Amitié. Stalking. Même combat.
riyet
Je vois leurs photos sur Facebook, sur Instagram. Leurs soirées ont l'air folles. Putain, pourquoi moi j'ai pas été invité. C'est pas comme si c'était la première fois que je les voyais. C'est pas comme si on avait pas fait des dizaines et des dizaines de soirées ensemble. Quand je regarde les statuts qui défilent dans ma fenêtre Chrome, les photos et autres events que je vais rater, j'en viens à me demander ce qui fait que je ne resterai jamais pour eux qu'une connaissance parmi tant d'autres.
En amour, il y a la friendzone, mais en amitié qu'est-ce qu'il y a? La juste-une-connaissance-zone? La we-know-each-other-for-sometime-yet-we-are-not-that-intimate-zone ? C'est une sensation assez désagréable de savoir que c'est déjà la fin du chemin. Que ces personnes m'ont déjà donné tout ce qu'elles avaient à me donner, qu'elles n'ont plus rien à m'offrir. Un sourire, une bonne blague, deux minutes sur un balcon pendant que je fume ma clope. Et voilà, c'est fini. En fait, je ne saurai jamais vraiment rien de leur vie. De leurs peines, de leurs joies, de leurs inquiétudes. Je leur souhaiterai un joyeux anniversaire via facebook parce que j'aurai peur de trop en faire en leur envoyant un texto. Ils me répondront "Cool! Merci!".
Mais je ne leur en veux pas. Je suis un peu jaloux de leurs amis à eux. Nous avons chacun des cercles d'amis assez vastes, et à nos âges ce qu'on recherche avant tout, c'est resserrer les liens avec ses amis proches plutôt que de diluer son temps sur trop d'amitiés. C'est comme ça, qu'on perd des amis. C'est comme ça qu'on empêche de nouvelles amitiés de se créer. Mais c'est naturel. C'est inexorable. Je comprends, mais ça ne m'empêche pas d'être triste.
Moi de mon côté, j'aurais aimé plus tout de même. J'ai toujours accroché, et j'accroche encore. A leur personnalité, leur humour, leur talent. Nous avons tellement en commun, mais par pudeur je ne m'imposerai jamais, parce que je n'aimerais pas qu'on me le fasse. Parce que moi aussi, bien entendu, j'ai mis, de façon plus ou moins consciente, pas mal de monde dans cette zone qui interdit les rapports sincères et profonds.
Alors comme un amour secret, je cultive mon affection à sens unique en stalkant l'Internet multimédia 2.0. Facebook. Twitter. Instagram. Tout est bon pour en savoir plus. Me gaver de fausse intimité. De photos. De gossip qui ne me regardent pas. Bref, je suis creepy. Mais toi aussi.