Agence S-64 - mission 1 : le Château de Santhor

katherineravard

         

Le S-64 …

Agence d'intérim spécialisée dans le renseignement pour le compte du gouvernement américain.

 

Le directeur et les agents permanents …

Archibald Elroy   

Ancien ingénieur en sécurité informatique, il chapeaute officiellement le S-64 depuis 1999 sous la responsabilité exclusive du département de la justice américaine. Sa seule terreur n'est pas que le ciel lui tombe sur la tête mais que son fils devienne aussi agent secret.

 

Victor Cooper  

Ancien garde du corps du président des Etats-Unis, il intègre définitivement le S-64 en 2002 comme traducteur (parle couramment russe, chinois et anglais). Côté fringues, il adore les jeans Lee Cooper taille basse (c'est sans doute à cause de son nom)….

 

Ted Ephemer  

Sorti de la Californian Military Superior School (CMSS) avec le grade de lieutenant, il débarque au S-64 en 2006 en soutien sur des missions extérieures et devient rapidement l'un des meilleurs officiers de l'agence.  Seul bémol professionnel : parle italien sans modération lorsqu'il est stressé..

 

Isabelle Never Never (alias codebook) 

Parachutée au S-64 après avoir déserté la fac' de droit, elle devient rapidement l'assistante préférée d'Archibald Elroy pour gérer l'administration de l'agence.  A signaler : un petit tatouage de rose sur la cheville droite.

 

Gérald Junior (alias G20)    

Recruté comme second pilote de la navette spatiale Kill Master, il est aussi le partenaire préféré de l'agent Rodger Creek en cas de besoin. Divorcé et père de deux garçons, il adore le billard américain et les salles de jeux. A signaler : consommateur invétéré comme son collègue Rockett, ils  devront  faire l'objet d'une évaluation pointue en cours d'année

 

Rodger Creek (alias Rockett)

Ex-lieutenant de police du NYPD, Rockett intègre le S-64 en 2001. Ses collèges le surnomme affectueusement l'homme qui valait moins de 3 milliards en mission à cause de ses performances physiques pas toujours à la hauteur. Un petit bémol : toujours en découvert suite à ses nombreux achats vestimentaires…

 

 

 

 

Les agents intermittants …

 

Jason Doyle   

Collabore avec le S-64 depuis 2003 comme ingénieur en sécurité informatique après avoir fait de brillantes études à l'IHTK (Institut des Hautes Technologies Américaines). Imbattable pour pirater les réseaux et envoyer des virus informatiques chez ses ennemis. Nom de code : hellodolly.

 

Walgren Palace 

Profession : pilote. Recruté essentiellement pour des missions de deux ou trois jours, Walgren travaille aussi pour des entreprises privées ou des particuliers . Surnommé  Hasbeen Palace par ses collègues du S-64 à cause de ses fringues ringardes, il est principalement chargé de piloter la navette spatiale Kill Master ou des avions militaires lors de certaines opérations spéciales.

 

Mémo confidentiel n° 216-AB

De :                                         JOHN WEILBURE – DIRECTION DU FBI

A l'attention de :                   HARRY BOYLE - DEPT DE LA JUSTICE

Objet :                                    AGENCE S-64

Date :                                      1er avril 2012

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Sous la direction d'Archibald Elroy depuis janvier 1999, le S-64 reste à ce jour l'agence d'intérim la plus optimale chargée de pallier en urgence aux absences de nos agents fédéraux pour cause de RTT, accidents du travail ou congés maladie...

Selon vos ordres explicites, une liste des principaux agents intérimaires vous est fournie pour la première fois et devra être conservée suivant la procédure Secret Défense A1+.

Grâce à une concurrence accrue entre les différents acteurs de la sûreté territoriale, le S-64 se doit de tout mettre en œuvre pour rester la première agence temporaire de recrutement concernant nos missions de renseignement sur le territoire national. Elle doit pour cela recruter les agents les plus performants afin d'éviter les déconvenues opérées lors de la dernière mission en date (codifiée BZ-511).

En effet, cette mission prit un tournant délicat lorsque le jeune Dylan Elroy s'infiltra sans autorisation préalable à l'intérieur de leur navette Kill master qui décollait à destination de Mondor. Agé de 17 ans, il créa de telles complications qu'il faillit faire capoter toute l'opération.

Vous pourrez prendre les mesures qui s'imposent en lisant le compte-rendu de l'opération.

                                                                                              J. Weilbure

1 – Le S-64 contre-attaque

La porte du bureau d'Archibald Elroy, mon père vénéré, était restée ouverte et j'entendais distinctement la voix tonitruante du lieutenant Ted Ephemer, qui l'interpellait :

-       Mais siiii,  Patron ! Je vous assure que c'est encore pire que ce que vous     pouvez imaginer… Il faut absolument retourner là-bas et lancer une opération   d'envergure... avec les agents G20 et Rockett,  je suis sûr que nous      pourrions attaquer la base et infiltrer leur laboratoire scientifique !

-       Calmez-vous, lieutenant et soyez certain que je comprends votre        ressentiment… vous étiez très proche de Dupuis, je le sais bien… c'est une          perte douloureuse pour nous tous mais je ne tiens pas à la renouveler avec   vous, ce serait une nouvelle erreur irréparable….

-       Mais, v….

-       Laissez-moi finir, Ted. Après l'échec de notre précédente mission,      infiltrer à nouveau le château de Santhor  dans un délai si court nécessiterait        beaucoup d'audace et une sacrée dose de réussite... Vous n'avez plus de     contact sur place…Comment comptez-vous vous y prendre sans tomber sur         ses agents qui patrouillent en permanence les abords du Château ?

Ted hésita avant de répondre. Sous les ordres d'Archibad Elroy, le directeur du S-64,  depuis maintenant six ans, il savait exactement ce qu'il pouvait dire ou ne pas dire à son boss sans risquer de provoquer une colère cataclysmique digne de ce nom ... Il posa sa voix avant de continuer.

-       Patron, ce coup-ci, c'est du sûr ... je travaille depuis une semaine sur un      nouveau plan d'attaque dont vous me direz des nouvelles… j'ai encore     quelque détails à finaliser mais je serai prêt dès demain, si vous souhaitez   organiser une réunion avec Weilbure …..

-       Très bien, lieutenant. Alors,  je vous prends au mot … rendez-vous demain          avec l'équipe opérationnelle…Isabelle vous précisera l'horaire dès qu'elle     aura contacté le procureur Boyle qui, comme toujours,  doit accréditer le      plan de notre mission ….

-       A vos ordres, patron. Et croyez-moi, cette fois-ci, Santhor  n'aura qu'à  bien       se tenir, conclut Ted d'une voix nerveuse, en sortant du bureau.

Le voyant se diriger à grands pas vers les ascenseurs,  je l'interpellai in extremis dans le couloir central :

-       Ted, Ted, aurais-tu quelques minutes à m'accorder, s'il te plaît ? C'est       important.

Il vérifia le cadran de sa montre-alarme avant de me répondre.

-       Ok ! Dylan. Allons boire un verre à la cafétéria, mais pas trop longtemps, j'ai      un travail de dingue en ce moment …

-   Ne t'inquiètes pas Ted, je ne serais pas long, promis !

Nous parvînmes au premier sous-sol du bâtiment qui desservait une petite cafétéria réservée exclusivement au personnel de l'immeuble. A part notre agence, ouverte pour le public avec le panneau :  agence d'intérim spécialisée dans la sécurité industrielle, d'autres fonctionnaires qui dépendaient aussi du Département de la Justice avaient, quant à eux,  des bureaux interdits au public dans les étages supérieurs. Traducteurs, analystes interprètes, ingénieurs en sécurité informatique et même officiers du renseignement. Le choix était tellement varié qu'il était très difficile de les reconnaître au premier coup d'oeil. En plus, le bâtiment était un vrai blockhaus. Impossible de s'infiltrer à l'intérieur à travers le dédale des caméras vidéos et de sas de sécurité que la direction avait multiplié depuis quatre ans. De l'extérieur, personne n'aurait pu imaginer que les as du contre-espionnage américain travaillaient d'arrache-pied dans ces bureaux. Il n'y avait que notre agence, située au rez-de-chaussée, qui offrait aux visiteurs égarés une apparence d'entreprise classique. La cafétéria version 2012 ressemblait à un self-service ordinaire avec ses traditionnelles heures de pointe entre 12h et 14h. Mais  aujourd'hui, la plupart des tables étaient libres car il était plus de 14h30 et la majorité des employés avaient déjà rejoint leur bureau.

-   Bill, apporte-nous deux bières blondes s'il te plaît, demandais-je d'une voix        mal assurée…

Mon cousin Ted Ephemer étant un garçon perspicace, je décidais bien vite d'aller droit au but sans rien lui cacher :

-       Ted, j'ai quelque chose d'important à te demander... quelque chose qui me tient à cœur m….

Il m'observait du coin de l'œil en sirotant méticuleusement la mousse de sa bière blonde.

-       Voilà… tu sais que depuis longtemps, je souhaite intégrer votre équipe au sein du S-64. J'ai bossé dur pour devenir un agent comme vous. Tu vois        aujourd'hui, après toutes les stages intensifs que j'ai effectués, je me sens       tout-à-fait prêt pour relever le défi… Je sais bien que ça ne sera pas facile de convaincre mon père mais je voudrais quand même que tu essayes...     D'ailleurs, tu serais toi-même  surpris par les énormes progrès que j'ai faits,        en sport de combat bien sûr mais surtout en électronique, tu peux demander à tous mes professeurs d...

-       Ah ! c'est encore ça, soupira Ted. Je me demandais bien pourquoi tu prenais       cette air de chien battu…. Ecoute, Dylan, tu est encore jeune, 17 ans c'est      le plus bel âge de la vie… profites-en pour t'amuser ou faire le tour du     monde…. Tu as toute la vie devant toi….

Toute la vie devant toi. Juste le temps de finir la phrase  et on a déjà les tempes grises, ruminait Ted dans sa tête... A 20 ans, on se croit fort, indestructible avec des projets plein la tête et l'on se réveille un beau matin à 50 piges, le crâne chauve, le ventre bedonnant et des rhumatismes plein les bras. Avec en prime, des crédits sur le dos et un divorce quasi-certain si l'on juge les statistiques de femmes désespérées par les absences fréquentes d'un mari espion, menteur ou complètement mythomane…. Sans compter que des fois, c'est les trois à la fois.  Non, décidément il fallait absolument que Dylan ne tombe pas le cycle infernal de cette vie de nomade …

-       Et puis, tu n'imagines même pas toutes les contraintes liées à ce métier.      L'angoisse, la solitude, les troubles du sommeil …..

-       Mais si, le coupais-je brusquement. Je te signale que mon père nous a         mené une vie d'enfer depuis ma naissance et que les déménagements, les troubles du sommeil et les mensonges foireux aux copains, j'en ai usé et plus      qu'abusé, vois-tu !

Ted me regardait silencieusement, ne sachant plus quoi dire.

-       Tu sais Dylan, reprit-il après quelques minutes, il faut que tu saches que nous      avons perdu un de nos meilleurs      agents… Marc Dupuis. Il était comme      toi, trop sûr de lui…. pourtant, il avait réussi un coup de génie … il s'était infiltré dans le laboratoire d'expérimentation de Santhor en se faisant passer      pour un laborantin intérimaire mais peu de temps après, il s'est fait     repéré par un de ses espions… on ne sait pas très bien comment l'autre a pu          le repérer mais le fait est q….

 Ted était devenu blême. Il avait du mal à finir sa phrase.

-       I.. il a été emprisonné dans le bunker du         château. Grâce aux infos de notre    agent de liaison toujours en place, Owen Butler, nous savons qu'il a réussi à       s'empoisonner avant d'être          passé à tabac. Il n'a rien dévoilé sur notre         organisation. Ce type était vraiment hors normes … un modèle du genre.   Tu     crois vraiment qu'à ton âge, on peut être confronté à ce genre      d'épreuves ?

-       Oui, je  crois que je peux Ted, répondis-je timidement. Dis à mon père que tu       as besoin d'un assistant. Quelqu'un de sûr qui pourrait surveiller la navette         pendant votre mission.  Je peux vous être très utile, crois-moi !

Voyant que je n'allais pas céder d'un pouce, Ted finit par céder. Du moins, c'est ce que je croyais…

-       Hum… après tout, pourquoi pas ? Et puis c'est vrai que tes connaissances en     électronique pourraient nous servir en cas de coup dur. C'est bon ! Ne me regarde pas comme ça avec tes yeux exorbités. Tu as gagné ! Je lui en parlerai          dès demain pour que tu puisses intégrer l'équipe lors de la prochaine          mission...

-       C'est géniiiiiial hurlais-je d'un seul coup en renversant ma chaise. Je vais    enfin pouvoir vous montrer ce que je sais faire ! Merci Teddy.

Décontenancé à l'idée de m'infiltrer sur sa nouvelle mission, mon cousin quitta la cafétéria l'air désappointé et se dirigea à grandes enjambées vers l'ascenseur central.

                                                        *

Le lendemain, les agents permanents du S-64 ainsi que Harry Boyle, le procureur général adjoint du département de la Justice et John Weilbure, le directeur du FBI, étaient réunis dans le bureau de mon père, aménagé pour l'occasion en vaste salle de réunion. Après de nombreux travaux d'aménagements suite à des crédits débloqués par le procureur lui-même, il avait pris l'allure d'un bureau de Premier Ministre français. « Messieurs, commença Archibald, je vous ai convoqués aujourd'hui pour vous informer de l'état des lieux de l'Opération Condor 1 et des éventuelles suites à donner à l'affaire … Il s'arrêta un instant car son assistante venait de l'interpeller :

-   Excusez-moi Messieurs mais Victor Cooper vient de me prévenir qu'il ne   pourra pas assister à la réunion, Mr Elroy.  Il a été retenu par un rendez-vous         très important dont il vous tiendra informé par la suite, m'a-t-il dit ….

-   Merci, Isabelle.

La sueur coulait sur son front. Il prit le temps de s'éponger avec son mouchoir de poche pendant que le lieutenant Ephemer relisait ses notes méticuleusement. Pendant ce temps, G20 tentait désespérément une dernière tentative afin de remonter son jean qui tombait littéralement sur ses pieds (taille trop basse)…

-   Comme vous vous en doutez, L'opération Condor 1 est en voie d'extinction.       Dupuis a été dénoncé dans des circonstances qui nous sont encore      inconnues   et n'a pas pu rejoindre la base, comme nous l'espérions ….

Un silence gêné régnait dans le bureau. G20 et Rockett fixaient la fenêtre pour éviter de penser à ce que leur copain avait dû subir dans les geôles de Mondor, le territoire du général Santhor.

-       « En fait, reprit-il,  nous pensons qu'il avait déjà photographié les plans du         labo avant de se faire prendre et qu'il a peut-être pu les transmettre à notre   agent de liaison encore sur place, Owen Butler…. A l'heure actuelle, nous ne       savons pas grand-chose... Le lieutenant Ephemer voudrait envoyer une        seconde équipe sur place… il va vous exposer son nouveau plan.  Lieutenant,     c'est à vous » !

-       Merci, Mr le directeur.

Ted sortit de sa mallette noire une épaisse pile de polycopiés qu'il leur distribua à tour de rôle.

-       Voilà Messieurs, j'ai préparé ces croquis pour vous aider à mieux visualiser le     territoire de Santhor. Vous pouvez voir sur ce premier schéma, son   château avec sa haute muraille qui le protège de toute attaque frontale.          Santhor      a érigé cette forteresse près de la  montagne Sacrée, la plus        haute de toute la province du Sari pour montrer sa puissance et     impressionner ses ennemis. Il a conquis petit-à-petit tous les territoires       avoisinants, asservi les populations à sa cause et développé une armée   d'androïdes plus dangereuse que tous les       martiens réunis. Les patrouilles des          androïdes sont nombreuses autour du château et le long de la muraille...

-       Votre navette spatiale Kill Master n'a t'elle pas eu des problèmes techniques        suite aux tirs d'une patrouille lors de la précédente mission s'enquit John   Weilbure, le chef du FBI ?

-       Absolument pas, répondit Ted. Nos derniers soucis techniques remontent à         l'année 2009 lors de l'opération Menhir 12  menée conjointement avec les         services secrets scientifiques de la NASA. Nous avons fait d'énormes progrès      depuis… il faut    juste être très précis sur le plan de vol et l'objectif à         atteindre…

-       Mondor est une petite planète très proche de la Terre, continua Archibald. Elle ne constitue pas un obstacle par sa distance mais plutôt par ses conditions      météorologiques extrêmes …

-       Et par la folie de son dirigeant, le général Santhor, conclut Weilbure.

Archibald acquiesça. Ted continua son exposé.

-       Nous avons aussi appris, grâce à Owen Butler, notre agent infiltré, qu'il     fait    des recherches extrêmement poussées dans ses laboratoires grâce à des        équipes de scientifiques venus du monde entier ou plutôt forcés à venir          à        l'insu de leur plein gré, devrais-je dire… Et pour couronner le tout, nous        savons que ses ingénieurs chimistes seraient en train de fabriquer un nouveau           produit pharmaceutique hallucinant, un psychotrope dont les effets    dévastateurs pour le cerveau sembleraient encore plus puissants que ceux que        nous avons connus jusqu'à  ici... Je crains le pire pour la jeunesse des Etats-    Unis avec cette nouvelle drogue !

-       Pensez-vous qu'il l'aurait déjà commercialisé son produit ? l'interrompit    Harry Boyle.

-       Nous n'en sommes pas sûrs à 100% mais nous avons quand même de bonnes     raisons de penser qu'ils auraient finalisé le produit et qu'ils seraient sur le    point d'inonder le marché américain… d'ailleurs avec la complicité d'un   groupe pharmaceutique américain mais nous ne savons pas encore lequel…

Il réfléchissait.

-   J'attends d'ailleurs à ce sujet des infos de la Direction du Renseignement,   répondit Ted.

Il était devenu livide, le visage tendu.

-    Je crois qu'il serait plus sûr de détruire en priorité le labo principal… avec          tout ce que cela comporte en termes de risques pour nos agents ….les photos          satellite indiquent qu'il se trouverait par ici… Il pointait du doigt une   minuscule forme rectangulaire bleue sur le papier.        « … sous la grande tour         que vous     pouvez voir à droite. Nos chasseurs  de  l'espace ont photographié      plusieurs    fois des allées et venues suspectes près de la tour et ces petits traits    gris que vous voyez sur cette photo seraient les rails d'un train électrique qui     pourrait communiquer avec une usine souterraine où seraient entreposés    tous   les stocks de poudre … »

-   Se sachant déjà espionné, Santhor a dû redoubler de précautions. Il sera     encore plus difficile pour vous d'infiltrer sa forteresse ! commenta avec          suspicion le secrétaire d'Etat, Harry Boyle.

-   Pas forcément, rétorqua Ted… car Santhor n'imaginerait pas une seconde que     nous soyons assez fous pour infiltrer deux fois de suite son bunker…

G20 et Rockett souriaient béatement sur leur chaise pendant que Walgren fixait obstinément un point obscur à travers la fenêtre depuis deux bonnes minutes… Enfin, Archibald sortit de son silence :

-   Nous pouvons tenter d'envoyer une nouvelle équipe sur place. Deux          ou     trois agents pourraient suffire pour détruire le laboratoire…

Le silence régnait dans la pièce. Ted semblait toujours préoccupé.

-   Je ne comprends pas que Butler ne nous ai pas encore transmis d'infos sur         les photos de Dupuis, poursuivit-il. Je vais encore vérifier pour voir si les     autres services n'ont rien reçu …

Archibald  mâchouillait son crayon de bois, signe habituel de grande nervosité.

 -   De toute façon, asséna John Weilbure, nous ne pouvons pas laisser ces      trafiquants agir en toute impunité. Il faut absolument tout tenter pour anéantir     leurs projets criminels…  Si le procureur donne son accord, je suggère une   action rapide, Messieurs !

Le procureur adjoint Harry Boyle n'était visiblement pas perturbé par les propos de Weilbure. D'ailleurs, il avait acquis depuis de nombreuses années la réputation de garder son sang-froid dans n'importe quelle circonstance…

-       Soyez assurés par ma présence de l'accord sans limite du gouvernement,    articula t'il précautionneusement. Vous avez carte blanche… ce sont les          termes exacts qui ont été prononcés en haut lieu, avant la tenue de notre réunion…

Archibald réfléchissait. Et dans ces cas-là, sa tête dodelinait légèrement vers la droite sans que personne ne s'en aperçoive jamais…

 -  Bon, dans ces conditions … nous pourrions programmer l'opération disons        avant mercredi soir ! Et tant pis si nous n'avons de meilleures indices sur le    labo, il faut agir et très vite…Ted, essayez de programmer avec l'équipe un   départ lundi et tenez-moi au   courant si vous rencontrez des problèmes avec         la logistique…

-   Très bien patron, je vous ferai un compte-rendu dès ce soir après ma réunion       avec l'équipe opérationnelle…

Ted surlignait en rouge les informations importantes sans omettre ses nombreuses recommandations pour les agents de soutien.

-   Ah ! J'oubliais une dernière chose…  pour plus de commodité dans nos      échanges, indiquez le code BZ-511 sur vos correspondances et supprimez    l'appellation Opération condor 2.  Ce sera plus sûr. Si vous n'avez pas          d'autres questions, vous pouvez disposer Messieurs….

Ils se levèrent tous les uns après les autres pour rejoindre leurs bureaux respectifs.

-   Non, pas vous, John. Je vous garde encore quelques instants ainsi que Mr le        Procureur Général Adjoint.

Archibald s'était fait fort de consolider depuis des années de très bonnes relations professionnelles avec le Département de la Justice ainsi que le FBI. Et il ne s'en cachait pas … Le soir même, j'attendais avec impatience mon cousin, le lieutenant Ted Ephemer pour obtenir le résultat de son entrevue avec mon père.

-       Je suis désolé, Dylan. Archibald considère que c'est une mission trop          dangereuse. Une autre fois, si le risque est moins élevé, il te laissera partir     mentit Ted qui, pensant bien faire, n'en avait pas du tout parlé à son patron.

-    C'est toujours pareil, c'est pas possible ! Il ne voit pas les progrès que j'ai         faits depuis un an. J'ai passé tous les tests avec succès et pourtant il me laisse       sur la touche comme un mauvais élément. C'est trop injuste ...

-        Sois patient Dylan, ton tour viendra, sois-en sûr.

Je n'insistai pas. Je savais que je ne pourrais pas le faire changer d'avis. Il fallait que je trouve un autre moyen pour m'infiltrer en douce dans la navette Kill Master.

                                                        *

 

2 – Dans la navette spatiale Kill Master

Victoire totale. La navette spatiale Kill Master fonçait maintenant à travers la galaxie solaire depuis plus d'une dizaine de minutes. J'exultais littéralement car j'avais réussi mon coup… Caché depuis l'aube dans la gaine de ventilation des toilettes, j'avais réussi à déjouer la surveillance de Ted et de tous ses agents

Aucun bruit ne venant dans ma direction, je dévissai rapidement la grille de ventilation et sautai sans bruit sur le sol. J'atterris dans une petite pièce sombre qui servait aussi de soute à bagages ou plutôt de débarras pour vieux matériel informatique en tout genre. Vingt secondes plus tard, le nez collé contre le hublot de la navette, je contemplai la splendeur du paysage qui s'amorçait devant moi. Les étoiles défilaient à toute allure le long de la vitre opaque alors que je n'arrivais même plus à distinguer les contours de la Terre... Les minutes passaient et je n'entendais toujours aucun bruit. Mon cousin Ted Ephemer et ses co-équipiers semblaient s'être volatilisés. Je commençais enfin à décompresser. Je sortis de ma poche un recueil de poésies qui m'accompagnait toujours en cours de mission. C'est mon cousin Ted qui me l'avait offert pour mes 16 ans. « Un super agent secret doit aussi avoir une culture générale approfondie et parler poésie si le besoin s'en fait sentir, me confiait-il souvent. » Je n'avais jamais cessé, depuis lors, de dévorer les poèmes étranges que je parcourais à haute voix dès qu'une occasion se présentait.  Surtout ceux de Charles Baudelaire que j'adorais.

« Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur d'aller là-bas vivre ensemble !

Aimer à loisir, aimer et mourir au pays qui te ressemble » !

Je tremblais comme une feuille en articulant distinctement chaque syllabe de ces vers magnifiques. La passion me dévorait. Je poursuivis ma lecture fiévreuse lorsque la porte s'ouvrit tout-à-coup et que Ted me trouva vautré sur un carton et le livre à la main :

-       DYLAN ? Mais j….j'hallucine, que fais-tu là, nom d'un chien ?

-       Ben, tu vois, je lis ton livre de poésie…

-       Ne fais pas l'imbécile Dylan et sors des toilettes tout de suite...

Je le suivis, les yeux baissés. Ce n'était pas le moment de la ramener…

Mon entrée dans le monde obscur du contre-espionnage commençait mal et je doutais fort que Ted se taise auprès de sa hiérarchie pour me protéger.

-       Regardez ce que j'ai trouvé! cria t'il en entrant dans le bureau des agents.

-       Dylan… c'est quoi ce plan ? s'exclama Rockett en me voyant arriver. Ton père va te passer un de ses savons, je voudrais pas être à ta place… Il faut     faire demi-tour lieutenant…

-       Non, impossible de revenir en arrière, répondit Ted. Nous avons déjà          parcouru trop de chemin,  il va falloir faire avec ce nouveau contretemps….

« Parce que c'est fils de patron, ça se croit tout permis, maugréait rageusement G20 qui entendait tout de la cabine de pilotage»…

Ted avait le plus grand mal à contrôler la colère qui l'étreignait. Il était blanc comme un linge.

-       Je crois que le plus simple dans l'immédiat, c'est de mettre à profit notre    nouvelle recrue ….

-       Mais il n'a pas d'expérience chef, c'est de la folie…

-       Eh oui, je sais Rockett mais nous n'avons pas le choix … il sera chargé de la     surveillance de la navette pendant que nous infiltrerons le château…. Je ne vois pas d'autre solution … Qu'en dis-tu Rockett ?

-       Si vous pensez que c'est le mieux à faire, lieutenant.

Ted bipa Walgren qui pilotait depuis plus d'une heure la navette Kill Master secondé par l'agent G20.

-       Walgren, tu as entendu notre conversation, je suppose ?

-       Oui, lieutenant. J'ai tout entendu et je n'y vois pas d'inconvénient… je pense      que vous avez raison de vouloir garder Dylan répondit-il, sans quitter des   yeux la trajectoire de la navette sur son tableau de bord.

-       Bon, voilà au moins un problème de moins pour la journée.      « Dyyylan !         Tu     m'écoutes pour une fois ! En premier lieu, tu vas t'équiper de cette    combinaison spatiale de secours accompagnée du sac à dos.  Elle est un peu         encombrante mais c'est une mesure de protection indispensable en cas         d'incident dans l'espace. Et tu essayes le casque aussi... Oui, TOUT DE        SUITE Dylan, ne me regarde pas comme ça ! Ensuite, Rockett te briefera sur   le       fonctionnement des appareils mais surtout ne t'approche pas trop près des       manettes de vol, tu pourrais nous envoyer sur Mars si tu te trompes... C'est     une navette ultramoderne remplie         de circuits électroniques, le moindre déclic         et on plonge !!

-       Ne t'inquiètes pas Ted, je ne toucherais à rien. Promis, juré !

« Promis, promis…c'est sûr qu'à cette heure, j'aurais promis n'importe quoi pour me faire oublier. D'ailleurs, j'adoptai l'attitude que j'avais toujours eu lorsque mes parents me faisaient une scène. En cas de pépin je comptais jusqu'à dix, des moutons, des chiens n'importe quoi pourvu que mes angoisses disparaissent »…

-   Avance, Dylan …. Dépêche-toi !

-   Cinq minutes, s'il vous plaît. J'enfile la combi et j'arrive !

Ressemblant à un pneu Bibendaum sortant tout frais du garage, je respirais mal en arrivant devant l'entrée de la cabine de pilotage. De forme oblongue, la cabine était plutôt exigüe mais conçue avec rigueur par un designer de génie qui avait modulé l'aspect graphique en fonction des nombreuses contraintes techniques du lieu. Tout avait été étudié avec soin jusqu'à la couleur des sièges, assortie à celle du tableau de bord. Plusieurs leviers de vitesse aux coloris roses et jaunes scintillaient de toute part comme des pierres précieuses. J'aurais pu passer des heures dans ce cockpit tel Ali Baba découvrant la caverne des 40 voleurs mais Rockett en avait décidé autrement. Il m'informa des procédures d'urgence inhérentes à ce voyage dans l'espace dont la plupart des agents du S-64 n'étaient pas vraiment des habitués (incendie, attentat, panne mécanique, etc).

-   Bon, Dylan, je crois que nous avons fait le tour de la question à moins que           notre équipe de pilotes souhaite te briefer un peu plus sur la conduite spatiale         jusqu'à Mondor ?

Walgren réfléchissait, le regard fixé sur l'horizon artificiel :

-       Pourquoi pas Rockett ? D'ailleurs, je vais même faire mieux. Je vais descendre avec Dylan     dans la salle informatique afin de lui montrer Neo, notre Super-ordinateur... Je pense que ce sera plus instructif pour lui que les polycopiés des     salles de classe….G20, tu branches le pilotage automatique,  je reviens dans     dix minutes. Ouvre l'œil !

-       Pas de problème, chef.

Pendant que Rockett rejoignait Ted dans le local qui leur servait de salle de réunion, je suivis Walgren sans poser de questions. Après le bar, nous descendîmes quelques marches et traversâmes un étroit couloir aux murs translucides qui conduisait directement à la salle informatique. Elle était spacieuse, de forme ovale. Et soudain, je fus estomaqué par ce que j'apercevais  à l'intérieur…

-   Incroyable, murmurai-je. Je n'imaginais pas que l'on pouvait intégrer un    Superordinateur dans une navette comme celle-là …

-   C'est en effet une petite révolution. Ce modèle unique, le SX 458 B, est      capable de traiter et de communiquer d'énormes quantités de données en un   minimum de temps. Nous l'utilisons pour toutes les tâches qui nécessitent une   très forte puissance de calcul comme les prévisions météorologiques, la   cryptanalyse ou l'étude du climat, données indispensables lors de nos missions à l'autre bout du monde.  Tu sais, un orage de grêle ou une violente     tempête peuvent avoir des conséquences inimaginables sur le bon      déroulement d'une mission …

-   Je comprends, murmurai-je. Donc, en fait son énorme avantage par rapport         aux ordinateurs classiques, ce sont les performances supérieures de sa         mémoire.

-   Absolument. Mais il a aussi un gros inconvénient, c'est qu'il consomme     plusieurs     mégawatts d'électricité …

Walgren vérifiait le programmateur en parlant.

-   Et comme il produit une grande quantité de chaleur, il doit être refroidi en   permanence pour fonctionner normalement. Ca nous pose d'ailleurs souvent un gros problème de clim'…

Un bip retentit dans l'oreillette de Walgren. G20 avait un problème avec l'anémomètre.

-  Ecoute Dylan, je dois vite remonter dans la cabine de pilotage mais je pense         que tu en as vu suffisamment pour aujourd'hui...

-  C'est certain, Walgren. J'en sais déjà plus que n'importe quel stagiaire de la         côte Ouest...

Nous nous dirigeâmes vers le couloir qui rejoignait directement le cockpit. Walgren avançait d'un bon pas en vérifiant quand même que j'étais bien derrière lui. Il avait l'air un peu nerveux. Nous marchions maintenant silencieusement l'un derrière l'autre. Au bout de dix mètres, mon pied buta contre un obstacle inconnu et j'entendis soudain le déclic de la trappe de secours qui venait de s'enclencher ! Mes jambes tombèrent d'un coup dans le vide pendant que mes bras s'agrippaient au rebord de la carlingue. Je voulus alerter Walgren mais aucun son ne sortit de ma bouche. Au même moment, la navette amorça un virage périlleux sur la droite qui me fit complètement perdre l'équilibre. Mon bras gauche finit par lâcher prise et je poussai un cri strident pendant que mon corps tout entier basculait dans le vide. La vitesse m'emportât si loin que rien ni personne n'aurait pu me sauver de la chute vertigineuse que je venais de faire. J'étais définitivement perdu.

                                                        *

Ma chute dura trois minutes. Ou peut-être plus. Qui peut savoir à cette vitesse-là ? Mon corps était balloté comme une épave abandonnée et percuta brusquement un astéroïde qui dérivait lentement. Le choc fut si rude qu'il stoppa net ma dégringolade. Je m'accrochais comme à une bouée à cette roche de couleur grisâtre qui dérivait vers d'autres cieux. Mon cœur battait à tout rompre... Et mon dos semblait ne plus vouloir bouger. Quelle distance avais-je parcouru depuis ma chute ? Impossible de le savoir. Je respirai difficilement depuis plusieurs minutes mais heureusement, le système d'oxygène dans mon sac à dos semblait encore fonctionner. Il fallait absolument que je me redresse. En me soulevant doucement, j'aperçus à quelques mètres de moi les flashes lumineux d'une station spatiale. Sa structure grise métallisée ressemblait de loin au corps reconstitué d'un dragon de la préhistoire. L'effet était saisissant. « Il faut que j'évite le comité d'accueil pensais-je tout bas. A coup sûr, ils ont placé des caméras de surveillance dans les yeux du dragon, ils clignotent bizarrement, c'est trop louche… »

L'astéroïde dérivait lentement vers la station. Encore quelques mètres de distance et enfin je pus sauter sur la longue patte arrière du dragon. Ouf ! Je finis par grimper jusqu'à son énorme genou en m'accrochant dans ses aspérités en métal. Ma situation était cependant, loin d'être idéale. Je devais à tout prix prendre contact avec le S-64 et leur signaler au plus vite ma position. Tout-à-coup, j'entendis un vrombissement au-dessus de ma tête. En levant les yeux, j'aperçus six soucoupes volantes qui se dirigeaient vers la piste d'atterrissage. Je m'aplatis dans un recoin obscur afin de ne pas me faire repérer. Les soucoupes arrivaient les unes derrière les autres comme si elles étaient dirigées par un chorégraphe spatial expérimenté. Dès qu'elles eurent toutes atterries et que les pilotes eurent rejoints l'intérieur de la base, je décidais d'en profiter. Je grimpai jusqu'à l'étage supérieur grâce à une échelle escamotable qui débouchait sur une passerelle de béton armé. Arrivé à son extrémité, j'enjambais les derniers escaliers qui me permirent d'accéder au sommet de la station. Je transpirai à grosses gouttes. J'attendis quelques secondes encore pour reprendre mon souffle et courut vers le parc des scooters de l'espace stationnés à côté. Je choisis le premier devant moi. Il était en aluminium de couleur gris métallisé. Sur le guidon était posé un casque intégral composé avec une coque en fibre de verre. Je l'ancrai solidement sur ma tête en prenant bien soin d'attacher les lanières de sécurité. Enfin, je pus actionner la pédale de l'accélérateur. L'engin ronronna doucement et je n'eus aucun mal à prendre la route à travers la galaxie. Aucun chasseur de l'espace ne m'avait repéré. J'avais eu chaud. Les mains cramponnées sur le guidon, je commençais à savourer cette course effrénée dans l'espace. Au bout de dix minutes, je découvris sur ma droite des roches rouges qui ressemblaient à l'entrée de la galaxie de Minos. Je réalisai soudain que je m'éloignais de la Terre. « Comme quoi l'étude des photos satellite de mon programme de stage ne sont pas tout-à-fait inutiles, marmonnai-je en moi-même ». Il fallait vite faire demi-tour. Mais je ratais la manœuvre en braquant trop vite. Je perdis le contrôle du scooter qui partit en vrille sur plusieurs centaines de mètres et télescopa violemment un nouvel astéroïde sur son passage. Le choc fut d'une extrême violence. Je dégringolais dans l'espace pendant de longues minutes et finit dans un bruit sec sur le hublot d'un Airbus A379 qui se dirigeait vers New-York. Henri Think, ingénieur spécialisé de la N.A.S.A. lisait tranquillement le Herald Tribune lorsqu'un bruit sourd vint perturber la lecture de son article. C'était mon casque à écran total qui venait de percuter violemment son hublot. Il fit un bond sur son siège en apostrophant le passager qui était assis à côté de lui :

-       C'est… c'est  dinguuuuue, j'ai vu la tête d'un homme, là….. sur l'aile de    l'avion, bégayait-il !

-  C'était sûrement un oiseau de passage, ca arrive très souvent sur ces vols    long-courrier lui répondit-il…

-   Mais non, c'était la tête d'homme, je vous dis…

L'agitation était à son comble dans le Boeing 749. Tout le monde se jetait vers les hublots pour tenter de photographier le mystérieux inconnu qui s'était aventuré sur la tôle de l'avion. Les hôtesses avaient beaucoup de mal à contenir l'excitation des passagers.

-       Ca y est ! Je l'ai vu, criait un américain. Il est tout vert et mesure deux mètres      de haut !!!

Ils riaient tous de bon cœur. Et personne ne croyait le pauvre Henri Think qui blanchissait à vue d'œil à l'idée d'être pris pour un mythomane. De toute façon, il était impossible pour eux de me repérer car j'avais glissé très loin maintenant. J'étais, en fait, accroché contre le train d'atterrissage de l'appareil. Et je savais que je pouvais encore tenir longtemps car j'avais déjà fait des exercices de simulation en vol dans le même genre. L'avion amorçait maintenant sa procédure d'atterrissage. Au bout de quinze minutes, il se posa sur la piste prévue par la tour de contrôle.  J'avais sauté sur le tarmac juste avant qu'il ne se pose.  Sans trop de pépin sauf qu'un aiguilleur du ciel semblait m'avoir repéré. Je me dirigeais lentement vers l'entrée d'une grosse bâtisse aux contours défraîchis. C'était en fait un immense parking. Juste avant de franchir l'entrée et les caméras de  surveillance,  j'avisai sur le côté un local technique un peu isolé. Et désert. Je franchis la porte et entreprit de me débarrasser de la combinaison spatiale encombrante et du casque intégral.  Je cachais le tout rapidement au fond d'une grande poubelle. Avisant plusieurs armoires métalliques cadenassées, je sortis une petite pince de ma poche et déverrouilla le cadenas du premier vestiaire. Des vêtements étaient suspendus sur un cintre et bien rangés dans l'ensemble. J'enfilai un parka qui m'allait comme un gant, ajustai l'écharpe en coton et la casquette noire assortie. Je pensai avoir fini mon inspection lorsque je vis au dernier moment une sacoche noire en cuir vieilli cachée derrière des piles de journaux. Elle était remplie de cartes de crédit au nom de Paul Smith, de livres sur l'économie mondiale  et d'une grosse liasse de dollars en petites coupures. Je pris les carte de crédit dans ma poche, heureux de ressembler à ce Paul Smith sur la photo. Au bout d'une minute, je sortis le plus naturellement du monde du local comme n'importe quel technicien. Il était temps car j'entendais des voix d'hommes au loin qui semblaient s'approcher dangereusement.

