A madame *** Lettre XXI

A N *** le vendredi 30 mai 2014

    Quand je m'ennuie, je viens vers vous.

    Pourquoi.

    Je ne vous aime pas, je ne vous estime pas, je ne vous apprécie pas, je n'ai rien à faire de vous, vous n'avez rien à faire de moi, je ne vous connais pas et pourtant je viens vers vous .

   Pourquoi.

   J'avais quinze ans, et je ne voulais pas mourir, c'était il y a, il y a .. - et ç'est là où l'on constate qu'il est bon d'avoir perdu la mémoire - mais des lustres après je ne veux toujours pas mourir, j'avais quinze ans donc et j'écrivais comme ça à un être éthéré qui n'avait aucune réalité, aucune matérialité, aucun visage et auquel j'écrivais et j'avais l'intuition selon laquelle, elle, car cet être était du genre féminin, qu'elle m'écoutait, me lisait, était là, présente, je percevais réellement sa présence.

   Mais je ne vais pas passer la nuit là-dessus. La pluie, une grosse pluie d'orage vient de cesser, goutte encore sur le zinc de la fenêtre .

   Non mais c'est bien quand même que vous soyez-là.

     Je ne dis ni bonjour, ni bonsoir, ni au revoir, ni adieu.

   Mais croyez-moi vous ne sauriez être aimée de personne, tout aimable que vous êtes, si véritablement que vous l'êtes de moi, écrivait à sa fille madame de Sévigné le 16 mai 1672.

    s ***

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