Acte de désespoir

Dans un horizon terni et détruit, ponctué de bruits d'explosions, de tirs et de cris, dans un manteau glacé de gris laissant s'échapper des fumées de souvenirs brûlés, la mort s'est répandue dans les rues. Sévère et triste sort obtenu par la guerre.

D'abord vint la destruction, l'effondrement des maisons, suivi des hurlements. Il y eu les étrangers puissamment armés et aux visages masqués, c'était le présage de terribles ravages dans notre paysage. Pas d'explications, pas un mot, pas de compassion quand ils trouèrent nos peaux. Ils amenèrent avec eux une ère glaciaire dévoreuse annonçant l'hiver.

Emmitouflée dans des vêtements récupérés dans un appartement appartenant à un couple marié, décédé avec leur enfant, j'ère dans la nuit et entre ces murs crépis. Marchant entre les bouts de verre en attendant la fin de tout.

Perdue et affamée, seule et désarmée, les yeux rouges d'avoir autant pleuré, observant ce qui bouge par une fenêtre défenestrée, serrant dans mes mains une fleur, sentant son parfum, je laisse s'écouler les heures.

Je me laisse dévorer par la colère, souhaitant abréger la torture quotidienne qui s'opère, pour un sommeil qui dure. Les faibles lumières d'un soleil d'hiver annonce l'arrivée de ces individus armés dans cette rue. Accompagné d'un véhicule à canon, un tank faisant trembler le sol jusqu'aux canalisations, je les regarde défiler en prenant position. Mon choix est décidé, avec une affreuse détermination.

Ce choix décisif s'accompagne d'explosifs dissimulés dans mon dos et sous une nuisette rouge bordeaux, je sors ainsi dénudée et m'avance vers ces soldats qui se sont arrêtés.

Mon ventre cri de faim et de peur. Je me retiens de retourner à l'intérieur et poursuis ma lancée. Foulant le sol dévasté sous mes pieds gelés, suivant mon acte de désespoir et tremblant intérieurement en arrivant au bout du couloir.

Ils me voient, me regarde de haut en bas. Je leur dis que j'ai faim et tends la fleur dans ma main.

Dans quelques secondes, mon désespoir prendra fin. Dans quelques secondes, il n'y aura plus rien.