-       Ecoutez, je m'appelle Henri Think, je suis professeur à l'université de         Stanford,    je ne suis pas un fou. Voyons, écoutez-moi ! Il ne s'est pas          volatilisé en deux minutes ou alors c'est un fantôme. Non sérieusement, je     suis sûr qu'il est encore dans les parages. Fouillez ce parking, criait-il aux     agents de l'aéroport !

J'eus tout juste le temps de courir vers la navette de l'aéroport qui partait rejoindre le centre de Manhattan. Je respirai mieux lorsqu'elle démarra et que je vis disparaître les silhouettes des policiers de l'aéroport.

                                                            *

Pendant ce temps, l'agitation était à son comble au S-64. Archibald venait de réunir le chef de la CIA et Harry Boyle dans son bureau :

-       Ecoutez Messieurs, je vous ai réunis de toute urgence car un nouvel élément         plutôt désagréable est venu perturber le fil de notre opération….

Sa voix tremblait. Il avait du mal à parler.

-    P…pour une raison encore inconnue et complètement indépendante de ma          volonté, m...mon fils s'est infiltré sans aucune autorisation dans la navette          Kill Master…. J'insiste bien sur le fait que je ne lui ai jamais donné       l'autorisation spéciale pour participer à cette opération ultraconfidentielle. Je       ne sais toujours   pas comment il a pu faire mais je vous en donne ma parole, il   sera vertement     réprimandé !

 Il marqua une pause.

-   Et pour des raisons encore inconnues et dont les détails me seront     communiqués dans le courant de la soirée, il… il est ….

Il n'arrivait pas à trouver ses mots…

-   La trappe de secours s'est ouverte et il est tombé dans le vide.

Il s'écroula dans son fauteuil comme si le poids de la phrase l'avait plus anéanti  que la nouvelle en elle-même. Un long moment de silence suivit. Enfin Harry Boyle se décida à prendre la parole  « Peut-être faudrait-il dans un premier temps annuler l'opération en cours et tout faire pour retrouver votre fils. Nous déciderons de la conduite à tenir pour Santhor…

-       « L'annuler peut-être pas mais tout au moins la reporter de quelques jours           répliqua Weilbure, le chef de la CIA. Ne négligeons pas le fait que chaque minute qui passe est un bonus pour Santhor. Il est  peut-être déjà en train de commercialiser son psychotrope à l'échelle mondiale. Il ne faudrait pas lui    donner trop de champ   libre car le facteur temps sera déterminant dans la       réussite de notre opération…

-        Deux ou trois jours de recherche suffiraient sûrement, renchérit Boyle d'une       voix rauque.

Archibald était blanc comme un linge. Il avait du mal à évaluer toutes les difficultés de la mission, déjà bien compromise par son propre fils.

-       Je suis un peu d…désorienté Messieurs, mais comme vous le suggérez        maintenant, j…je pense que le mieux serait de poursuivre l'Opération BZ-     511, conclut-il. « Le lieutenant Ted Ephemer aura cinq jours pour retrouver   Dylan et pas un   de plus. Et s.. si, par malheur il échouait, il devra rejoindre     Mondor et poursuivre sa mission sans aucun état d'âme. J… je vous tiendrais      informés     au fur et à mesure de la suite des évènements. Excusez-moi     Messieurs mais si vous n'avez pas de question, je préférerai me retirer…. »

Ils se levèrent tous les deux dans un mouvement de tacite compréhension dicté par les circonstances.

-   Mr Elroy, conclut Boyle, nous vous contacterons rapidement si nous avons du    nouveau...

Archibald se leva lentement de son siège et quitta le bureau dans un silence glacial.

               

A bord de la navette Kill Master, les choses ne tournaient plus rond. Le lieutenant Ted Ephemer était désemparé. Comment la trappe de secours avait-elle pu s'ouvrir ? Rockett et G20 n'y comprenaient rien. Le lieutenant n'en menait pas large lorsqu'une demi-heure plus tard, Archibald le contacta sur sa ligne directe :

-       O..oui, bien sûr patron ! Vous envoyez les chasseurs de l'espace en repérage...     Et n… nous devons le retrouver avant cinq jours ! Comment dites-vous ? A     New-York ? Très bien, patron. Je vous informerais minute par minute,          naturellement.

Il raccrochât nerveusement et courut vers la cabine de pilotage.

-        Walgren, on change le plan de vol. Dylan  aurait été repéré à New-York…           Nous devons le retrouver coûte que coûte…

-        A vos ordres, lieutenant.

 

                                                        *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3 – Le deal de Pétra Voronov 

 

Jonathan Ford, le directeur commercial des laboratoires Boréal la scrutait depuis quelques minutes avec une certaine avidité…. Le genre d'avidité trop visible aux yeux de Pétra qui en connaissait plutôt un rayon sur la question.  Elle avait pourtant décidé de ne pas mettre en avant ses atouts féminins (chose plutôt facile pour elle) et d'adopter une attitude on ne peut plus distante en cas d'approche inconsidérée. Pétra était agent de renseignement pour le compte du général Santhor. Envoyée d'habitude à l'étranger pour recueillir des informations secrètes sur les progrès technologiques, industriels ou scientifiques des plus grands groupes mondiaux de la planète Terre, sa mission commerciale était aujourd'hui d'obtenir un partenariat exclusif de distribution avec les laboratoires Boréal afin d'écouler le psychotrope Dream over sur la totalité du territoire américain. Son interlocuteur, Jonathan Ford, était un homme de sa génération. Il approchait de la trentaine. De silhouette mince et athlétique, il portait un costume beige en lin clair, une chemise blanche en coton biologique et des  mocassins en cuir assortis à la chemise. Ca en dit long, ces détails-là. Surtout pour une femme comme Pétra qui venait de noter dans un petit coin de son cerveau qu'elle avait affaire à un homme qui aimait plaire et s'acheter des fringues ….

-   Bon, Mlle Voronov reprenons… si nous enlevons les coûts de stockage, les         frais de communication, l'approvisionnement vers les lieux de vente… je dirais un pourcentage net pour nous de 40% sur les ventes …..

-   Vous n'y allez pas de main morte, Mr Ford.

-   Mlle Voronov, vous n'êtes pas sans savoir que nos laboratoires jouissent   d'une réputation mondiale irréprochable….

Il marqua un temps d'arrêt.

    …basée notamment sur un savoir-faire technologique encore inégalé à ce jour      et sans parler de nos infrastructures parmi les plus modernes des Etats-Unis ...

-   Pourtant, reprit-elle du tac au tac, je me suis laissé dire que l'opération Blouse     grise  de     l'année 2005 n'a pas été aussi fructueuse que vous le dites à     propos de votre image de marque ….

Jonathan Ford pâlit légèrement car il savait que Pétra venait de marquer un point. L'Opération Blouse grise avait été, en fait, une catastrophe pour le groupe mondial qui avait même vu son action de bourse chuter de 10% dans la même séance avant de se reprendre quelques jours plus tard en évitant le pire. Le directeur général avait été remercié ainsi que toute son équipe technique. L'opération qui devait consister à redorer le blason du Lexinol, psychotrope distribué dans les années 2000 par les laboratoires Boréal avait en fait été un fiasco. Des effets secondaires dévastateurs sur un pourcentage important de la population locale (dépression et suicides) avaient eu beaucoup d'écho dans la presse. Le conseil d'administration des Ets Boréal avait alors décidé d'organiser une contre-attaque en formant des groupes d'experts chargés de dénigrer les effets négatifs du psychotrope auprès des médias. Les experts arrivaient à démontrer par a + b (et toutes les autres lettres de l'alphabet) que les sujets dépressifs avaient eu des problèmes soit dans leur activité professionnelle soit dans leur couple (1/3 des couples américains est en instance de divorce) ou carrément dans les deux cas…. Tout avait été analysé et calculé au millimètre pour arriver à la conclusion finale que le Lexinol était un psychotrope complètement inoffensif … Mais le groupe n'arriva pas à faire retomber l'agitation médiatique qui en avait découlé dans toute la presse internationale sans parler de l'impact négatif sur le chiffre d'affaires des ventes mondiales... Jonathan savait que Pétra attendait un geste commercial pour conclure le marché. Le message avait été parfaitement clair.

-   Vous êtes une personne tellement charmante Mlle Voronov qu'il me serait difficile de vous refuser quoi que ce soit …. Bon reprenons, si je rogne sur la         marge des revendeurs, nous pourrions dire… disons……

Il sortit sa calculette.

-   … 30% net pour nous ? Avec, bien sûr, tous les frais de service après vente         à notre charge !!

-   Qu'entendez-vous par les frais de service après-vente, reprit Pétra sur le qui-       vive ?

-   Disons… que suite aux problèmes que nous avons connus avec le Lexinol, nous avons mis     en place, dès l'année dernière, une structure efficace - mais        néanmoins coûteuse - composée d'experts juridiques, d'avocats fiscalistes   et de politiciens achetés à notre cause dans le but d'agir efficacement auprès      des médias ou de certaines victimes trop curieuses par des tentatives          d'intimidation ou de chantage en bonne et due forme afin d'éviter tout     dérapage intempestif dans l'opinion public…

-   Je vois, le coupa t'elle brusquement. A Mondor, notre général a mis au point       un système plus expéditif pour les plaintes, il envoie les androïdes du   commando 512 et en général, la plainte n'a pas le temps d'arriver devant la       cour d'Assises puisque le déposant est mort dans des circonstances accidentelles …. Mais reprenons, vous disiez donc ….

Devant le visage angoissé de Jonathan qui se demandait à qui il avait vraiment affaire, elle en profita pour sortir une Vogue Super Slim menthol de son étui à cigarettes et lui envoya sa première bouffée dans les narines….

-   Alors, encore un petit effort, Mr Ford …..

-   Je d…disais 25% net vendeur, bégayait-il maintenant, encore plus affolé     depuis les menaces de Pétra, à peine voilées.

-   20%, Mr Ford. Sinon je me ferais une joie de contacter votre concurrent direct     à Los Angeles…..

Il sortit un mouchoir de sa poche et s'épongea le front discrètement pendant que Pétra observait le vol d'un goéland à travers la vitre.

-   P.. Pourriez-vous m'attendre quelques minutes, bégayait-il, le temps que     j'obtienne l'accord de mon patron ? Je ne peux pas prendre cette décision tout      seul…

Elle se retourna enfin vers lui.

-   Bien sûr, Mr Ford. Je vais vous attendre, je suis là pour ca !

Jonathan prit son portable et quitta le bureau. Pétra en profita pour se repoudrer le nez et vérifier dans son miroir de poche que son rouge à lèvres tenait encore le coup. Elle entendait des voix dans la pièce d'à côté. La conversation semblait houleuse. Et puis, la porte du bureau s'ouvrit brusquement, Jonathan Ford s' é lança dans la pièce, le visage un peu plus détendu.

-   C'est arrangé, Mlle Voronov. Mon patron accepte votre offre de 20% net   vendeur. Par contre, il faudrait que vous vous chargiez du transport jusqu'à     New-York…. nous ferons toute la maintenance à partir de la réception dans       l'usine du Queens…

-   C'est entendu Mr Ford, confirma Pétra avec autorité. Nous vous livrerons les      premiers arrivages d'ici à quelques semaines à l'adresse que vous nous       préciserez.  Finalement, vous voyez que nous nous sommes très bien     entendus….

-   Absolument. Remarquez, je pensais bien que nous finirions par nous          entendre, mais peut-être pas aussi vite… Au fait, restez-vous à New-York quelque jours pour faire du tourisme ?

-   Hélas, mon séjour est         bref. Je dois rejoindre mon directeur technique pour un     repérage industriel dans le Monténégro.

-   Ah ! le Monténégro, très intéressant…. Vous êtes vraiment une femme        d'action à ce que je vois ! Toujours en mouvement….

On voyait qu'il hésitait encore.

-   … J'y p…pense tout-à-coup, si vous souhaitez découvrir la ville de New-   York disons avec un guide expérimenté, j…je me ferais un plaisir de vous       faire faire un tour de ville rapide avant votre retour à Mondor, conclut-il avec     un     petit sourire en coin.

-   Demain, j'ai une journée plus que chargée renchérit-elle en souriant mais je          pourrais me libérer plutôt le soir, à partir de 20      heures si l'offre tient toujours          ! Et je vous préviens tout de suite, j'adore danser …

Jonathan Ford avait lancé l'invitation à la hâte sur les conseils de son PDG qui souhaitait avant tout se mettre la responsable commerciale définitivement in the pocket.

-   Moi aussi, j'adore danser. Je vous ferai découvrir ma discothèque préférée,          une boite de nuit ahurissante…

-   Avec joie,  Mr Ford.  Vous avez mon numéro de portable, j'attends votre   appel dès demain !

Elle lui sourit tendrement en franchissant la porte du bureau. Jonathan était perplexe en la voyant sourire comme ça. Mais il pensait qu'il ne fallait surtout pas faire de commentaire de peur qu'elle ne change les modalités du contrat sur un coup de tête.

-   A d…demain, murmura t'il en lui faisant un signe de la main.

Pétra s'engagea rapidement dans l'ascenseur qui rejoignait le rez-de-chaussée. Arrivée dans le hall d'accueil, elle poussa le dernier tourniquet de sécurité et  héla un taxi.  Il ne lui fallut qu'une dizaine de minutes pour atteindre son hôtel situé dans le quartier de Harlem. Elle avait toujours adoré ce quartier cosmopolite où elle se sentait à l'abri des regards indiscrets et des espions américains qui pullulaient dans la ville. Elle grimpa dans son studio meublé et se jeta sur son lit blanc, modèle king size. Il était 15 heures. Sa mission était déjà sur la bonne voie.

                                                        *

Milburn Hotel 242 West 76th St, New York, NY 10023. Le descriptif traînait sur la table de nuit. « Nos clients peuvent profiter sans frais d'une cheminée gracieuse, de la bibliothèque salon, d'une salle d'exercice principale avec des équipements cardio …et d'une piscine chauffée de 50 mètres (avec bonnet de bain obligatoire pour les femmes) située au sous-sol ». Petra venait de se réveiller et lisait distraitement la publicité posée sur sa table de nuit qui vantait les infrastructures de l'hôtel. Elle décida d'aller tester la piscine avant de programmer toute autre chose de sérieux pour la journée. Son prochain rendez-vous avec Ford était prévu dans la soirée, elle avait toute l'après-midi devant elle…. Elle sortit son maillot de bain une pièce de couleur noir ébène qui l'amincissait tellement qu'on aurait pu l'imaginer sans peine mannequin vedette sortie tout droit des magazines de mode féminine. Elle emporta une sortie de bain, son portable et de la crème au beurre de karité qu'elle glissa dans son petit sac en toile beige. Le couloir de son étage était désert.  Elle prit l'ascenseur feutré qui la conduisit directement au sous-sol. Elle fut impressionnée par la beauté du lieu. L'horizon bleuté dégagé par la piscine lui rappelait les monochromes d'Yves Klein et sa théorie sur la couleur bleu spirituelle et hors dimension. Elle jeta ses affaires négligemment sur un transat isolé et plongea immédiatement dans l'eau chauffée à 25%. Son corps ondulait gracieusement comme s'il voulait concurrencer les mouvements naturels des poissons marins. Avant de sauter dans le bassin, elle avait quand même repéré un quadra new-yorkais qui l'observait méthodiquement en faisant semblant de lire
l'International Herald Tribune posé devant lui. Pétra était la seule femme présente à ce moment-là. Elle aurait parié qu'il était commercial dans l'informatique, marié depuis longtemps et avide de rencontres passagères. Pétra avait du flair en la matière. Elle comptait à son actif un nombre impressionnant d'invitations en tout genre de la part de la gente masculine. Brune aux yeux bleus, elle possédait une silhouette longiligne qui laissait souvent rêveurs les personnes qui avaient eu le bonheur de la croiser. Au niveau caractère pourtant, elle pouvait être très lourdingue notamment avec le capitaine Loomy, (son collègue espion à Mondor) qui avait bien du mal à accepter ses caprices de star et ses manies d'indépendance. Il faut dire que Pétra avait bien du mal avec l'obéissance et la hiérarchie. Respecter les horaires aussi était une contrainte dont elle se serait bien passée. Chouchoutée par le Général Santhor depuis son arrivée au Château, elle arrivait toujours à éviter les sanctions et Loomy avait bien du mal à faire comprendre à son responsable qu'une mission secrète se doit d'être confiée à des agents hautement qualifiés et respectueux de leur supérieur…

L'homme au journal venait de plonger lui aussi dans la piscine en espérant que Pétra se noie ou soit victime d'une crampe musculaire incontrôlable afin de dégainer sa panoplie préférée du secouriste toujours disponible pour les nageuses célibataires en détresse. Après deux tours en dos crawlé et un troisième en nage papillon, il tenta une approche (la 10ème de la journée si l'on comptait les autres pensionnaires de l'hôtel) alors qu'elle s'apprêtait à sortir de l'eau.

-   Mademoiselle, il me semble que je vous ai déjà vue dans cet hôtel…

-   Moi ? Ah ! Je pense que vous faites erreur car c'est la première fois que je viens dans cet hôtel, répondit-elle avec froideur…

-   C'est curieux, j'aurais pourtant juré vous avoir déjà rencontré … je m'appelle     Jérémy Rénier, je suis producteur dans le secteur audiovisuel...

Pétra ne voulait surtout pas s'encombrer d'un macho trop curieux à peine arrivé dans Manhattan.

-   Enchanté, Mr Rénier… mais excusez-moi je suis très en retard, je n'ai         absolument pas de le temps de bavarder avec vous, ce sera peut-être pour une       autre fois.

Elle sortit de l'eau, se sécha rapidement et se dirigea vers l'ascenseur pendant que Jeremy Rénier se demandait bien s'il avait encore raconté des bêtises ou s'il l'avait réellement déjà rencontré dans l'hôtel…. Deux étudiantes new-yorkaises venaient d'arriver dans la piscine. Il pensa bien vite à autre chose.

                                                        *

Vingt-quatre heures après la chute de Dylan, le lieutenant Ted Ephemer et son équipe avaient terminé les réparations de la navette Kill master qui avait atterri la veille près de l'aéroport de la Guardia dans le Queens. Des problèmes informatiques les avaient obligés à dormir sur place et à effectuer les premières réparations nécessaires pour la suite de leur mission à Mondor. Personne n'aurait remarqué cette élégante navette à la tête allongée et suffisamment grande pour contenir dix personnes.

-   Dépêche-toi Rockett, nous devons atteindre le centre de Manhattan avant 15        heures. Et sans nous faire repérer, le plus discrètement possible comme de    simples touristes. Il faut retrouver Dylan avant qu'il ne fasse de grosses           bêtises…

-   Tiens, enfile ce bonnet G20 sinon je crois que ça va pas le faire. Tu    pensais circuler dans Manhattan avec ton équipement spatial sous le bras...         On voyage incognito,    mon vieux ! Bonnet, imper', écharpe…. voilà c'est le         profil attendu pour les jours de pluie comme aujourd'hui !

-   Walgren, tu gardes la navette… on te contactera sur le canal codé comme    d'hab'. Si jamais tu n'as pas de nouvelles d'ici demain 12h, tu rentres à la     base, ok Walgren ?

-   Bien chef, répondit-il, je suivrais scrupuleusement vos ordres.

Une fois qu'ils furent tous les trois relookés en touristes new-yorkais, ils décidèrent d'emprunter le métro pour rejoindre rapidement le centre-ville. Ils descendirent par erreur à Lexington Av. St.

-   Bon sang, mais on y est pas du tout, s'énervait le lieutenant Ephemer.

-   Mais si mon lieutenant, on est déjà dans le centre-ville. Regardez sur la carte,       on longe Central Park. ..

-   C'est super chouette ici, regarde G20… y'a une boutique de fringues comme        tu      les aimes … j'halluciiiine, y'a même des New rock… j'ai bien envie d'en    acheter une paire avant de rentrer ! Ca m'évitera de courir faire les soldes le   week-end prochain en rentrant à Végas ….

-   Top cool ! lieutenant s'il vous plaît, on pourrait pas faire une minute de     shopping, juste pour acheter les boots ? C'est une occasion unique, la 5ème   avenue à New-York, vous comprenez, on en a tellement rêvé devant l'écran        de télé, gémissait-il …

-   Bon, cinq minutes… pas plus G20, conclut Ephemer (qui pensait de toute façon qu'il valait mieux ne pas les contrarier sous peine de représailles           sanglantes) ! Et n'oubliez pas que Dylan est peut-être en train de faire du     shopping lui aussi !

-   Le hasard fait parfois bien les choses… on va faire attention, chef, rétorqua         G20 en fonçant dans les rayons surchargés de chemises en coton et de      costumes pour homme. Regarde Rocket… trop top cette chemise noire XD-   122. Et la cravate … C'est quoi comme marque ? Ah ! ouais… Modern and          then…. Tu vois    Rockett, je trouve que c'est dingue qu'un créateur de mode          n'ait pas encore lancé une ligne spéciale pour des agents secrets comme        nous…. C'est vrai qu'on a des horaires de dingue mais quand même, on prend     le temps de faire du shopping… d'ailleurs s'ils savaient qu'on est tous des          fashion addict en puissance, ils coloniseraient nos bureaux     d'espaces   publicitaires pour mieux nous refourguer leurs marques …

-   Sûr, mon vieux. D'ailleurs, tu devrais ramener des échantillons de tissu à   Végas et     développer toi-même une nouvelles marque avec les nouveaux stagiaires…. Je suis sûr que ca marcherait !!!

Voyant qu'il le prenait au sérieux, Rockett en rajouta une couche :

-   Bon, en tout cas, vu comment tu te fringues actuellement… je m'associerais pas avec toi. Comme t'es ring', c'est pas possible mon pauvre       G20… t'as vu ton look ? T'es devenu complètement has been. Et ces        chemises à rayures genre technicolor ? Tu crois vraiment que c'est classe et          que ça va    brancher les donzelles de Californie ? Regarde plutôt dans d'ot' quartiers     avant de t'acheter des fringues…

-   Bon, les gars, désolé d'interrompre vos réflexions vestimentaires mais va   falloir y aller ! Vous savez que les lecteurs attendent la suite de l'histoire et         pas que vous fassiez vos courses dans les boutiques de la Vème avenue. A        mon avis, y s'en tape que vous vous habilliez en gothique ou en sixties. Faut    du suspense, du trash... Les lecteurs, faut pas les endormir avec des histoires    de      fringues, ils sont difficiles, vous savez ! Encore un coup comme ça et ils    vont vite vous jeter à la poubelle ….

-   Vous inquiétez pas chef, je ferais tout ce qu'il faut pour qu'on reste dans    l'histoire…

-   Moi aussi chef, renchérit Rockett avec malice.

Il tourna la tête en douce vers G20 et lui murmura :

-   On est sur la plus belle avenue de New-York et on peut même pas faire de tourisme, ça craint…. Moi, je reviens dès que je peux ! Et je suis sûr que les     lecteurs comprendront !

-   Je reviendrais avec toi, susurra G20 mais chut, change de disque sinon le   lieutenant va nous découper en rondelles …

                                                        *

A 18 h 30, Jonathan Ford avait bouclé sa journée par un dernier rendez-vous commercial avec un représentant pharmaceutique local. Mais sans omettre de téléphoner à Pétra pour lui donner directement rendez-vous au bar du restaurant de l'Ink48 Hôtel. Il l'attendait maintenant dans le salon du rez-de-chaussée en dégustant un bon verre de bordeaux. L'ambiance était feutrée, il commençait à décompresser. Malgré les recommandations de son président, il avait décidé de ne pas céder à tous ses caprices et d'en faire le moins possible pour la flatter…

19h05. Elle était déjà en retard. Jonathan ne supportait pas d'attendre. Ca le rendait colérique. Il passa trois coups de fils rapides et recommanda un verre. Heureusement qu'il avait opté pour un léger polo en coton car la chaleur commençait à être écrasante. Les couples arrivaient les uns après les autres et s'installaient dans les fauteuils club en cuir installés devant les tables. L'ambiance était feutrée. Enfin, il aperçut sa longue silhouette qui s'approchait de l'entrée. Il fut bluffé une fois de plus par sa beauté et sa colère sourde disparut comme par enchantement. Elle venait de marquer un nouveau point. La scène se passait comme s'il rêvait les yeux ouverts ou à demi-éveillé. Il aurait bien fait un travelling avant sur son visage magnifique qui rayonnait dans la lumière tamisée. Pétra l'aperçut tout de suite et se dirigea vers lui, d'un pas nonchalant. Elle était d'une beauté à couper le souffle. 

-   Excusez-moi, Mr Ford si je suis en retard. Impossible de trouver un taxi à cette heure et la circulation était dense comme toujours à New-York, je suis           désolée..

-   C'est sans importance, Mlle Voronov. L'important c'est que soyez ici, avec         moi, minauda t'il en la dévisageant avec force…Vous êtes magnifique et cette         robe vous va à ravir…

-   Merci, ça me fait plaisir car j'hésitais avec une autre… finalement, je          trouvais que le coloris ne mettait pas assez en valeur m… mais bon je ne suis      pas venu     ici pour parler mode …. Avez-vous passé une bonne après-midi,       Mr     Ford ?

-   Excellente… les affaires courantes mais dans l'ensemble, pas d'anicroche   avec les différents dossiers que nous avons en cours … tout va bien, mais          dites-moi plutôt ce que vous désirez boire …

-   Comme vous… un verre de bordeaux, ce sera très bien.

Jonathan appela le garçon pour commander les verres.

-   Cet endroit est fabuleux, commença Pétra.

-   Et encore, vous n'avez encore rien vu. Finalement j'ai changé d'avis pour le        restaurant, j'ai réservé une table dans cette tour mais au dernier étage, dans le         salon de presse… cet endroit offre une des plus belles vues sur Manhattan… et j'ai pensé que vous aimeriez découvrir cet endroit …          d'ailleurs, dès que vous aurez fini votre verre, nous pourrons y aller …

-   C'est un beau programme, Mr Ford. J'accepte avec joie.

Elle avait sorti son petit guide culturel New-York 2012 et ils se lancèrent rapidement dans une conversation animée sur les expositions d'art contemporain de la ville.

                                                        *

Pétra dansait comme une dingue sur la piste de dance du Webster Hall, la plus vieille discothèque de New-York où Jonathan Ford avait finalement choisi de l'emmener après le restaurant. Monument historique du quartier avec une architecture plutôt moderne à l'intérieur, le Webster Hall était le night-club tendance du moment. La foule endiablée se trémoussait au son de la techno… Au bout d'une heure, Jonathan s'était éclipsé au bar, prétextant une douleur au genou due à une mauvaise chute de cheval dans son enfance. Pétra, elle, se déhanchait comme un beau diable parmi la foule. Au bout d'une demi-heure,  elle rejoignit quand même Jonathan au bar et lui sirota son cocktail fresh fruit avec avidité.

-   J'adoooore …

-   Vous aimez le parfum français, ironisa t'il ?

-   Non, je voulais dire que j'adorais cette discothèque.  Vous avez bien choisi          Mr Ford, tout-à-fait dans mes goûts et différent du restaurant plus     classieux !

-   Je crois que maintenant vous pouvez m'appeler Jonathan, ça fait trois heures      que nous sommes ensemble, le délai de préemption est passé… renchérit t'il        avec malice.

Il ne sut pas si son pouvoir de séduction venait de marcher mais elle lui sourit vraiment pour la première fois. Naturellement. Pourtant, il se reprit rapidement comme si de rien n'était.

-   Le dîner était succulent, n'est-ce-pas ?

-   Absolument Jonathan et la vue sur Manhattan fabuleuse… c'est vrai que c'est     un endroit à ne pas manquer lors d'une visite à New-York .. vous êtes un bon        guide touristique, je n'ai rien à redire ….

-   Disponible pour vous 24 heures sur 24. N'hésitez pas si vous revenez à New-      York… je pourrais encore vous faire découvrir de petits trésors... Big Apple         n'a pas dit son dernier mot et je n'ai pas encore croqué la pomme en entier …

-   De l'humour, en plus… vous êtes un homme décidément surprenant Jonathan     et qui mérite d'être connu par tous…. Bon, je vous quitte deux secondes, Mr le Guide… je vais me repoudrer le nez aux toilettes, si vous ne me revoyez pas dans deux heures, appelez les pompiers …

-   N'ayez crainte, il y a des quantités de toilettes et je suis sûre que vous         trouverez votre chemin rapidement….

Pétra se fraya un chemin entre les groupes de jeunes qui se déhanchaient sous les lasers de la piste et se dirigea vers les escaliers pour atteindre le 1er sous-sol coloré en rose bonbon, accès direct aux toilettes privées pour femmes.

Elle ne  vit pas les deux hommes qui l'observaient depuis qu'elle avait franchi la porte du night-club avec Jonathan Ford. Ils étaient grands, jean baskets avec des oreillettes posées sur les oreilles, genre gardes du corps pour VIP…

-   Lewis, c'est Karey.. nous sommes toujours au bar, le type est avec une brune      …une grande que je n'ai jamais vue…. Heureusement ils étaient juste au bar   sous la caméra vidéo placée dans les angles ….demain j'irai visionner la     bande … Pas de panique … Comment ?

Une voix inconnue criait dans le téléphone.

-   Tu ne les lâches sous aucun prétexte et vous rappliquez vite fait pour nous          faire votre compte rendu …

-   T'énerve pas, Lewis. On assure, t'inquiète pas….

Mais Lewis avait déjà raccroché.

-   Eh ben, il est pas de bonne humeur notre chef… je ne sais pas ce qu'il y a .. il      m'a semblé qu'il y a encore eu du grabuge cette nuit.. alors il a bougé le          Jonathan, tombeur de ces dames ?

-   Pas d'un poil, je vais quand même suivre la fille….  Et toi surveille le bar, au cas où…

-   Pas de problème, je reste là.

Jonathan était loin de penser qu'il était suivi par deux types du S-63, agence de New-York. D'ailleurs, ce n'était pas vraiment lui qui intéressait les services secrets mais son employeur direct, le groupe Boréal, qui était soupçonné de vouloir mettre sur le marché américain un psychotrope révolutionnaire avec un caïd de la mafia new-yorkaise. Les allées et venues de toute la direction du groupe étaient surveillées et consignées dans des fichiers informatiques par la DTRC (Direction Technique du Renseignement Central). De plus, certaines informations d'ordre privée accréditaient l'idée qu'un directeur du groupe Boréal aurait eu une liaison avec un agent double travaillant pour le compte du caïd new-yorkais ...

Pétra arriva enfin à trouver des toilettes libres chez les femmes. Elle en profita pour biper le QG de Santhor, à Mondor :

-   Pétra sur canal 25 pour Mondor, je répète, Pétra sur canal 25 pour Mondor,        répondez ….

-   Canal 25 à Mondor, j'écoute.

-   C'est toi la Ficelle ? Tu fais le standard, maintenant …

-   Hello, Pétra ! Ca me fait plaisir d'avoir de tes nouvelles, on      commençait à se demander où tu étais passé .. Tu es toujours à New-York ?

-   Ca fait seulement deux jours que je croque la pomme chez Big Apple, on peut      pas dire que je prends des vacances, quand même ! Ou alors, c'est que vous       ne pouvez plus vous passer de moi …

-   Tu nous manques ma Pétra, c'est sûr… le général est sur les dents, l'ambiance     n'est pas bonne en ce moment, j'espère que tu as une bonne nouvelle pour lui !

-   Tu lui diras que j'ai bien négocié, comme d'habitude… il voulait 40% sur les       ventes, le petit Jonathan …

-   Quoi ? 40% … eh ben, il manque pas d'air, ce type !

-   T'inquiètes pas… j'ai réussi à baisser de 20% mais on doit lui acheminer la     marchandise dans son usine du Queens… 

-   20%... t'es la reine ! Je crois qu'il n'y a pas meilleure que toi comme           négociatrice. Santhor va être rudement content ... tu veux lui annoncer la          nouvelle toi-même ?

-   Ecoute, non… pas pour le moment. La communication n'est pas bonne, ca          grésille un maximum, tu diras à Santhor que je l'appellerais plus tard… et    vous sinon,  rien de neuf ?

-   Si, une drôle de nouvelle ! Figure-toi que Dylan Elroy est à New-York, une          info qui vient de tomber par Victor Cooper…. le piège n'a pas bien           fonctionné …..

-   Qu'est-ce-que tu dis ? Archibald Elroy est à New-York ?

-   Non Pétra, son fils DYLANNN ! Tu m'entends ?

Le portable de Pétra affichait  Problèmes de réseau ….

-   Ecoute, je suis dans les toilettes d'une discothèque en ce moment, je   comprends rien à ce que tu racontes. Dis, tu préviens Santhor que je le      rappellerais plus tard et que le deal s'est bien passé …Je te quitte, la Ficelle.           A plus.

-   Bon, comme tu veux. A plus Pétra et bonne chance … 

Elle rangea son portable dans l'étui, se repassa un petit coup de rouge à lèvres pour assurer encore quelques heures et sortit des toilettes. Le couloir était ceinturé de monde mais elle réussit à se glisser dans l'ascenseur bondé qui  rejoignait le Ballroom.

-   Ah ! Vous voilà enfin, glissa Jonathan. Seulement vingt minutes pour         traverser cette foule, atteindre les toilettes et me retrouver, vous êtes l'as des       as …

-   Dans les cartes à jouer, je préfère le valet de cœur, chacun ses goûts !

-   J'aime de plus en plus votre humour décidément vous allez me manquer,    risqua t'il, en la regardant en biais…

Pétra sentait qu'il était opportun d'ajourner maintenant la soirée pour éviter de fâcheuses et ennuyeuses propositions sur le dernier verre à prendre …

-   Ecoutez Jonathan, je me sens un peu lasse et demain une dure journée         m'attend encore, que diriez-vous si nous laissions la piste à d'autres     danseurs ?

Jonathan fut quand même soulagé de penser qu'il n'allait pas finir la soirée avec elle. Il se sentit même plus léger, sans savoir vraiment pourquoi.

-   J'allais vous le suggérer car j'ai une importante réunion demain matin avec          mon grand chef…

-   Donc, en route Mr le guide …

Ils se dirigèrent vers la sortie, récupérèrent leurs vêtements au vestiaire et appelèrent un taxi. Les agents du S-63 les suivaient du coin de l'œil.

-   Ils vont peut-être prendre deux taxis séparés, tu suis la fille et moi je garde          Ford ….

-   No problemo.

Effectivement, Pétra venait de quitter son hôte et s'engouffra toute seule dans un taxi jaune en direction de Harlem. Jonathan la suivait des yeux pendant quelques secondes et finit par héler un autre taxi qui s'arrêtait à sa hauteur. Il était 3 heures du matin.

                                                        *

Tour GE, QG du S-63 (New-York)…

-   Quoi, vous l'avez laissé filé ? Non, mais j'hallucine ou j'ai        vraiment     affaire à des charlots ????

-   Ecoutez chef, je ne comprends pas … je pensais qu'après la soirée     romantique          qu'il venait de passer, il n'allait sûrement pas nous faire un coup pareil… je crois plutôt qu'il connaissait déjà le chauffeur de taxi …

-   Tu pensais ? Mais on ne te demande pas de penser mais d'exécuter des ordres,     COMPRIS ?

La réunion de travail tournait au vinaigre. Lewis Curd, le chef du service, était fou furieux. Et comme d'habitude dans ces cas-là, il faisait les cents pas dans son bureau jusqu'à ce que ses idées se remettent en ordre de bataille dans sa tête. L'agent Jim Karey venait de s'en prendre plein la figure. Et c'était mérité car ne pas savoir que le parking du 555West 26 Street avait une double sortie vers l'extérieur… c'était une bévue digne des premiers stagiaires de l'académie de New-York.

-   Et toi, Brad as-tu réussi à garder le contact avec la fille ?

-   Euh… oui chef, elle est rentrée directement à son hôtel sur les coups de 3h30.      Ce matin, elle a pas bougé de l'hôtel, j'ai laissé Wamvirk sur place pour la surveiller. D'autre part, je suis repassé ce matin au night-club pour visionner      la caméra vidéo qui était positionnée au-dessus du bar … et j'ai pu récupérer        un     portrait de la fille qui n'est pas mal du tout … Avec les retouches et les         scans de notre service, voilà ce que ça donne… je vous ai fait des copies à      tous !

Pendant qu'il distribuait les photocopies, la ligne intérieure de Bloomfield venait de sonner.

-   Bloomfield, j'écoute … Quoi ? Des agents de Végas ? Y sont pas       croyables    les mecs de la côte ouest, ils croient que l'on se pavane au soleil toute   l'année ? Comment dites-vous ? …  En plus, il me connaît personnellement !

Bloomfied s'épongeait le front tout en s'asseyant dans son fauteuil.

-   Comment dites-vous ? Ted E.. Ephemer mais il fallait le dire tout de suite….        Faites-le monter, mademoiselle,….

Il raccrocha, tout ragaillardi par la nouvelle.

-   Les enfants, nous avons de la visite. Des agents du S-64… ils ont peut-être          des bonnes nouvelles concernant notre affaire… tenez, les voilà !

Ted venait de frapper à la porte du bureau. Il connaissait par cœur le chemin des locaux du S-63 New-York, la plus grosse agence d'intérim spécialisée en recrutement d'agents secrets de la côte Est. Quant à Bloomfield, son ami de longue date, ils s'étaient rencontrés lors d'un stage de recrutement en 2006 et n'avaient plus cessé depuis lors de garder des contacts dès que l'occasion se présentait..  Le QG new-yorkais du S-63 avait été conçu et caché de tous les regards dans la GE building, le plus célèbre gratte-ciel du Rockefeller Center. Construit en style art déco, le building mesurait 259 mètres de hauteur et comportait 70 étages. L'une de ses particularités était d'avoir un toit plat, sans flèche, qui le différenciait des autres tours art déco construites dans les années 1930, comme l'Empire State Building ou le Chrysler Building. Ca permettait aussi aux jeunes recrues d'avoir déjà un indice pour se repérer au cas où. Le QG du S-63 était situé au 35ème étage, planqué derrière une plaque de société anodine intitulé Assurances Mannix  père et fils. Il ne fallait surtout pas attirer l'attention. Contrairement à Ted, les agents qui débutaient dans le métier avaient toujours eu beaucoup de mal pour se repérer dans ce dédale de couloirs et de portes blindées avec digicodes. Derrière la cloison se trouvait JimWillis, le secrétaire chauffeur-assistant qui filtrait les allées et venues depuis plusieurs années avec un professionnalisme sans faille. Après trois sas de sécurité, deux portes blindées avec double digicode et plusieurs détecteurs de métaux, on arrivait enfin devant les bureaux des as du renseignement. Lewis les attendait à l' entrée du bureau. G20, Rockett et Ted s'installèrent rapidement autour de la table et la réunion commença.

-   Messieurs, nous sommes vraiment contents de vous recevoir car vous allez          peut-être pouvoir nous éclairer sur une affaire qui commence à nous rendre          fous… Pour commencer, regardez bien cette photo … peut-être que l'un          d'entre vous connait le visage de cette femme ? …

Bloomfield passa le portrait de Pétra à Ted, G20 et Rockett.

