Amoureuse de sa folie

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J'avais ce matin-là décidé que le temps était venu pour moi de faire mon deuil des souvenirs. Cela remontait a plus d'une année en arrière mais j'en avais tellement écrits que mes doigts étaient à ce jour encore recouvert d'encre. Ce serait mentir de prétendre que j'avais pris cette décision de ma propre volonté car ce n'était pas le cas, je m'y sentais forcée car elle avait découvert le grand nombre de carnets a textes personnels que je conservais, pire, elle les avait lu. Il fallait impérativement que je les détruisent afin que jamais plus personne ne soit en mesure de s'approcher si tant soit peu de la vérité. La maison était déserte et je pensais que cela se ferait vite, j'avais songé auparavant a d'autres alternatives qui auraient permis que je conserve ces bribes de mes souvenirs. J'avais soigneusement pris la peine de les coucher sur du papier, mais je n'avais ni les moyens ni les ressources nécessaires de fournir un abri à ce que je possédais de plus personnel. Je déchirais les feuilles une à une, en pensant qu'à chaque craquement de feuille ma gorge se nouerais par un flot d'émotion. J'avais choisi comme cimetière l'évier de la cuisine et j'allumais le gaz… La flamme d'une allumette n'aurait jamais pu effacer tant d'instants de vie.

Les 3 premières feuilles étaient déjà au milieu du spectacle qu'offraient les flammes, je les déposaient dans l'évier et j'entrepris d'en rajouter d'autres au fur et à mesure. Petit à petit les escarbilles s'éparpillaient et je courus fermer les fenêtres afin de ne pas laisser s'échapper mes bribes de sentiments, elles m'appartenaient et même à l'affut de la destruction je n'étais pas près à les partager. Egoïsme ou cynisme, alors que je décidais du terme à employer, je ne voyais pas la fumée qui emplissait à la fois mes poumons et la maison toute entière. Des centaines de feuilles de papier traversaient les portes de l'enfer en essayant de m'entrainer avec elles.

Je croyais que le fait de renoncer tant d'évènements de ma vie, creuserait en moi un immense gouffre mais je ne ressentais rien, si ce n'était qu'un étrange picotement au fond de la gorge qui semblait s'intensifier un peu plus a chaque seconde.

J'avais comme le souffle bloqué et j'essayais de résister, mais à quoi bon après tout, j'aimais la façon dont j'étais porté par la strangulation invisible de la fumée qui m'entourait. Sadique, certes, je l'ai surement presque toujours été, mes mots m'appelaient, elles me voulaient toujours et encore, je les aimais, mes toutes belles… Je ne résiste plus, j'accepte de vous accompagner, je regardais autour de moi comme pour emporter un dernier souvenir et je fermais les yeux…

Je ne sus jamais comment la vie s'était terminée pour moi, ils me retrouvèrent plusieurs heures après et là une voix s'élevant parmi la foule ajouta qu'elle est morte amoureuse de ses propres folies


-R.

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