9 mai à 8 heures

nat28

Projet Bradbury - Semaine 6

Même dans ses lointains souvenirs, ce genre de situation l'avait toujours plongé dans un stress incroyable. Ses mains étaient moites, il se sentait fiévreux, et il avait l'impression de ne plus pouvoir réfléchir. A rien. Ses réflexions étaient entièrement tournées vers la peur qu'il ressentait sur le moment. Une peur irrationnelle et inutile. Il avait beau savoir qu'il retrouverait ses moyens au bon moment, il n'arrivait pas à se défaire de cette angoisse.


Le première fois que le stress lui était tombé dessus, il était en classe de 5ème. La perspective de passer les épreuves de l'ASSR l'avait mis dans un tel état que sa mère avait préféré le garder à la maison plutôt que de l'envoyer au collège, fait rarissime qui avait ajouté un niveau supplémentaire d'inquiétude pour l'adolescent qui croyait déjà sa dernière heure venue. Depuis ce jour, chaque examen, quelque soit son importance, était synonyme d'une appréhension telle que le jeune homme avait parfois dû renoncer à se présenter aux épreuves. C'est comme ça qu'il avait raté son brevet, dû repasser son bac, et obtenu son permis de conduire après trois rendez-vous manqués.


“Ben, bordel, reprends-toi, t'es plus un gamin !” se dit-il en repensant à toutes les fois où son stress l'avait fait échouer avant même qu'il ne puisse essayer.


Ce qui l'étonnait le plus, c'est que les autres situations “compliquées” qu'il avait eu à affronter dans sa vie ne lui avait jamais fait le même effet. Il faisait du skate-board depuis l'école primaire et s'élancer du haut d'une rampe ne lui avait jamais fait peur. Les tournois de foot le mettait toujours de bonne humeur, et même son premier baiser s'était passé sans accroc. Julie Termin, une camarade de 3ème lui plaisait, elle le trouvait mignon aussi, et l'affaire s'était conclue derrière le gymnase du collège en moins de deux. Leur amourette n'avait tenue que jusqu'aux vacances de Pâques, mais cela n'avait pas perturbé Ben qui avait enchaîné les conquêtes au lycée.


Sa première nuit avec une fille, une anglaise rencontrée lors d'un voyage scolaire, s'était également formidablement bien passée, grâce à quelques vidéos pour adultes et à un livre sur le sexe datant des années 70 qu'il avait déniché dans un carton en rangeant le grenier de sa grand-mère.


En fait, rien ne lui faisait peur, à l'exception des examens. L'idée de sortir sa carte d'identité, de signer une feuille d'émargement et de se retrouver face à une copie blanche était la quintessence de l'horreur pour le jeune homme. Sans parler des en-tête affreusement compliqués à remplir… Les évaluations en classe ne lui faisaient pas du tout le même effet, peut-être parce que les copies doubles que sa mère lui achetait au supermarché avait un côté rassurant et familier. Elle les lui fournissait toujours d'ailleurs, et Ben savait qu'à chaque visite dans la maison familiale, il repartait avec ses feuilles quadrillées. Cette habitude maternelle, un peu ridicule maintenant qu'il était à l'université, le faisait toujours sourire. Il avait juste du mal à trouver de la place pour stocker tout ce papier dans son minuscule studio d'étudiant.


“Tu as bossé toute l'année, tu as eu des super moyennes, tu es prêt à le passer ce fichu examen, alors arrête de faire le gamin, mon gars !” se répétait-il en boucle pour tenter d'exorciser sa malédiction personnelle. Fait assez exceptionnel, il avait réussi à se lever et à parcourir à pied le petit kilomètre qui séparait son immeuble de l'université sans faire demi-tour. En règle générale, la perspective d'un examen lui faisait rebrousser chemin, et il n'avait obtenu sa licence que grâce aux sessions de rattrapage. L'ancien doyen avait était assez conciliant pour lui donner une deuxième chance à chaque fois que son stress avait pris le dessus, mais le nouveau, arrivé depuis quelques semaines à peine, avait fait de l'intransigeance sa marque de fabrique. Ben était devant la porte de la salle d'examen, il lui suffisait juste de poser sa main sur la poignée et de faire 3 pas pour entrer.


Mais il n'y arrivait pas.


Et pourtant, ce matin là, il n'y avait pas que son Master qui était en jeu. S'il ne s'était agi que de cela, le jeune homme aurait baisser les bras et aurait retenter sa chance plus tard. Ce n'aurait pas été la première fois que ses angoisses lui faisait perdre du temps, quelques mois de perdus, ce n'était pas si grave. Mais depuis 6 mois, un autre élément était entré dans sa vie. Une grande brune aux yeux verts qui répondait au doux prénom de Mélanie.


Ben avait rencontré Mélanie dans une soirée étudiante et il avait découvert avec surprise qu'ils fréquentaient tous les deux les bancs des mêmes amphithéâtres. Les deux jeunes gens ne s'étaient jamais repérés en cours, car Ben était un habitué des premiers rangs, une attitude de premier de la classe et des notes excellentes pouvant toujours servir en cas de négociations pour repasser un examen, alors que Mélanie souffrait de retards chroniques qui la reléguaient tout en haut des rangées de sièges. L'amour avec un grand A leur était tombé dessus quelques semaines après le début de leur relation, et ils étaient devenu le couple le plus en vogue de leur promotion.


Pour Ben, manquer l'examen de ce 9 mai signifiait redoubler et voir Mélanie partir sur le marché du travail pendant qu'il devrait rester à l'université. Et cette perspective était absolument inconcevable.


Alors pourquoi n'arrivait-il pas à ouvrir cette maudite porte ?


Il entendit le bruit de talons frappant le sol à toutes vitesse derrière lui. Il se retourna et vit une jeune fille qui courait en direction de la salle d'examen.


Pas n'importe quelle jeune fille. Mélanie.


Elle arrriva à sa hauteur, les joues rouges et les cheveux en bataille, et elle lui planta un rapide baiser sur la bouche avant de consulter sa montre. “Huit heures ! Pile à l'heure ! Tu viens ?” s'exclama-t-elle en lui prenant la main et en ouvrant la porte de la salle d'examen.


Ben n'eut aucun mal à la suivre.           


  • J'ai bien aimé. Bon style, bonne orthographe (très important pour moi) et un personnage immédiatement attachant. Ca sent le vécu... Bravo !

    · Il y a environ 7 ans ·
    P1050384

    Catherine Killarney

    • Merci ! (pas que pour l'orthographe...)
      J'avoue, je n'ai JAMAIS eu peur avant un examen, même quand j'ai passé des concours. En fait, c'est un sentiment que j'ignore (mais j'ai eu l'occasion d'en parler avec des gens "normaux" en formation). Je me nourris (aussi) des expériences des autres !

      · Il y a environ 7 ans ·
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      nat28

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