-   Elle ne me dit rien du tout répondit Ted… et toi G20 ?

-   Je parierais pas à 100% mais pour moi, cette fille est Petra Voronov, l'agent        de     renseignement du général Santhor…

-   QUOI, bondit Bloomfield ?? Encore lui…c'est pas possible !

-   Attention G20, es-tu sûr de ce que tu avances ? poursuivit Ted.

-   Oui, à 90%. Mon frère travaille à la Direction Centrale du Renseignement, dans l'équipe du Sergent Norris. En 2010, ils ont effectué une mission de      surveillance à Mondor, près du Château de Santhor. Ils ont pu réaliser un         dossier complet sur les emplacements stratégiques du Château et la localisation des laboratoires scientifiques. Et je me rappelle très bien avoir vu       la photo de cette fille dans leur dossier.. en tout          cas, si ce n'est pas elle, c'est sa sœur jumelle !!!!

-   Que manigancent- ils pour l'avoir fait déplacer à New-York ?

-   En plus, elle n'est sûrement pas seule. Ils préparent  sûrement  un     mauvais      coup dans les prochains jours à moins que ce ne soit que des      préliminaires….

Ted réfléchissait, le visage penché sur la photo de Pétra.

-   Bon, je vois que nous avons du plain sur la planche. Et figurez-vous que j'ai        un autre petit problème ….

-   Que se passe t'il, questionna Lewis ?

-   Suite à l'échec de la précédente mission après le décès de Dupuis, nous       devions rejoindre Mondor avec la navette Kill master mais je crois que vous   déjà êtes au courant…

-   Effectivement, nous sommes au courant, confirma Lewis. Nous avons eu un        mémo de la Direction Centrale. Et je suis désolé encore un fois pour la   mauvaise coordination entre les services de l'Etat-Major, vous auriez dû   recevoir tous les plans du château depuis déjà longtemps… ça vous aurait fait       gagner du temps !

-   C'est bien là tout le problème, reprit Rockett. Chaque service a ses propres         infos qu'il garde bien au chaud au lieu de les transmettre …. C'est une perte          de temps inimaginable …

-   A qui le dites-vous, rétorqua John Masson.

-   Bon les gars, on essaye de faire positif aujourd'hui, rétorqua Lewis. Continue      Ted …

-   Notre mission baptisée BZ-511 consiste donc à récupérer Butler et à faire   sauter le laboratoire scientifique dans le château de Santhor….

-   Vous craignez que Santhor mette en place une nouvelle arme de guerre ?

-   Un produit pharmaceutique est d'une certaine manière une arme de guerre….      Et nous savons qu'ils ont réussi à fabriquer un nouveau psychotrope        révolutionnaire    baptisé Dream over et dont les effets sont inégalés à ce jour.

-   Un psychotrope genre récréatif, dopant ou thérapeutique ?

-   On ne sait pas encore, continua Ted…

-   Quelle merde ! Encore une dope qui va être mise sur le marché et qui va      détruire des centaines de vies … 

-   Au fait, l'interrompit tout-à-coup G20… si je peux me permettre, pourquoi         filiez-vous cette Pétra Voronov ?

-   C'est vrai que je ne vous ai pas mis au parfum, continua Lewis Curd. En fait       de visite de courtoisie, notre rencontre va devenir exclusivement   professionnelle, comme d'habitude ….On se prépare encore de belles soirées de boulot …

-   Quand on aime on ne compte pas, répondit Ted.

-   Ca dépend, conclut Rockett parce moi avec mes copines justement… c'est quand je les aime que je compte…. ce qui me reste à la fin du mois sur mon    chéquier et souvent ça fait pas lourd … il faut que je refasse un crédit !

-   Change de copine et garde ton chéquier, ironisa Bloomfield.

-   Bien vu, rétorqua G20. Mais le pire avec Rockett, c'est qu'à chaque nouvelle       copine, c'est encore pire que la fois d'avant.

Rockett se contenta de lever les yeux en l'air, sans répondre.

-   Bon les gars, gardez les salades de votre vie privée pour vos soirées   nocturnes,  OK ? Ici, c'est du sérieux, allez on reprend...

Lewis but une gorgée d'eau pour s'éclaircir la voix. Il avait des quintes de toux répétées dues à un tabagisme actif depuis cinq ans révolus.

-   Nous n'avions jamais entendu parler auparavant de cette Pétra Voronov. Elle     n'est pas     répertoriée dans nos fichiers ni dans la base de données centrale.        Aucune trace d'elle. Par contre, hier soir, elle a passé la soirée avec Jonathan Ford, le directeur commercial du groupe Boréal (1er groupe       pharmaceutique des Etats-Unis en termes de chiffre d'affaires comme vous        pouvez le savoir)…  Et nous avons ce groupe dans le collimateur depuis un     bon bout de temps grâce à notre agent dormant toujours chez eux. Boréal  passerait des contrats      illicites avec des groupes mafieux chargés d'écouler    leurs vieux stocks de médicaments en Afrique. Sans parler du trafic   d'influence opéré par leurs contacts dans les commissions chargées de        donner les autorisations de mises sur le marché... Les enjeux sont de taille       car     ce juteux trafic rapporterait au bas mot des milliards de dollars chaque     année…

-   C'est donc une mission de longue haleine car je suppose que pour les coincer,      il va falloir du temps, continua Ted.

Lewis toussota avant de poursuivre.

-   Absolument. Mais le département de la Défense a débloqué une enveloppe spéciale pour cette mission. Nous avons pas mal d'agents sur le terrain qui       surveillent en priorité tous les agissements des décideurs et répertorient      l'intégralité de leurs faits et gestes …

-   On se demande si la venue à New-York de la charmante Petra Voronof                ne serait pas due à une négociation avec le groupe Boréal, remarqua G20.

-   Ce serait plutôt logique, renchérit John Masson. Surtout qu'une belle femme        comme Pétra pour négocier, c'est toujours plus qu'efficace  ….

Lewis réfléchissait. La situation devenait délicate.

-   Mais au fait Ted, qu'est-ce que tu voulais me dire sur ta mission à Mondor ?

-   Ah oui… je n'ai pas terminé et le plus beau est pour la fin ! Figure-toi que Dylan Elroy, le fils de notre directeur s'est introduit secrètement dans la      navette Kill Master … Tu le connais … toujours intrépide et têtu comme son         père…. il était venu me voir la veille pour me demander de participer à   l'opération mais bien sûr, j'avais refusé ….et apparemment ça ne lui a pas plu .. donc il s'est infiltré en   douce, la veille de notre départ …. Et le lendemain, on l'a découvert planqué dans les toilettes de la navette… et plutôt        fier de son exploit !

-   Dylan Elroy dans la navette… tu parles d'une tuile !

-   Du coup, bien obligé de le garder puisqu'on était déjà loin de la Terre…

Ted avait de plus en plus de mal à parler.

    …. O..on lui a fait découvrir la salle informatique et tous les équipements   électroniques … et puis, au retour, dans le couloir qui rejoignait le cockpit, on       ne      s'explique toujours pas ce qui s'est passé …. la trappe de secours s'est    ouverte et il a été propulsé dans l'espace ….

-   Il est sûrement mort à l'heure qu'il est ?

-   N….non, je te passe les détails… il a été projeté sur un avion de ligne qui   atterrissait à New-York … il a réussi à s'accrocher….donc nous savons qu'il   est ici et …

Ted était blême. Il n'arrivait plus à finir sa phrase.

-   Vous voulez que l'on vous aide à le localiser ?

-   Disons que l'on sait qu'il est à New-York, il a envoyé un SMS à notre siège         mais je préférerais savoir ce qu'il fait exactement minute par minute…

-   Bon, nous allons alerter tous nos indics. Avez-vous une photo ? Même vieille,     ça aidera pas mal les gars …

-   Je n'en ai pas mais je vais demander au bureau qu'ils vous en transmettent          une rapidement… et la plus récente possible... Bon dieu, c'est vraiment une          drôle de tuile qui nous tombe dessus !

-   C'est sûr que pour Archibald.. ça a dû lui faire un choc, continua Bloomfield.      Les gosses, ça cause toujours des ennuis, jamais tranquille… je suis pas         pressé d'en avoir…Au fait Ted, toujours volontaire pour te marier ?

-   Euh non p.. pas encore. Et puis, j'ai une vie trop instable en ce moment…

Voyant que Ted était mal à l'aise, Lewis changea rapidement de sujet.

-   Bon, reprenons. Il faut déjà vous installer à New-York pour quelques jours.         Vous avez dormi où hier soir ?

-   On est restés à la navette. On a eu des pépins avec l'informatique et on a    préféré tout remettre en place dans la soirée.

-   Bon, reprit Lewis, pour les prochaines nuits, vous préférez une planque      tranquille ou l'hôtel deux étoiles ?

-   Le simple simple et le plus rapide surtout…

-   Bon,  alors le plus simple serait de vous installer quelques jours dans notre          planque, située à l'étage en dessous…juste le temps de prévenir mon chef   mais je suis sûr qu'il n'y aura aucun problème, elle est libre en ce moment.

-   Merci Karl. Je te revaudrai ca !

-   On est tous dans le même bain et apparemment sur la même affaire alors un        pour tous et t…..

-   Tous pourris euh non je plaisante chef, je voulais dire tous pour un, rétorqua       Masson, assez mal à l'aise.

L'ambiance n'était pas franchement pas à la rigolade et personne ne songea à poursuivre les plaisanteries vaseuses. G20 observait toujours la photo de Pétra pendant que Ted et Rockett faisaient les cents pas dans le couloir.

-   Bon, c'est ok les gars, confirma Lewis en raccrochant son portable. Vous   pouvez vous installer à l'étage en dessous. Masson, tu leur procures des badges et tout le nécessaire pour qu'ils puissent circuler librement…Nous, on     se revoie demain matin pour préparer notre opération ….

G20, Rockett et Ted quittèrent le bureau accompagné de Masson et d'un agent de sécurité qui les conduisit directement à l'étage en dessous. La planque spéciale était en fait un grand appartement de 100 m2 avec trois chambres, cuisine équipée  et bureau avec connexion internet. Tout le nécessaire pour tenir un siège pendant quelques semaines.

-   Les placards sont pleins…. Pates, purée, et lait en boite  !! Au moins, on   ne      va pas mourir de faim s'exclama Rockett, installé dans la cuisine.

-   Bon, les gars, en attendant je vais prévenir Walgren. Je préfère qu'il reste en       planque dans la        navette…on ne sait jamais ce qui peut arriver… et puis       j'espère quand même que nous pourrons partir dans deux jours au     maximum…

-   Walgren, Walgren, j'appelle Walgren sur canal 21…

La communication était mauvaise. Des grésillements crépitèrent sur la ligne.

-   Ted, c'est vous chef ? Je vous entends mal…

-   C'est moi, Ted. Tout se passe bien, Walgren ?

-   Ca va pas mal. Dylan a envoyé un message sur le canal codé. Il va bien. Je crois qu'il va été hébergé chez des américains… en tout cas, pour le moment il ne faut     pas vous inquiéter. Il pense vous rejoindre demain….

-   Demain ? Pourquoi pas l'année prochaine pendant qu'on y est ? Tu lui dis          qu'il rapplique tout de suite au QG de Rockfeller Center – tu lui donnes les   coordonnées ou plutôt non… tu lui dis d'appeler directement ici, soit sur mon        numéro privée soit chez Bloomfield…

-   Je crois qu'il a perdu son portable. Et il veut pas se faire repérer.

-   Qu'il se débrouille. Quand on veut faire le malin à New-York, on improvise.        Et surtout lorsque l'on veut devenir agent secret ….

-   Vous avez raison, chef. Je vais lui transmettre le sens de votre message... Est-      ce que vous pensez rester longtemps là-bas ?

-   Je ne sais pas, Walgren. Pour le moment, tu restes en planque à l'aéroport. Je      pense que nous pourrons quitter New-York assez rapidement. En cas de      problème, tu connais la procédure d'urgence…

-   Bien sûr, lieutenant. Ne vous faites pas de souci.

Ted raccrocha. Il était 21h30.

4 – Dylan Elroy à New-York

Après avoir rejoint le centre de Manhattan en changeant de bus plusieurs fois, je m'étais attablé dans un coffee shop surbooké où mon plateau garni de sandwiches variés débordait allégrement sur la table de mes voisins. Après trois muffins aux myrtilles et un coca géant en guise de dessert, j'avais actionné mon biper qui indiquait automatiquement au S-64 ma nouvelle position dans Manhattan. Le biper était caché dans ma ceinture et par miracle, il marchait encore… Je savais donc que Ted allait tout faire pour calmer l'inquiétude de mon père et assurer un rendez-vous au poil dans New-York pour me récupérer. Je n'avais donc pas de raison réelle de m'en faire. Au contraire, j'avais envie de prendre un peu de bon temps…

Je déambulais maintenant sur la 5ème Avenue, attiré par la foule compacte qui se pressait devant les vitrines des boutiques de fringues. Je n'avais pas encore de souci d'argent puisque j'avais récupéré plein de dollars dans la mallette de Paul Smith. Je marchai droit devant moi, évitant de me faire bousculer par la foule des new-yorkais qui couraient dans tous les sens. Au bout d'un quart d'heure de marche, mon regard fut attiré par l'enseigne d'un petit café littéraire français qui semblait écrasé entre deux énormes agences bancaires. Après quelques minutes d'hésitation, je finis par entrer. « Au moins, j'aurais peut-être quelque chose d'intéressant à raconter à Ted, pensais-je distraitement. Le café était bondé. Les barman couraient dans les sens. La clientèle, plutôt cosmopolite, était composé de touristes étrangers, d'étudiants new-yorkais et de poètes anonymes qui venaient tenter leur chance dans l'antre de la littérature française. John Kinterbury, le gérant, m'invita à sa table.

-   Allez mon vieux, installe-toi ici. Le professeur Sigmund va bientôt     commencer la lecture des textes.

-   Très bien, répondis-je poliment.

-   Qu'est-ce-qui te ferait plaisir ?

-   Une Brooklyn Lager, s'il vous plait.

J'étais aux anges. L'atmosphère du café français m'enivrait peu à peu. Après quelques minutes d'attente, le professeur Sigmund, célèbre écrivain spécialisé dans les autobiographies d'auteurs français, arriva sur la scène. Des applaudissements crépitèrent dans la salle. Mon voisin me passa une copie des textes qui devaient être lus par certains participants. Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire, en deuxième partie. Je n'en revenais pas. Le destin avait vraiment bien fait les choses. Le professeur commença par un discours de bienvenue aux nouveaux participants et enchaîna par une première lecture d'un poème de Mallarmé. L'attention était palpable. Les rires avaient cessé, chacun se concentrait sur les vers qu'il distillait savamment. Je dégustai ma bière blonde avec délice pendant la lecture. A la fin du poème, j'étais déjà un peu dans les vapes… il faut vous dire que je n'ai jamais vraiment bien supporté l'alcool. Ma tête ondulait légèrement et je n'aurais pas su dire comment je m'appelais. Alors que je rêvais délicieusement sur ma chaise, mon voisin me proposa une deuxième bière que je n'osais pas refuser. Le second poème, lu par un homme ténébreux du premier rang, était plus lent et l'attention retomba légèrement. Je finissais ma deuxième bière lorsque j'entendis la grosse voix du professeur qui dominait le brouhaha :

-       Y-aurait-il maintenant une personne dans la salle qui voudrait lire cet extrait        des Fleurs du M…. ?

Oubliant toute la prudence nécessaire à ma situation délicate, je courus d'un bond vers l'estrade. En fixant lentement tous les auditeurs présents dans la salle, je me lançai dans la lecture de l'Invitation au Voyage sans regarder le texte qui s'alignait sur le pupitre. Vu mon état d'ébriété avancé, ma passion était encore plus émouvante et je gesticulai nerveusement sur l'estrade comme une pile électrique déréglée :

-       « Mon enfant, ma soOOOOOOOOOOOeur, songe à la dou-ceur d'aller là- bas vivre enseeeeemble ! Aimer à loisir, aimer et mouriiiiiir au pays qui te     resseeeemble ! »

Les personnes au premier rang cachaient difficilement leurs fous rires. Deux jeunes femmes avaient même sorti leurs mouchoirs pour ricaner tranquillement. Heureusement, le public au fond de la salle était plus généreux et les applaudissements dominèrent tant bien que mal leurs fous rires moqueurs. Je saluais les spectateurs avec une fierté non dissimulée. Je pensais avoir sauvé l'honneur. Au fond de la salle, se trouvaient Madame Bénédict Johnson et son fils Ben qui commentaient ma prestation :

-   Maman, il est bizarre ce type, je le trouve trop passionné…  et puis tu ne    trouves pas qu'il a une drôle de tête ?

-       Une drôle de tête ? Je ne sais pas, Ben..c'est peut-être ses yeux noirs qui te          font peur, c'est vrai qu'ils sont d'une couleur ténébreuse incroyable !

Je regagnai ma chaise en titubant. Ce qui ne manqua pas de faire rire le patron.

-       Great my boy, tu seras un grand poète, toi aussi, ricana t'il.

La séance était terminée. Je voulus partir rapidement afin de ne plus attirer l'attention sur moi (si c'était encore possible) mais la poche de mon parka se prit dans la poignée de la porte et je fus stoppé sur place. Ben était juste derrière moi :

-       Attention, vous allez déchirer votre manteau !

Je bredouillais un vague remerciement pendant qu'il continuait…

-       En tout cas, félicitations pour la lecture du poème, c'était très émouvant …          Vous aviez déjà fait des lectures en public avant de venir ici ?

-       Pas vraiment, bredouillai-je. Disons qu'aujourd'hui, j'étais plus inspiré que     d'habitude….

-       C'est remarquable, continuait la mère de Ben, de s'intéresser encore à la     poésie à notre époque. Félicitations.

-       Si ça vous intéresse, mon collège organise une journée Spéciale Poésie         demain à partir de 10 heures. Il y aura des rencontres avec des auteurs         contemporains et des jeux de rôles autour de lectures de poèmes. Vous          pourriez peut-être y participer si vous habitez dans le quartier ?

-       Euh ! n…nooon, j'habite de l'autre côté de la rive, dans le Queens, répondis-       je brusquement en voyant le panneau de circulation indiquant la direction          aéroport de La Guardia – Queens.

-       Justement insistai Ben, mon collège est près de Vernon Bld, ça tombe bien.          Ca serait épatant si vous pouviez vous libérer dans l'après-midi…

-       Euh…p.. peut-être, enfin je ne sais pas. Je termine à 15h, normalement.

J'étais vraiment pris de court. Et impossible de réfléchir sereinement avec le taux d'alcoolémie que j'avais dans le sang.

-       Tiens Ben, répliqua sa mère, inscris l'adresse du collège sur ce papier.

Ben s'exécuta et griffonna même un plan dessiné avec beaucoup d'adresse pour je ne me perde pas.

-       A demain, cria t'il. On compte sur vous.

-       A demain, lui répondis-je en m'éloignant rapidement.

-    Il a quand même une drôle d'allure, maman. Regarde-le bien !

-       Tu divagues, mon grand. Tu es peut-être un peu jaloux parce qu'il est juste          plus grand que toi ?

 Ben ne répondit pas.

-       Allez maman, on est déjà en retard, tu sais bien que j'ai un exposé à préparer      pour jeudi prochain. Dépêche-toi…

Je les regardai partir, le visage caché derrière un panneau publicitaire. La mine rêveuse, je réfléchissais à la meilleure technique à adopter en cas de nouvelles rencontres inopinées avec des adolescents new-yorkais.

                                                       

                                                        *

 

La dernière séance du film venait de s'achever. La bande-son défilait sur l'écran pendant que les files d'impatients se dirigeaient rapidement vers les sorties. Je me planquais dans un recoin bien connu des noctambules (on ne vous dira pas lequel) attendant le dernier passage des gardiens de nuit. A 2 heures pile poil, je pus enfin m'endormir tranquillement dans un siège très confortable jusqu'au lendemain 6 heures où ce fut finalement la première femme de ménage au travail qui me fit éjecter par le policeman du quartier. Tenaillé par un estomac vide qui criait  famine, je m'attablais à nouveau dans un coffee shop où je dégustais un European breakfast composé de pain et beurre, muffins, corn flakes et fresh fruit juice. J'étais heureux comme un poisson dans l'eau. Perdu dans mes rêveries new yorkaises, je réalisai au bout de vingt secondes au moins que mon portable était entrain de sonner (je ne l'avais jamais perdu d'ailleurs) :

-    Allo ? Oui ? Ah c'est toi Ted ?

-    Comment ça, c'est moi !!… J'admire le calme de ta voix Dylan, mais est-ce        tu te rends compte que nous sommes tous à ta recherche depuis plus de 24    heures ?

(Silence d'espion stagiaire mort sur la ligne).

-    Ecoute Ted, j'ai signalé ma présence hier sur le canal codé       mais appare-       mment l'opérateur de liaison n'a pas transmis l'info. Quoi ? qu'est-ce-que tu   dis ? Je n'entends rien …

-    Le plus simple serait que tu rejoignes le S-63 à Rockfeffer Center,    hurlait Ted dans le portable …. C'est très simple à trouver !

-    De toute façon, avec tous les plans placardés dans la ville, je vais avoir du         mal à me perdre .. Tu disais ?

-    …Dans la tour GE à côté de Rockfeller Plaza, tu grimpes au 35ème    étage … l'immeuble parait vieillot, un          peu isolé mais c'est fait exprès.. au           troisième étage, tu vas directement sonner à la porte de la Société Mannix     Assurances…. il y a une plaque à l'entrée, tu ne peux pas te tromper et tu   demandes à parler à Lewis Curd, en personne… j'ai une confiance totale      en lui et en plus, c'est le responsable de notre cellule de New-York, le S-63 …

 -   Lewis, chef du service… enregistré Ted … n'aie pas peur, je ne vais pas me       perdre … Le souci c'est que j'ai un rancard à 16 h  dans le Queens. J'ai       rendez-vous là-bas avec un type, enfin je t'expliquerais… et je pensais que tu pourrais venir me chercher là-bas…

-    Allons bon…

Ted bouillait intérieurement. Je le sentais au ton de sa voix. Mais de peur que je me braque définitivement contre ses ordres, il préféra faire amende honorable :

-    Après tout Dylan, fais comme tu veux mais je ne sais pas si je pourrais     y       être … je vais essayer mais si tu ne me vois pas à 16h30, tu fonces là où je t'ai dit et sans      détour par les boutiques de la Vème Avenue …..
      Pas d'embrouille surtout, tu as bien compris Dylan ?

-    Tout ira bien, t'inquiètes pas Ted… Je raccroche, à plus !

Il en avait de bonnes, mon cousin. Comme si j'avais l'habitude de faire des embrouilles…. Moi, le garçon le plus sérieux de toute la planète qui avais juste décidé de déambuler dans le centre-ville pour améliorer ma connaissance topographique de la ville (LOL)…

Après deux heures de shopping (je vous dis pas tout ce que j'ai vu pour pas vous mettre l'eau à la bouche), j'avais changé plusieurs fois de look et opté maintenant pour une tendance sportwear plus passepartout. Jean, tennis et blouson imperméabilisé. La mallette de Paul Smith avait fini dans une poubelle avec le parka. Après une ballade dans un parc public,  je m'allongeai sur un banc pour réfléchir au planning de ma journée. On m'aurait annoncé soudainement que mon père était arrivé en grandes pompes pour me ramener d'urgence à Las Végas que j'aurais sans doute été aspiré dans les profondeurs souterraines de la ville par des forces sataniques incontrôlables. Je songeai aux rencontres improbables que je pourrai faire à New-York et à mon futur destin qui n'était peut-être pas de finir agent secret au S-64 ! Les heures passaient. 15 heures. Un peu plus et j'allais rater mon rendez-vous avec Ben et sa mère. Je filai sur ma planche de skate-board que j'avais délicieusement emprunté dans un magasin spécialisé. Je surfais parmi les gens qui couraient rejoindre leurs bureaux préférés. Après quelques stations de métro sur la ligne 7, en direction de Flushing Main Street, j'arrivai enfin devant le collège de Ben. Une grosse bâtisse en briques rouges recouverte pour l'occasion de banderoles colorées affichait la journée SP Spéciale poésie. Des jeunes étaient rassemblés devant un podium improvisé où un auteur déclamait les vers d'un poète complètement inconnu pour moi. Il parlait sans cesse du temps qui passe et qui s'en va.

J'écoutais malgré l'agitation vive qui régnait devant le podium l.

-       Et on oublie le visage et l'on oublie la voix, le cœur quand ça bat plus, c'est pas la peine d'aller chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien…

L'auteur criait pour couvrir le brouhaha des jeunes qui semblaient plutôt ricaner et se moquer de sa verve poétique :

-       Tu vas nous atomiser avec tes vers, ricanait celui qui semblait être le chef.

Il était très brun avec un blouson en cuir noir et un bandana rayé sur la tête. Ses trois acolytes en rajoutèrent une couche :

-       C'est d'la bombe, t'as raison vieux schnoque ! » Continue, t'iras loin,        hurlaient-ils en cœur !

Je décidais d'intervenir en m'approchant lentement du groupe :

-       Hey les gars, vous pourriez écouter  la lecture de ce poème au lieu de faire   tant de bruit, vous n'êtes pas tout seul sur le campus !

Le grand brun se retourna et aperçut ma grande silhouette aux yeux étranges qui le fixait comme un serpent à sonnettes. Instinctivement, il sentait que je n'étais pas un new-yorkais lambda mais il n'aurait pas su dire pourquoi .

-       De quoi j'me mêle, œil de lynx. Tu ferais mieux de retourner d'où tu viens si        tu veux pas que je t'éclate la tête !

-       C'est fou ce que je suis impressionné… Y'a pas à dire !

-       Il est fou, ce type. Hé, déguerpis mon vieux ! Johnny va te coller une sacré raclée si tu reste planté là.

-       Bon, alors Terminator, c'est pour aujourd'hui ou c'est pour demain ?

Billy, le grand chef commençait à s'approcher, suivi de ses deux acolytes. Il était de la même taille que moi mais plus charpenté. Avec des tatouages plein les bras. Il essaya tout de suite de jeter son poing américain sur mon visage mais j'avais esquivé le coup. Heureusement que j'avais une force naturelle qui était au dessus de la moyenne. Il ne mit pas longtemps pour s'en rendre compte. Je bondissais toujours à temps pour éviter ses coups, çà l'exaspérait… je le voyais bien. Au bout de dix minutes de combat, je finis par l'achever d'un direct dans la mâchoire qui l'envoya valdinguer acrobatiquement dans un bassin aquatique rempli de poissons exotiques. Il était définitivement KO. Les autres jeunes du campus qui avaient accouru m'applaudissaient généreusement. Je n'avais pas vu Ben et ses amis qui étaient arrivés en courant :

-   Alice, tu vois…c'est le type dont je t'ai parlé l'autre jour, celui que j'ai       rencontré dans le café littéraire.

-   Incroyable murmura Alice, tu as vu la force qu'il a ? Il l'a projeté sur plus de      deux mètres …

-   Boooob… c'est moi, cria Ben en courant vers moi comme s'il avait peur que       je disparaisse pour toujours.

Reprenant tout juste mes esprits, je mis du temps avant de réaliser que c'était moi le fameux Bob :

-   Bob, tu es un sacré champion, tu t'entraînes souvent ?

-   Euh ! a.. assez souvent répondis-je évasivement. Mon père était prof de boxe,     donc je n'ai pas beaucoup de mérites. J'ai juste suivi ses conseils.

-   C'est impressionnant ! En attendant, on est en retard. Il y a une super        conférence au 1er étage, sur la littérature française du 18ème siècle. Organisée   par une pointure en la matière, le professeur Laughtan, ça te branche ?

-   Ouais… on est venus pour çà, il me semble ?

A 16h20, j'attendais toujours Ted dans le hall du collège. J'avais prétexté un mal de crâne pour prendre l'air. Mon biper était foutu. La séance s'achevait. Les étudiants commençaient à dévaler les escaliers. Je guettais par la fenêtre l'arrivée de me collègues. Sans succès. La mère de Ben nous attendait à la sortie. Incapable de savoir si je devais partir ou rester sur place pour attendre Ted, je décidai de jouer à pile ou face. Je sortis une pièce de ma poche et la lançai d'un coup sec. Elle virevolta dans l'air plusieurs secondes avant de retomber sur le sol en tournoyant sur elle-même comme une toupie…

PILE. Direction chez les Johnson. Je me disais au fond de moi que c'était très bien comme ça et que Ted trouverait forcément un autre moyen pour me rejoindre. Après dix minutes en voiture dans la Ford familiale, nous arrivâmes enfin devant leur haute maison à box window.

-   Entre Bob, n'aie pas peur, nous n'allons pas te manger. J'ai déjà fait les     courses pour le diner, ironisa la mère de Bob. D'ailleurs tu peux rester dîner         avec nous si cela te tente… Je téléphone à tes parents et le tour est joué …

-   C'est gentil madame Johnson mais je ne pourrai pas rester dîner avec vous ce      soir, répondis-je un peu sur la défense.

-   Comme tu veux. En attendant, mangez ces cookies, ils sont excellents. Pour         une fois, Ben, ta sœur ne les a pas ratés …

Ben avait une sœur pas comme les autres. Elle était longiligne comme une aiguille à coudre et d'une pâleur à faire pâlir tous les africains d'Afrique. Répondant élégamment par un « ouais » lorsqu'on l'appelait par son doux prénom Tina , elle accumulait les expériences culinaires et artistiques les plus mystérieuses du quartier. Tout ce qui lui passait sous les mains était testé, soupesé, malaxé, trituré avant de finir dans des tubes, des fioles, des casseroles, des tubes piqués à son scientifique de père qui lui avait donné le virus de l' expérimentation. Lorsqu'ils se retrouvaient tous les deux dans la même pièce, il fallait s'attendre à quelque catastrophe. Ben, quant à lui, était plus attiré par la boxe ou les groupes de rock comme Bornéo Ltd dont il était fan. C'était d'ailleurs son sujet de conversation favori. J'en eus tout de suite la preuve :

-   Comment Bob, tu ne connais Borneo Ltd ? Tiens, viens dans ma chambre, on      va remédier tout de suite à cette lacune ….

-   Je vous rejoins là-haut, criait Tina planquée au fond de la cuisine.

L'escalier du hall grimpait vers les trois chambres de la maison. La chambre de Ben était tapissée de posters en tout genre, boxeurs et chanteurs en particulier...

-   Cool guy, assieds-toi. Je sélectionne le morceau et hop ….

Je commençais à rêvasser. Les accords étaient doux, au début… Mes paupières commençaient à se fermer lorsque la voix de Tina éclata à l'entrée de la chambre :

-   Tu gonfles tout le monde avec ton groupe de rock, Ben. Tu       pourrais changer de disque au sens propre comme au sens figuré d'ailleurs, Bob n'accroche pas      du tout.. ça se voit !

-   A vrai d..dire, murmurai-je …c'est moi qui ait voulu écouter ce groupe !

-   Ah tu vois, Tina ! Tu n'es qu'une mauvaise langue, rétorqua Ben !!

Tina, vexée que je prenne le parti de son frère, claqua la porte de la chambre.

Une demi-heure plus tard, je prétextais un rendez-vous en ville pour quitter leur domicile. Malgré la déception de Ben qui aurait bien voulu me garder encore quelques heures. La nuit commençait à tomber. Arrivé sur Roosevelt avenue, je décidai de chercher un night-club sympa afin d'y passer mes dernières heures de liberté lorsque je pressentis soudain un danger derrière moi. Des coups de feu éclatèrent derrière l'immeuble où je me trouvais.

« Vite, vite appelez la police, criait un passant affolé. Ils sont en train de cambrioler la bijouterie ». Les tirs surgissaient partout créant une véritable panique. C'était effrayant. Un camion venait tout juste de se fracasser contre une file de voitures provoquant un gigantesque incendie qui commençait à ravager toutes les boutiques avoisinantes. Les policiers arrivaient à grand renfort de klaxons et de sirènes. En quelques minutes, un sentiment de fin du monde avait envahi le quartier. De la fumée noire épaississait même les rues adjacentes et on ne voyait plus rien à cents mètres à la ronde. Je courus sur le trottoir opposé devant une échoppe encore intacte lorsqu'un tir me frôla de quelques centimètres et finit sa course dans un grand fracas sur la sandwicherie asiatique qui était derrière moi. Incroyable ! Le rayon vert du laser venait de me frôler la tête d'un cheveu. Je cherchai hâtivement d'où venait le tir et vit une étrange silhouette en combinaison noire rengainer son pistolet laser. Malgré la distance, je distinguais nettement la forme d'un aigle majestueux dessiné sur la manche de sa combinaison. C'était l'emblème de l'armée de Santhor ! Ils étaient donc déjà à New-York ! Et sûrement pas pour faire du tourisme… En moins d'une seconde, je m'enfuis à travers les rues, caché par la fumée qui submergeait tout. Je suais à grosses gouttes. Sans entendre les klaxons des taxis furieux, je traversais le carrefour à grandes enjambées. Ma tête allait exploser. Je n'avais aucune chance de m'en sortir s'ils étaient une dizaine d'androïdes à ma recherche.  Mais comment le savoir ? Arrivé à la station Junction Bld, je dévalai les escaliers, escalada la porte automatique et réussit à monter in extremis dans le dernier wagon en direction de Times Square. Ouf, j'avais l'impression de les avoir semés de justesse. Pendant que le métro continuait sa course, je réfléchissais à la situation. Il fallait que je gagne du temps et le plus simple était de retourner chez Ben, au moins pour passer la nuit. Le métro arriva à la station 69 St. M'assurant qu'aucun androïde  n'était sur le quai, je courus vers la sortie la plus proche et fonça vers la cabine téléphonique. Je ne voulais pas être repéré avec mon portable. Je lui passai un coup de fil rapide expliquant une vive altercation avec mes parents. Bien sûr, il m'accueillait le temps que je voulais. Trop repérable dans les couloirs du métro, je décidai de prendre un taxi pour retourner chez lui. Je sifflai un cab comme un authentique new-yorkais. Le cab qui s'arrêta devant moi crachait une musique reggae à couper le souffle :

-   Alors, je vous emmène où, jeune homme ?

-   Au coin de la 41st avenue et de National Street !

-   Très bien chef, c'est comme si on y était !

La voiture filait entre les feux rouges. Mon chauffeur était un as car il doublait tout le monde et n'avait de cesse d'injurier chaque automobiliste sur son passage. Quelques minutes plus tard, j'arrivai chez Ben.

-   Vous pouvez m'arrêtez là chauffeur, ca ira très bien !

-   Ok boy, ca fera trente dollars tout rond.

-   30 dollars, voilà c'est tout ce que j'ai, marmonnai-je en examinant le fond de       mes poches. Vous m'avez ruiné !

-   C'est toujours la même chose avec les clients, veulent jamais payer ! Fallait         pas prendre le taxi mon gars, allez à la prochaine ricana t'il en démarrant son       bolide.

J'appuyai fiévreusement sur le bouton de la sonnette. J'entendis les pas qui approchaient. Mme Johnson m'ouvrit la porte rapidement :

-   Entre Bob, je suis heureuse que tu aies décidé de venir chez nous…   d'ailleurs, tu peux rester le temps que tu voudras. Avec Desmond, mon mari, nous pourrons toujours t'aider si tu as des problèmes, n'hésite pas à nous en       parler…Mais pour le moment, je vais te montrer ta chambre.

-   Ben ! Bob est arrivé, cria sa mère. Montre lui sa chambre, s'il te plait. Je vais     lui préparer un sandwich.

Je rejoignis rapidement Ben à l'étage.

-   Merci Ben, je n'oublierais jamais ce que tu as fait pour moi. C'est un acte très     généreux qui me touche beaucoup.

-   Entre potes, c'est normal tu sais … et puis comme ca, tu vas pouvoir me    montrer tes secrets de boxeur. Je suis un gars très intéressé finalement, ne te   fais pas trop d'illusion.. . sinon, est-ce que tu crois que ca va aller avec tes         parents ?

-   Je les ai prévenus que j'allais passer la nuit chez un copain. C'est      insupportable à la maison en ce moment, mon père crie tout le temps… et je    crois qu'avec ma mère, c'est cuit pour de bon.  Ils vont quand même divorcer      … le pire, c'est que je ne peux rien faire pour arranger la situation !

Ben cherchait une solution pour me remonter le moral.

-   Viens dans ma chambre, je vais te montrer ma nouvelle console de jeux,     ca te             changera les idées …

                                                        *

Pendant ce temps, Victor Cooper s'impatientait. Et les dernières nouvelles de la navette ne l'emballaient guère, Dylan était toujours vivant... Comment avait-il pu résister à une telle chute dans l'espace ! A moins d'avoir été récupéré par le BSSE (Brigade Spéciale des Sauveteurs de l'Espace)…. Et puis, Walgren avait préparé minutieusement son plan, et c'était un professionnel …. Cooper s'épongeait le front, attablé dans un pub irlandais de son quartier. Et il imaginait le pire… N'y tenant plus, il décida de contacter son complice Walgren sur la fréquence codée classée top secret :

-   Minux sur code 3, j'appelle Minux sur code 3, répondez !

-   Minux sur code 3, j'écoute … oui, Mr Cooper… n…non, je ne comprends toujours pas…j'avais tout préparé, la trappe s'est enclenchée comme prévu...     c'est incroyable qu'il ait survécu à une telle chute dans l'espace ….

-   Vous n'y comprenez rien ??? Mais il va falloir vous secouer mon p'tit vieux        et le retrouver vite fait bien fait avant votre lieutenant, c'est COMPRIS        Walgren ? Je le veux avant une semaine. C'est un ORRRRRDRE, hurla t'il         dans le combiné !!

Victor Cooper était un agent double à la solde de Santhor depuis maintenant un an. Il avait combiné l'assassinat de Dylan, avec la complicité de Walgren  et de la mafia new-yorkaise pour anéantir son père, Archibald Elroy et prendre la direction du S-64. Mais l'opération ne se déroulait pas comme il le souhaitait et il fallait qu'il prévienne le contact mafieux de Santhor à New-York, Freddy Luka….Il s'assura qu'aucun touriste n'écoutait sa conversation et composa le numéro secret de Luka. Après quelques longues sonneries, il finit par tomber sur une voix féminine qui lui était complètement étrangère :

-   Allo, allo, qui est à l'appareil ? Je souhaiterais parler à Freddy Luka…

Paniqué, il espérait ne pas être tombé sur une ligne privée du Département de la Défense.  

-   Je m'appelle Eva, je suis une de ses meilleures amies, ne quittez pas… je vous     le passe tout de passe .. c'est de la part ?    

-   d…de la part de Victor Cooper !

Il baissait la voix, toujours apeuré à l'idée d'être repéré dans le pub. Enfin, il reconnut la voix rauque du redoutable Freddy.

-   Allo, Freddy, c'est Cooper du S-64… je vous dérange peut-être ?

