur ?

Juillet soupira :

-Tu poses la question à chaque fois et la réponse n'a pas changé depuis le temps. Janvier nous a dit que s'il y a une porte, il faut frapper pour être entendu. Ce n'est pas en débarquant en vol plané dans un banquet que le public sera disposé à nous écouter.

Juin resta silencieux quelques secondes :

-Je continue de penser que c'est une règle à la c…

-Sois pas vulgaire. Viens, je vois une trouée de ce côté, on va tenter de sortir du troupeau.

Il saisit le bras de son frère pour l'entrainer à sa suite, cependant que Juin continuait :

-Parce que, en plus, tu crois que là, ils vont nous écouter ? On n'arrive même pas à les voir, on sait même pas qui dirige. On les a peut-être croisés sans le savoir…

Juillet lui plaqua une main sur la bouche alors qu'ils se tenaient prêt d'une porte entrouverte. Après avoir vérifié qu'aucun garde ne se tenait à proximité et que les serviteurs qui l'empruntaient sois passés, il saisit de nouveau son frère pour se glisser par l'ouverture. Juin ricana :

-Tu sais, si c'était pour entrer par effraction, on aurait aussi bien pu débarquer en vol plané dans la salle du banquet.

Juillet força juin à se baisser derrière un muret alors qu'un homme passait tout prêt. La porte donnait sur un couloir ouvert. De l'autre côté du muret, se trouvait un jardin et à l'autre bout du couloir, une autre porte était fermée. Accroupis, hors de vue des personnes qui se promenaient dans le vaste jardin, Juillet réfléchissait, tandis que Juin avait repris :

-Faudra pas le dire à Janvier, hein, qu'on n'a pas suivi la règle. Non, parce qu'il va nous casser la…

-Sois pas vulgaire.

Juillet tenta un regard par-dessus le muret avant de se rassoir :

-Bon, d'un, on n'allait pas attendre que les autres se bougent pour entrer, vu l'urgence, je pense que Janvier comprendrait. On n'a pas de temps à perdre…

-Bah, c'est sûr. C'est beaucoup plus drôle de glander derrière un muret.

Juillet l'ignora :

-Et de deux, j'ai repéré deux femmes pas très loin et isolées, je pense qu'on devrait essayer de leur parler. Si on leur explique, elles nous aideront peut-être à rencontrer les souverains.

-Ou elles appelleront la garde.

Juillet sourit d'un air malicieux :

-Même si c'est le cas, on aura le temps de partir. Pourquoi crois-tu que j'aie repéré les personnes les plus isolées ?

-Pour les agresser.

-T'es vraiment trop con.

-Sois pas vulgaire.

-Je ne suis pas vulgaire, j'expose un fait. Allez viens.

Juillet quitta leur abri pour se glisser dans le jardin et se diriger discrètement vers deux jeunes femmes qui leur tournaient le dos. Derrière lui, Juin marmonnait :

-T'aurais pu dire ça gentiment, c'est vrai quoi, j'étais pas au courant, moi.

Juillet se tourna le temps de lui jeter un regard noir auquel il répondit par une grimace. Les deux filles semblaient occupées à tailler un rosier blanc et un rosier rouge.

-Veuillez m'excuser.

Elles se tournèrent dans un même mouvement. Les jumelles dévisagèrent les jumeaux avec curiosité. Juin ne put s'empêché de ricaner :

-Cette blague.

Juillet lui envoya un coup de coude avant de se présenter :

-Je suis Juillet de la fratrie des corbeaux et voici, Juin. Nous devons parler de toute urgence avec le dirigeant de ce royaume.

Les jeunes femmes firent une révérence avant de répondre :

-Nous sommes Rose-rouge et Blanche-rose, nous sommes ici en tant qu'invitées.

Juin jeta un regard vers les rosiers, puis vers les jumelles et ouvrit la bouche pour parler, mais fut couper dans son élan par un nouveau coup de coude. Juillet s'efforça de sourire :

-Pouvez-vous nous dire où se trouve le roi alors ?

-Il reçoit son peuple actuellement, il ne pourra pas vous recevoir.

Juillet insista :

-C'est très urgent, peut-être que la reine pourrait…

Elles hochèrent la tête et leur firent signe de les suivre. Ils furent menés dans un autre jardin encore plus vaste. Là, ils tombèrent sur une flopée d'enfant aux cheveux noirs d'ébène, à la peau blanche comme neige et aux lèvres rouges comme le sang. De toute évidence, ils n'arrivaient pas au meilleur moment. Un adolescent était submergé par des filles plus jeunes alors qu'une jeune fille, qui semblait être l'aînée, s'évertuait à les calmer :

-Laissez-le tranquille, bon sang ! Aniline ! Tomette ! Garance ! Et toutes les autres ! Lâchez-le !

Les jumelles rirent en voyant la scène avant de demander à la plus âgée :

-Princesse Vermeil ? Nous avons deux messagers qui souhaiterais s'entretenir avec votre mère.

Vermeil, qui avait réussi à décrocher une des petites de son frère et tentait de l'empêcher de retourner s'accrocher au pauvre garçon qui hurlait comme un beau diable, les observa avant de dire :

-Elle ne va pas tarder, croyez-moi.

C'est à cet instant qu'une voix forte résonna dans le jardin :

-Qu'est-ce que c'est que ce bazar !

Les filles lâchèrent leur frère pour se grouper autour de leur aînée et l'adolescent pu se redresser et réajuster sa tenue en jetant un regard noir à ses sœurs. Juin et Juillet réalisèrent qu'il y avait en tout sept filles et un garçon. La reine avançait à pas furieux vers sa progéniture :

-Jeunes filles, je peux savoir ce qu'il vous prend ?

L'une d'elle fit un pas en avant alors que toute les autres gardaient la tête baissée pour cacher leur sourire.

-C'est Brume, mère, il a dit qu'il ne voulait pas jouer avec des filles parce que nous étions faibles.

Blanche-neige haussa un sourcil :

-Et ? Cela justifie tous ces cris, Grenat ?

Sans se démonter, la fillette répliqua avec un grand sourire :

-Il a bien fallu lui montrer que l'union fait la force.

Les jumeaux distinguèrent le léger sourire qui effleura les lèvres de la reine avant qu'elle ne se tourne vers son fils :

-Brume, dit-moi, avec qui avais-tu l'intention de jouer ?

Boudeur, le prince fixa le sol :

-Je voulais être seul, c'est tout.

Sa mère lui sourit avec douceur et allait de nouveau parler quand Juin intervint :

-Je voudrais pas interrompre, mais on peut revenir à l'urgence ?

Juillet lui envoya un coup de coude qui poussa son frère à ajouter d'un ton morne :

-S'il vous plaît ?

Blanche-neige haussa les sourcils en croisant les bras. Comme elle ne semblait pas protester plus que cela, Juillet lui fit le même discours que tous ses frères. Quand il eut fini, la reine partit informer le roi en demandant à ses enfants de se préparer pour le départ. La route pour le bois brisé serait longue.

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