-   Pas du tout, vieux frère. Je suis juste à un anniversaire avec quelques amis,          on se détend comme on peu …Mais, venons-en au fait ! M'apportez-vous des         bonnes nouvelles au sujet de notre opération ?

-   C'est que….bafouillai Cooper, justement je voulais vous faire part de mon          inquiétude … figurez-vous que Dylan Elroy a survécu à sa chute… Comment         ? …. Vous êtes déjà au courant…. Ah bon ? Oui, je sais …. c'est          incompréhensible mais nous l'avons localisé.. il est à New-York. Comment dites-vous ? Non, non  bien sûr il ne faut pas qu'il s'en sorte…. mais voyez-         vous, j'ai quand même peur qu'Archibald et ses agents ne le retrouvent avant          nous, j…

-   Vous êtes un vulgaire incapable, cracha Luka dans le combiné. Je vais tout de      suite prévenir Santhor qui va vous envoyer son équipe d'androïdes et croyez-        moi, ils ne vont pas le rater comme vous, maudit coléoptère … et je vous     préviens que si l'opération ne lui donne pas satisfaction, il vous enverra     croupir dans une prison dont il a le secret…

-   E..écoutez, bafouillait Cooper complètement terrorisé.. ne vous énervez pas,        je vais le retrouver et cette-fois, vous pouvez être sûr qu'il ne reverra jamais        le soleil de Végas, c'est sûr…

-   Je l'espère pour vous, Cooper. Je l'espère sincèrement car vous pourriez avoir    de sérieux ennuis. En tout cas, tenez-moi au courant dès que vous avez du    nouveau.

-   B… Bien sûr, Mr Luk..kaaa !

Mais il n'eut pas le temps de finir sa phrase que la communication avait été coupé.

-   Cha-char..mant, frissonna Cooper, en s'épongeant le front avec son mouchoir.

Il tremblait de tous ses membres en s'imaginant finir ses jours dans une prison crasseuse comme tous les récalcitrants du régime mondorien.

-   Je n'aurais pas dû m'associer avec ce maudit Santhor. Je suis dans de beaux       draps maintenant…. il faut que Dylan disparaisse pour toujours, grimaça-il    devant son téléphone.

                                                        *

 

 Le lendemain matin, Tour GE QG du S-63, New-York

-   Elle est revenue à l'hôtel ?? Qu'est-ce-que tu dis ? Ok, je transmets…

Masson venait de raccrocher.

-   Selon nos informateurs, Pétra est sortie de l'hôtel vers 10h30. Elle a pris un        taxi pour rejoindre les boutiques de Times Square. Retour à l'hôtel avec      paquets en tous genres. Depuis, elle n'a pas bougé…

-   Bon, l'essentiel c'est de ne surtout pas la perdre. Nous n'avons rien de mieux      à nous mettre sous la dent pour le moment, répondit Lewis.

-   Et le directeur Jonathan Ford, demanda Ted… vous le surveillez encore ?

 -  Il était à son bureau comme d'habitude. Notre agent-photographe Freddy   Weiss flashe toutes les personnes qu'il approche. Clients, commerciaux,          fournisseurs… nous commençons à avoir une bonne base pour travailler. Mais il nous manquait un fil conducteur que nous avons peut être trouver avec      votre histoire de Dream over.  Mon instinct me dit que cette fille est venue dealer avec lui pour refourguer sa came… Difficile d'imaginer qu'elle serait          venue uniquement à New-York pour faire du shopping ….

G20 et Rockett pensaient au contraire qu'on pouvait tout-à-fait venir à New-York uniquement pour faire du shopping mais devant le regard noir de Ted, ils comprirent qu'il valait mieux la fermer pour le moment (en pensant à trouver un peu de temps dans la soirée avant la fermeture des boutiques)…

-   Je pense aussi que cette femme est un agent redoutable qui ne se serait pas déplacée sans une bonne raison, renchérit Ted. Finalement, cette escapade          imprévue à New-York nous aura été bénéfique. On va être obligé de    remercier Dylan si ca continue….

-   Si on suivait Dylan ironisa Rockett, on gagnerait peut-être du temps pour trouver le maillon faible à cette histoire…

-   Mettez-lui une puce électronique sous la semelle de ses chaussures… c'est à         la mode en ce moment…

Lewis relisait ses papiers nerveusement (en pensant qu'il aurait dû mettre aussi une puce électronique sous les chaussures de sa femme, ça lui aurait fait gagner du temps) …

-   Tenez, voilà toutes les photos des personnes approchées depuis un mois par la    direction du groupe Boréal. Avec une fiche signalétique en dessous…. Il y en       a une petite cinquantaine qui ont un profil intéressant… prenez votre     temps…peut-être qu'un visage vous dira    quelque chose  ! 

Rockett, G20 et Ted se partagèrent le stock de photos.

-   Voulez-vous un petit café messieurs ? La journée va être longue.

-   Avec plaisir reprirent-ils en cœur.

-   Ted, je viens d'appeler Walgren. Il n'a aucune autre nouvelle de Dylan,      confirma     G20.

-   Bon sang, qu'est-ce qu'il peut bien faire ? En tout cas, il n'a pas l'air pressé        de nous revoir…

-   Il a peut-être une nouvelle copine dans Manhattan, ricanait Masson…         Ecoutez,     attendez 12 heures et lancez le plan alerte enlèvement, ça marche du    tonnerre en ce moment !

-   Pour le moment, on continue notre enquête, répondit Ted mais s'il ne donne        pas signe de vie toutes les deux heures, on lui envoie la cavalerie…..

Ils se plongèrent tous les trois dans les boîtes d'archives et les stock de photos étalés sur le bureau.

                                                        *

Pétra venait de rentrer, complètement éreintée. Elle jeta les sacs de vêtements qu'elle venait d'acheter sur la canapé et courut dans la kitchenette se servir un verre de tropicana orange pamplemousse…Un bip retentit sur son portable. C'était sa copine Lizbeth qui l'appelait.

-   Lizbeth ? C'est pas croyable… ça fait un bail que tu ne donnes plus de       nouvelles ! Comment vas-tu depuis tout ce temps ?

-   Pas mal du tout, je retrouve ma forme … après une période creuse pendant          quelques semaines et des problèmes persos à n'en plus finir, je viens de      reprendre du poil de la bête comme on dit … j'ai un nouveau contrat pas mal       avec une     boîte suédoise… je passe mon temps entre Stockholm et New-        York…. et toi t'en es où ?

-   Je suis en mission à New-York, depuis hier. Mais c'est très rapide, je pense         rester seulement deux ou trois jours sur place… 

-   C'est trop génial ! Je suis aussi à New-York, en ce moment … on pourrait peut-être se voir ce soir si tu n'as rien de prévu… un petit resto entre copines        ça te dirait ??

-   Ca serait super et ça me changerait enfin de tous ces mecs qui ne pensent qu'à     draguer .. bon, écoute j'ai un rendez-vous en fin d'après-midi… ça va faire         trop juste pour le restaurant mais on pourrait boire un verre à partir de          21heures 30 si ça n'est pas trop tard pour toi ?

-   Non, non, c'est très bien….  j'irais dîner avant et je te rejoins à 21h30, pas de     problème… Au fait, si ça te dit, y'a un concours top au Théâtre Appolo dans      le     quartier de Harlem … une soirée pour sélectionner des chanteurs de jazz,    ça      peut être marrant … et puis c'est un endroit mythique où le célèbre James Brown avait même débuté sa carrière, je crois …

-   Génial, ça marche pour moi….tu me donnes l'adresse ?

-   Yes…Attends deux secondes, je vais chercher dans mon sac… où j'ai fichu          cette carte de visite… Ah ! la voilà…. c'est au 253 West 125 Street !
-   OK, c'est noté répondit Pétra. On s'attend donc à partir de 21h30 ?

-   Sans problème, ma puce… et en cas d'empêchement majeur tu ne me fais pas      poireauter, j'aime pas traîner seule au bar, ça me fait cafarder…

-   T'inquiètes pas Liz, je serais à l'heure. Enfin je ferais tout pour ca. 

-   Tu vois, tu commences à douter ….. Bon on verra bien, à ce soir Pétra et    prends bien soin de toi.

-   Toi aussi. A ce soir, Lizbeth….

Pétra raccrocha. Elle sifflota gaiement en jetant sa robe sur le lit et fila prendre une douche. Il était 13 heures.

                                                        *

Mû par un réflexe professionnel soudain, j'eus la bonne idée d'appeler mon cousin Ted une heure avant qu'il ne déclenche tous les plans possibles et inimaginables pour me déloger dans la ville !

-   Ted ? C'est toi ?

-   Evidemment, c'est moi… t'es sur mon portable !

Silence au bout du fil.

-   Ecoute Ted, je crois que les androïdes de Santhor sont à mes trousses…. J'ai       réussi à les semer hier soir et finalement, je me suis caché chez les Johnson,    un couple d'américains qui habitent dans le Queens…ils sont sympas tu sais        et je ne peux pas les planter comme ça en deux temps trois mouvements, ils   se méfieraient… je fais ce que je peux pour ne   pas trop attirer l'attention, tu     comprends Ted ?

-   Mais oui, je comprends, Dylan. Moi aussi, j'ai été jeune et souvent j'ai voulu       m'amuser un peu en mission sans toujours bien me rendre compte des          risques… Mais je suppose que c'est la même chose pour tous les garçons de       ton âge alors écoute, fais comme tu le sens … je te donne carte blanche     jusqu'à demain  mais rapplique ensuite au QG du S-63 comme je te l'ai dit et    surtout ne prends pas de risques inutiles... Compris Dylan ?

-   Bien compris, Ted.

-   Au fait, tu t'es racheté un portable ?

-   E…euh oui ! Et j'ai le même numéro, ne t'inquiètes pas.

-   Bon très bien ! Au moindre pépin, tu me bipes.

-   Ne t'inquiètes pas, Ted .. Je serais prudent.

Je raccrochais bien vite en vérifiant sur le plan de la ville combien de temps il me faudrait pour rejoindre rapidement la boutique Scoop, sur la 3ème Avenue.

                                                        *

 

Modernisé en avril 1985 grâce à l'architecte anglais E. Philips, l'immeuble de verre des laboratoires Boréal élançait vers le ciel ses 250 mètres majestueux comme le symbole d'une réussite financière éclatante et encore inégalée à ce jour. Depuis de nombreuses années, cet immeuble était même devenu la fierté des new-yorkais qui ne manquaient jamais d'emmener leurs amis de passage  dans la ville faire quelques photos avant de poursuivre leur visite dans Manhattan. Une fois à l'intérieur de la tour, on pouvait passer des heures à s'extasier devant la hauteur des baies vitrées, la diversité des plantes exotiques tout en découvrant avec admiration l'architecture générale de l'ensemble.  Le hall d'entrée était recouvert de marbre rose et desservi par d'élégants escalators rutilants ornés de rampes en cuivre doré. Les touristes européens n'en revenaient toujours pas. Ca se voyait dans leurs yeux éblouis comme ceux des enfants pendant les vacances de Noël. Et si vous les aviez vus lorsqu'ils découvraient la gigantesque cascade du rez-de-chaussée... C'était très émouvant pour les habitués de les voir se demander s'ils n'étaient pas tout simplement victimes d'hallucinations...

Le mercredi 3 avril, au pied de la cascade, un groupe d'une centaine de personnes attendait sagement l'autorisation des gardiens de sécurité pour franchir le dernier tourniquet de sécurité. Le système de vidéo surveillance tournait à plein régime et les bataillons de gardiens affichaient avec fierté leur blouson bleu marine Boréal for ever. Ils contrôlaient les pass journaliers qui avaient été délivrés spécialement au public à l'occasion de la journée Test Grandeur Nature  de l'antidépresseur Zoloft, le petit dernier créé par les laboratoires Boréal. Ce psychotrope devait aussi être soumis, ces prochaines semaines,  à des tests similaires dans les villes américaines de plus d'un million d'habitants avant d'obtenir les autorisations officielles de l'ANSM (l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament), établissement public recevant des subventions de l'Etat Fédéral Américain. Le public était maintenant dirigé vers les salles de conférence, spécialement réaménagées pour le test. Au bout de vingt minutes, tout le monde était casé dans deux salles bien distinctes. 50 hommes dans un local aux murs de couleur bleu pastel et 50 femmes dans un local aux murs plutôt rose pastel. Toutes les conclusions des tests de tolérance allaient ensuite être analysées selon des critères déterminés à l'avance par une équipe de chercheurs scientifiques expérimentés…. Les agents G20 et Rockett étaient installés confortablement au fond de la salle. Des assistants distribuaient maintenant les pilules pendant que des experts en communication finissaient de détailler la procédure du test :

-   « Messieurs, dès que vous aurez avalé le petit cachet rose posé sur votre     table, vous devrez aussi par précaution avaler un grand verre d'eau      accompagné d'un sandwich poulet- crudités que nous allons vous distribuer   dans quelques minutes… Ceci afin de vous éviter des étourdissements   sommaires ou des malaises fortuits qui pourraient se produire en cas d'effets     secondaires inappropriés. En cas de problème, appeler nos assistants qui ne        vous quitteront pas d'un œil... Je vous remercie d'avance.»…

Les experts rangèrent leurs polycopiés et quittèrent les salles de test, avec une discrète oreillette toujours vissée derrière l'oreille.

-   Eh ben, c'est gai souffla G20 à Rockett ! C'est pas encore une pilule qui va          nous faire voir la vie en rose …

-   Tais-toi G20, on nous observe répondit Rockett, assis sur la même rangée que     lui. Et ne regarde pas au plafond, c'est bourré de caméras de     surveillance ...

Malgré tout, G20 leva les yeux discrètement au-dessus de lui et hocha la tête vers Rockett, d'un air entendu …. Au bout d'une demi-heure, la salle s'était vidée. Les plus pressés avaient vite avalé leur verre d'eau en fonçant vers le bureau de la compta pour récupérer le chèque prévu pour leur prestation. D'autres avaient pris bien soin de déguster leur sandwich patiemment en bavardant avec leurs voisins. Et les derniers, sans doute les plus assidus, complétaient toujours scrupuleusement leur dossier de candidature comme si leur vie dépendait des quelques mots qu'ils alignaient méthodiquement au stylo bille noire … G20 et Rockett, quant à eux, s'étaient vite éclipsés pour rejoindre la grande salle de l'amphithéâtre, au 3ème étage...

-   Tu crois que nous allons arriver à l'heure à cette fichue conférence ?

-   J'espère… Appelle Ted pour voir s'il a prévu de nous rejoindre…

-   Allo, patron….patron, je vous entends mal… oui, c'est Rockett … est-ce-que      vous nous rejoignez à la conférence du Professeur Khanada ?

-   Mais j'y suis déjà les gars,  répondit Ted… grouillez-vous, c'est vous qui êtes      en retard !

-   On arrive, patron.

Rockett raccrocha. Ils grimpèrent rapidement dans l'ascenseur bourré à bloc par les derniers participants qui s'étaient entassés méthodiquement les uns sur les autres.

-   Poussez pas… y'en aura pour tout le monde, ricanait un jeune étudiant      en      tentant de détendre l'atmosphère ….

-   Le professeur Khanada aime les pommes c…canada, ironisa G20 devant une       jeune étudiante coréenne qui venait de le doubler pour entrer dans l'amphi…

-   Arrête G20, murmurait Rockett c'est pas le moment….

Mais l'étudiante coréenne fixait G20 intensément.     

-   Dites mademoiselle, nous pourrions peut-être prendre un verre après la      confér….

Mais Rockett tira vigoureusement G20 par le bras et il ne put finir sa phrase.  Ils rejoignirent Ted qui était assis dans les premiers rangs.

-   Ah quand même, je me demandais bien ce que vous faisiez... Vous êtes juste à      l'heure, regardez le professeur arrive ! En tout cas, ouvrez l'œil on ne sait          jamais… ce professeur est peut-être un revendeur agréé substance illicite pour         le       marché européen…

- Chef, je voudrais pas vous vexer mais le professeur Khanada est un   professeur de cancérologie réputé .. d'ailleurs le fait de faire une conférence à     partir du film « Nos enfants nous détesteront» est un acte qui lui enlève toute         soupçon de culpabilité ….

-   Détrompe-toi G20, les apparence sont souvent trompeuses… Khanada peut        très bien être de mèche avec le laboratoire Boréal qui chercherait avant tout         à développer l'image d'un groupe éco-citoyen, respectueux de l'environ-    nement et de la santé publique malgré le fait de vouloir faire du business avec        des organisations criminelles de tout poil …..

-  Vous voyez tout en noir, patron…. Et comment cela serait-il possible avec           tous nos organismes de contrôle présents aux Etats-Unis ?

G20 semblait complètement interloqué. Mais Ted n'avait pas envie de polémiquer avec lui. Ce n'était vraiment pas le moment.

-   Dites patron continua Rockett, quel est le sujet du film exactement ?

-   Ce film raconte raconte la courageuse initiative d'une municipalité    canadienne qui décide de faire passer les cantines scolaires au bio, consciente         du     danger sanitaire qui menace une jeune génération exposée aux énormes        tonnes de pesticides déversées chaque année sur leur pays. Enfants, parents,       enseignants, élus et chercheurs, livrent leurs sensations et leurs analyses…. Chacun raconte son expérience, en tout cas …

-   D'ailleurs reprit G20, je crois que ce documentaire a suscité de nombreux   articles dans la presse…..

-   Chut les gars, le professeur vient de finir l'introduction. On démarre le film.

-   Ca dure combien de temps, chef ?

-   1h47 …

-   Alors, je crois que je serais peut-être plus utile dehors …

-   Dans une demi-heure, tu bouges discrètement avec Rockett et vous allez      inspecter les lieux, on     ne sait jamais ...

-   Bien, chef. C'est tout ?

-   Oui. Tais-toi maintenant,  ils éteignent les lumières ….. 

                                                        *

Au bout d'une demi-heure, G20 et Rockett se levèrent discrètement et quittèrent l'amphithéâtre en file indienne.

-   Bon, si on faisait un petit tour dans les étages en attendant…

-   Comme tu veux, Rockett, c'est au petit bonheur la chance ….

Ils s'engouffrèrent dans l'ascenseur et redescendirent par erreur jusqu'au rez-de-chaussée.  En traversant le hall, ils aperçurent un grand panneau d'affichage.

-   Regarde bien tous ces noms Rockett ! On a peut-être déjà eu affaire à un de          ces gars dans une autre affaire….Le mieux serait quand même de      photographier  discrètement le panneau… on gagnerait du temps !

Les différents départements du groupe Boréal étaient séparés distinctement sur deux colonnes, avec d'un côté les noms de la direction et de l'autre, le personnel exécutif... Rockett notait les patronymes sur son calepin lorsque G20 lui tira le bras d'un coup sec.

-   Rockett, regarde à gauche …  la grande brune qui discute avec l'homme      à        lunette …

-   Ouais et ben quoi ?

-   Eh ben, je crois bien que c'est Petra Voronov, figure-toi…

-   Tu rigoles ?

-   Tu crois que j'ai envie de me fendre la poire à Big Apple ……

(l'auteur n'a pas pu résister… si vous trouvez cette blague de mauvais goût, envoyer vos observations à l'éditeur et si les observations sont nombreuses, l'auteur fera attention la prochaine fois)… 

-   Tu crois que tu pourrais les prendre en photo avec ta nouvelle montre        sophistiquée ?

-   Si je me positionne dans le coin là-bas, à côté de la plante verte, je devrais arriver à avoir les deux visages…..

-   Vas-y… fais vite, elle a l'air de vouloir sortir… vite vite ! Et photographie le       dernier morceau du panneau d'affichage en même temps….

Rockett réussit à faire sa photo discrètement en se cachant derrière l'énorme plante exotique qui décorait le hall. En tournant son poignet, cadran de la montre dirigé vers les visages, il flasha les deux silhouettes…

-   Elle part, bon sang… elle part….

Ils la suivirent dans la cour de l'immeuble…

-   Envoie un SMS à Ted, on a pas le temps de remonter pour le prévenir… il           faut la suivre….Zut, elle prend un taxi …

-   Vite, heeeeppppp taxi …

Rockett avait réussi à héler un autre taxi jaune qui freina d'un coup sec.

-   Police, suivez la voiture devant vous ….

-   Mon confrère en jaune ?

-   OUAIS celui avec la pub « hard rock café » dessus, vous le voyez ?

-   Très bien je le vois très bien … 

La circulation était assez fluide et le taxi de G20 et Rockett n'avait aucun mal à suivre son confrère sans cesse arrêté aux feux rouges. Dix minutes après, arrivé dans le quartier de Harlem, Pétra sortit de son taxi et s'engouffra dans un coffee shop au 77-83 West 125th Street.

-   On s'arrête là monsieur… oui là, tout de suite…. stoppez au feu rouge ! Voilà     ca fera combien ?

-   20 dollars, monsieur !

-   Eh ben, c'est un métier rentable, chauffeur de taxi ….

-   Viens Rockett, on a pas le temps ….

Rockett et G20 claquèrent les portières violemment pendant que le chauffeur de taxi accélérait d'un mouvement sec. Rockett bipa Ted sur son code d'urgence. Mais sans succès. Il laissa un nouveau message sur le répondeur.

-   On y va quand même G20 ?

-   Of course, on est pas venu là pour rien que je sache…

Ils s'engagèrent dans le café, traversèrent le comptoir et se dirigèrent discrètement vers le fond de la salle. Pétra était attablée au comptoir, impossible de la rater..

-   A mon avis, elle attend quelqu'un suggéra Rockett ..

-   Eh bien, je pense que tu as raison, regarde qui vient d'entrer !

Jonathan Ford venait d'arriver dans le café. Il s'installa tranquillement à côté d'elle et commanda deux capuccino. Il était 16h30.

-   Approche-toi discrètement du bar, Rockett….. si seulement on savait ce     qu'ils racontent !

-   Ca va faire louche si d'un seul coup on se rapproche trop près du bar … je          pense que cette fille repère à vue de nez les flics trop curieux ou les indics de          quartier … Te fie pas à son    air de mannequin chez Dior !

-   Bon sang ! Ca va faire une heure qu'ils sont là à tchatcher … de quoi ils     parlent ? De la prochaine expo au MET ?

-   Attention ! Vite, plonge le nez dans ton journal, ca bouge …..elle regarde vers      nous …

Jonathan et Petra venaient de se lever. Ils firent un signe au barman et quittèrent le café rapidement. Après une brève poignée de main, Jonathan héla un taxi pendant que Pétra partait à pied en descendant Columbus Avenue, toujours suivie par nos fameux agents.  Dix minutes plus tard, elle arrivait devant l'immeuble de son hôtel.

-   Nom d'un chien, on s'est fait avoir …retour à la case départ, grogna G20.          Bon, appelle le chef pour le prévenir que nous sommes devant l'hôtel. Et       quel est le programme maintenant ?

-   On se tape un sandwich et on attend …. 

                                                        *

21h – G20, Rockett toujours devant l'hôtel de Pétra

-   Chef, ça bouge pas… et ça va faire bientôt trois heures qu'on est en   planque…

G20 n'en pouvait plus de faire le pied de grue devant le Milburn Hôtel où logeait Pétra.

-   Elle est trop maligne… je crois que c'est cuit pour le moment, répondit Ted.        En plus, j'ai besoin de vous ici pour continuer à consulter les dossiers        Boréal…. Bon, je vais demander une nouvelle équipe à Lewis pour vous faire        remplacer, c'est d'accord… vous revenez au bercail les gars !!

-   Capito, chef.

 

                                                        *

 

21h30, Théatre Appolo, – Pétra rejoint sa copine Lizbeth.

 - Quel look Pétra, t'es trop jolie …. C'est quoi cette marque de robe ?

-   Je ne sais pas…je l'ai achetée dans une petite friperie près de l'hôtel …
    y'a pas de marque… regarde, l'étiquette a même été arrachée….

-   En effet… et ces Doc Martens, original avec ce motif printanier …

-   C'est la nouvelle version Page en cuir imprimé de fleurs… et toujours avec la      semelle en coussin d'air !.

-     Bon arrête, on a compris que tu adores ces chaussures… je me rappelle déjà        qu'il y a sept ou huit ans tu en avais déjà que tu mettais toujours pour       certaines de tes missions un peu difficiles..

-   C'est vrai qu'elles m'accompagnent depuis longtemps et qu'elles sont        devenues comme un porte-bonheur ….  Oh ! je suis trop contente de  te voir … viens on va descendre au sous-sol se boire un petit verre tranquille entre          copines…

Pétra, toujours dans ses pensées, n'avait pas remarqué qu'elle avait été suivie depuis son hôtel par deux hommes de l'équipe de Lewis, Jim Karey et Brad Potte.  Il faut dire que le théâtre était bondé comme à l'accoutumée…. Difficile de repérer des inspecteurs dans ce dédale de silhouettes sombres ….Petra et Lisbeth choisirent une table un peu plus éloignée du podium où se produisait une chanteuse de jazz à la mode …

-   Qu'est-ce-que tu prends Lisbeth?

-   Regarde la carte des cocktails… je suis sûre qu'ils ont le blue lagoon, ouais          gagné ! avec du gin et du curaçao bleu, j'adore …

-   Gin et curaçao bleu répéta Pétra en lisant la carte des cocktails…Ah oui… sinon il y a du daiquiri,  du planteur bof, ca ne me dit rien non plus…. bon je      fais comme toi…va pour le lagon bleu, ca me fera peut-être voir la vie en rose

-   Garçon, deux blue lagon s'il vous plait….

Les chanteurs défilaient sur le podium pendant que Pétra et Lisbeth se confiaient leurs anecdotes professionnelles en rigolant comme deux tordues. Après deux heures de concert, la musique s'arrêta net et l'animateur de la soirée reprit le micro :

-   « Nous allons maintenant appeler l'heureux gagnant de la loterie  Amstrong         et Cie … celui qui repartira avec notre cadeau du jour, un week-end de rêve         en Louisiane, à Memphis dans un hôtel quatre étoiles… la capitale du blues          week-end d'une valeur de 1000 dollars tout compris en pension complète….

Le public hurla. On entendait le frottement des billets de loteries qui passaient de main en main entre les milliers de personnes présentes dans la salle … le bruit du papier s'amplifiait dans les étages comme une petite musique de nuit ….G20 et Rockett avaient rejoint les inspecteurs Karey et Potte devant le bar pour mieux surveiller Pétra et sa copine…..

L'animateur hurla dans le micro.

-   Le numéro gagnant est le 1532… le numéro 1532, personne à droite...

    je me retourne vers les étages.. qui sera l'heureux gagnant ce soir de n…

Pendant ce temps, Rockett fouillait méthodiquement ses poches et sortit l'air triomphant un petit billet vert imprimé en papier recyclable….

-   Quoi, Rockett… me dis pas que tu avais acheté un billet ??

-   Eh ben si tu vois bien… je peux pas résister à ces jeux de loteries, ca me     démange à chaque fois… il a dit combien, 1562 ?

-   Non, 1532…

-   Quoi ? t'es sûr ? Non, c'est pas possible, j'ai le 1532…si, regarde !!

-   Nom d'une pipe tant pis pour toi, il faut pas se faire repérer … non,  tu ne          monteras pas sur le podium…

-   Tu rigoles ?

Pendant ce temps, l'animateur cherchait toujours l'heureux gagnant.

-   Le numéro 1532 est attendu sur le podium…. le numéro 1532 est at…

L'animateur répétait le numéro en boucle lorsque n'y tenant plus, Rockett se projeta à grandes enjambées dans l'allée centrale et se dirigea fièrement vers le podium, acclamé par le public en liesse. Il gravit les marches avec le sentiment d'avoir vaincu une meute de fauves dans une arène romaine...

-   Enfin notre heureux gagnant, je croyais que nous allions partir bredouilles ce       soir …d'où êtes vous originaire cher monsieur ??

Rockett baissait les yeux. Il hésitait.

-   J...je suis originaire de Newcastle en Californie...

-   Ah ! Très bien… et vous êtes en vacances à New-York ?

Pendant que l'animateur interviewait Rockett, Pétra et Lisbeth s'étaient levées pour apercevoir les gagnants du concours en se rapprochant peu-à-peu du podium. Des écrans géants sur les côtés zoomaient les visages des deux protagonistes. Pétra eut un mouvement de recul lorsqu'elle crût apercevoir  le visage de Rockett qu'elle connaissait bien pour avoir eu affaire à lui en 2008 lors d'une course poursuite à San Francisco où elle faillit bien être arrêtée pour de bon …Elle sortit ses discrètes lunettes infrarouge (de couleur noire) pour être sûre de ne pas se tromper.  Il lui suffit de quelques secondes pour identifier correctement le visage de Rockett. Elle rangea bien vite ses lunettes dans son sac à main.

-   Lisbeh, je suis un peu crevée, si ca te gênes pas je préférerais rentrer maintenant..

-   Pas de problèmes Pétra, j'allais te le suggérer.

Pétra avait vite repris son allure professionnelle de croisière. Elles payèrent leurs consommations au bar, récupérèrent leurs vêtements et se dirigèrent lentement vers la sortie du théâtre qui était noire de monde malgré l'heure avancée…. 

-   Tu peux m'attendre deux secondes Lizbeth, j'ai envie d'aller aux toilettes.. 

-   OK mais fais vite … je t'attends dehors !

Pétra s'engouffra rapidement dans les escaliers et fondit sur le dernier toilette libre pour handicapé moteur.  Elle enleva son blouson rouge, le mit à l'envers et le réenfila de l'autre côté qui était de couleur noire. Ensuite, elle déplia soigneusement la perruque blonde qui ne quittait jamais son sac à main, la positionna délicatement sur sa tête et réajusta son bonnet noir par-dessus. C'était pas mal. Avant de sortir, elle revérifia une dernière fois son allure générale et dégaina son portable :

-   Lizbeth, je suis bloqué dans la file des toilettes y'a pour une heure … ne m'         attends pas et prends un taxi… ok ma puce ?

-   Comme tu veux Pétra… tu m'appelle quand tu rentres à ton hôtel pour que je     ne m'inquiète pas ?

-   C'est promis. A toute.

Des groupes de jeunes déliraient sur le trottoir avec la visible intention de prendre à parti les personnes qui sortaient de la boite… Pétra se fraya un chemin entre les groupes. Elle regarda discrètement derrière elle pour vérifier qu'elle n'était pas suivie ….Elle se faufila tranquillement parmi les personnes qui attendaient un taxi pendant que les inspecteurs guettaient sans succès dans le hall l'arrivée d'une brune au blouson rouge avec sa copine à la chevelure blonde...

                                                        *

Le capitaine Loomy courait vite pour rattraper ses co-équipiers qui l'attendait au point B1. Il faisait partie du commando 512 envoyé par Santhor pour neutraliser Dylan Elroy coûte que coûte. Loomy était furieux de l'avoir raté. Son tir était passé si près…

- Attention voilà le chef, et il a pas l'air dans son assiette .. 

Les 4 androïdes, Xstar, Cortex, B546 et Minix attendaient sagement leur chef au point B1.

- On a eu chaud avec toute cette police, chef … Comment allons-nous le         retrouver maintenant ?

-   On va se séparer par équipe et quadriller toute la ville, il finira bien par      bouger, répondit Loomy sournoisement. Sans parler de ses petits copains qui         ne vont pas tarder à se manifester…

-   On commence par où chef ?

-   D'abord on se trouve un petit hôtel pour passer la nuit. Demain matin,       Cortex, B546 et Minnix, vous retournerez vers Manhattan pendant que je    quadrillerai le Queens avec Xstar. Mon petit doigt me dit qu'il n'est pas loin.        Et j'espère que je ne me trompe pas. En tout cas, vous garderez la fréquence        codée comme d'habitude pour tout message d'urgence et n'hésitez pas en cas      de      pépin.. On refera un briefing demain matin, au petit déjeuner… Alors en     route…. Et pas de bruit dans l'hôtel, nous devons passer incognito, si c'est     possible ….

                                                        *       

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5Kinadpping télévisé

En début de matinée, Loomy et Xstar avaient commencé leur chasse à l'homme à travers les rues d'Hunters Point. La partie allait être difficile mais Loomy n'imaginait pas une seconde rentrer bredouille et annoncer à Santhor que je lui avais définitivement échappé. Ce serait la mort assurée ou la prison à vie dans un cachot sur mesure... Au bout d'une demi-heure, ils arrivèrent au coin de la 47ème Avenue, près du collège de La Guardia. Un écran de télévision géant installé sur un long panneau gris métallisé attira leur attention. On y voyait des journalistes de l'émission C'est mieux chez vous débarquer en direct dans une famille américaine. Xstar resta médusé devant l'écran :

-   Nom d'un alien, capitaine…Regardez dans la maison, derrière le caméraman        on dirait que c'est Dylan Elroy… si si c'….

Loomy se retourna et fixa l'écran de télévision avec ses yeux de serpent à sonnettes.

-   Incroyable ! Xstar, vite … c'est pas le moment de dormir !

Ils pénétrèrent dans le magasin et bombardèrent le vendeur de questions sur les programmes de télévision. En téléphonant ensuite au standard de la chaîne, ce fut un jeu d'enfant d'obtenir l'adresse des Johnson. En moins d'une heure, ils étaient arrivés devant le domicile de Ben et avaient contacté les autres androïdes par émetteur radio. Les journalistes étaient encore sur place. Loomy est Xtar se présentèrent comme deux nouveaux reporters. Pourtant, leurs voix étaient rauques et caverneuses comme des hommes de la préhistoire :

-   Bonjour madame Johnson, excusez-nous de vous importuner une nouvelle fois mais nous faisons partie de l'équipe de XNewsTV, pourrions-nous les          rejoindre s'il vous plait ?

-   L'équipe est déjà dans le jardin, suivez-moi répondit-elle.

-   M'man regarde, j'ai découvert u…

Ben s'arrêta net, voyant l'individu qui traversait le salon.

-   Ben, je te présente un journaliste de XNewTV, Mr comment déjà ?

-   Mr Loomy, madame.

Ben n'aimait pas du tout l'allure de ce type. Il n'aurait pas su dire pourquoi. Il monta à l'étage pour m'alerter :

-   Chut Bob, tais-toi et regarde discrètement l'homme en bas dans le salon qui         discute avec ma mère, tu le trouves comment ?

-   Hein, quel type ? Ah oui ca y est, je le vois.

Je tressaillis violemment en reconnaissant l'aigle dessiné sur la chemise de l'androïde qui m'avait tiré dessus.

-   C'est vrai qu'il a une mine patibulaire, Ben. Il ne m'inspire pas confiance, tu       devrais le surveiller un peu…

Loomy est Xstar n'avaient pas spécialement de plan. Seulement improviser dans l'agitation médiatique et me kidnapper par n'importe quel moyen. Le brouhaha était à son comble. Le jardin encombré de caméras et de projecteurs. Tina, la sœur de Ben, faisait l'intéressante devant le micro du journaliste et discourait sur les fonctions essentielles de l'expérimentation scientifique. Loomy hésitait entre le tir direct et la prise d'otages. Au premier étage, je paniquais complètement. Comment les androïdes de Santhor connaissaient-ils l'adresse de Ben ? C'était insensé ! Je devais partir au plus vite ou tout avouer à Ben. Mais je ne me sentais pas le courage de tout lui avouer. Et comment lui dire que je l'avais pris pour un imbécile depuis le début ? Il ne me le pardonnerait jamais. Si seulement je n'avais pas menti. Maintenant, il était trop tard. Je devais partir. Je sautai par la fenêtre de la chambre et disparut rapidement au coin de la rue.

                                                        *

 

-   La faculté d'un être humain n'est-elle pas justement de pouvoir inventer et          créer à l'infini ? renchérissait Tina, en pleine forme devant le séduisant    reporter de Xnews TV.

-   Sans doute, continuait-il en prenant des notes sur son calepin. Et quels sont         les     projets de votre père en ce moment ?

Au moment où Tina allait répondre, Loomy et Xstar se précipitèrent dans le jardin et braquèrent leurs armes redoutables vers les journalistes. Loomy attrapa Tina par le cou et l'attira à l'écart :

-   Maintenant, pas un geste sinon je la tue en direct ! Et vous serez tous          responsables …

Madame Johnson palissait à vue d'œil. Elle tremblait de tous ses membres et faisait claquer ses mâchoires en même temps. Les journalistes ne bronchaient pas, impressionnés par les puissantes armes pointées sous leur nez.

-   Rentrez tous dans le salon, VITE, criait Xstar.

Ils s'exécutèrent en silence, complètement terrorisés.

-   Nous ne voulons pas vous faire de mal. Nous recherchons un adolescent qui        s'appelle Dylan Elroy. Nous savons qu'il est dans votre maison et nous tenons   à le récupérer vivant. Cortex, Minix, fouillez toute la maison et les étages en         premier ! Vite !

Les androïdes fouillèrent scrupuleusement tous les recoins du pavillon sans succès. Dans un accès de colère, Loomy attrapa Mme Johnson par le cou et pointa son arme chargée à bloc contre sa tempe :

-   Mme Johnson, Dylan Elroy était bien chez vous il y a quelques heures n'est-        ce-pas ?

-   Ou..oui, finit-elle par bégayer. Il était au premier étage dans la chambre.     Nous lui avons offert l'hospitalité pour la nuit car il a des problèmes avec s…

-   Bon, l'interrompit Loomy, il ne doit pas être très loin ou bien il nous a vus         arriver. « Ecoutez tous ! Comme nous avons la télévision à notre disposition,    on ne va pas s'en priver ! Vous là, le blaireau en cravate, vous allez tout de    suite appeler votre grand directeur ! Oui, le directeur en personne ! Vous lui      expliquerez  que vous êtes pris en otage chez les Johnson par des androïdes           très méchants et que vous serez libérés en échange d'un prisonnier politique       du nom de Dylan Elroy... ah j'oubliais… vous lui précisez bien que nous     voulons une réponse dans ½ heure, sinon nous exécuterons la jeune       femme en premier et vous en deuxième…. J'espère que c'est assez clair ??   hurlait Loomy.

-   Par-parfaitement, bégayait le pauvre Sedman, jeune stagiaire de la chaine   Xnews tv.

-   Alors vite, le téléphone, et grouillez-vous nom d'une pipe !

Après quelques longues et interminables minutes d'attente avec le standard, John Sedman obtint la communication avec Paul Vester, le directeur général de Xnews Tv :

-   Quoi ? Pas possible ! Une prise d'otages en direct, mais c'est génial mon    vieux, criait-il dans le combiné. On pourrait passer vos images en prime time     avec les kidnappeurs en fond d'écran… après, on met les pages de pub. Je     vous augmente, mon vieux ... Great man ! Mais non… n'ayez pas peur ….      Mais o.. oui, on va s'occuper de vous. Que dites-vous ? Ils veulent échanger un     dénommé Elroy… vous le connaissez ? Non ? Bon, du moment que ce ne      soit pas pour extorquer des millions de dollars à la chaîne… après tout, que ce        soit lui ou un autre, quelle importance ! C'est incroyable ce qui se passe à    notre époque. Voyez-vous, il y a encore deux minutes, j'étais entrain de      parlementer avec …

-   JE M'EN FOUS, criait John Sedman, complètement terrorisé par les armes         pointées vers lui. Vous ne comprenez pas que nous risquons tous de mourir,       alors vos     considérations financières, je m'en tape …

-   Calmez-vous, John. Je comprends la situation, l'assurait Paul Vester qui  en        fait s'en foutait royalement de savoir comment les otages allaient s'en sortir.      On va tout faire pour vous sortir de ce guêpier, soyez-en sûrs ! Vous m'écoutez bien, John ? Bon, vous allez préparer tout de suite un communiqué      pour le prime time. Vous vous filmerez avec les otages et on passera une         photo de ce type, comme ça tous les habitants de Manhattan auront une chance de le reconnaitre. On peut même offrir une récompense pour      augmenter les chances de le retrouver... Parlementez avec le chef pour voir    s'il est d'accord et on se rappelle dans une demi-heure, conclut-il en        raccrochant le combiné.

-   Très bien, Mr Vester.

John Sedman fit le compte-rendu de sa conversation téléphonique.

-   Ils veulent faire un communiqué pour le prime time de 13 heures et diffuser la      photo de ce e.. Elroy pour avoir plus de chance de le retrouver bégayait-     il…    Et a.. aussi donner une prime à celui qui le retrouvera .

-   Très bonne idée, répondit Loomy. Tu vas rappeler ton chef en disant que nous    sommes d'accord. Et n'oublie pas de préciser que si, dans l'heure, Dylan Elroy est toujours aux abonnés absents, on commencera à liquider les otages.         Great boy… asséna t'il, en tapant durement sur sa tête.

A 12h45, tout le monde était fin prêt pour le prime time. Tina s'était d'ailleurs soigneusement remaquillée pour cette occasion :

-   On ne passe pas tous les jours à la télé, pérorait-elle devant les autres otages.

John relisait son texte scrupuleusement. A 13 heures pile, il cala le micro bien serré devant son menton pendant que son collègue filmait les otages dans le salon. La tension était tellement palpable qu'on aurait pu entendre voler toutes les mouches de la ville comme si elles allaient butiner en même temps dans le jardin des Johnson. Les visages des otages étaient scannés sur le petit écran. Ma photo apparut à la fin du message avec un numéro d'urgence pour toute personne ayant des informations à communiquer. Une prime de 20.000 dollars avait été débloquée spécialement pour l'occasion. Dans son immense bureau de verre, le directeur de Xnews TV s'entretenait avec son chef de pub, Andrew Foster :

-   Mr Vester, l'audimat a explosé, commentait-il … on bat Foxnews et NTY pour la première fois depuis longtemps. Le standard est saturé, les annonceurs       se battent pour placer   leurs pubs. Un vrai jackpot, cette prise d'otages.

-   Du calme, Andrew. Les otages sont tout de même en danger et toujours à la         merci de ces tueurs sanguinaires renchérit-il, faussement ravi de gagner      encore des parts de marché sur ses concurrents…. Mais bravo pour la         récompense de 20.000 dollars, ca va nous faire une pub du tonnerre ! Et        donner une bonne image de marque à la chaine, fallait y penser.  Donner de l'argent pour une bonne cause, ça paye toujours en audimat…Ah ! encore      une dernière chose, Andrew… cherchez auprès de la police locale si ce         Dylan n'a pas eu des antécédents politiques. J'aimerais quand même bien   savoir pourquoi ils tiennent tant à le récupérer …

Alors que John avait terminé son communiqué et s'apprêtait à rendre l'antenne, Xstar surgit comme une bombe devant la caméra. Impossible de savoir ce qui se passa dans sa tête à ce moment-là :

- N'oubliez pas, américains d'un autre temps, que nous tenons votre ville entre nos mains et que bientôt notre général dominera votre pays. Tremblez pauvres humains parce que le temps est venu d'obéir au Grand Santhor, le roi du monde. Et j……

Mais la chaîne de télévision coupa instantanément la retransmission. L'ingénieur du son prévint Xstar qu'il n'était plus à l'antenne. Loomy l'attrapa violemment par le bras et l'entraîna à l'écart :

-   Tu es complètement fou, Xstar. Un peu plus et tous les espions d'Archibald       pouvaient t'identifier. T'as rien dans le cerveau mon pauvre, mais qu'est ce           que je fous avec un empaffé pareil ! Tu vas faire rappliquer Ephemer et ses       complices ! T'es content de toi, pauvre idiot. Tiens, puisque tu veux jouer les    stars, appelle la télé et demande des pizzas et du coca pour les otages, ils     doivent avoir faim.

-   Ben, justement, continuait Xstar sans se démonter, on peut tout demander en      ce moment… on est en position de force. Y'a pas un truc qui te ferait envie à     toi, à part des pizzas ? T'as pas envie d'un truc extraordinaire, je sais pas          moi… rencontrer Miss America ou bien le prix Nobel de la guerre ?

-   Mais nom d'un alien, tu es un noble combattant Xstar et n'oublie pas que tu      fais partie de l'armée la plus puissante de l'espace, celle du général Santhor.          Tu te rends compte de l'effet que ca ferait sur tes fans s'ils apprenaient que tu       rêves de rencontrer miss America ou je ne sais quoi…. J'me marre, t'imagine        ton fan club ? Mais actuellement, on devrait avoir peur de toi, tu aurais déjà       dû découper deux otages en rondelle pour être crédible… et puis, regarde-toi        avec ta chemise hawaïenne made in Taiwan et ton regard de séducteur de      l'espace… t'es entrain de devenir complètement has been… même en rêve,     on imagine pas ce que tu peux être ring' Reprends-toi, Xstar, ne fais pas        tomber notre réputation à moins zéro underground !

Le discours de Loomy perturbait Xstar. C'est vrai, il n'était plus le même… il voulait bien l'admettre. Dès qu'il arrivait sur cette maudite planète Terre, il changeait complètement de personnalité. Toute son agressivité légendaire se radoucissait à la vitesse grand V d'une soucoupe Mx nouvelle génération. Sa combativité extraordinaire laissait place à une douceur étrange qui laissait rêveur tous les combattants qui l'avaient croisé. Sans parler d'une soif de consommation névrotique qu'aucun psychologue n'aurait su guérir. Il ne pensait qu'aux silhouettes affriolantes des jeunes femmes étalées en gros plan sur les panneaux publicitaires  de Times Square et à toutes les marques de vêtements qu'il allait pouvoir s'acheter avec sa solde de nouveau capitaine. Rien de bien glorieux pour un guerrier valeureux comme lui. Il savait bien qu'il fallait beaucoup d'argent pour se payer tous les objets tentants qu'il découvrait à New-York. Il insista auprès de son chef.

-   Et de l'argent, des millions que l'on pourrait extorquer à la chaîne de télé, ca ferait un joli magot pour Santhor ?

-   Arrêt de te tourmenter Xstar, nous sommes des fiers combattants,     barbares     MAIS intègres. Jamais d'argent, juste le fun, guy !

Xstar cherchait vainement ce qui pourrait faire craquer Loomy ;

-   Lieutenant, vous savez que vous pourriez très bien imposer une rencontre   professionnelle avec Ginger Ale, le chanteur que vous avez découvert dans la boutique de disques l'année dernière à…

-   Pas Ginger Ale, idiot… le ginger ale, c'est un soda. Le chanteur que j'ai      découvert, c'est Al Jarreau ça s'écrit pas pareil, tu es vraiment ignare, c'est pas possible… tu pourrais te documenter un peu pendant tes heures creuses si        tu voulais…

-   Si vous croyez que c'est facile avec les heures qu'on fait en ce moment ...

Loomy frissonnait de plaisir rien qu'à l'idée d'imaginer la venue d'Al jarreau en chair et en os chez les Johnson. Il commença à fredonner Morning Mr radio…

Après quelques minutes de réflexion, il se tourna vers Xstar :

-   Ecoute Xstar, je demanderais la venue d'Al Jarreau uniquement si tu me     promets de consulter la psy du château dès que l'on rentre à la base. Il faut    que tu te guérisses définitivement de cette frénésie de consommation terrienne

-   Tout ce que vous voulez chef, s'exclamât joyeusement Xstar. N'empêche que      sans moi, vous n'auriez jamais pensé à demander la venue d'Al Jarreau...

-   C'est vrai… je reconnais que tu as toujours été de bon conseil pour moi. C'est     pour ça que tu es toujours dans l'équipe, conclut Loomy en lui donnant une       claque dans le dos….

 

 QG du S-63, tour GE, New-York.

-   Quoi ???? Qu'est-ce-que tu dis Dylan, je comprend rien ?

Ted tentait une nouvelle communication téléphonique sereine avec moi.

-   Des journalistes ont fait une émission télé en direct ? C… chez tes amis les Johnson ?

-   C'est quoi, ce bin's… murmurait en boucle Rockett, accoudé sur son bureau.

-   … Ah oui, l'émission  c'est mieux chez vous…  eh bien, c'est plutôt sympa comme émission….

-   Les androïdes t'avaient repéré ? Quoi, une prise d'otages ?? Qu'est-ce-tu   racontes ? Que je r…

-   Tu rappliques vers Manhattan ? Bon écoute, dès que tu es à l'accueil… tu m'appelles, je viendrais te chercher…

Ted raccrocha.

-   Chef, chef ils en parlent à la radio, continua G20… Il y a une prise d'otages         en      ce moment au domicile d'un certain Johnson dans le Queens… ils ont        donné l'adresse… je l'ai noté au cas où……

La radio venait de relater la prise d'otages au bulletin de 13heures. La police new-yorkaise était sur les dents.

-   Bon sang, ca va pas arranger nos affaires cette histoire, grognait Lewis.

    Je vais appeler l'inspecteur Scott, un vieil ami de longue date …il va me     mettre au courant … je suppose qu'ils ont déjà envoyés des équipes sur place      ... nous on ne bouge pas pour le moment !

-   Très bien Lewis, nous sommes sous ta responsabilité, conclut Ted. 

                                                        *

A 16 heures, le silence régnait dans la maison des Johnson. Les otages se reposaient sur des matelas improvisés dans le salon pendant que les androïdes montaient la garde à tour de rôle entre les étages et le rez-de-chaussée.  Loomy se chargeât de secouer Mme Johnson qui somnolait sur le sofa du salon :

-   S'il vous plaît Madame, pourriez-vous nous préparer un peu de café ou du          chocolat en poudre ?

-   O...oui bien sûr, répondit-elle en s'extirpant rapidement de sa couverture en        laine polaire . « Tina, viens m'aider dans la cuisine s'il te plait... »

Xstar regardait Tina en douce comme si elle descendait directement de la Lune ou d'un satellite rose de Mondor. Il n'avait encore jamais vu une fille comme elle, il aurait voulu pouvoir toucher ses cheveux longs et sa peau blanche qui semblait plus transparente que l'eau claire. Il entendit son chef qui revenait de la cuisine et l'apostropha avec un air inspiré :

-   Tu sais Loomy, j'ai réfléchi à notre conversation sur ton chanteur et je crois         que le seul moyen de le faire venir serait de l'échanger contre deux otages      … qu'en dis-tu ?

- Tu dérailles, Xstar. Je n'aurais pas du te mettre cette idée dans la tête.          Concentre-toi une fois pour toute sur notre mission, c'est Dylan Elroy que         l'on cherche, CAPITO ? Allez, appelle la TV et demande s'ils ont des news,    dépêch' !

Xstar s'en voulait d'avoir braqué Loomy aussi vite. Aucune chance maintenant de le faire changer d'avis, c'était une tête de mule solaire. Furieux contre lui-même, il partit dans le salon pour téléphoner.

- Allo, allo la Xnews TV ? Passez-moi le directeur s'il vous plait… vite          mademoiselle, c'est urgent… De la part de qui ? Ben, de la part des kidnappeurs, elle est bonne celle-là … Vous n'en avez pas entendus parler ?       Les otages en direct à la télé… oui c'est çà ! Bon, alors, c'est pour aujourd'hui ou c'est pour demain ???

Paul Vester était en réunion. Impossible de le déranger maintenant, disait son assistant conseil pour les médias, Charles Poliglot.

-   Bon, Charles, t'as pas compris ?  On veut savoir si vous avez trouvé Dylan        Elroy sinon, on commence le découpage en rondelles, c'est clair ?? Alors        dis surtout à ton boss de ne pas traîner et de nous rappeler le plus tôt possible,     grogna Xstar, en raccrochant furieusement le combiné.

Pendant ce temps, Paul Vester faisait un bilan de la matinée avec ses managers et les inspecteurs du PSI. Des milliers d'appels avaient fait sauté le standard de la chaine.

-   Qu'allons-nous faire ? Le temps presse et aucune trace sérieuse de ce Dylan        Elroy, s'exclamait Andrew Foster.

-   Si nous ne retrouvons pas sa trace, répondit l'inspecteur Fincher, il faudra           tenter une attaque… jouer le tout pour le tout afin qu'ils ne tuent pas les      otages. Vous avez vu leurs mines patibulaires à la télé, ça ne m'inspire rien de     bon…

-   Pour gagner du temps, suggéra Tom Hailey, l'assistant de direction d'Andrew     Foster… il faudrait leur proposer quelque chose d'extraordinaire, je ne sais   pas moi... par exemple une grosse rançon, des lingots d'or ou peut-être des          tonnes de DVD ?

-   Des DVD, vous plaisantez, j'espère?

-   Pas du tout. On m'a dit récemment que les androïdes de l'espace étaient     particulièrement friands de nos biens de consommation, en particulier, tout ce        qui concerne la mode, le cinéma et la musique…

-   Tu tiens ça de la dernière enquête de 60 millions de cyberconsommateurs      ricanait Foster ?

-   C'est nul Tommy, comment pourrait-on imaginer des tueurs écouter des CD        de     Tokyo Hôtel ou visionner Charlie Chaplin ? Je n'y crois pas une       seconde …

-   Si si, confirma Stanley Fincher, inspecteur du PSI, toutes les études de nos           services de renseignements l'ont mentionné aussi. Ils sont effectivement         complètement dingues   de nos produits culturels. En y réfléchissant, hum …      peut-être pourrait-on …

-   A quoi pensez vous, inspecteur ???

-   Ca peut paraître un peu loufoque mais si on leur proposait la venue d'un groupe de rock célèbre dans la maison des Johnson et que l'on envoyait des         policiers en service à la place… peut-être, je dis bien peut-être, aurions- nous une petite chance de revoir les otages en un seul morceau …

-   C'est de la folie, inspecteur …

-   Mais ce ne serait pas les vrais mais juste des agents du PSI.      Une fois sur         place, ils pourraient tenter quelque chose ou passer une arme aux otages …         Avec un peu de chance …

-   C'est un peu tiré par les cheveux mais bon, si vous êtes tous d'accord… Je ne     voudrais pas contrarier un plan aussi farfelu. Pas d'objection ?

Personne n'osait contrarier ce plan à priori farfelu mais qui pouvait sauver la vie de plusieurs otages.

-   Alors John, appelle-les tout de suite et propose-     leur n'importe quoi pourvu    qu'ils te confient rapidement le nom de leur chanteur      ou groupe de rock         préféré… c'est tout ce qui compte. Débrouille-toi pour trouver une entrée en          matière …

-   Si vous croyez que ca va être facile, inspecteur.... 

John prit quelques notes sur son calepin noir et s'isola dans le bureau encore désert pour téléphoner. Il tremblait légèrement en composant le numéro. Il n'aurait jamais pensé être aussi stressé par un appel téléphonique …

-  Allo, allo je vous entends mal ?

-  Kesako young man ? ironisa Loomy en décrochant le téléphone.

John avait minutieusement préparé son entrée en matière. Après dix minutes de tergiversations culturelles, il s'épongea le front en raccrochant le téléphone.

Il avait enfin la réponse…

LE CHANTEUR PREFERE DU GRAND CHEF ETAIT AL JARREAU.

Il fit son compte-rendu à Paul Vester et à l'inspecteur Fincher.

-   Trouver immédiatement un agent qui pourrait ressembler à ce Al Jarreau,   conclut Fincher et confirmez dans une demi-heure notre accord aux           androïdes.

La nouvelle de l'arrivée d'Al Jarreau chez les Johnson fit l'effet d'une bombe.

-   Loomy, loomy, c'est dingue criait Xstar, Al jarreau viendra chanter pour    nous ce soir … ils vont confirmer l'horaire dans la soirée…

-   Tu es sûr ?

Il frissonnait de plaisir à l'idée de rencontrer son chanteur favori pendant que Tina en rajoutait une couche :

-   Al Jarreau à la maison, franchement ca valait le coup d'être pris en d'otage...       non vraiment, rien de rien, je ne regrette rien…

Elle parlait librement, pas du tout impressionnée par Xstar dont elle avait vaguement compris qu'elle ne lui était pas indifférent ….

-   Vous aussi, vous êtes de vrais gentlemen nous sommes bien traités, y'a pas à      dire, minaudait-elle devant lui alors qu'il la fixait avec l'acuité d'un serpent à         sonnettes.

-   Merci mademoiselle, répondit-il poliment. Nous tenons simplement à          maintenir notre réputation, voyez-vous !

                                                        *

Ed Norris se concentrait dans le bureau « spécial maquillage » du PSI. Son nouveau visage prenait forme petit-à petit grâce au talent des maquilleurs qui s'occupaient de lui méticuleusement. Les lentilles pour les yeux, les colorations pour les cheveux ; il devenait (presque) le sosie parfait d'Al Jarreau. Agent très spécial de la police des polices new-yorkaises, c'est lui qui avait été choisi pour s'infiltrer chez les Johnson et neutraliser les androïdes. Après le maquillage, la vérification des microémetteurs et l'installation du gilet pare-balles, tout semblait au point. Minutieusement préparé par le service de soutien technique  jaitoupourvous, premier service-après-vente de la police des polices. Stanley Fincher, visiblement inquiet, vérifiait scrupuleusement chaque détail :

-   Ed… ton micro, il fonctionne bien ? Vas-y, parle pour que l'on puisse régler     correctement le son…. Bon, ca va.        Ecoute, tu prendras Stuart et Phil avec toi,        et tu les feras passer pour le guitariste et le bassiste, c'est plus sûr…

-   Vous pensez que ca peut marcher, inspecteur ?

-   Ecoute, on te fait tous confiance mais ne tente quelque chose qu'à la seule   condition de ne pas mettre en danger la vie des otages, sinon tu laisses         tomber, d'accord ?

-   N'ayez crainte, inspecteur. Je ne prendrais aucun risque inutile.                                                        

                                                          *

A quelques kilomètres de là, de l'autre coté de Times Square, le lieutenant Ephemer et ses sbires continuaient de fomenter des plans astucieux pour arrêter les androïdes et poursuivre leur mission à Mondor. Après les informations données par les médias et les contacts de Lewis dans la police judiciaire new-yorkaise, ils avaient bien vite enregistré que je n'étais plus chez les Johnson...

-   Vu le coup de fil passé tout à l'heure, il est sûrement en route vers le QG    … Bipe-le sur son portable, G20 … 

Ephemer avait raison. J'étais en route dans un autobus interurbain où j'écoutais d'une oreille attentive la conversation entre deux passagères :

-   Vous avez vu les nouvelles à la télé ? C'est incroyable… prendre une          famille en otage pendant une émission de télévision … Vous vous rendez     compte ! On n'est plus tranquille nulle part …. Mais que font nos hommes           politiques ? De mon temps, les choses ne se seraient pas passé comme cela

-   A qui le dites-vous, Mrs Ford … on se croirait en plein Chicago pendant les         années 30. Ces pauvres enfants, vous vous rendez compte de leur frayeur ? Et        leur fille, comment s'appelle t'elle déjà ?

-   Tina.

-   Ah oui, Tina … Menacée dans sa propre maison à côté de ses parents, vous        vous rendez compte…

Je fis un bond de trois mètres sur mon siège en les entendant parler. C'était trop tard, les androïdes avaient déjà frappé. Je devais amener des renforts pour les faire libérer le plus vite possible. J'envoyais un nouveau message à Ted et pris la direction de Rockfeller Center, tour GE….

Ed et son coéquipier arrivèrent devant la maison des Johnson au volant d'une luxueuse limousine noire ébène pour accréditer leur statut de star internationale. La voiture s'immobilisa lentement devant la porte du garage. Xstar sorti en courant et les accueillit avec une ferveur non dissimulée :

-   Mr Nal Jairo, veuillez me suivre à l'intérieur. Nous avons arrangé le grand bureau juste devant le jardin rien que pour vous et vos musiciens…. vous y     serez plus à l'aise pour répéter si vous le souhaitez. Voilà, c'est au fond du    couloir … Si vous saviez à quel point nous sommes émus,  de vous rencontrer   …c'est p…

Pendant qu'Xstar s'emberlificotait dans ses politesses, EDN (alias Ed-Nal-Jairo) observait minutieusement chaque pièce, la disposition des fenêtres et tout ce qui pouvait contribuer à faire partir les otages le plus rapidement possible. Il ne savait pas qu'ils avaient été soigneusement bâillonnés et dissimulés par Xstar dans la serre du jardin. Loomy s'assurant bien qu'ils ne tentent pas de profiter de l'occasion pour tenter de s'évader. Seule Tina avait été autorisée à assister au concert. Ed réfléchit quelques instants et finit par trouver un stratagème.

-   Ca va être un peu triste pour moi ce soir, soupira t'il … un concert sans     public, c'est un peu comme dîner seul au restaurant … pas très emballant   Mr Loomy !

-   C'est vrai Mr Jairo, je n'y avait pas songé … attendez je vais arranger ca !

Pour ne pas risquer de contrarier son idole, Loomy décida de faire sortir les otages de la serre malgré l'angoisse qui le démangeait. Il faut dire qu'il était prêt à céder à tous les caprices de son chanteur favori … Celui-ci aurait même pu lui demander de décrocher la Lune s'il l'avait voulu …

-   Va chercher les otages Xstar et installe-les sur le canapé du salon.

-   Bien chef.

Les journalistes et Mme Johnson passèrent en un clin d'œil du statut d'otage à celui d'invité VIP à un concert live. « Décidément, la vie réserve bien des surprises, songeait Mme Johnson enfoncée dans le fauteuil jaune du salon ». Pendant ce temps, son mari Desmond suivait avec angoisse les journaux télévisés, la police lui ayant formellement interdit de rentrer chez lui afin de ne pas perturber l'opération délicate du PSI.

-   Voilà, Mr Jarreau, votre public est confortablement installé... je         crois que     nous pouvons commencer le concert maintenant… à moins qu'il ne vous       manque autre chose ?

-   Je ne crois pas …Mais vous savez, je n'ai pas l'habitude de chanter chez    des     particuliers… Je suis un peu déboussolé… Ah ! si…Je vous     demanderais bien          une dernière chose, juste un verre d'une boisson très sucrée genre coca ou    limonade si vous aviez … C'est le rite avant chaque concert ! Je ne déroge     jamais à la règle sinon j'ai l'impression que je vais tout rater …

-   Pas de problème… Xsssstar, courre à la cuisine …

Xstar revint très vite avec un verre de coca bien glacé.

-   Merci bien Mr Xstar, c'est parfait.

Ed sirota tranquillement son verre en parcourant du regard, une nouvelle fois, la structure de la pièce. Il cherchait à gagner du temps, imaginant le meilleur plan d'évasion selon l'évènement imprévu qui allait tout déclencher.  Tina et les deux journalistes avaient bien remarqué que ce n'était pas le vrai Al Jarreau mais se gardaient bien de le dire dans un instinct commun dicté par les circonstances ….

-   M'man, c'est un coup monté, glissa Tina discrètement dans l'oreille de  sa mère. Si si je te dis, ce n'est pas le vrai Al Jarreau. C'est un faux, j'en suis sûre. A tous les coups, c'est une tentative d'évasion, j'ai déjà vu ca dans le         dernier épisode de  freak city .. Ils vont nous préparer quelque  chose, tiens toi    sur tes gardes … 

-   Tu es sûre, répondit sa mère, devenue très pâle après les déclarations de sa          fille. Comment est-ce possible ?

-    Sur leur planète, ils n'ont jamais dû voir une photo du vrai Al Jarreau, ce qui     peut expliquer une erreur de cette taille …heureusement pour nous, d'ailleurs.

-   Hep, vous là-bas, vous arrêtez les blablas criait Loomy, sur le qui-vive.

Tina et sa mère se le tinrent pour dit et ne bronchèrent plus.

Cortex et Minix s'impatientaient. Loomy fit signe au guitariste de commencer s'ils étaient prêts. Ed se demandait toujours comment faire pour les neutraliser sans risquer la vie des otages. Il fallait trouver un moyen pour ne pas chanter tout de suite. Et gagner un maximum de temps…. Ed avait un timbre de voix tellement faux que même sa femme lui avait supprimé la radio dans la salle de bain pour ne pas l'entendre massacrer ses airs préférés…. Alors se faire passer pour Al Jarreau, c'était même pas la peine d'y penser … Ed fixait désespérément la fenêtre du salon, en proie à une agitation intérieure digne des plus grands sages tibétains, lorsque Tina, comprenant la situation, se souleva d'un bond du canapé en criant comme une forcenée :

-   Houahhhhh, j'ai trop mal criait-elle en se tordant le ventre.

 Et elle se roula par terre dans un roulé boulé acrobatique...

-   Qu'avez-vous Tina, criait Xstar interloqué.

-   Mais faites quelque chose vous au lieu de rester la, criait sa mère, vous ne   voyez pas qu'elle va mourir d'une péritonite.

-   Allons, allons, du calme madame, répondit Loomy qui venait de s'approcher       d'elle.

Ed, par contre, comprit tout de suite qu'il devait saisir cette occasion unique pour tenter le tout pour le tout. Cortex et Minnix avaient relâché la garde, il pouvait agir maintenant. Ed fit un signe discret à ses complices qui se ruèrent en une seconde sur Loomy et braquèrent leurs révolvers sur sa nuque. Ils menacèrent de le tuer si ses trois complices ne jetaient pas leurs armes. Déboussolés, Minnix, Cortex et Xstar laissèrent tomber leur fusil laser sans broncher. Ed récupéra les armes, pendant que ses hommes menottaient soigneusement les trois androïdes. C'était fini. Et sans bavure. Ed pouvait être fier de lui. Il appela la police dans son émetteur :

- Z22, j'appelle Z22, opération people réussie, je répète, opération people réussie …

A peine eut-il fini sa phrase que les agents du PSI, planqués à deux blocs de la maison des Johnson envahirent le salon en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Tout le secteur fut bouclé en un temps record dans une féerie de gyrophares,  sirènes et camions de pompiers qui klaxonnaient dans une cacophonie extraordinaire. Les androïdes furent emmenés dans un fourgon blindé spécial jusqu'au bureau de la Police Spéciale d'Investigation afin d'être interrogés le plus discrètement possible.

-   Ouf, c'est fini pour aujourd'hui. Tout va bien, Mrs Johnson s'enquit Ed ?

-   Ca va mieux merci. Tina, je n'avais pas compris ton cinéma, tu aurais pu me       prévenir avant de faire le grand jeu…

-   C'est une excellente comédienne, votre fille… elle a été au top, renchérit John      Sedman le stagiaire reporter.

Ed rejoignit rapidement les bureaux de Xnews TV et fut brillamment félicité par Paul Vester et le staff de l'équipe déjà en réunion :

-   Bravo Ed, toutes nos félicitations car ce n'était pas une opération facile. Vous     vous en êtes très bien sorti. En plus, nous avons fait un audimat assez      incroyable aujourd'hui, plus de 12 millions de téléspectateurs ont suivi nos   programmes tv, internet et radio .. Vous vous rendez compte ? On aimerait presque des prises d'otages en direct tous les mois pour remonter les         audiences défaillantes, s'exclamait Paul Vester ! On pourrait même monter     des opérations spéciales… avec vos agents ultra performants et nos moyens        de     communication, on ferait une équipe du tonnerre !

Ed se tenait immobile, appuyé contre le mur du bureau. Il ne savait pas si le discours de Vester était une boutade ou une vraie proposition en chair et en os.

-   Il faudrait plutôt interroger mon chef de section, Mr Vester. Moi, j'obéis    simplement aux ordres de ma direction.

-   Bien sur, mon vieux. Je verrais ça avec vos supérieurs…

-   Excusez-moi Mr Vester, l'interrompit Ed, mais j'ai encore un rendez-vous important donc si vous le permettez, j'aimerais        prendre congé.

-   C'est dommage… nous pensions prendre le temps de boire un verre pour   vous féliciter mais ce sera partie remise, soyez-en sûr… Nous ne voudrions       pas vous faire annuler votre rendez-vous, ricana t'il en lui lançant un clin     d'oeil…

 Ed sourit sans faire de commentaire et sortit du bureau en soufflant comme s'il venait d'être privé d'oxygène pendant plusieurs jours. Dans la rue, l'air était lourd et pesant. Les taxis fonçaient vers leurs destinations lointaines et les piétons se bousculaient pour monter dans les autobus interurbains…. Ed respirait les odeurs de la ville avec son flair de chien policier lorsque le bip de son portable résonna …. Il était 22h30.

 

                                        *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 -  Xstar et Tina Johnson

Arrêté pour la première fois de sa vie par des policiers new-yorkais, Loomy s'agitait nerveusement dans le fourgon blindé. Les menottes lui égratignaient la peau qui rougissait à vue d'œil et pourtant, il était vert de rage. Entre les feux de circulation et le flux des voitures, le fourgon blindé n'avançait pas vite. Soudain, le chauffeur du 4x4 qui était placé juste derrière eux accéléra d'un coup et les percuta de plein fouet. Deux inconnus cagoulés sortirent en trombe et explosèrent les portes avec un lance-roquette MA72LEW.  Avec la fumée épaisse qui se dégageait autour, on y voyait plus rien. En moins de deux minutes, Loomy et ses acolytes avaient assommé le dernier policier qui essayait de les neutraliser et enjambé la porte arrière, éventrée par les explosifs. Ils s'enfuirent rapidement dans les rues adjacentes. L'opération avait été d'une rapidité redoutable, personne n'avait rien pu faire.

-   Loomy, c'est trop génial… on les a eus !

-   Avance Xstar  et ne te réjouis pas trop vite, on est pas encore sortis d'affaire.

Xstar ruminait en marchant ou marchait en ruminant, il ne savait plus très bien dans quel sens il devait prendre les choses. Il  croyait que sa tête allait exploser. Ca devenait complètement dingue, comme une lourdeur permanente qui l'empêchait de vivre. Leur mission lui semblait peu à peu si dérisoire. Il décida de se confier à son chef bien que le moment ne fut pas le mieux choisi.

-   Capitaine, capitaine…vous ne pensez pas que nous devrions retourner chez         les Johnson ? Personne ne penserait que nous aurions l'audace de retourner        là-bas et ce serait une bonne planque pour un ou deux jours…

-  Toi, tu as une petite idée derrière la tête. Avoue Xstar …

-   C'est vrai Chef... décidément  je ne peux jamais rien vous cacher …. Vous lisez dans mes pensées comme toujours …. Et puis, c'est trop bête, je ne sais      pas comment vous le dire sans avoir l'air d'un idiot triplé d'un crétin       reconstitué…… 

-   Tu sais, le ridicule ne tue pas encore sauf sur la planète Terre comme tu peux       le voir … et puis dis-toi que si c'était notre dernière heure, tu t'en voudrais de      ne pas m'avoir tout dit ….

Xstar réfléchissait.

-   Voilà chef, je souhaiterais revenir chez les Johnson en fait … u…uniquement       pour revoir T…Tina, la sœur de Ben Johnson  …..

-   Quuuoi ? Ne me dis pas que tu es amoureux de Tina Johnson ?

-   Je crois bien que si, chef. Je ne sais pas ce qui m'arrive … je pense à elle tout       le temps et rien que l'idée de quitter New-York sans l'avoir revue, ca me       rend fou !!

Loomy s'était arrêté de marcher. Il avait collé son dos contre un panneau publicitaire pour reprendre son souffle. Son sergent amoureux d'une terrienne. Il essayait d'évaluer la situation le mieux possible ! Déjà qu'il était plutôt d'un naturel coléreux,  Xstar risquait en plus de faire échouer leur mission s'il disait un mot de travers. Il fallait surtout ne pas le contrarier et le caresser dans le sens du poil.

-   Ecoute Xstar, je voudrais bien te faire plaisir mais j'ai peur, en          t'emmenant là-bas que tu sois déçu…Tu sais, Tina a peut-être déjà un petit   ami ?

-   Quoi, un petit ami ? Heeinn ? Vous rigolez, chef !!

Xstar était devenu livide. « Ce n'est pas possible,  elle avait des yeux tellement brillants lorsqu'elle me      regardait… je suis convaincu qu'elle m'aime aussi et qu'elle n'ose pas l'avouer à ses parents ! »

-   C'est sûrement à cause de ton physique de play-boy ?

-   Vous plaisantez chef ou vous trouvez vraiment que j'ai un physique de play-       boy, minauda Xstar en rougissant de plaisir.

-   T'es pas mal dans ton genre, c'est sûr ! Si j'étais une américaine, j'aurais sans     doute déjà craqué pour toi !

Loomy avait de plus en plus de mal à cacher son fou rire en voyant qu'Xstar prenait tout au premier degré ! Il se demandait comment ce guerrier féroce dont toute la colonie des Mormons redoutait au plus haut point les attaques pouvait avoir changé à ce point. C'était un vrai mystère. Ayant peur qu'il ne fasse une grosse bêtise avant leur retour à Mondor, il accepta finalement de retourner chez les Johnson.

-   Bon, c'est d'accord  Xstar, on ira chez les Johnson… mais regarde bien le plan pour qu'on ne perde pas de temps….Où sommes-nous maintenant ?

-   Ici, chef… et la maison de Tina est là, dans le Queens, au coin de National Street et de la 41ème …métro 103rd Street pour être précis.

Il lui indiquait un point noir sur la carte.

-   Je crois qu'il serait plus prudent d'attendre minuit et de bien s'assurer que la       maison n'est pas surveillée par la police.     Et en attendant, tu pourrais biper    Cortex et Minnix pour leur donner notre position….

-   Bien sûr chef, s'exclamât Xstar tout joyeux à l'idée de revoir sa belle. Tenez,       à gauche devant nous, on dirait qu'il y a un parc, nous pourrions nous       planquer là une petite heure.

-   Ok, on y va vieux frère.

                                                        *

Ted et Rockett au téléphone…

-   Quoi, vous n'avez rien pu faire ? Et cette Pétra vous a encore semé ?          Décidément, c'est pas notre jour… j'ai une autre mauvais nouvelle …

-   On vous entends mal, chef …

-   … ca va mieux là ?  Y'avait un problème de réseau … figurez-vous que les          androïdes se sont échappés, je viens juste d'être mis au courant … une         voiture qui a fait sauter le fourgon blindé… il y a déjà au moins deux        heures maintenant … Walgren m'a dit aussi qu'ils ont découvert      une navette          spatiale à    l'aéroport de la Guardia, dans le Queens…à tous les coups, elle         est à eux…il faut leur tendre un piège avant qu'ils ne repartent sur Mondor …

-   On vous rejoins là-bas, patron ?

-   Oui… vous prenez un taxi et vous filez tout de suite sur place, je vous rejoins      avec Dylan !

-   Vous l'avez enfin récupéré ?

-   Ca y est Rockett, on tient Dylan. C'est déjà un bon début !

-   Bien chef, on y va …

 

                                                        *

Vers minuit, Xstar et Loomy arrivèrent devant le domicile des Johnson. La rue était paisible. Pas de voitures de  policiers à l'horizon. Le PSI n'avait pas jugé bon de poursuivre une surveillance supplémentaire devant leur maison, du moins en apparence.

-   Chef, il y a de la lumière au premier, elle doit être dans sa chambre. Si         j'escalade la maison, j'entre par la petite fenêtre, et hop ! Ni ni vu ni connu….          Par contre, si ca se passe mal, tant pis pour moi, je pourrirais dans une prison           américaine tout le restant de mes jours …..

-   Ne t'en fais pas  Xstar, tout va bien se passer…

Xstar était arrivé devant la grille d'entrée de la maison. Il mis hors d'état de nuire le digicode et scia avec sa lime électrique les derniers barreaux qui le gênaient pour s'infiltrer à l'intérieur du jardin. Personne ne l'avait repéré. Le silence était royal en comparaison de l'agitation des heures précédentes. Il se dirigea derrière la maison pour escalader la façade en toute tranquillité. Il se demandait même ou pouvait être Ben et sa mère à cette heure tardive. Il commença l'escalade en s'agrippant aux aspérités des pierres apparentes et finit par arriver devant la petite fenêtre du 1er étage. Son cœur battait à tout rompre. Il transpirait à grosses gouttes lorsqu'il entendit une petite musique à l'intérieur de la chambre. Il se haussa sur la pointe des pieds et découvrit la silhouette longiligne de sa bien-aimée. Elle venait de s'asseoir devant un petit bureau blanc qui était disposé près de son lit. Elle écrivait une lettre. Ne sachant pas comment entrer par la fenêtre sans lui faire peur, il restât pétrifié comme un gosse qui veut commettre une grosse bêtise…. Tout-à-coup, un morceau de bois qui était resté collé sous sa chaussure se mit à craquer …Tina sursauta en entendant le bruit. Elle s'approcha de la fenêtre. Et poussa un cri strident en le voyant perché sur le rebord.

-   Mon dieu, Xstar, mais que fais-tu là ?

-   N'aies pas peur Tina, je ne te veux pas de mal ….

-   Vite, entre avant que la patrouille de police ne te repère …..

Il escalada le rebord de la fenêtre et sauta sur le sol de la chambre.

-   Alors vous vous êtes échappés murmura Tina, comment est-ce possible ?

-   C'est une longue histoire Tina … je ne sais pas par quoi commencer…. en plus, je n'ai pas beaucoup de temps. Je voudrais être plus raisonnable, plus          responsable…p… pour pouvoir affirmer de telles choses qui auront des          conséquences plus tard m….

-   Mais qu'est-ce-que me racontes, Xstar ?

-   Depuis que je t'ai vue, Tina, tu sais … j'ai beaucoup changé … je n'ai plus          vraiment la tête au travail … les promotions et l'avancement tout m'est égal,           j'ai même failli plusieurs fois mettre en danger la vie de mes collègues … Tu        vois, je ne suis plus le même p…parce je pense à toi jour et nuit ou nuit et     jour si tu     préfères …. Il l'observait en douce ses réactions.

-   « Tout me semble dérisoire et je crois que je pourrai mourir si je savais que je      ne dois plus jamais te revoir… je crois que je suis dans un état proche de           l'Ohaïo….ou de Mondor si tu préfères … enfin tellement désespéré par        cette situation et …. tellement heureux de te voir, là maintenant,…  si proche de      moi en chair et en os. Tu es si belle, si vivante, s ….

Mais il ne put finir sa phrase et s'effondra sur la moquette de la chambre. Tina était interloquée. Muette de stupeur devant l'audace de ce soldat venu de nulle part. Après quelques minutes dans les vapes (veuillez excuser l'auteur pour l'interruption momentanée de l'action mais Xstar va bientôt se reprendre), il réussit à se relever et la regardât comme un comédien dans le creux de la vague.

-   En venant ici ce soir Tina, je voulais seulement que tu connaisses le secret de      mon cœur, le secret des sentiments que j'ai pour toi. Là tu vois en te parlant,          mon cœur mécanique bat tellement fort que j'ai l'impression que toute la     maison l'entend.  Mon cœur n'est pas comme le tien, il n'est pas fait de chair     et de sang, il est mécanique car je suis un robot, un vulgaire androïde fabriqué      pour tuer … enfin, en principe … parce que souvent, j'ai eu des remords… des regrets… souvent j'ai dépassé les limites aisément largement… je regrette     d'avoir accepté          tous ces ordres barbares… pour un oui pour un non, sans   savoir… Tu sais, tous        mes collègues androïdes prennent des psychotropes   pour se sentir plus forts, être bien dans leur tôle… ils n'en peuvent plus de       tuer à tour de bras mais.. Oh ! Je vois que tu pleures aussi, je suis      impardonnable… je voulais te parler d'amour et voilà que je te fais pleurer, malheur à moi …

-   Xsar, ça me touche beaucoup ce que tu viens te dire… Une déclaration, ca n'est jamais facile, surtout lorsqu'on vient d'une autre planète. Tu vois, j'ai    connu un tas de gars qui me racontaient des trucs insensés pour m'épater ou         m'attirer dans leur niche, mais toi tu es si différent, si sensible………

Elle était tour à tour attendrie, ébahie et méfiante.

-  Mais quand même franchement, ton histoire d'androïde, reconnais que c'est        un peu fort de café, comment pourrais-je te croire ?

- Oh Tina, je t'en prie …il faut que tu me croies. Je dois repartir ce soir à        Mondor, sur ma planète. Je n'habite pas à New-York. Comment pourrais-je te      convaincre ? Ou te donner de simples preuves ?

Tina était une fille curieuse et intrépide. Elle pensait déjà à la tête de son frère lorsqu'elle lui dirait qu'elle avait visité un vrai vaisseau spatial avec des hommes venus de l'espace…

-   Je crois que j'ai trouvé une solution, Xstar. Si tu m'emmenais à l'endroit    précis ou    vous avez posé votre vaisseau spatial,  alors peut-être que je       croirais à    ton histoire !

-   Mais oui, bien sûr… je vais t'emmener là-bas où tout est beau et tout est    sauvage, un vrai continent sans nuage…

-   Tiens, ca me rappelle une chanson, répliqua Tina mais j'ai encore oublié le           nom de l'interprète … c'est pas possible j'ai la mémoire qui flanche         complètement en ce moment !!

Après deux minutes de réflexion, elle continua sans faillir.

-   Bon, tu me conduis à ton vaisseau et on fait le point sur  place.          Par contre, Ben et ma mère ne vont pas tarder à rentrer …         et ca va être difficile de partir          quand ils seront là… Ecoute ! Tant pis, on a qu'à y aller tout de suite …

-   Génial ! En tout cas Tina, prends un pull et ton portable au cas où je voudrais     te     kidnapper….

-  Très drôle Xstar ! Vraiment très drôle !

Elle enfila un blouson, prit quand même son portable au cas où, quelques dollars froissés et sortit discrètement. Xstar dans ses talons. Loomy n'en croyait pas ses yeux lorsqu'il vit deux silhouettes arriver vers lui dans la nuit noire.

-   Regarde Tina,  c'est mon chef qui est là!

Loomy avait décidé une fois de plus de jouer le jeu sans rien laisser paraître de sa colère.

-   Chef, chef, je sais que ça n'était pas prévu mais Tina souhaiterait voir notre         vaisseau spatial… alors comme nous devons repartir…j…je lui ai     proposé      d'y aller tout de suite…

Loomy était raide comme un piquet. Il faillit sortir son arme pour les abattre tous les deux comme des chiens. Une dernière seconde de lucidité le sauva d'une bavure conséquente. Décidément cette ville de New-York ne leur valait rien de bon. Rien ne marchait depuis le début…

Il esquissa un mauvais sourire rageur avant de répondre.

-   Bon, alors faites vite, on a déjà du retard sur l'horaire qui était prévu.       

Ils partirent tous les trois éclairés par la lune qui ne ménageait pas ses efforts pour guider leur route. Sous la grisaille apparente, Xstar trouvait que c'était la plus belle soirée du monde. Il était d'une humeur si gaie qu'il se serait presque mis à danser de joie. Il fredonnait dans sa tête des mélodies américaines :

-   Que fredonnes-tu Xstar lui demanda Tina ?

-   I'm singing in the rain, tu ne connais-pas cette chanson ?

-   Si, bien sûr je la connais. C'est une chanson inspirée par une comédie         musicale. Mais comment connais-tu ce film ? Vous aimez le cinéma à          Mondor ?

-   Bien suuuûr mentit Xstar.

Et, soudain, il se mit à chanter avec sa grosse voix caverneuse :

 I'm singing in the rrrrain, just singing in the rrrain

What a glorious feeling and I'm happy agaaaain

I'm laughing at clouds, so darkkk, up above

The sun's in my heart and I'm ready for loooooooove

Loomy qui marchait devant eux,  se retourna d'un bond et fonça sur lui :

-   Bon sang, mais tu vas la fermer Xstar, on va se faire repérer par tous les flics      du     quartier … Mais t'es dingue ou quoi ???

Il le tenait fermement par le colback et lui asséna un crochet dans le menton.

Tina eut bien du mal à l'empêcher de le dézinguer sur place pour de bon.

-   Je sais pas ce qui me retient de te buter … Tina, vous qui avez de       l'influence sur cette créature, veillez à ce qu'il arrête son chant des sirènes sinon je ne sais pas ce que je suis capable de faire…

Loomy n'en pouvait plus. Il voulait le tuer. Quant à Tina, elle était vraiment effrayée par la violence de Loomy. Elle tremblait de tous ses membres.

-   Tu n'as pas trop mal Xstar ? Xstar, réponds !

-   N..non ça peux aller dit-il doucement en se relevant. Mais quand même, il va        un peu loin, mon capitaine …

-   Dépêchez vous les tourtereaux, on est pas en voyages de noces, hurla Loomy.

-   Tu vois comment il te parle, murmura Tina … il te prend pour un demeuré,         c'est pas possible.

-  Tu as raison Tina, il m'a toujours pris pour un demeuré. Depuis mon plus           jeune âge, il me traite comme un débile, comme un raté. Si tu savais ce que   j'en ai bavé à Mondor, tu ne le croirais pas….

Pendant ce temps, Loomy prenait de l'avance. Il avançait à grand pas en se demandant comme cette fille avait pu démolir à ce point le cerveau de son meilleur sergent.

« Heureusement que le ridicule ne tue pas, il n'aurait pas fait de vieux os, «  ruminait-il.

Enfin, ils arrivèrent à la jonction d'un carrefour très animé.

-   Sergent Xstar, cria Loomy devons-nous prendre la grande avenue ou          bifurquer    à droite ?

-   A droite, chef. On prend la 34th avenue jusqu'au bout et après, on récupèrera     l'Astoria Bld.

- Quelle mémoire, renchérit Tina ! Moi, j'ai un sens de l'orientation       complètement nul. Je peux me perdre en deux secondes dans un endroit que je     ne connais pas.

-   C'est vrai que je ne suis pas mauvais, se gaussait Xstar !

-   Ou alors tu es déjà venu à New-York dans une vie antérieure !

-   Comment ça, dans une vie antérieure, s'exclama Xstar ?

-   Ben oui, continuait Tina sans faiblir. Tu ne crois pas à la réincarnation ? Moi      j'y crois à donf ! Je pense que nous sommes réincarnés autant de fois qu'il   faut jusqu'à atteindre un stade ultime qui nous ouvre les portes de la sagesse.   La vie sur Terre n'est qu'une étape ou bien si tu veux, une expérience pour         voir ce que tu vas faire en bien ou en mal ….

-   Ah bon, répondit Xstar, mal à l'aise en pensant à toutes les créatures de    l'espace qu'il avait déjà  refroidies … tu crois vraiment que nous sommes          testés en permanence ?

-   J'en suis sûre, Xstar répondit-elle sur un ton qu'il ne valait mieux ne pas   contrarié.

-   On est arrivés, s'exclamait Loomy devant eux ! Ca y est, enfin chez nous …Cortex, Minnix  vous êtes là ??

La soucoupe était stationnée entre deux arbres que seuls quelques étourneaux s'étaient aventurés à survoler. Le parc de Flushing Meadows était très calme à cette heure-ci. Loomy l'avait d'ailleurs judicieusement bien choisi. Il arrivât devant l'entrée de la navette :

-   Hé les droïdes ? On est la ! Cortex, eh oh ! Qu'..

-   Loomy ! Notre valeureux capitaine, nous commencions à nous inquiéter,   s'exclamât Cortex ..

-   Je n'ai pas eu le temps de vous le dire mais nous avons de la visite…

Loomy entendait les voix de Tina et Xstar qui approchaient.

-   Entrez Tina, entrez, cria Loomy. Nous allons vous faire visiter la navette.

-   M…Merci Mr Loomy répondit-elle timidement.. c'est très gentil de votre   part car je pense que vous avez beaucoup de choses à faire et je ne voudrais pas vous retenir trop longtemps…

-   Ne vous inquiétez pas, la visite sera rapide car la navette est si petite que nous     sommes déjà de trop à cinq ! « Xstar, occupe-toi d' elle. Emmène-la dans la        cabine de pilotage et après, nous prendrons un       verre avant de repartir, ok ??

-   D'accord chef ! Viens Tina, je vais te montrer la cabine de pilotage.

-   Alors, vraiment Xstar tu es un homme de l'espace ? C'est dingue de penser         que l'on peut vivre sur une autre planète …

-   Comment dis-tu ? Ding', ca veut dire quoi ding' ?

-   Dingue, ca veut dire… c'est incroyable, c'est merveilleux, c'est         extraordinaire ...

-   Ah bon, c'est ding'…toi aussi tu es ding, répéta t'il tendrement.

-   Par contre, il y a aussi une autre signification... Si tu dis à une personne     qu'elle est dingue, ça veut pas dire la même chose, ca veut dire qu'elle est un          peu folle, c'est pas pareil ..

-   Oh non, toi tu n'es pas folle, toi tu es simplement l..

Mais une voix tonitruante les interrompit brusquement.

-   Xstar, Tina, c'est un peu long… que faites-vous, s'énervait Loomy ? Nous         vous attendons au bar !

-   On arrive chef !!

Loomy avait préparé les verres et quelques crackers (on ne vous dira pas la marque mais si vous insistez, vous pouvez contacter nos annonceurs).

-   Camarades androïdes, fiers guerriers de Santhor, je pense qu'il est     temps de     vous féliciter pour votre courage et la réussite de cette difficile mission,          peut être la plus délicate pour certains d'entre vous... je bois à la         santé de tous les américains et bien sûr je porte un toast à notre invitée, la charmante Tina     Johnson …..Messieurs à la vôtre,  conclut Loomy en avalant son verre d'un          coup.

-   A la vôtre aussi, répondit Tina, visiblement émue.

 Elle faillit s'étrangler en buvant son verre.

-   Ouaps, c'est très fort comme alcool… c'est à base de quoi ?

-   C'est du kari, l'alcool préféré de Santhor. Il n'en donne qu'à ses meilleurs commandos et encore pas dans toutes les missions, faut pas rêver ! Nous le         fabriquons sur     place, dans les caves du château.  Là, j'ai rajouté        exceptionnellement un peu     de sirop de menthe et de la limonade pour      composer ce cocktail … mais nous avons aussi un rhum made in Mondor qui         est un vrai délice et que nous ajoutons d'habitude dans la composition de     tous nos cocktails … rhum,         sirop de menthe et quelques plantes secrètes de     Mondor mixées pour l'occasion … un vrai régal !

-   C'est spécial, s'étranglait encore Tina. Pas trop mauvais, mais un peu dingue      comme goût !

-  Ouais c'est dingue, répétait Xstar, déjà dans les vapes !

-   Alors mademoiselle Tina continua Loomy, que pensez-vous de notre petite          soucoupe ?

-   C'est incroyable que vous puissiez vous déplacer dans un si petit espace.   J'avoue que je suis vraiment ébahie et je crois même que je vais observer   votre décollage pour voir à quelle vitesse vous pouvez aller..

-   Si vous voulez. Il est vrai que nous n'allons pas tarder à partir. Cortex,      Minnix préparez la mise en route dans cinq minutes, allez au boulot …La fête         est finie, on rentre à la maison. Bon Xstar, je te laisse faire tes adieux. Va     dehors, mon vieux, allez bouge-toi !

Xstar paraissait encore plus timide qu'une religieuse intérimaire devant un institut de beauté. Ils sortirent de la navette et s'avancèrent dans le chemin étroit bordé par des chênes centenaires. L'air était lourd et orageux comme si le ciel chargé voulait électriser tous les new-yorkais de la ville. Xstar était pétrifié. Liquifié. Encore plus perturbé que s'il avait combattu Chuck Norris dans les montagnes rocheuses. Enfin comment dire, amoureux …..

-   Tina, tu sais, je voul……..

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase car, toujours sur le qui-vive, il venait d'entendre un craquement dans les feuillages. Comme si quelqu'un se faufilait doucement dans l'herbe. Il se retourna d'un bond mais n'aperçut personne.

-   Laisse tombe Xstar, ce doit être un chat errant. Il ne faut pas te mettre dans        cet     état-là répliqua Tina.

Soudain, un deuxième craquement se fit entendre sur leur droite.

-   Hep ! Qui va là ? Sortez ou je vous tire dessus, criait maintenant Xstar.

Mais avant même qu'il ne réalise ce qui lui arrivait, Ephemer et G20 l'avaient déjà ceinturé et plaqué au sol. Tina voulut s'échapper elle-aussi mais trébuchant contre une pierre, elle fut rattrapée par Rockett et bâillonnée à son tour.

-   G20, vas-y maintenant ! Viiiite ! Lance les boules puantes dans la soucoupe        et surtout n'oublie pas de fermer les portes (j'ai pas envie que tu nous         refasses le coup de la mission B512 en Bosnie-Herzégovine).

Les boules puantes X23 (contrairement aux X22 qui ne contiennent pas de gaz somnifères) dégageaient une forte odeur d'excréments. Un mélange incertain d'algues marines, de plantes médicinales asiatiques mêlées à d'incroyables odeurs ressemblant à des déjections animales. Cortex, Loomy, B546 et Minix s'endormirent sur le coup. Ted commençait à mieux respirer.

-   Dylan, regarde un peu les terreurs de l'espace. On dirait des petits agneaux.         Y'en a même un qui ronfle, écoute …

-   Lieutenant, lieutenant, criait Rockett, qu'est-ce que je fais de la fille ?

-   Amène-la par là Rockett…

Ted s'approcha de Tina qui n'avait pas encore perdu tout son sang-froid.

-   Je suppose qu'ils vous ont kidnappé vous aussi, mademoiselle ?? demanda         Ted.

-   Pas tout-à-fait répondit-elle, je suis disons… une connaissance de Mr Xstar.        Je m'appelle Tina Johnson . Nous nous sommes rencontrés le jour de la s…       mais, lâchez-moi voyons ! Je ne vais pas m'échapper ! Vous savez, ils m'ont          invité gentiment à visiter leur navette et sans aucune violence… je suis venue toute seule, de mon plein gré ….Vous savez, ils n'ont pas l'air vraiment         méchants. En réalité, ce sont de faux ados en manque de repère !

-   Des faux ados armés avec des fusils à laser, quand même !

-   Oui, je vous l'accord mais c'est seulement pour frimer. Je suis sûre qu'ils ne        s'en serviraient pas… Je pense que c'est juste pour qu'on les respecte, pour se      faire craindre… Vous n'avez rien compris lieutenant Fermer !

Ted se demandait si elle était réellement stupide ou si elle le faisait exprès.

-   Vous ne savez pas de quoi vous parlez mademoiselle. Vous n'imaginez même     pas de quoi ils sont capables. Depuis leur plus jeune âge, on leur inculque une éducation basée sur le culte du plus fort et la domination de l'autre. Santhor

    est un dictateur qui gouverne d'une main de fer son empire et ne tolère aucun       écart. Quiconque s'oppose à son autorité est très vite emprisonné et torturé. Il         a réussi à développer un régime totalitaire avec une armée d'androïdes        impitoyables qui font régner la terreur partout. Pas de pitié sur cette planète           ou les vieillards et les opposants au régime finissent dans de sombres prisons           et meurent dans l'oubli le plus total. Je ne vous souhaite pas d'aller un jour    sur Mondor, vous le regretteriez .. 

-   Et pourquoi je vous croirai, lieutenant Fermer ? Pourquoi Xstar ne serait-il         pas différent ? Peut-être que son équipe d'androïdes n'est pas celle que vous        décrivez,     s'énervait Tina ?

-   Xstar fait partie du commando 512, réputé être le plus fidèle à Santhor. Le          commando le plus sanguinaire aussi. N'oubliez pas que c'est un redoutable   assassin.

Tina pâlissait de plus en plus en découvrant la vérité. Xsar était-il vraiment ce guerrier sanguinaire même lorsqu'il chantait singing in the rain avec elle ? Un dédoublement de la personnalité ?

-   En plus, continuait Ted, nous avons appris par un de nos agents qui s'était         infiltré dans le château de Santhor qu'ils sont en train de concevoir un     nouveau psychotrope révolutionnaire d'une puissance encore inégalée à ce   jour. Je dois absolument l'empêcher de commercialiser cette drogue qui       tuerait des milliers d'innocents …Croyez-moi mademoiselle nous courons    tous un grave danger, tous autant que nous sommes … pensez- y !

Tina était blême. Le discours d'Ephemer l'avait anéanti. Elle sentit tout-à-coup une odeur de fumée et se retourna pour voir Rockett et G20 qui brûlaient la navette des androïdes pour ne pas laisser de traces. Ils les ficelèrent derrière les buissons.

-   Rockett, garde-nous en un au frais cria Ted, il nous servira de guide pour   pénétrer sur le territoire de Santhor. Quand à toi Tina, tu devrais vite rentrer       chez toi, si tu veux, G20 va te raccompagner.

-   Vous allez laisser les androïdes ici ? Mais la police va les arrêter, ils vont finir      leurs jours ne prison, à des milliers de kilomètres de chez eux … et

-   Tu sais Tina, tu aurais dû choisir l'option assistance sociale  pour être sûre          d'avoir ton diplôme, ironisait Ted ! Il faut que tu comprennes enfin que ce      sont des assassins et je n'ai pas envie qu'ils nous poursuivent jusqu'à         Mondor. D'ailleurs, je te conseille de ne pas traîner dans le coin car lorsqu'ils     seront réveillés et qu'ils verront qu'ils n'ont plus de moyen de locomotion, ils       risquent d'être un peu   coléreux … Attache-les fermement, Rockett…

-   Je fais ce que je peux, mon lieutenant.

-   Allo Walgren, j'appelle Walgren sur le canal 51, Walgren, répondez mon    vieux !

Le lieutenant Ephemer perdait patience devant la radio qui ne répondait pas. Après quelques minutes de silence, une voix caverneuse résonna dans l'émetteur :

-   Agent Walgren sur canal 51, j'écoute lieutenant Ephemer.

-   Que faisiez-vous bon dieu, Walgren ? Ca fait deux minutes que j'attends.    Rappliquez tout de suite avec la navette. Nous sommes dans le parc de         Flushing Meadows au point C12 comme prévu.

-   Très bien lieutenant, je serai là dans cinq minutes.

-   Alors Tina, reprit Ted, décide toi. Veux-tu que nous te ramenions chez toi ?

-   Non merci. Je n'ai pas vraiment confiance en vous, lieutenant Fermer.        D'ailleurs, je ne crois pas un mot de tout ce que vous m'avez raconté. C'est          sûrement des bobards pour m'influencer et m'orienter vers ce que vous       voulez que je pense. C'est pas parce que je suis jeune que je suis conne,          figurez-vous. Je connais les manipulations des agents secrets. J'en ai lu des        bouquins d'espionnage dans tous les sens et, au final, le méchant c'est jamais         celui qu'on croit. En plus, vous savez je sais reconnaitre mes erreurs et choisir toute seule ce qui est le mieux pour moi. Votre histoire de bombe, de     dictateur, je n'y crois pas. … et puis, l'histoire de Bob-Dylan-Agent de       l'espace, si c'est pas du pipeau ? Je le reçois une fois chez mes parents parce      qu'il est un peu déboussolé et voila que quelques jours plus tard, je le retrouve agent secret avec des androïdes de l'espace. Et finalement, il s'appelle plus      Bob mais Dylan Elroy ? Et vous voulez que je gobe ca ?

-   Je comprends Tina, ça peut paraître un peu fantastique m….

Entendant le discours véhément de Tina, je résolus d'intervenir sans dévoiler tous les détails secrets de notre mission.

-   Ecoute Tina, j'aimerais tellement que tu nous fasses confiance … C'est vrai         que je ne m'appelle pas Bob comme je l'ai dit à ton frère lorsque je l'ai       rencontré dans le café littéraire… J'ai beaucoup menti mais uniquement pour        vous protéger … Je ne voulais pas vous faire prendre de risque …. Crois-moi         je m'appelle Dylan Elroy et je fais parti comme le lieutenant Ephemer du S- 64,    l'agence de sécurité intérieure que dirige mon père .. si mon cousin Ted      Ephemer ne p…

-   Abrège bon sang, on doit partir Dylan, s'impatientait Ted.

-   En fait,  j'ai débarqué à New-York par erreur et mon       cousin est venu me        récupérer. Mais je ne pouvais pas vous dire la vérité, c'était       trop dangereux    pour vous et puis, vous ne m'auriez sûrement pas cru. J'aurais voulu     remercier Ben pour tout ce qu'il a fait pour moi et lui expliquer ce qui s'est        vraiment passé ! Mais c'était trop dangereux pour vous ! D'ailleurs, il ne faut     pas que tu parles de nous à ta famille ni   à personne d'autre sinon tu pourrais          avoir des problèmes … Oublie toute cette histoire et rentre chez toi, c'est le        mieux à faire !

 - T'inquiètes pas, je vais rentrer chez moi et j'essaierai de convaincre mon frère      que tu ne t'es pas complètement foutu de nous ! cria t'elle en s'éloignant de la      navette.

Pendant que Rockett et G20 s'appliquaient pour mieux ficeler les androïdes, Ted avait récupéré Xstar, désigné comme guide sur le chemin de Mondor.

-   Lieutenant, lieutenant regardez… c'est Walgren qui amorce sa descente !

La navette Kill Master n'avait plus que quelques mètres à faire avant de se poser à terre. Walgren s'était vite repéré, voyant au loin les flammes de l'autre vaisseau :

-   Vite vite, embarquez les gars…  les flics ne vont pas tarder à arriver.

Ils grimpèrent tous rapidement dans la navette et firent leurs adieux à Tina qui se demandait toujours si la navette spatiale devant ses yeux n'était pas un mirage dû aux effets secondaires hallucinogènes de son médicament contre le cholestérol.

-   Pas de regrets Tina, lui criais-je ? Tu ne veux pas venir avec nous ?

-   Ne me le dis pas deux fois Dylan, répondit-elle. Je pourrais me laisser tenter        mais tu sais bien que je ne peux pas laisser mes parents... et il y a Bob aussi,     que ferait-il sans sa petite sœur pour le chouchouter ?

-   C'est toi qui vois, Tina. Tiens je te laisse quand même mes coordonnées à   Végas,  au cas où… c'est mon numéro privé, si tu veux des nouvelles,       n'hésite pas !

-   D'accord, Dylan, dit-elle timidement en prenant le petit papier rose.

L'obscurité cachait les petites larmes qui commençaient à couler sur ses joues. Elle n'arrivât pas à contrôler l'émotion qui l'envahit brusquement en voyant la navette Kill Master s'éloigner dans les étoiles. Elle disparut à la vitesse d'un cheval au galop ne laissant que quelques poussières blanches sur son passage. Ignorant les sirènes de police et les hélicoptères qui arrivaient sur place, Tina rentra chez elle, le cœur lourd. Il était 3h00 du matin.

                                                        *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

7 – En Route vers Mondor

Pendant que Ted relisait pour la deuxième fois l'Etude sur la Psychologie des Agents initiée aux plus jeunes (Editions Spy), je ruminais lamentablement dans mon coin. Difficile de dire si ma position était franchement idéale dans ce voyage spatial où je m'était incrusté sans autorisation préalable. Brusquement, des cris aigus surgirent dans la cabine de pilotage :

-   Mais je sais bien Rockett… je n'aurais pas du m'engager à droite… je        reconnais que je me suis trompé, ca te va ?

-  Tu reconnais que tu t'es trompé ? Et tu nous dis ça le plus calmement du    monde ? Tu ne vois pas que nous sommes emberlificotés dans le        Labyrinthe de la Mort ! Tu n'es qu'un charlot, un vulgaire passeur de l'espace, tu        mériterais de brûler en enfer !

Ted était arrivé en trombe dans la cabine de pilotage :

-   Du calme les gars, du calme. « G20, penses-tu vraiment que ce soit le          Labyrinthe de la Mort »

-   Oui, sans aucun doute lieutenant. Les agents de la mission AB52n (novembre      2005) avaient déjà réussi à nous transmettre des scans de cette zone. C'est très         bien décrit dans leur rapport confidentiel. Grâce à mon frère  qui travaillait comme analyste programmeur, j'ai pu avoir accès à des photos classées top- secret. Il n'y a pas d'erreur    possible. Et puis… je peux aussi vous affirmer        que  des      roches calcaires avec ces coloris rouges et or, vous n'en trouverez     que dans     cette région c'est sûr … sans parler de la petite surprise made in     Santhor, à savoir un labyrinthe de fils électriques presque invisibles à l'œil          nu !

-   Quelle ambiance chef, renchérit Rockett légèrement sur le qui-vive.

-   Le Labyrinthe de la mort, répétait-je en frissonnant. Mais alors, vous savez ce      que cela veut dire ? Nous risquons tous d'être attaqués par des créatures   maudites ? Ou de finir en squelette après quelques années d'errance dans ces     tunnels de l'espace ou personne n'a jamais pu s'échap…..

-   Ca va Dylan, on a compris. Tu trembles, prends cet couverture et retourne te       reposer, tu as les nerfs à cran… je sais que la situation n'est        pas brillante pour         nous mais nous trouverons une solution, n'aie crainte…. On va appeler       codebook à l'agence… elle va bien dégoter une astuce pour nous sortir de     là… Walgren, bipe- là sur le canal 51 !

-   Bien, mon lieutenant.

Deux minutes plus tard, ils avaient la liaison avec New-York.

-   Ici canal 51, quelles sont les nouvelles lieutenant ?

-   D'abord ,vous pouvez annoncer à tout le monde que nous avons récupéré Dylan !

-   Enfin une bonne nouvelle, remarquât l'opérateur !!!!!!!!!! ça faisait longtemps

-   Comme vous dites  … le seul bémol c'est que nous sommes actuellement    coincés dans ce qui parait être un Labyrinthe et nous aurions besoin   d'informations sur un nouvel itinéraire à emprunter… pourriez-vous me        passer la ligne de codebook ?

-   Bien sûr lieutenant, je vous transfère tout de suite sur codebook.

L'opérateur s'exécuta et bientôt les grésillements de la ligne disparurent.

-   Allo Codebook sur canal 51, j'écoute…

-   Bonjour Isa, c'est Ephemer à l'appareil…. Ca me fait plaisir de t'entendre…       Figure-toi que nous sommes dans           une galère pas croyable...

Il baissait la voix précautionneusement.

-   Je crois que nous avons été piégés. Nous sommes embarqués dans le           Labyrinthe de la Mort qui ceinture le territoire de Santhor. Walgren n'a         apparemment pas suivi la bonne route, c'est un peu louche car ce n'est      vraiment pas son habitude de se tromper… je ne comprends pas ce qui a pu se          passer … ça m'inquiète en tout cas, j'espère qu'il ne trame pas un plan secret         avec ce fou furieux …ça ne serait pas la première fois qu'un agent américain    se vend à l'ennemi …

-   Fais attention Ted, si tel est le cas, il va encore essayer de vous piéger.        Ecoute, je vais faire une recherche dans la base de données et j'irai    ensuite consulter Jason si je ne trouve rien …

-   Merci Isa. Et fais vite, le temps nous est compté…Tu sais, j'...

Il venait de perdre sa voix.

-   J'espère qu'a mon retour de mission, nous aurons le temps de d…dîner      ensemble pour une fois si tu veux bien….

-   Pourquoi pas Ted ? En tout cas, fais bien attention à toi… j'ai envie de te   revoir murmura t'elle tendrement dans l'écouteur…

-   T'inquiète Isa, je ferais attention. A plus… 

En enlevant son oreillette, Ted se sentait léger, léger comme sur un nuage (et comme il était déjà dans la stratosphère, imaginez son état). Isa l'aimait donc peut être un peu. Qu'avait-elle dit déjà ? Fais bien attention à toi, j'ai envie de te revoir. J'ai envie de te revoir. Te revoir, envie adjectif, de quoi, de te revoir, toi Ted le plus grand lieutenant de toute la galaxie… Ted bomba le torse, se leva rapidement de son siège et fonça dans la cabine de pilotage :

-   Bon, Walgren j'ai réfléchi. Il faut que tu ralentisses ta vitesse au maximum           pour que nous puissions faire demi-tour rapidement si le besoin s'en           faisait sentir. C'est toi le pilote en chef de la navette donc à la prochaine anicroche, tu seras le seul responsable…. Codebook doit nous rappeler          d'un instant à l'autre …. En attendant G20 et Rockett, vous surveillez les ailes          latérales et au moindre signal, vous alertez Walgren… Moi je vais   prendre le   poste de garde à l'arrière avec Dylan. Je surveillerai Xstar en même     temps…Dylan, tu ouvres l'œil… tu n'es pas en stage d'intérêt général, ici c'est la real life…..

Walgren avait ralenti sa vitesse et amorçait un virage périlleux entre les roches. Si jamais nous frôlions un capteur électrique, c'en était fini pour de bon. Au bout d'un quart d'heure, il transpirait toujours à grosses gouttes. La tension était palpable sur tous les visages. G20 fixait son regard sur le hublot arrière lorsque brusquement un bruit assourdissant nous transperça les tympans :

-   Bon dieu, c'est quoi ce tohubohu, cria Ted ?

Un grand fracas s'abattit sur la tôle de la navette. Walgren perdit le contrôle de l'engin et nous fûmes projetés à l'avant en deux temps trois mouvements. Les chemises à élastique et les piles de dossiers tombaient à la renverse. G20 s'était pris une chaise sur le front pendant que je m'agrippais à la barre de la porte d'entrée. Le chaos régna au moins deux bonnes minutes dans la navette avant que Walgren puisse redresser l'appareil. Mais d'autres volatiles fonçaient encore sur nous. Et c'était pas des faux oiseaux en carton pate made in Hollywood…

-   Pas trop de casse, les gars ? demanda Ted.

-   Ca va mon lieutenant répondit G20 en se relevant difficilement.

-   Moi aussi lieutenant renchérit Rockett.

-   Bon dieu, il faut supprimer tous ces maudits oiseaux… ouvrez les hublots arrière…. Et tirez dans le tas, vite…. Vise la tête de préférence, Rockett !

-   Y'en a trop mon lieutenant, criait G20, regardez derrière vous… ils sortent de     la grotte.

-   Rockett, balance une grenade dans la grotte. Active le mouvement. Vite !

BANG !

L'explosion créa un vent de panique et dispersa les volatiles dans les grottes avoisinantes. Les roches s'effondrèrent en cascade sur les volatiles qui étaient restés coincés à l'intérieur.

-   Ouf, on a eu chaud, soupira Rockett.

-   Restez quand même sur vos gardes, renchérit Ted.

-   Lieutenant, j'ai codebook en ligne.

-   Passez-la-moi sur la une, Walgren.

Ted se dirigeât vers le bureau arrière pour prendre l'appel.

-   Allo Isa, c'est Ted ! As-tu de bonnes nouvelle pour nous ?

-   Ecoute, pas vraiment. La zone où vous vous trouvez n'est répertoriée nulle          part. Jason suggère que vous fassiez demi-tour le plus vite possible.

-   Mais le hic, c'est qu'on est déjà trop loin.. on ne peux plus faire demi-tour….      Les manœuvres seraient trop dangereuses avec tous ces fils électriques et puis      nous devons réussir notre mission coûte que coûte…

-   Et si tu utilisais ton otage ? Xstar connaît parfaitement cette galaxie si vous         êtes vraiment sur le territoire de Santhor ……..

-  Mais ooooui ! D'ailleurs, on l'a embarqué justement pour nous aider en cas de     pépin jusqu'à Mondor… Et puis c'est notre dernière chance, alors il faut la    tenter…. je vais le voir tout de suite. Décidément Isa, que ferais-je sans toi ?

-   Pas grand-chose Ted ! De toute façon, tu peux toujours compter sur moi, tu le     sais bien..

-   J'ai une confiance absolue en toi, Isa. D'ailleurs c'est bien la seule chose dont      je sois sûr dans ce monde de brutes.  Tu es toujours disponible, prévenante et        je       suis c….

Mais il s'interrompit d'un coup et coupa la communication, furieux contre lui-même de mélanger une fois de plus ses sentiments personnels et la réussite de leur mission. A peine avait-il raccroché que Dylan s'introduisit dans le bureau :

-   Excuse-moi de te déranger Ted mais je suis très inquiet. Walgren n'a pas l'air      de savoir du tout où il va. Penses-tu que nous soyons réellement en danger ?        Je voudrais faire quelque chose, cette attente me rend fou, tu sais ..

-   Rassure-toi Dylan. Justement j'ai un plan, suis-moi.

Ils partirent au sous-sol où Xstar avait été ligoté et bâillonné par G20 avec beaucoup de soin. Ted le secoua rudement, le releva et lui enleva son bâillon :

-   Hey droïde du futur, es-tu réveillé ?

-   Ca y est , vous vous êtes rappelé de mon existence, j'ai faim figurez-vous !

-   Oh ! il parle en plus, ironisa Ted ! Si tu n'es pas satisfait de ton séjour, tu n'as    qu'à te plaindre à ton syndicat, peut-être pourront-ils faire quelque chose pour          toi ! Bon, écoute une petite minute. On a quelques petits trucs à te demander          et si t'es bien gentil avec nous, tu auras à manger et peut-être même une grosse récompense.

-   Une récompense ???

-  Dylan, enlève-lui les chaînes aux pieds, s'il te plait.

-   Ah quand même ! Et les droits de l'androide, vous en avez entendu parler ?         On se croirait dans une geôle à Mondor…

-   Ca va, ca va ….Figure-toi, commença Ted, que nous sommes un peu égarés         dans l'espace … disons plutôt que nous aurions besoins d'être rassurés sur le        bon itinéraire à prendre vers le château donc … on aimerait que tu nous      indiques clairement le chemin pour y aller sans risque parce         si ça se trouve,     on est déjà dans le Labyrinthe de la mort ?

-   Comment voulez-vous que le sache ?

-   Ne fais pas l'innocent, Xstar .. je suis sûr que tu sais très bien où nous       sommes … n'oublie pas que si tu nous aides, tu auras la vie sauve et une       peine de prison réduite avec traitement de faveur pour VIA.

-  C'est quoi VIA ?

-  Very Important Androide.

-  Ah oui très drôle, le VIA ! « Mais vous savez, il va quand même falloir        trouver mieux qu'une peine de prison réduite, lieutenant de Fermer, j'ai     d'autres prétentions … » …

Ted reprit son souffle et l'attrapa d'un coup sec par le colback.

-   Tu veux vraiment te payer notre tête, Xstar de l'espace ? … Mais tu sais, on peut vite changer de ton, la démocratie c'est sans doute très bien mais trop         limité dans certains cas, ricanait Ted …. Je vais te laisser ¼    d'heure avec le     sergent G20 ici présent et on verra si tu ne retrouves pas la parole        rapidement…

Devant le visage d'Xstar un peu sonné par les paroles de Ted, G20 étala sur une table en bois des pinces et différents objets destinés à dessouder l'androïde téméraire…Xstar commençait à pâlir sérieusement. G20 ne lui laissa pas le temps de méditer davantage. Il l'abrutit de taloches pendant que Ted cherchait une dernière astuce pour le faire changer d'avis au cas où…

-   Alors vieux, ca pas l'air d'aller aujourd'hui ? On dirait que tu n'est pas     en      grande forme ? Tiens, c'est ce que je disais tout à l'heure à Tina Johnson          sur la ligne codée, je lui dis….

-   Vous avez parlé à Tina Johnson ? cria Xstar soudainement réveillé.

-   Mais oui , vieux. Pourquoi as-tu l'air si étonné ? Tu la connais peut-être… Ah     oui c'est vrai, tu la connais. Elle avait l'air en forme, plein de projets dans la       tête, faut pas que tu t'inquiètes… je crois qu'elle doit partir bientôt en       vacances dans les îles Caïman….

-   Si vous avez les coordonnées de Tina Johnson, vous pourriez me les donner ..

-   Je ne pense pas que tu sois en position de réclamer quoi que ce soit. Regarde-      toi avec tes bras dégingandés et tes chaînes aux pieds, on dirait un bagnard de         South Cayenne village. Si tu veux les coordonnées de Tina Johnson, il va       falloir que tu coopères avec nous, ce sera donnant-donnant !

-   Que voulez-vous en échange ?

-   Je te l'ai dit tout à l'heure, t'es distrait ou quoi ? Tu nous indiques le chemin       secret pour sortir de ce merdier de labyrinthe et ensuite, tu nous donnes tous les codes d'accès pour infiltrer l'enceinte du château.

-   Rien que ca !

-   Et des  informations sur le nouveau laboratoire scientifique, ca serait pas mal      non plus ! De toute façon, si tu ne veux pas moisir dans une geôle de New-   York City ou être assassiné par Santhor, tu n'as pas le choix ! Et pense à la         belle Tina qui, en fait, ne demande qu'une chose…

-   Hein, quoi ? Qu'est ce qu'elle demande ?

-  Je crois bien qu'elle voudrait te revoir mais chut… c'est encore top secret. Ecoute, si tout se passe bien et que tu coopères avec nous, tu pourrais changer        d'apparence et refaire ta vie à New-York si tu veux ! Nous pourrions protéger ton identité et te faire un prêt sur mesure pour acheter un joli       pavillon … vous auriez un petit nid douillet rien que pour vous ….et tout   le confort nécessaire pour votre installation … c'est à toi de         décider !

Ted voyait le visage d'Xstar passer du rose vif au rouge écarlate, c'était à mourir de rire.

-   Réfléchis vite à notre marché, vieux frère. Je te laisse cinq minutes, top       chrono.

Xstar n'avait pas besoin de réfléchir pour savoir qu'il ne pensait plus qu'à une chose depuis son départ de New-York, c'était revoir Tina. Il se serait damné avec tous les démons de l'enfer (très très nombreux) pour passer une heure avec elle. Que lui importait sa carrière de sergent dans l'armée de Santhor ? Seuls comptaient les yeux de Tina lorsqu'elle avait posé son regard sur lui la première fois. Il s'était senti alors tellement heureux, tellement différent. Pour la première fois de sa vie. Il appela Ted.

-   Lieutenant, ne partez pas, j'ai déjà réfléchi. Je vais vous aider à infiltrer le château de Santhor mais avant, pour être sûr que vous ne me racontez pas de         crack, vous allez me la passer au téléphone…

-   Pas de problème Xstar. Je suis bien content que tu nous aides. Tu as pris la         solution la plus raisonnable, je suis sûr que tu ne le regretteras pas. Je t'installe dans mon bureau et tu pourras appeler Tina en espérant quand même qu'elle décroche son téléphone …

-   Marché conclu, lieutenant Daibonair.

- Lieutenant Ephemer, pas Daibonair. On est pas chez les ploucks de ta          campagne, nom d'un alien. « Dylan, enlève-lui les cordes et conduis-le dans          le       bureau.

Xstar se dirigeait vers le bureau pour téléphoner. Ted fonça vers la cabine de pilotage.

-   Walgren, à partit de maintenant, tu vas suivre les instructions de notre       prisonnier, le sergent Xstar, ordonna Ted. C'est un guide très sûr qui connaît    parfaitement l'itinéraire secret qui conduit au château.

-   Très bien, lieutenant. Je suis à vos ordres.

Xstar revenait dans la cabine de pilotage, la mine désappointée.

-   Je suis tombé sur un répondeur vocal…

-   Pas de chance Xstar mais tu réessayeras dans un moment, lui proposa Ted.

-   Nom d'un alien, mais où sommes-nous ? continua Xstar,  ahuri de   découvrir   le paysage qui se déroulait devant lui. Ce n'est pas du tout la bonne route …

-   Bon sang, attention Walgren, cria Rockett, tu frôles la roche…

-   Je fais ce que je peux, répliqua t'il, le visage couvert de sueur.

-   Ecoutez, continua Xstar…. le mieux dans un premier temps serait de faire demi-tour, sinon je vois pas comment on va y arriver !  

-   Un demi-tour à 90° ou la grande roue à 180°, sergent ?

-   La grande roue évidemment, rétorqua Xstar. Allez-y sans crainte, il n'y a pas      de fils électriques pour le moment … Je connais très bien l'endroit.

Walgren effectua la manœuvre avec inquiétude.

-   Bon, après la ligne droite, il va falloir braquer. Soyez prudent, pilote Walgren,     quand je vous le dirais… là maintenant… à droite toute … non pas trop    revenez en arrière et encore à droite sur une vingtaine de mètres … oui, cette fois-ci, nous sommes dans la bonne direction …nous allons suivre la route des     roches rouges jusqu'au bout …

-   Quelle angoisse, susurrait G20 en renfort de pilotage.

-   Mais non G20, tout va bien voyons… c'est juste un p'tit parcours de santé         pour un agent secret américain ….

Walgren guidait la navette dans un mouvement très très lent. Le paysage était de plus en plus macabre et alourdissait nos angoisses secrètes.

-   Voilà, cria Xstar, on s'approche enfin … nous allons pouvoir nous engager        dans ce petit couloir sur la droite, il y a juste la place pour passer …. N'aie       pas peur,    Walgren, tu vas y arriver .. 

En moins d'une seconde et avant même que Ted aie pu faire quoi que ce soit, Walgren changea de couleur. Son visage vira du blanc pâle livide au rouge écrevisse.

-   Passe encore que vous me commandiez mais apprenez que je    n'accepterai aucun tutoiement de votre part, sergent Xstar ! Je suis chef de       patrouille ne l'oubliez pas et pas à la merci d'un blanc bec de cutéreux          de      mondorien !

-   Cutéreux de mondorien ? hurla Xstar en voulant l'attraper par le colback.

G20 courut juste à temps pour les séparer afin d'éviter une nouvelle catastrophe.

-   Reprenez vous messieurs, vous voulez nous faire tous mourir ? s'interposa          Ted.

-   Excusez-moi lieutenant ça ne se reproduira plus, je suis à cran …

-   C'est bon Walgren, on est tous à cran …

Tous les agents étaient maintenant suspendus aux lèvres d'Xstar. Mon cousin priait quand même le ciel en douce pour qu'il n'ait pas l'idée saugrenue de leur jouer un mauvais tour. Rockett et G20 étaient scotchés sur les hublots de la navette, surveillant chaque mouvement aux alentours. Quand à moi, parachuté en douce dans cette aventure, je commençais à mesurer le stress des agents secrets….

-   Dylan, Dylan, surveille l'arrière de la navette, fonce… m'ordonna Ted.

-   Bien chef.

Xstar regardait droit devant lui. Il tourna la tête brusquement.

-   Voilà pilote, vous allez continuer tout droit comme cela sur vingt mètres et          lorsque je vous le dirai, vous stopperez la navette d'un coup. Faites très      attention, ce doit être    une manœuvre très précise et très rapide … Allez-y           avancez un peu… Encore cinq mètres, ordonna Xstar. Attention maintenant,      STOPPEZ !!

-   Stopper, avancer, comme si c'était facile de manœuvrer un engin pareil       grimaçait Walgren entre ses dents…

-   Lieutenant, reprit Xstar, passez moi un révolter à laser c'est pour la bonne          cause, n'ayez pas peur …

-   Tiens, prends-le droïde mais n'oublie pas que si tu fais une connerie, G20 et        walker te transperceront la cervelle en deux temps trois mouvements avant          même que tu aies eu le temps de me dégommer...

La navette s'immobilisa brusquement. D'un mouvement rapide, Xstar ouvrit le hublot de droite et visa ce qui semblait être la tête d'un dragon dessiné dans la roche. Il tira un coup. Le rayon vert du laser déclenchât un bip électronique qui débloqua comme par magie l'ouverture d'une porte secrète incrustée dans la roche.

-   Regarde G20,criai-je. Une porte secrète en acier, c'est incroyable !

La couverture était parfaite. L'entrée du territoire de Santhor parfaitement dissimulée. Tout l'équipage avait les yeux tétanisés sur cette barrière invisible comme si le père Noël et son traîneau allait sortir du tunnel en chantant jingle bell.

-   Vite Walgren, manœuvre la navette doucement et engage-toi dans la grotte,          ordonna Ted.

Walgren obtempéra et la navette s'engouffra dans le profondeurs obscures de la roche. Le tunnel était large et facile d'accès. L'intérieur d'une beauté incomparable avec des parois scintillantes de minerais inconnus.

-   C'est une vraie caverne d'Ali baba, criai-je complètement médusé. Si ca se trouve, on va découvrir un trésor caché, enfoui     par un prince inconnu depuis          de nombreuses années …

-   Ou carrément le trésor de Santhor, renchérit G20, éparpillé dans les profondeurs d'une grotte souterraine….

-   Bravo Xstar le félicita Ted. Tu t'es bien débrouillé.

-   Ne criez pas victoire trop vite, lieutenant Farmer. Le plus dur reste à faire.          Voyez-vous, au bout de ce tunnel, se trouve une porte d'acier qui ne s'ouvre    que grâce à un code. Une fois franchie cette porte, alors seulement vous     serez sur le territoire de Santhor et le plus dur restera à faire…. Avec plu-         sieurs souterrains s'engageant vers les différentes ailes du château. Non,   vraiment, le plus dur est devant vous, croyez-moi lieutenant ….

-   Avec ton aide, nous devrions y arriver vieux frère, rétorqua Ted !

-   Maintenant lieutenant,  je voudrais réessayer de téléphoner à Tina, s'exclamât     Xstar…N'oubliez pas que je ne l'ai pas encore eue au téléphone !

-   Très bien, installe-toi dans mon bureau ….mais fais vite quand même.. je ne         tiens pas à rester ici longtemps, nous sommes en territoire inconnu …

-   Vous en faites pas lieutenant, je connais les endroits précis où sont planqués      les caméras cachées.  Ici, on ne risque rien pour le moment …..et pour les       patrouilles, elles ne viennent que très rarement par ici, enfin en principe …

Cinq minutes après avoir contacté Tina au téléphone, Xstar  les rejoignit dans la cabine de pilotage, la mine réjouie et épanouie comme celle d'un enfant de dix ans.

-   Alors lieutenant, comment comptez-vous vous y prendre maintenant ?

-   Il faudrait que l'on mémorise tous les lieux stratégiques du château. Pourrais-      tu nous dessiner un plan pour que nous y voyions plus clair ?

-   Sans problème, lieutenant Farmer. Je vais vous faire ça.

-   Fais attention Xstar, si tu nous doubles, tu peux dire adieu à ta belle. Sois sûr     que je m'arrangerais pour qu'elle sache qui tu es et ce que tu nous as fait... 

-   N'ayez pas peur lieutenant, je ne vous doublerais pas. Et pi, vous resterez dans la navette pour me surveiller...

-   Pas du tout. Tu resteras ici avec Walgren. T'inquiètes que si tu bouges, il te         fera ta fête avant que l'on ne revienne…

-   Je ne m'inquiète jamais outre mesure, lieutenant Fermer. C'est plutôt à vous        de      vous inquiéter. Vous ne savez pas à qui vous avez affaire. Vous devriez ne    pas prendre les choses à la légère. Et bien mémoriser les codes que je vais      vous donner. C'est pour vous une question de vie ou de mort !

-   C'est gentil de me prévenir Rockstar mais ne te fais pas de bile inutile et     surtout ne nous sous-estime pas ! Allez, explique plutôt ton affaire…

-   Bien, lieutenant ! Regardez attentivement sur ce plan ! J'ai dessiné en rouge le      tunnel par lequel nous sommes arrivés tout à l'heure… A l'extrémité, tout-à-         fait à gauche plus exactement se trouve encore une porte d'acier qui       ouvre l'accès sur une petite place d'où partent trois tunnels bien distincts. Le      tunnel de    gauche part directement vers les différentes usines et laboratoires      mais il est infesté de patrouilles… le tunnel de droite conduit aux          appartements privés de Santhor et le tunnel central mène aux cuisines du     château. C'est celui que vous devrez prendre. Le code est MARGO56. Ce qu'il faut     mémoriser, c'est que presque tous les codes du château sont en          relation avec des noms de vins français. Santhor en est fou. Il fait des   expériences scientifiques pour les    égaler pour y'a encore du boulot, ricanait          Xstar !

-   Bon, après, on fait quoi pour éviter d'être repérés ?

-   …. Une fois que vous aurez franchi la porte, vous allez vous retrouver        dans une grande cave où sont entreposés les meilleurs crûs du château et des          tonnes de kari. Au fond de la cave se trouve les vestiaires des ouvriers. C'est           là que vous devrez piquer des vêtements pour passer incognito. Ensuite avec          vos nouveaux vêtements, vous pourrez facilement vous infiltrer dans les    cuisines. Par contre, je n'ai aucune info précise sur la           localisation des    bureaux où a été conçu le psychotrope. Tout ce que je sais c'est que      plusieurs     ingénieurs et scientifiques ont travaillé sur ce projet jour et nuit sans discontinuer. Il n' y a     que la garde rapprochée de Santhor qui connaît les          codes, il faudra que vous improvisiez ou que vous soyez sûrs de votre plan à    vous …

-   Penses-tu qu'ils ont fabriqué un nouveau       psychotrope réellement          révolutionnaire ? l'interrogea Ted.

-   Je pense que oui. D'après les rumeurs qui circulent, il serait tout-à-fait        stupéfiant, si je peux dire, et pas du tout dans l'esprit de ce qui a été fait             auparavant. Ah, encore une chose… il faut que vous sachiez que les    laboratoires d'expérimentation sont dans le bâtiment D.      Regardez bien      sur le plan, ils sont exactement ici.

- C'est dans le tunnel gauche par rapport à l'endroit où nous sommes   actuellement ? demanda G20.

-   Effectivement. Vous pourrez y accéder soit en repiquant par les caves soit par    les cuisines en empruntant la passerelle … vous pourrez toujours vous faire   passer pour des livreurs de pizzas … les ingénieurs sont à cran et n'ont pas le      temps de partir déjeuner ….ils se font livrer des plateaux repas, ce sera un bon prétexte pour vous.

-   Et de l'autre côté, derrière la tour, quel est ce bâtiment sphérique ?

-   J'oubliais. C'est la prison de Mondor. Enfin pas une prison comme chez vous,    plutôt des geôles puantes d'humidité où il laisse croupir tous les opposants à        son régime  et tous les vieux de la capitale qui ne peuvent plus travailler …Ce        n'est pas beau à voir, y'en a qui sont dans un drôle d'état surtout les femmes,    vous verriez ca ! Sans parler des expériences scientifiques qu'ils font sur les        personnes …

-   Grr, on va éviter de finir par là-bas répliqua Rockett en frissonnant. Je suis          encore trop jeune pour mourir en prison.

-   Ne t'inquiètes pas Rockett, on ne finira pas en prison. Nous sommes le      meilleur commando du S-64, ne l'oublie pas …

-   Oui lieutenant, vous avez raison… nous sommes les meilleurs !

-   Ah j'oubliais continua Xstar… il faut que vous reconnaissiez les mondoriens       au premier coup d'œil .. les ingénieurs sont toujours habillés en blanc, les      professeurs et scientifiques de haut niveau en jaune. Quant aux ouvriers,     agents de maintenance et autres, vous les reconnaitrez bien vite, ils ont des     badges sur leurs blouses grises obligatoires et en plus des têtes d'abrutis      comme on n'en voit plus. Quant à nous, les droides, on a pas à se plaindre, on     a un salaire fixe avec des primes si on dépasse un certain quota…plus on       accélère le nombre de meurtres, plus on est payés… c'est super cool ? Et le 13ème mois qui      tombe à coup sûr …Ca peut monter pas mal avec les primes   de      fin d'année, c'est bon pour les cadeaux de Noel ! Et oui… ne hochez       pas    la tête… nous aussi on a des enfants à nourrir et des crédits sur le dos …

Il recomptait dans sa tête le total de ses primes 2011.

-   Et pi, nourri et logé … c'est une bonne planque chez Santhor quand on est pas    trop sensible … par contre faut pas rigoler, il demande des         résultats et une    obéissance sans faille. Celui qui veut faire le mariole, il va vite déchanter      ... Tous les androïdes logent avec les autres soldats dans le        grand          bâtiment     derrière la prison. Au moindre signal d'alarme, ils rappliquent        par équipe de six et là, je ne vous conseille pas de tomber sur eux, ce ne sont     pas    vraiment des rigolos nés de la dernière pluie ….

-   Bon, on essaiera de les éviter..Dylan, G20, je vous donne 10 minutes pour vous préparer. Pas une de plus. Surtout réglez vos montres tout de suite sur la    mienne. Au top chrono, il sera 12h30 et 32 secondes. Ca va pour vous ?

-   Oui lieutenant, répondirent en chœur Dylan et G20.

-   Roooockett….emmène le prisonnier dans la soute cria Ted. Balance-lui un p'tit somnifère et ficelle-le bien jusqu'à notre retour. Désolé Xstar, mais je      n'ai pas envie de prendre de risques. C'est vrai que tu as été coopératif avec          nous mais je préfère te savoir immobilisé encore un bout de temps…

-   Je m'en doutais. Encore des mots…toujours des mots…les mêmes mots     murmura Xstar pendant que G20 le poussait vers la soute.

-   ….des mots faciles, des mots fragiles fredonna Rockett qui connaissait très          bien la chanson de Dalida.

-   Le karaoké en mission, c'est un peu passé de mode les cingla Ted      passablement agacé ….  Soyez  un      peu sérieux les gars, c'est pas possible..   Quant à toi Rockett,  n'oublie pas que nous sommes sur la sellette dans le    classement des meilleurs agences, alors encore un faux pas et je te sucre ton       avancement … Capito, le chanteur de charme?

Rockett voulait demander à son chef s'il connaissait aussi la chanson du  lambeth walk mais il sentait que la moutarde lui montait au nez  et il préféra faire amende honorable.

-   Capito chef ….

                                                        *       

8 -  Opération BZ-511…

Je n'arrêtais pas de râler. Et pour cause. Nous pataugions tous les trois dans la boue noire du souterrain depuis de longues minutes. Composé d'une galerie principale et de nombreuses ramifications secondaires qu'il valait mieux ne pas emprunter, le tunnel ne semblait plus vouloir en finir...

-   Encore 50 mètres à gauche… on y est presque,  murmura         G20.

-  Ca y est, renchérit Ted. Voilà enfin le repère …. la fameuse statue blanche   indiquée      par Xstar qui nous conduira jusqu'au Château de Santhor… Dylan,   à toi de jouer maintenant, actionne son bras droit … » !

J'obtempérai sans broncher. Je m'approchai lentement de la statue, et d'un mouvement sec, je lui tordis le bras droit. Un déclic se fit entendre instantanément et elle pivota légèrement vers la gauche dans un mouvement très très lent. Elle grinçait à chaque mouvement comme si les âmes des Mondoriens morts depuis des lustres se réveillaient maintenant que nous leur libérions un peu d'espace vers la liberté. Il lui fallut trois bonnes minutes pour qu'elle nous débloque complètement l'accès de la cavité sous-terraine. G20 sortit sa lampe torche et nous distinguâmes au fond l'intersection des trois galeries décrites par Xstar. Nous nous dirigeâmes vers celle du milieu. Après une centaine de mètres, nous aperçûmes enfin la fameuse entrée qui devait correspondre avec le passage sous-terrain des cuisines.

-   Ce coup-ci, on y est ….

G20 venait de rallumer sa puissante lampe-torche qui indiquait néanmoins quelques signes de faiblesse. Face à la porte, il tâtonnait avec sa main sur les aspérités de la roche et finit par trouver ce qu'il cherchait, un carré bien net où  était incrusté le pavé numérique du digicode…

-    Mince, je ne me rappelle plus le code. Vous pouvez m'aider, chef ?…

-   MARGOT56, murmura Ted passablement agacé ! Franchement, ton cerveau        ramollit     G20, il faut vraiment que tu reprennes tes cours du soir … Xstar       nous a donné le code il y a à peine une heure !

La porte s'ouvrit lentement comme si elle nous cédait la place à contre-cœur. Nous débouchâmes sur une vaste entrée sombre et humide.

-   Chut, taisez-vous. Vous voulez faire rappliquer toute la Garde Rapprochée ma    parole ! Allume ton pistolet-torche Dylan, on n'y voit rien…

Le faisceau de la torche balaya tous les recoins de la pièce et nous découvrîmes avec stupéfaction que la cave était remplie par des centaines de bouteilles de vin français et des tonneaux de kari.

-   Bon sang, il est déjà 17 heures. D'après Xstar, c'est l'heure de la relève. Il faut se méfier les gars, les gardes ne vont pas tarder à arriver… il faut vite     trouver ce foutu vestiaire… Grouillez-vous !

Derrière une dernière rangée de bouteilles de vin étiquetées château de Mondor cuvée 2002, nous découvrîmes une petite porte en bois qui débouchait sur le vestiaire des employés. Des armoires métalliques grises étaient collées les unes aux autres le long du mur. Cinq chaises et une table ronde semblaient avoir été abandonnés à leur sort en plein milieu de la pièce. En cassant les serrures des armoires métalliques, nous découvrîmes les combinaisons grises que nous cherchions à tout prix. La couleur grise des combis correspondait au niveau hiérarchique des employés … magasiniers, ouvriers, tourneurs ou cuisiniers … appelés communément Mondoratoufair au château. Certains soirs de gala, ils devaient aussi se transformer en musiciens ou jongleurs selon les desiderata du dictateur.

Dylan et G20 enfilèrent rapidement leurs nouveaux accoutrements.

-   Comme tu es élégant dans ta nouvelle combi G20, ironisai-je malgré moi.

-    Moins que vous, seigneur Dylan. Quelle classe… l'habit ne fait pas le moine mais quand même, ça aide à se faire une opinion  …

-    Les gars, c'est pas le moment de philosopher, chuchota Ted. Cachez vos anciens vêtements au fond de cette malle et surtout ne laissez pas de traces avec vos chaussures si elles ont encore de la boue…

-    Regarde le badge sur ta combi Dylan, tu t'appelles Alzarus Diamond. N'oublie pas…c'est écrit juste à droite, sur la pochette du haut… Si quelqu'un t'appelle par ton petit nom, tu réponds : Alzarus, à vos ordres.. Profession : plongeur bâtiment C comme c'est écrit sur ton badge…

-  Vite les gars, on fonce et au moindre coup de bambou, on se disperse et ritorno alla navetta possibilmente in totalità, capito ?

-    Capito, chef !

Alignés en file indienne, nous quittâmes silencieusement le vestiaire en longeant un corridor qui semblait conduire vers les étages supérieurs.

-   Dylan, t'as remarqué comme il est stressé le chef , il parle en italien, c'est pas bon signe…

-   Chut, tais-toi y'a de la lumière par là ……

Nous venions maintenant de déboucher sur une petite galerie creusée dans la roche et dont le centre avait été conçu spécialement pour positionner une colonne d'ascenseur, plutôt moderne par rapport à l'univers moyenâgeux de la grotte. Ted appuya d'un coup sec sur le voyant lumineux qui clignotait toutes les deux secondes. Notre cœur battait à tout rompre au rythme des couacs de l'ascenseur que nous entendions arriver. On avait rechargé nos révolvers, au cas où…. Les secondes s'éternisaient. On se demandait bien à quelle sauce nous allions être bientôt mangés… Le silence était pesant. Nous n'osions plus bouger d'un poil. Trois secondes passèrent, puis deux et ….

La porte s'ouvrit … VIDE.

- Allez ! On fonce les gars, s'exclama Ted joyeusement et plutôt soulagé …    Appuie sur le bitonio G20, direction les cuisines. Nous sommes attendus par     le grand chef cuistot qui nous prépare une moussaka de l'espace !

-   T'inquiètes pas G20, mon cousin a un sens de l'humour un peu spécial surtout   en mission, lui murmurais-je, devant son air étonné.

Arrivés sans encombre au premierr rez-de-chaussée, nous nous faufilâmes prestement parmi les dizaines de Mondoratoufair qui s'affairaient bruyamment dans les cuisines. Elles étaient immenses et grouillantes d'odeur de friture et de viande grillée. A vue de nez, une cinquantaine de personnes au moins devaient s'activer dans les locaux. Plongeurs, cuisiniers et grands chefs pour diriger les assistants-cuisiniers. Une véritable usine à gaz…

-  C'est bizarre quand même, murmura Ted … on dirait qu'ils vont fêter quelque chose, ça m'étonnerait bien qu'ils préparent des plats aussi volumineux toute l'année… D'habitude, dans une dictature, on crève plutôt de faim si mes souvenirs sont bons… Va te rancarder Dylan, avec ton badge de plongeur, tu ne crains rien…

Je partis me fondre dans la foule des jeunes cuistots qui s'agitaient dans tous les sens. Voyant une jeune fille isolée devant son évier, je décidai de l'interroger à brûle pourpoint :

-    Dites mademoiselle, vous arrivez à vous en sortir dans ce brouhaha ? Je suis intérimaire, j'ai été embauché il y a à peine deux heures et je ne sais même pas pourquoi j…

-  Tu es bien le seul à ne pas être au courant de la grande fête organisée par Santhor, répondit-elle froidement.

-   La Grande Fête, murmurais-je timidement ?

-   Oui poursuivit-elle, Santhor a été élu général en avril 1995… et le mois d'avril en astrologie mondorienne est basé sur le signe du Dragon.  Il célèbre donc chaque année la date d'anniversaire de son arrivée au pouvoir à Mondor en concomitance avec la tradition du Dragon d'Or qui symbolise la puissance et le pouvoir absolu. La fête se déroule dans le bâtiment que tu peux voir en face, celui en forme de grand rectangle… Alors forcément, il faut concocter une cuisine d'exception pour ce jour spécial, de bons petits plats pour tous les soldas et les invités de marque qui doivent rester au moins deux jours au sein du Château…Mais tu le verras bien toi-même si tu as été embauché pour porter les plats….

-   A vrai dire, je ne sais pas très bien encore si je suis vraiment plongeur ou autre chose.

- Tu seras peut-être aussi embauché comme clown car Santhor adore les numéros de cirque et tout ce qui va avec, funambules, jongleurs, musiciens…

-  Qui sait, répondis-je timidement ….Au fait, tu t'appelles comment ?

-   Amy mais avec un y !

-  Amy, c'est un bien joli prénom, tu es originaire de Mondor City ?

Elle tourna la tête d'un air absent vers la pile d'assiettes qui était restée sur le bord de l'évier .

-  Je te trouve bien curieux pour un débutant…tu sais… tu devrais plutôt       rejoindre ta section sinon ils vont commencer à s'inquiéter  …

-  C.. est vrai, tu as raison Amy répondis-je, un peu pris de cours, je fonce ... peut-être à bientôt !

Je la quittais bien vite en espérant avoir suffisamment éloigné ses soupçons visibles à mon égard et je rejoignis mes complices qui m'attendaient discrètement à coté de la passerelle. Nous nous dirigeâmes lentement vers le panneau d'affichage installé dans le hall d'accueil principal. Des dizaines de noms étaient affichés en lettres brillantes et scindées en trois colonnes bien distinctes. Les noms étaient répertoriés alphabétiquement avec une classification à trois chiffres selon la catégorie professionnelle. Tous les ingénieurs étaient classés avec le chiffre 5 (500, 501, 502,  etc). Les chimistes avec le chiffre 6, les employés avec le chiffre 7 et les soldats avec le chiffre 8. La direction centrale du Château n'avait pas de classification ni sa Garde Rapprochée.

 -  Ah le voilà enfin, murmura Ted à G20.

Je venais d'arriver à leur niveau.

-   Ted, tu avais raison… il y a un grand évènement qui se prépare,  une gigantesque réception organisée par Santhor pour célébrer la fête du Dragon d'Or qui est aussi la date d'anniversaire de son arrivée au pouvoir… C'est pour cela qu'il y a tant d'agitation…  il y aura beaucoup d'invités extérieurs qui doivent rester au Château pendant les deux jours de la fiesta…Ils sont complètement débordés en cuisine, tu verrais ca,  y'a un bazar pas croyable… je me demande comment ils peuvent faire pour se repérer avec tout ce personnel …

-  On peut dire que ce sont de bonnes nouvelles, Dylan. On va pouvoir en profiter pendant qu'ils s'amusent … Ecoute, je vais aller faire un repérage rapide au sous-sol avec G20, toi tu restes ici et si quelqu'un te pose des questions, tu fais le charlot comme tu sais si bien le faire…

-  Le charlot de Big Apple, ça c'est mon personnage le plus crédible, aucune chance qu'ils n'arrivent à me battre sur ce terrain-là…

-  C'est ça, à tout à l'heure charlot, conclut G20.

G20 et Ted se dirigèrent vers la porte de l'ascenseur B1 qui conduisait directement vers le sous-sol réservé au personnel scientifique. L'ascenseur venait d'arriver à leur niveau, bourré à bloc par des livreurs chargés de plateaux repas. Arrivés au troisième sous-sol, ils s'engagèrent dans un long couloir blanc qui desservait plusieurs bureaux. L'atmosphère était feutrée, plus rien à voir avec le rez-de-chaussée grouillant de monde. Ted scrutait les murs, observant chaque parcelle blanche qui lui paraissait suspecte. Il leva les yeux vers le plafond et remarqua plusieurs caméras positionnées à chaque angle.

-  Attention G20, c'est plein de caméras …. évite de lever la tête …       

Ils tournèrent ensuite vers un corridor plus isolé…Des portes épaisses avec de puissants digicodes s'étalaient sur une dizaine de mètres. Toutes avec des noms évocateurs : Chambre de la mort, laboratoire de télékinésie, hypnose sensoriel, test Ba112 ou encore private mondor

-   G20, bon sang, tu ne sens rien ? Comme une odeur de poudre ?

Mais ils n'eurent pas le temps de poursuivre leurs pérégrinations car un androïde de la Garde Rapprochée s'approchait dangereusement vers eux  avec une mine patibulaire :

-  Que faites-vous là vulgaires Mondoratoufairs, vous n'avez même pas votre          badge ?

-   Nous étions venus porter un plateau pour le professeur Below et on s'est perdus dans le couloir, bredouilla G20. Nous sommes nouveaux dans le     bâtiment poursuivit-il en voyant les yeux méfiants de l'androïde.

-  Infâmes va-nu-pieds, retournez dans les cuisines et qu'on ne vous revoie plus       par ici aujourd'hui. L'ascenseur est à droite, derrière le pilier….

-    M..merci euh rajouta G20 en se courbant le plus possible.

Le soldat les suivit jusqu'à la porte de l'ascenseur. Toujours méfiant. Deux minutes après, ils étaient remontés au rez-de-chaussée, sains et saufs. Ils me cherchèrent vainement parmi la foule des Mondoratoufair.

-    Nom d'un alien, mais où est-il, grognait Ted ? « Tu le vois G20 ? »

-    Non, pas encore lieutenant. Allons voir un peu plus près des cuisines         extérieures.

-   Tu sais G20, je réfléchissais à une chose … on ne pourra pas rester longtemps     au troisième sous-sol avec nos combinaisons d'ouvriers. Il faudrait qu'…

Il s'interrompit en voyant passer un homme en blouse blanche.

« Euréka ! » Regarde G20 l'ingénieur qui sort de l'ascenseur, il a ton allure… même taille, même physique… on va tout simplement lui piquer sa combi !

-   Vous êtes dingue lieutenant ?

-   Juste opportuniste G20, juste opportuniste…. allez rapplique !

Ils s'avancèrent vers lui le plus normalement du monde et l'abordèrent grâce à une technique que Ted avait déjà mis au point dans une précédente mission :

-   Excusez-moi (Ted lisait le badge de l'homme en même temps) Mr Newton, noble ingénieur en chef. Si j'osais, j… je vous vois passer depuis longtemps         et je connais la valeur de vos travaux scientifiques par les rumeurs qui circulent dans la maison alors ... v... vous comprenez, si j'avais oh… j'ai du   mal à vous demander cela ..

-   Mais faites, je vous en prie…

-   S..si j'avais pu avoir un autographe de votre main, vous n'imaginez pas quel       bonheur ce serait pour moi..

L'ingénieur, tout d'abord interloqué par une demande aussi originale et inédite, finit par rosir de plaisir à l'idée d'être enfin reconnu même si ce n'était pas encore par ses pairs …il se disait qu'il y a un début à tout et qu'il fallait mieux commencer par donner un autographe à un ouvrier que rien du tout.

-   Par contre, je n'ai pas de stylo sur moi, si vous voulez venir dans le bureau          d'accueil juste ici, ce sera plus facile.

-   Très bien répondit l'ingénieur je vous suis…

L'expérience de Ted prouvait, une fois de plus, que la flatterie mène à tout même chez les mondoriens. Ils entraînèrent l'homme dans le petit bureau d'accueil qui jouxtait la porte des toilettes femme.

-   Après vous, Mr Newton.

L'homme s'engagea le premier dans la pièce et fut presque immédiatement étranglé par G20 qui lui serrait le cou.

-   Mais que v… foulez-vous ? Vous êtes des assassins ?

-   Mais non, mais non … n'ayez pas peur !

Mais G20 pointait toujours son couteau sous le menton de l'ingénieur.

-   Nous voulons juste savoir où se trouve exactement l'usine souterraine et le          laboratoire secret, continuait Ted. Tu vois, on est pas compliqués. Fais vite   quand même car  mon copain n'est pas un démocrate vois-tu.. au moindre    signe, il       va te faire la peau. D'ailleurs, je te donne pas dix secondes pour    tenir ….. une, deux, t….

-   Cha va, cha va… J… je travaille dans le la..labo 223-C sous la responsabilité      du professeur Eschel. N… nous mettons au point un nou.. nouveau fusil laser     à propulsion magnétique, bégayait l'ingénieur… Je ne vois pas quoi        vous.. vous dire de plus… C'est une arme p.. peu innovante et .. déjà sur le        marché depuis longtemps.

-   TU TE FOUS DE NOUS, infâme Newton ? Pourquoi autant d'androïdes   patrouillent à votre étage ? C'est pour faire joli. Dis, tu vas parler oui ???

-   J… je ne sais pas, bredouilla t'il.

Puis, voyant que G20 approchait dangereusement une seringue près de son bras, il finit par paniquer

-   Ecoutez ! peut-être  que le professeur Battlinger pourrait vous donner plus     d'informations… Il t..travaille sur un produit tout-à-fait innovant qui aurait le     pouvoir de transformer n'importe qui en agneau docile.. 

-   Tiens, tu vois quand tu veux…

-   Et tu travailles aussi sur ce projet peut-être ?

-   Non, pas du tout. Seul le professeur Battlinger et ses deux assistants          travaillent sur le projet.

-   Bon, tu vois c'était pas compliqué de nous parler.. ah ! autre chose, le code du    labo secret, tu le connais ?

-   Heu, n..non je ne le connais pas du tout !

-   Allez G20, serre lui le cou, il respire trop ce monsieur…

-   Vous avez raison lieutenant, j'étais distrait, veuillez m'excuser …

G20 recommença à lui serrer le cou.

-   Ca va, ça va… calmez-vous, haleta Newton… c'est 521-CARx lâcha t'il,    complètement affolé.

-   Et il ressemble à quoi ton professeur ?

-   I..il est plutôt petit avec un visage très rond. Et il porte des lunettes à double        foyer… vous le reconnaitrez s..sans peine car il a des cheveux noirs frisés          plus longs que la moyenne et il y a toujours une odeur de tabac froid devant son bureau, c'est un gros fumeur…

-   Tu veux que je te dises… c'est un vrai plaisir de discuter avec toi ! G20,     pique-le, vite !

-   NON, vous n'allez pas …

Et BOUM. G20 lui injecta une dose de somnifère suffisante pour l'immobiliser pendant au moins trois jours et trois nuits.

-   C'est dommage, y vas rater la fête ironisa Ted. Vas-y maintenant G20…vite,       enfile sa combi ! Moi, je vais en chercher une autre ….

Ted fouillait maintenant dans le placard qui jouxtait le mur et trouva un pantalon gris ainsi qu'un gros pull blanc….

-   Ca devrait faire l'affaire ….

G20 avait mis moins de deux minutes top chrono pour changer de vêtement.

-   Pas mal du tout, commenta Ted  … Maintenant, redresse un peu le badge sur       la droite, il est un peu de traviole….

-   Ca va comme ça, chef ?

-   C'est pas mal... Et moi ?

-   Très bien, patron. Vous pourrez toujours dire que vous avez eu un problème       de taille et que c'est une tenue provisoire ….

-   Comme tu dis. De toute façon, on a pas le choix. Allez, on fonce…

Il ouvrit la porte et pencha sa tête lentement à l'extérieur pour vérifier qu'il n'y avait personne dans le couloir.

-   OK vamos…. Andate per strada, si recupera nostro melvin ed in secondo   luogo si attaca il laboratorio.

Ils me cherchèrent en vain dans les cuisines, portant des corbeilles et des paniers chargés de victuailles mais je n'étais déjà plus entrain de faire la vaisselle.

                                                        *

 

Pendant que Ted et G20 continuaient à me chercher, je faisais des allers-retours entre les cuisines et l'immense salle-à-manger de style gothique où s'étaient réunis quelques androïdes du commando 512. Ma couverture de plongeur-serveur était idéale pour circuler librement. Les bras chargés de plats gastronomiques made in Mondor, je circulais entre les tables sans trembler. Pourtant, plus d'une fois, j'avais failli vomir devant leur cuisine très spéciale. Il ne fallait surtout pas les voir préparer les plats : gigot de porc flambé au kari, cailles farcies à la mondorienne*, ptérodactyle mariné aux petits légumes, c'était une horreur ! J'avais failli m'évanouir plus d'une fois en soulevant par hasard la cloche d'un plat et en tombant sur la tête farcie d'un jeune ptérodactyle ! J'étais dégouté ! Je rêvais seulement d'un hot-dog et d'un coca rondelle bien frais…

 

* les cailles doivent d'abord mariner quelques heures dans de la bave de ptérodactyle et être ensuite farcies avec des boulettes de viande et une purée de tomates au vinaigre de kari…

 En revenant une dernière fois vers les cuisines, je fus apostrophé par deux androïdes un peu éméchés qui voulaient visiblement se distraire avec le premier venu :

-   Eh ! Body, regarde moi ce vanupieds, il ressemble à la caille que je viens     d'engloutir, ricanait-il devant moi.

-  C'est vrai qu'il est pas plus gros qu'une caille ; j'le verrais bien danser sur la       scène avec un tutu rose, continua son compère en me donnant une vigoureuse        claque dans le dos. Ca te dirait de devenir notre majorette pour un soir ?

-   M… mais je suis plongeur, Mr Body répliquais-je timidement pour ne pas les      inquiéter. Et je ne sais pas du tout danser …

-   T'as vu comment elle cause, la p'tite caille, on dirait un troubadour du siècle       dernier…  Eh ben mon p'tit gars, tu vas apprendre à danser pour nous faire          plaisir. Tu vas tout de suite aller voir le chorégraphe, Mr Binzel. De la          part   de Body 2, sergent chef diplômé, T'AS PIGE ?? hurla t'il en me donnant une       nouvelle claque dans le dos…Et tu lui dis que je veux te voir danser en tutu,          COMPRRRIS ??

-   J..j'ai bien compris articulai-je doucement pour lui faire croire que j'avais   vraiment peur…

-   A la bonne heure, de toute façon, j'irai vérifier ce que tu fais…

Je partis porter mes dernières corbeilles de fruits en priant le ciel pour retrouver rapidement G20 et Ted . Je marchais rapidement vers la passerelle d'où je

pouvais observer les passages des cuistots dans les différentes officines. Je penchais ma tête vers le sol dès qu'un mondoratoutfair m'observait d'un peu trop près. Tout-à-coup, je sentis une main sur mon épaule. Mon cœur se mit à battre vigoureusement et mes cheveux se dressèrent sur ma tête :

-   Alors, mon p'tit gars, on s'est perdu dans le couloir ??

-   G20, criais-je  en me retournant, ne me refais plus jamais ca, t'as compris, vieille canaille …

-   La ferme, Dylan chuchota Ted, on commence à nous regarder … dis-nous   plutôt ce que tu as découvert… et marche en même temps, il ne faut pas que         nous restions plantés comme ça…

-   Eh bien, c'est la Grande Parade ce soir…. Avec des surprises inédites comme      un concert de musique baroque, des séquences de gymnastique artistique avec        des acrobates venus de Taiwan et même un défilé de majorettes, je ne sais pas         exactement combien elles seront mais ce que je sais c'est que l'une d'elle se         glissera à    minuit dans le gâteau géant qu'ils doivent apporter à Santhor… car    il ne faut     pas oublier que c'est quand même aussi son anniversaire …Et          Santhor n'a pas lésiné sur les moyens pour épater ses invités….

-   Tiens, tiens, murmura Ted …

-   Mais le plus intéressant pour nous ce soir, c'est que tous les soldats seront          présents à la fiesta entre 21 h00 et minuit  donc… la surveillance devrait être         limitée aux alentours du château !

 -  C'est la news que j'attendais, Dylan… nous allons enfin avoir la voie libre           pour descendre incognito dans le labo… et ils n'entendront pas le gros boum          qu'on leur prépare au sous-sol, susurra Ted malicieusement.

-   Ah, j'oubliais Ted ! je me suis fait piéger par deux androïdes... Ils veulent   absolument m'enrôler dans le spectacle de danse prévu ce soir. Je dois aller    voir le chorégraphe tout de suite sinon ils vont me chercher parmi les autres         danseurs     et trouver ça louche s'ils ne me voient pas …

-   Ok Dylan, tu cours tout de suite chez le chorégraphe… je n'ai pas envie qu'ils     envoient la Garde Rapprochée à tous les étages pour te retrouver ….

-   Encore une chose Ted, j'ai bipé Butler sur le canal codé.  Il est tellement     surveillé qu'il n'ose pas nous approcher de trop près. Je lui ai donné rendez-     vous à 22h30 dans la salle à manger …  j'espère qu'il ne sera pas repéré !!

-   Ecoute, il faudrait prévoir (il réfléchissait en même temps)… disons  une     heure en tout pour atteindre le labo, neutraliser les assistants et détruire   complètement les installations… Donc, règle ta montre pour 23 heures…   après… on te récupèrera avec Butler dans la salle de bal, près du podium… d'ailleurs on sera vraisemblablement déguisés nous-aussi !

-   Si nous sommes déguisés, Dylan et Butler ne pourront pas nous reconnaître,       rétorqua G20.

-   Ben oui Ted, comment vais-je faire pour vous reconnaitre?

-   Tu crois vraiment que tu pourrais oublier nos silhouettes de rêve,      ironisa        Ted…. Bon, trêve de plaisanteries, si tu veux on sifflera  un   air que tu    connais bien ou….encore plus simple, G20 éternuera disons …deux fois de       suite !

-   Et si je n'ai pas envie d'éternuer, chef ?

-  Je ferai en sorte que tu aies envie d'éternuer, n'aie crainte, G20. « A ce       moment là Dylan, tu sauras que tu dois impérativement rejoindre la cave…   avec ou sans Butler …. on t'attendra dans le tunnel, continua Ted … Et si           jamais à minuit, tu ne nous as pas revus…tu rejoins impérativement Walgren        dans la navette… compris Dylan ?

-   Bien compris, Ted.

-   Imagine ce que tu vas pouvoir raconter à ton père dans quelque temps, il sera      tellement fier de toi que tu intégreras sûrement définitivement notre équipe.

-   Tu  le crois vraiment Ted ?

-   J'en suis sûr Dylan, mais dépêche-toi… les récompenses, c'est pour plus    tard !

                                                        *

9 – Dream Over

Agé de 55 ans, le professeur Battlinger aurait pu être qualifié de bel homme s'il avait pu résoudre en priorité son problème de poids. Il faut dire que 75 kilos pour 1m55, ça n'était pas la carte de visite idéale pour séduire les jeunes femmes du labo. Au niveau professionnel, par contre, sa réputation n'était plus à faire. Dans les années 90, il avait mené différentes recherches sur des armes militaires de pointe et mis à contribution son cerveau supra-intelligent (QI en perpétuelle augmentation selon les ordinateurs qui le testaient) au service de nombreuses inventions passées dans le domaine public encore récemment. Il s'était dernièrement associé avec un chimiste célèbre pour créer cette fameuse substance baptisée  Dream o  ou  Dream over  et dont il n'était pas peu fier. Il passait 15 heures par jour dans un labo ultrasecret à peaufiner la composition du produit pour en obtenir une pureté maximale. Il cherchait avant tout à obtenir un poste particulièrement envié dans les laboratoires les plus modernes de la future Cité des Sciences de Mondor (en attente du permis de construire) dont la maquette était exposée au rez-de-chaussée de la bâtisse. Santhor avait mis en compétition plusieurs savants sur des projets tenus top secret et promis à deux d'entre eux un poste à vie dans ses nouvelles équipes. Lorsque G20 l'aborda près de son bureau, inutile de vous dire qu'il était complètement dans ses pensées :

-   Professeur Battlinger je crois ? Excusez-moi, je ne me suis pas présenté. Je           m'appelle Alex Newton, je suis ingénieur à la section des Armes chimiques de      deuxième classe. Je suis tellement honoré et ému de parler à quelqu'un de          célèbre comme vous et dont la réputation n'est plus à faire.. si j'osais     professeur, je vous demanderais un simple autographe… Accepteriez-vous       professeur ?

Tout d'abord interloqué, le visage du professeur se détendit peu à peu. Il rosit de plaisir en pensant à sa future célébrité dans toute la galaxie solaire et à son club de fans qui verrait bientôt le jour sur sa page spacebook. Il s'empressa de conduire G20 dans son bureau qui jouxtait la salle des machines. Ses assistants étaient absents. Une vrai chance pour  G20 qui se rua sur lui en deux temps trois mouvements. Ted verrouillait la porte pendant ce temps-là.

-   Désolé, professeur mais ce n'est pas votre jour de chance. Nous ne sommes         pas des fans de        votre travail, voyez-vous. Nous souhaiterions seulement     savoir où est fabriqué la Dream over, menaçait Ted en pointant sur lui son   pistolet laser.

-   Quoi ? Mais …jamais de la vie, vous êtes devenus complément fous... les   gardes vont vous arrêter. D'abord vous ne pourrez jamais sortir d'ici.. et puis,        je n'ai jamais entendu     parler de cette Dream machin chose …

-   Et tous ces sacs autour de vous, Professeur, c'est pour faire joli ? Bon, je vais     être plus clair... si vous ne coopérez pas avec nous, on vous envoie dans le          corps une petite dose de Dream over, vite fait bien fait…

Le scientifique commençait à trembler de tous ses membres devant le visage démoniaque de G20 qui savait vraiment comment faire pour terroriser ses victimes dès que l'occasion se présentait.

-   Oh ! non, ne faites pas ça… j… je vais tout vous dire, balbutia le       professeur.. Je     fais des essais actuellement sur un nouveau fusil à laser qui        n'est pas encore au point... je pense qu'il fal.. 

-   C'est çà, le coupa G20… pas la peine de te fatiguer avec des mensonges     Battlinger, on va fouiller ton bureau pour vérifier que tu nous baratines pas   …. Et ne t'avises pas de tenter une manœuvre d'évasion, on t'as à l'œil,        compris ?

Ils s'empressèrent de tout mettre à sac. Les dossiers, les carnets de notes et des piles de livres s'éparpillèrent dans tous les sens.

-   G20, flashe tout ce que tu peux avec ton appareil photo...on fera le tri plus          tard.

G20 avait un appareil photo miniaturisé incrusté temporairement dans sa molaire gauche. Une invention récente du professeur Ismaël qui faisait la joie des agents. Seul bémol, le flash n'était pas toujours au point et se déclenchait parfois sans raison apparente malgré tous les bricolages de l'équipe .

-   Regardez lieutenant, ces dessins bizarres sur la page, qu'est-ce-que c'est ?

-   Je ne sais pas G20. Continue de flasher, on a pas trop le temps.

-   Eureka, regardez chef !

G20 venait de découvrir le coffre-fort du professeur caché derrière un tableau d'art contemporain. Il ajusta son colt laser et fit exploser la serrure d'un coup sec.

-   Je crois que ce coup-ci, on a trouvé le gros lot. Et ouais, regardez, ce sont des     échantillons de Dream O. Y'a même le secret de fabrication juste dessous, dans la pochette noire. Ils sont gentils d'avoir pensé à nous faciliter les choses       ricanait G20

-   Tu vois G20, continua Ted en déchirant un sachet de poudre, malgré sa      couleur blanche anodine, je suis sur que cette substance est diabolique !        Attends, voilà une lettre de notre cher professeur, c'est sûrement une          lettre-testament :

« S'il m'arrivait quelque chose avant que mes travaux sur la Dream over n'aient pu s'achever, j'aimerais que le ou les personnes qui trouvent cette lettre sachent que ce nouveau psychotrope est redoutable et peut mettre n'importe quelle personne en état d'esclavage quasi-permanent. Un gramme de cette poudre disséminée dans un liquide ou pris par inhalation réduit le consommateur à l'état d'esclave et j…

-   Comment avez-vous pu avoir l'idée d'inventer une merde pareille, rugissait         Ted. Je ne c…

-   Chut lieutenant, j'entends des pas… taisez-vous !

Ils bâillonnèrent le professeur avec un vieux mouchoir de poche et s'immobilisèrent contre un mur le temps que les pas des soldats s'éloignent.

-   Vite, on embarque les plans et on file, ordonna Ted. Et rempli la seringue   avec cet échantillon de Dream 0, ca pourra servir plus tard si le professeur  a     un     trou de mémoire !

- Hé, professeur du schnoque, t'as entendu ? persifla g20. Secoue-toi un peu et  emmène-nous jusqu'à ton labo.

-   Mais vous êtes fou, il y a au moins une dizaine de personnes qui travaillent         là-bas. Et des gardiens de la Garde Rapprochée… vous allez vous faire arrêter      et fusiller sur le champ…

-   Tu nous prends pour des débutants ? On le sait, triple crétin, que tu travailles     avec d'autres abrutis comme toi pour créer toutes ces merdes, vociféra Ted en        attrapant    le professeur par le colback. Mais on a pas peur, VOIS-TU ? Alors,          il est où le laboratoire secret ? Tu vas cracher le morceau ou sinon….

-   L. le laboratoire 21, heu..  il est juste….juste à c..côté de vous, au fond du couloir, balbutia le professeur. Tout est entreposé là-bas mais vous ne pourrez       jamais y entrer…

-   Ah oui, c'est ce qu'on va voir, pauvre crétinus. Allez, amène-toi et si, jamais,      tu bouges un orteil, on te plante la piqûre dans le dos, t'as pigé ?

Ils n'avaient plus que quelques mètres à faire pour atteindre le bureau 21. Ils étaient déjà engagés dans le couloir lorsque deux androïdes sortirent brusquement d'un bureau avoisinant :

-   Cher professeur, commença Ted à brûle-pourpoint, que pensez-vous de la conjecture de Syracuse ?

-   Ecoutez, heu.. bafouilla le professeur, je ne suis p.. pas encore prêt pour     résoudre de tels problèmes. J'aimerais pourtant …

Les androïdes ne parurent pas leur prêter attention et continuèrent leur chemin.

-   Ouf, ils ont tourné au coin. Faites vite le code, professeur, on est pas en      vacances ? Y sont combien à l'intérieur ?

-   A peu près huit. Des chimistes et mes deux assistants…vous ne pourrez     jamais vous en sortir…arrêtez tout avant qu'il ne soit trop tard !

-   Mais oui, mais oui… G20, plan distruggiamo tutto e partiamo in catastrofe         cercare Dylan …

-   Capito chef !

Le laboratoire était caché derrière une porte-miroir coulissante et ne s'ouvrait que grâce à un digicode placé sur le mur opposé afin de ne pas laisser supposer la moindre entrée secrète. Ted retenait son souffle pendant que le professeur tapait lentement les chiffres de la combinaison. La porte s'ouvrit enfin. Ted le maintenait fermement en pointant la seringue dans son dos. Ils s'avancèrent si lentement dans l'entrée que personne ne les remarquât.

-   Que personne ne bouge sinon je l'abats comme un chien ! hurla Ted devant          les     assistants concentrés derrière leurs fioles colorées.

-   Vous êtes fou, gémit le professeur Battlinger qui tremblait de tous ses         membres. Ne tirez pas vous autres, il est capable de tout faire sauter !

-   C'est vrai mon vieux, on va peut-être tout faire sauter, murmurait     nerveusement Ted en donnant un clin d'œil à G20 qui s'avançait maintenant        vers les assistants.

Au moment même où Ted finissait sa phrase, une ombre surgit au fond de la pièce et une rafale de coups de feu s'abattit sur eux. Les tirs puissants de l'arme automatique ratèrent in extremis la tête de Ted  qui eut la présence d'esprit de se jeter à terre. Dans la bousculade, il écrasa la seringue dans l'avant-bras du professeur :

-   Mince, désolé professeur, je crois que je vous ai piqué dans le bras. Toutes           mes excuses encore si vous voyez des aliens roses pendant quelques    minutes... Remarquez, un peu de bonheur, ca n'a jamais fait de mal à        personne, hein vieille fripouille ?

Voyant que le professeur ne bronchait pas et souriait comme un enfant heureux, Ted se demandait si la drogue produisait déjà ses effets hallucinogènes. Il apostropha le premier assistant planté devant lui :

-   Hep ! vous là ? Venez, allez plus vite que ça !

Ethan, assistant stagiaire, était justement l'un des concepteurs de la Dream O. Il avait travaillé de nombreux mois sur le projet avec le professeur Battlinger. Blanc comme un cachet d'aspirine ou plus exactement comme un gramme de poudre, il se dirigea à contre-coeur vers Ted.

-   Regardez par terre, le professeur qui est assis. Croyez-vous qu'il soit dans son    état normal ?

-   Heu…je..ne…sais pas, c'est vrai qu'il a l'air un peu bizarre …

-   Il est déjà sous l'effet du psychotrope, si ça se trouve …

-   C'est p…possible, oui. Par piqure ou inhalation, elle a un effet quasi          instantanée. Et     ses effets peuvent durer plusieurs heures voire même       plusieurs    jours selon la quantité prise et le métabolisme de chaque individu…

L'assistant tremblait de tous ses membres.

-   Donc, renchérit Ted, il va faire tout ce qu'on lui dit si ça se trouve ?

-   N…normalement.

-   Eh bien, il ne nous reste qu'à le tester, continua Ted... Professeur, vous       m'entendez ??

-   O..oui monsieur, je vous vois et vous entends très bien.

-   Etes-vous l'inventeur de la Dream Over, cher Professeur ?

Le professeur se rajusta sur son derrière, ajusta ses lunettes sur son nez et répondit d'une voix d'outre-tombe :

-   Absolument, mon cher Edouard. C'est moi le génial inventeur du plus        puissant     psychotrope connu actuellement à Mondor. Une vraie réussite,          enfin presque, murmura t'il en baissant la tête brusquement ...

Ses yeux brillaient de plaisir et ses pupilles dilatées lui donnaient un visage d'illuminé comme on en voit quelque fois dans le quartier d'Haight Ashbury à San Francisco.

-   Dites Professeur, quel est le secret de fabrique de cette invention ? Et quelle          est sa particularité par rapport aux autres ?

-   Ah mon cher, commença t'il en pleurant à moitié dans son mouchoir, je serai       bien incapable de vous donner son secret de fabrication….

-   Ah ! Quand même, rétorqua l'assistant, il vous faut un peu de drogue pour          reconnaître que c'est moi et moi seul le concepteur génial de la Dream O

-   Ethan, voyons ! Comment osez-vous parler sur ce ton à celui qui vous a     tout   appris, votre mentor, votre dieu, je dirais même votre père ?

-   Mon père, alors là vous y allez un peu fort, j'ai déjà un père biologique qui va     très bien, je vous remercie…

-   Ethan, reprit le professeur, vous étiez bien content que je vous pistonne      pour entrer dans mon service alors que n'aviez aucun plan d'avenir dans votre       quartier miteux de la banlieue est ? Si je ne vous avez      pas pris dans mon        équipe, vous y seriez encore d'ailleurs …

-   Je dois l'admettre professeur mais je pense qu'en terme d'heures de travail et      de     rendement, j'ai largement rembourser mon dû … et quand je vois que         vous récoltez tous les fruits de mon travail… permettez moi d'être un peu         anéanti. Par ce que vous le savez bien, la composition de la Dream O, c'est          moi qui l‘ai trouvé …

-   Ce n'est pas beau de mentir Professeur, l'interrompit Ted. Et je suis sûr que        ça vous soulagerait de vous mettre à table et de nous informer sur tous les         autres projets que vous avez cachés jusque-là. Par exemple, la semaine dernière…

-   Oh ! oui, Edouard, pleurnichait le professeur, vous avez raison… ce n'est pas     bien de mentir car après on a mauvaise conscience… et vous savez, j'y tiens     beaucoup à ma conscience, vous savez je n'en ai pas l'air mais j'ai quand   même quelques    convictions et autant vous le dire tout de suite…

Son visage était rouge. Il soufflait comme un bœuf.

-   C… c'est bien mon assistant euh… Ethan qui, par une bêtise d'étudiant…une     interversion de fioles entre de l'acide citrique et du méthane  qui a finalement       trouvé la     combinaison géniale de ce psychotrope… dans la fiole d'acide,          il a renversé par mégarde un peu de café et ce corps étranger mêlé à     l'acide a provoqué une réaction e...

-   ARRETEZ professeur, vous n'allez pas en plus dévoiler notre secret !

-   Allons, ne l'écoutez pas et continuez Professeur, s'impatientait Ted. Revenons-en au fait. .. et arrêtez de m'appeler Edouard, je m'appelle Ted     Ephemer.

-   Mon cher Ted continua t'il en fixant le mur, je travaille en ce moment sur un       projet de fusil laser baptisé...Hexagone 531C.

Et il s'interrompit pour se moucher bruyamment. Ted attendait patiemment qu'il reprenne son souffle.

-   « L'Hexagone 531C.. il aurait pu s'appeler comme ça aussi, celui de mon   enfance... Si seulement vous l'aviez vu, vous auriez compris pourquoi je          l'aimais      tant ! Jusqu'au jour où il s'est écrasé brutalement du deuxième           étage de ma chambre.. C'…c'était ma première maquette d'avion, créée à 11      ans, vous vous     rendez compte ! A 11 ans ! Eh oui, vous n'en revenez pas !          Et pourtant, j'étais si    doué de mes mains à cet âge-là.. mon père ne       supportait pas de me voir bricoler   alors il p…

-   C'est DINGUE, mais on s'en fout de votre maquette d'avion Professeur, ce         qui nous     intéresse c'est l'Hexagone que vous avez crée aujourd'hui …    Reprenez-vous voyons !

-   Il était si beau mon hexagone, vous l'auriez vu voleter dans le ciel avec ses          ailes colorées aux feutres... c'était une maquette si réussie q...

-   PROFESSSSSEURRR hurla Ted,  vous vous foutez de nous ! Vous travaillez    sur quoi en ce moment ??? Vous allez parler ou je vous casse la figure …

Il l'empoigna violemment par le colback et fit mine de lui décocher une droite en pleine figure. Le professeur leva la main d'un geste maladroit pour éviter le coup.

-   Vous ne devriez pas vous énervez comme cela cher Teddy, c'est très mauvais     pour le cœur…les maladies cardio-vasculaires s'attrapent souvent par m..

ET BOUM. Il n'arriva pas à finir sa phrase et s'évanouit sur le sol.

-   Professeur, professeur criait Ted. C'est pas vrai, on avait bien besoin de ca. « Bon toi l'assistant, au lieu de rester planté sur place, ligote-le, allez dépêch'.

Et toi G20 surveille-les bien, j'ai pas envie de recevoir une balle dans le dos ».

-   N'ayez crainte chef, je maîtrise la situation.

En fait, G20 cherchait depuis plusieurs minutes la position exacte du tireur planqué au fond du labo. Il rechargea méthodiquement son fusil d'assaut. Les autres ingénieurs n'osaient pas broncher. Ils gardaient les mains en l'air espérant la venue d'une patrouille par miracle. A quelques mètres de là, l'ingénieur Friez  transpirait à grosses gouttes. Planqué au fond du labo, derrière des piles de cartons estampillés secret service, il rampait comme un ver de terre pour atteindre l'alarme placée à deux mètres de lui. Un simple bouton rouge à actionner et toute la Garde Rapprochée rappliquait dans les 10 secondes. Il avançait lentement, centimètre par centimètre, espérant ne pas se faire repérer. G20 pressentait un danger imminent. Il décida de tenter le tout pour le tout. Par un brusque mouvement d'attaque (dit de black-out ) et dont seuls les agents du S-64 avaient le secret, il fonça vers l'arrière du labo en mitraillant tout ce qui se trouvait sur son passage. Il vida son chargeur sur les pipettes, les fioles, les ballons tricol et autres microscopes qui ne résistaient plus à son fusil mitrailleur. Un vrai feu d'artifice qui mit le feu aux poudres. Les balances et les colonnes de Vigreux explosèrent pendant que le feu commençait à se propager dans tout le labo.

-   Lieutenant, vous êtes où ?

-   Ici, G20 rapplique, y'a encore du monde.

G20 courut vers Ted qui se battait comme un beau diable contre les deux assistants qui avaient profité de la situation pour lui sauter à la gorge. Il fonça tête baissée dans l'estomac du premier qui ne résista pas sous l'onde de choc et finit par s'écraser de tout son poids dans une armoire métallique. De son côté, Ted avait repris le dessus et vidé son chargeur sur l'assistant-chimiste définitivement mort. C'était Ethan, le fondateur de la Dream O.

-   Ouf, en voila un de moins. Over, over cher Ethan. Tu emporteras avec toi   tes     derniers secrets de fabrication, murmura Ted.

-   Et le professeur, lieutenant on en fait quoi ?

-   Il a eu son compte. Regarde, il s'est pris une balle dans l'estomac.

-   Viens G20, on va pas prier sur le cadavre de ces fripouilles. Il faut se tirer d'ici en vitesse si on veut pas finir asphyxiés par ces fumées. On va prendre la        passerelle qui rejoint les cuisines par les extérieurs …

Mais les ouvriers           avaient aperçu les flammes et commençaient à courir dans tous les sens.

-   Mitraille-les G20, cria Ted arrivé en bas des escaliers, il ne faut pas qu'ils   sortent. Et perds pas les documents de la Dream O. On s'est donné trop de   mal.

-   Soyez tranquilles lieutenant, je suis un pro.

G20 fonça dans les allées et lança des bombes lacrymogènes pour neutraliser les assistants. Les gaz et les nuages de fumées grisâtre rendaient l'atmosphère irrespirable sauf pour Ted et G20 qui avaient déroulé leurs masques anti-gaz discrètement incorporés   dans une poche de leurs sous-vêtements ignifugés. Ted lacérait en passant les sacs de drogue et les jetait avec rage dans les flammes. Mais il n'eut pas le temps de continuer sa besogne car le feu se propageait dangereusement. Il laissa finalement tout en plan et courut rejoindre G20. Les flammes consumèrent tout ce qui restait. Les caisses en bois et les dernières sacs de la Dream O s'évaporèrent dans une épaisse fumée bleuâtre.

-   Vite, G20 on s'arrache par la sortie de secours si on veut pas finir rôtis      comme des poulets.

Vingt minutes plus tard, il ne restait plus rien du labo. Les flammes avaient fait leur travail. Les chimistes étaient tous morts asphyxiés ou brûlés vifs. Arrivés au bout de la passerelle, ils découvrirent un escalier en colimaçon qui les ramena au rez-de-chaussée, dans une arrière-cuisine désaffectée. Ils entendaient le grondement sourd des pas de bottes dans les couloirs. La Garde Rapprochée de Santhor.

-   G20, il faut vite rejoindre la salle de bal et récupérer Butler et Dylan avant que l'alerte générale ne soit donnée. C'est pas pour dire mais y sont pas très accueillants ces     mondoriens, je me plaindrais à l'office de tourisme !

Planqués dans l'arrière-cuisine, ils enlevèrent leurs combinaisons imprégnées par les odeurs de fumée et les jetèrent au fond des poubelles.

-   Regardez derrière cette porte chef, il y a des tabliers de cuisiniers….

-   Vite, prends celui-là, ca devrait faire l'affaire. Et puis, à l'heure qu'il est…           avec l'alcool et l'agitation de la fête, aucune chance qu'ils nous   reconnaissent !

Ils rebroussèrent chemin vers une cuisine grouillante de monde et empruntèrent discrètement des corbeilles à fruits qu'ils portèrent sur leurs épaules. Parfaitement dissimulés derrière les ananas bien frais et les grosses noix de coco, aucun soldat ne prêta attention à leurs allées et venues dans les couloirs. Ils arrivèrent sans encombre devant l'entrée de l'immense salle à manger où les invités étaient attablés autour de longues tables en bois exotique. La pièce mesurait au moins 50 mètres de long. C'était une vraie scène de cinéma, avec un décor de reconstitution historique plutôt soigné et des costumes choisis avec soin. Les soldats étaient attablés entre les colonnes grecques et les gigantesques sculptures de Donatello qui donnaient une allure culturelle au propriétaire. Parmi les dizaines de tables disséminés autour du général Santhor, dans un mélange de genre d'ailleurs très contestable – et encore contesté aujourd'hui par l'assistant d'Helmut Konstern, responsable des relations extérieures, les serveurs couraient dans tous les sens afin de satisfaire tous les désirs des invités.

-   Regardez les soldats, murmura G20 on dirait vraiment des guignols de        l'espace,     c'est quoi cette mascarade …

-   Tais-toi G20, il ne faut pas se faire repérer. Avançons le plus discrètement possible avec nos corbeilles et essayons de les retrouver discrètement. Ils sont peut-être déjà sur la scène.

Ils s'avancèrent lentement par l'allée centrale essayant de ne pas attirer l'attention sur eux.

-   Chef, la scène est au fond, droit devant. Vous entendez cette musique de     naze ?

-   C'est sûrement une musique militaire, peut-être leur hymne national quoique      non parce qu'ils se seraient tous levés, je ne sais pas… En          tout cas, avec      tout ce tintamarre, on passera plus facilement. Pourvu qu'on les repère vite          parce que sinon, on a du souci à se faire…

Ils continuèrent de marcher dans les allées, bousculés par les serveurs qui s'activaient dans tous les sens. Enfin, ils arrivèrent devant la scène.

-   Tiens, y ont même recruté des littéraires. C'est bizarre, j'ai l'impression de          connaître cette voix !

Ted s'arrêta et resta suffoqué en entendant la voix de celui qui déclamait les vers biens connus de Charles Baudelaire :

-   Mon enfant, ma soooooooooeur, songe à la douceur d'aller là-bas vivre      ensemble ! Aimer à loisir, aimer et mour-riiiirr au pays qui te resseeeeemble !

-   G20, écoute bien ! Tu entends cette voix ? Regarde sur la scène, le poète     en      costume bariolé, je crois bien que c'est Dylan … 

-   Vous êtes sûr ?? Bon sang… j'y vois rien avec cette corbeille… mais, nom           d'une pipe vous avez raison, c'est pas possible, il a réussi à leur refiler son   poème préféré… c'est quand même un drôle de gosse, le fils du patron, hein chef ?

-   Tu l'as dit G20, c'est un drôle de gosse ! Viens, on va s'approcher lentement       de la scène. Il faut absolument qu'il nous voie... vas-y, dépasse gentiment les deux soldats devant toi.

-   Il est là, juste en face. Et Butler est à côté, il sert les coupes à champagne...

Ted fouillait dans ses poches et s'avança vers G20, l'air de rien.

-   Tiens G20, ce sont des poils de chat et comme tu es allergique, fais-moi      confiance, tu n'auras aucun mal pour éternuer…

-   A vos ordres, patron.

Ted s'était débarrassé de ses derniers fruits. Il rebroussa chemin lentement et hocha la tête discrètement vers G20 qui n'eut aucun mal avec ses narines…

ATCHOUUUUUM ATCHOUUUUUUM…..

Les éternuements monstrueux de G20 surprirent les tables des convives installés juste devant la scène. Des ricanements joyeux fusèrent et quelques soldats commencèrent à s'agiter en se moquant aussi des comédiens, encore présents  :

-   Y connaissent vraiment rien ces mondoriens, murmura G20 scandalisé par          les     sifflets des soldats. L'invitation au voyage, c'est trop top ! Manque de         culture, ces gugusses c'est affligeant !

-   C'est pas grave, tu sais ! On est pas venus ici pour discuter littérature        générale,     lança Ted. L''important, c'est que Dylan et Butler nous aient       repérés… maintenant, on fonce discrètement les retrouver à la cave.

Ils redéposèrent leurs corbeilles vides derrière les poubelles d'une cuisine désaffectée. Après avoir bifurqué au fond de l'allée centrale en empruntant un couloir assez désert, ils dévalèrent le dernier escalier qui rejoignait la cave.

-   Ca fait dix minutes qu'on attend … vous croyez qu'ils ont eu un pépin, chef.

-   Je ne sais pas G20 … j'espère que non… attends, je crois que j'entends un          bruit... recule-toi derrière le mur, c'est peut-être un piège !

Dans le silence glacial de la grotte, on entendait des pas lourds qui se rapprochaient. Les silhouettes passèrent devant eux rapidement.

-   Dylan, Butler …on est là….

-   Tedddddd, G20, bredouilla Butler… je crois qu'on a les androïdes à nos     trousses… le manager était un peu méfiant ce soir, j'ai pas    bien compris s'il y avait anguille sous roche mais, en tout cas, on ferait mieux de filer rapidos        vers la navette !

On entendait des bruits sourds. Encore ces pas de bottes qui résonnaient au loin…

-   Courez vers la navette les gars, j'appelle Walgren … « Walgren sur canal 21,       j'appelle Walgren sur canal 21… PLAN DE SORTIE BG1, je répète PLAN DE SORTIE BG1, marmonnait Ted.

-   Allo, ici Rockett sur canal 21, je crois que j'ai compris, patron.

-   Rockett, c'est Ted à l'appareil. Prépare le plan BG1 avec Walgren, on a les          androïdes à nos trousses.

-   Bien lieutenant. Je mets le plan en route tout de suite.

Nous étions en file indienne dans le dernier tunnel. Arrivés devant la dernière porte vers la liberté, G20 actionna le levier de déverrouillage. Dans un ultime grincement, la porte s'ouvrit lentement et nous pûmes passer à travers les pierres qui tombaient sur le sol. Les uns derrière les autres, nous courûmes dans le passage étroit et deux minutes après, nous grimpions tous à l'intérieur de la navette.

-   Vite Rockett, dis à Walgren de mettre le turbo !

-   C'est Xstar qui est finalement aux commandes lieutenant, je vous      expliquerais ce qui se passe….

-   G20, va dans le poste de pilotage et surveille Xstar. Fonce, cria Ted. Et faites      attention à l'arrière si jamais une patrouille nous mitraille. Fermez tout...Vite !

(Xstar manoeuvra un plan de décollage que nous tiendrons secret défense pour ne pas mettre en danger la mission des prochains agents dans le Château).

-   Ca y est, on est partis. Tutto       va bene ora.

-   Ouf, on est bien contents de te voir Rockett, criais-je dans un élan joyeux.

-   Et moi donc.. j'ai bien cru que vous ne reviendriez jamais. Dites chef, j'ai   déjà contacté la base pour qu'ils envoient les chasseurs de l'espace, ils ne    doivent plus être très loin.. et j'ai une bien mauvaise nouvelle concernant    Walgren… figurez-vous que je l'ai surpris en train d'aider Xstar à s'évader…     il a même essayé d'envoyer un message à la Garde Rapproché de Santhor…. Heureusement que je suis arrivé à temps, je l'ai tabassé bien comme il faut, et     bien sûr, le message n'est jamais arrivé…

-   Qu'est-ce que tu dit ? répéta G20 qui n'en croyait pas ses oreilles.

-   Eh oui, je sais… c'est dur à avaler continua Rockett mais Walgren était en fait     un traître à la solde de Santhor depuis longtemps. Et ils ont manigancé avec Cooper l'ouverture de la trappe lorsque Dylan est tombé… ils n'attendaient     qu'une bonne occasion pour agir … et ce fut le cas, la veille de notre départ, lorsque Walgren aperçut Dylan s'introduire à l'intérieur de la navette    ….plutôt que de nous alerter, il l'a laissé grimper à bord pensant qu'il trouverait un bon plan pour se débarrasser de lui en cours de vol…. En le    tuant, ils pensaient anéantir     Archibald et prendre la direction du S-64 avec        Cooper.

-   C'est incroyable, souffla G20.

-   D'ailleurs, je crois qu'il nous cache encore pas mal d'      informations sur les      vraies relations entre Freddy Luka et Santhor, continua Rockett…. Si vous     voulez le voir, il dort actuellement comme un bébé dans la soute et avec le   narcotique qu'il a avalé, il ne risque pas de se réveiller avant longtemps,       n'ayez crainte !

-   J'ai eu un doute dès qu'il s'est trompé d'itinéraire et que nous nous sommes       engagés dans le Labyrinthe de la mort, enchaîna Ted… comme quoi il faut          toujours se fier à son intuition ! En tout cas, ils paieront cher pour ce qu'ils         ont fait…et ils seront tous confrontés au nouveau procureur qui parait-il n'est    pas un agneau… aucune chance qu'ils n'en réchappe, ces maudits traitres !

Grâce à Xstar qui avait bien résisté aux somnifères administrés par Rockett, nous quittâmes rapidement le Labyrinthe de la Mort et amorçâmes le plan de vol de retour vers Las Vegas.

-   On l'a échappé belle les gars, vous croyez-pas ? bredouillai-je dans la cabine        de     pilotage.

Mais je n'eus pas le temps d'entendre la réponse qu'une gigantesque explosion crevait le ciel derrière nous.

-   Ce coup-ci, c'est l'usine qui vient de partir en fumée.. Ils vont pas pouvoir          livrer leur marchandise en temps et en heure ….. je voudrais pas être à leur place pour payer les intérêts de retard …..

-   Y va pas être content papy Santhor, renchérit G20.  Il paraîtrait même qu'il        serait un peu radin … et ca va faire un sacré paquet  d'intérêts de      retard qu'il          va devoir refourguer aux laboratoires Boréal….

Ted acquiesçât. Il griffonnait déjà des notes concernant son rapport de mission pendant qu'Xstar se concentrait toujours sur le plan de vol retour.

-   Dites lieutenant Farmer, commença Xstar, maintenant que vous allez pouvoir      reprendre votre petit train train quotidien, n'oubliez pas que vous       devez me    déposer à New-York, chez Tina Johnson…Figurez-vous que j'ai pas envie de       moisir dans une prison du Nevada entouré de vos psychologues de seconde zone. Et puis, vous me devez bien ça…j'en ai fait plus qu'il ne faut il me semble…

-   C'est vrai Xstar mais je dois d'abord livrer les prisonniers à la justice. Je te         promets qu'après, tu pourras retrouver Tina comme je te l'avais dit.

-   Très bien lieutenant, je vous fais confiance une dernière fois…

                                                        *

Le lendemain, à la cafétéria du S-64.

-   Tu vois Dylan, je trouve que tu es un garçon plutôt verni…

-   Verni ? Pourquoi tu dis ça ?

-   Eh ben tu vois, continua béatement G20…. pour une première mission, on           peut dire que tu t'en es bien sorti et avec tous les honneurs ….

-   Coup de chance ! Et puis, j'étais entouré par des professionnels émérites   répondis-je malicieusement …

-   C'est vrai, répliqua Rockett … Avec des agents secrets professionnels comme     nous, il ne pouvait rien t'arriver de grave … 

Attablés à la cafétéria depuis plus d'une demi-heure, nous rédigions tous les trois notre rapport de mission qui devait être ensuite transmis en copie au chef de la CIA et au procureur adjoint.

-   Tu sais, il paraît que ton père est aux anges, poursuivit G20. Radieux et    épanoui comme un gamin de dix ans !

-   Comment le sais-tu ?

-   C'est Ted qui a cafté… tu sais que ton père lui fait beaucoup de         confidences !

-   Alors,  si ca vient de Ted, rien à dire ! Dis, tu crois que je pourrais éviter     de      retourner à l'université l'année prochaine ?

-   Je ne sais pas mais vu tes bons résultats au cours de cette mission, tu devrais       sûrement pouvoir intégrer notre Centre de Formation préféré…

-   Arrête G20, ça serait trop beau …. Et je ne préfère même pas y penser. Au          fait, vous avez eu des nouvelles de Walgren ?

-   Je crois qu'il est encore entendu par la police des polices à New-York… ils          vont organiser une confrontation avec Cooper…. mais il a déjà tout avoué et          sans remords à     ce qu'il paraît…

-   Ce bon vieux Cooper, ça me fiche un coup quand même… je n'ai rien vu    venir !

-   Comment aurions nous pu deviner, Rockett ? C'était impossible, continua G20.

-   N'essaye pas de me remonter le moral G20, ça ne sert à rien. Maintenant, je         ne verrais plus jamais les rapports avec mes collègues de la même manière…

C'est vrai que Rockett en avait pris un coup. Il avait maigri et son visage trahissait ses nouvelles inquiétudes. Cette mission allait laisser des traces, c'était sûr…

…      il y aura un avant et un après l'affaire Walgren, poursuivit t'il. En tout cas,    c'est comme ça que je vois les choses, à partir de cette minute !

-   Tu sais Rockett, m'exclamais-je pour lui remonter le moral, tu n'es pas près        de les revoir … mon petit doigt m'a dit qu'ils vont moisir très longtemps dans         une prison pas comme il faut…

-   Et le séjour en prison de deux taupes, ça passera pas inaperçu, poursuivit G20

    qui cherchait en même temps sur son smartphone l'adresse de la nouvelle   boutique de jeans que lui avait conseillé    un collègue du S-63 à New-York...

Mais Rockett ne répondit même pas, le visage toujours rivé sur ses papiers.  Tout-à-coup, nous aperçûmes Ted qui nous cherchait désespérément entre les tables de la cafétéria.

-   Ah vous voilà, les gars ! Ecoutez, j'ai de bonnes nouvelles pour vous de la part du boss. Après cette mission mouvementée, il vous accorde quelques         jours de répit, en congés pas payés comme il dit …

-   Quelle générosité de sa part, ironisa G20.

Mais Ted gardait le meilleur pour la fin.

-   Si ça vous dit toujours d'aller à New-York pour déposer Xstar chez sa belle,       y'a pas de problèmes vous savez… continua Ted, l'air de rien.

-   Quoooi ? Trop cool lieutenant, s'exclamèrent joyeusement G20 et Rockett.          Dites chef, on va pouvoir s'arrêter sur la 5ème avenue, ce coup-ci ? C'est pas une blague ?

-   Non G20, ce coup-ci, c'est pas une blague… tu vas pouvoir faire ton          shopping tranquillement !

-   C'est pas vrai, t'entends Rockett ?

-   Merci lieutenant ! J'pourrais même acheter des fringues à Xstar avant qu'il         retrouve sa dulcinée parce que question garde-robe, il a du souci à se faire ….

                                                        *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des matières

 

Liste des personnages …………….. ……….. ……………..     2

1 – Le S-64 contre attaque ………………………………….     5

2 – Tombé du ciel……………………………………………     12

3 – Le deal de Pétra Voronov………………………………..    20

4 – Dylan Elroy à New-York………………………………..     40

5 – Kidnapping télévisé………………………………………    64

6 – Xstar et Tina Johnson……………………………………    79

7 – En route vers Mondor…………………………………        93

8 – Opération BZ-511        ……………………………….         105

9 – Dream over……………………………………………….    116

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