Angel & Marie - Chap. 8 et 9

Valérie Bel

8 - Mission

 

 

Il était près de minuit quand Angel vint enfin rendre visite à Marie. Elle l'attendait assise sur son lit, dos appuyé au mur, le menton posé sur ses genoux qu'elle enserrait dans ses bras. Elle devina son arrivée aux vibrations de l'air, qui la précédèrent de quelques secondes. Dès qu'il apparut, Marie se leva et vint se coller à lui. Comme cette étreinte était douce, chaude, réconfortante !

Pourtant, cette fois, c'est elle qui l'interrompit et prit la main d'Angel en le poussant à s'assoir sur le lit près d'elle.

-          Je t'écoute, dit-elle.

-          Marie …

Angel était visiblement embarrassé.

-          S'il te plaît Angel, ne me laisse pas sans savoir. J'ai besoin de comprendre pourquoi tu as dit, après notre baiser, que ce n'était pas possible, le pria-t-elle.

-          Marie, je suis bien un ange, mais pas un ange gardien, commença-t-il.

-          Et ? dit Marie que cette entrée en matière n'éclairait guère.

-          Je suis un ange Tentateur, poursuivit-il.

-          Ce qui veut dire quoi ?

-          Cela veut dire que mes missions ne consistent pas à protéger qui que ce soit comme le font les anges gardiens. Je suis là pour reconnaître les âmes noires, les tenter.

-          Les âmes noires ?? lâcha Marie que cette expression intriguait.

-          Des âmes profondément mauvaises.

-          Et tu les reconnais comment ?

-          A leur aura, noire.

-          C'est quoi une aura ??

-          C'est une sorte de halo autour de chaque personne, faite d'ondes et de lumière, que seuls perçoivent les êtres extra-sensibles.

-          Et ces âmes mauvaises ont une aura noire ?

-          Oui, noire comme leur âme.

-          J'ai une aura, moi ? demanda Marie, curieuse.

-          Oui, bien sûr, dit Angel en souriant.

-          Et elle est comment ?

-          Pure.

-          Pure ?

-          Oui, claire comme ton âme.

-          Et ces personnes mauvaises, une fois que tu les as identifiées, tu les tentes ? Pourquoi ? poursuivit Marie qui ne perdait pas le fil de la discussion.

-          Pour être certains qu'il n'y a plus aucune chance de les sauver, pour vérifier qu'elles sont définitivement en perdition.

-          Et tu les tentes comment ?

Angel parut de nouveau embarrassé.

-          Tu veux vraiment savoir ? demanda-t-il.

-          Oui ! répondit Marie sur un ton impérieux.

-          Eh bien, tu te souviens d'Elodie et de Sandra ?

-          Evidemment !

-          Elles se sont laissées tenter alors qu'elles n'auraient pas dû, car elles me croyaient marié.

-          Mais c'est normal d'être tentée par toi même si on te croit marié ! protesta-t-elle.

-          Peut-être, mais pas de passer à l'acte.

-          Attends, attends, le coupa Marie d'une voix où se mêlaient inquiétude et un début de rage. Tu veux dire quoi par « passer à l'acte » ? Tu couches avec ces filles ?? rugit-elle.

-          Je fais tout pour l'éviter, mais je me soumets à leur décision finale.

-          Tu as couché avec Elodie et Sandra ?

-          Oui, et c'est ainsi qu'elles ont signé leur condamnation.

-          Leur condamnation ?

-          Oui, de noire, leur âme est devenue damnée. En couchant avec moi, malgré l'interdit qu'il leur en est fait, elles deviennent damnées. Elles sont alors à la disposition du Malin qui peut venir les chercher dès qu'il veut.

-          Le Malin ??

-          Oui, le Diable.

-          C'est le Malin qui les prend ? Ce n'est pas toi qui les tues ?

-          Non, Marie, je suis un ange, je ne tue personne. Mais dès que l'absolue noirceur de leur âme est confirmée, elles sont sans protection aucune contre les coups du sort ou ceux du Malin pour provoquer leur mort et récupérer leur âme.

-          C'est pour ça qu'Elodie et Sandra sont mortes ?

-          Oui.

-          Mais tous les gens mauvais ne meurent pas jeunes …?

-          Non, seulement ceux que nous repérons à temps pour éviter qu'ils ne rompent l'équilibre du Bien et du Mal sur terre.

-          Et quand vous ne les repérez pas à temps, que se passe-t-il ?

-          Alors, leur capacité de destruction est immense et chaque nouveau méfait qu'ils commettent renforce leur puissance à faire le Mal, ils entraînent à leur suite d'autres âmes qu'ils pervertissent. Par exemple, Hitler fut de ces âmes absolument noires. Et le Malin se repaît, contemple son pouvoir et n'a plus qu'à attendre son lot de nouvelles âmes damnées.

-          Mais Elodie et Sandra n'étaient pas si mauvaises que ça ! Elodie était, c'est vrai, une véritable peste, elle pouvait être méchante et blesser les gens. Sandra pouvait être violente, mais elles n'avaient pas commis de fautes irréparables, non ?

-          Non, pas encore, mais la noirceur particulière de leur âme indiquait que tôt ou tard elles commettraient les pires crimes.

-          Mais toi, tu n'es pas triste de savoir qu'au fond, c'est toi qui les condamnes ?

-          Si, mais ce n'est pas moi qui les condamne, se défendit Angel. Elles se damnent elles-mêmes. Elles ont le choix de céder ou pas à la tentation.

-          Je ne suis pas sûre. Tu es une telle tentation…

-          L'interdit est aussi fort que la tentation que je représente. C'est leur choix de ne pas le respecter. Elles ont la liberté de ne pas succomber. Je suis infiniment triste à l'instant où elles font le mauvais choix, où leur décision est prise.

-          Oui... Je me souviens… J'ai vu cette tristesse dans tes yeux avec Elodie et Sandra. Je suppose que c'était juste avant que tu couches avec elles.

-          Oui..

-          N'empêche que je trouve révoltant que ce soit le sexe qui les condamne. Faire l'amour avec quelqu'un, ce n'est pas mal !

-          Ce n'est pas le sexe qui les condamne, c'est leur décision. Parce qu'elle s'affranchit d'un interdit et qu'elle force mon consentement. Il n'y a pas d'amour. Pour faire l'amour il faut être deux.

-          Mais quand tu fais tout pour les séduire, comment pourraient-elles résister ?

-          Je ne fais rien pour les séduire, Marie ! Je ne fais que paraître. Rien dans mes agissements et dans mes paroles ne peut leur laisser penser que je leur propose quoi que ce soit. Je me refuse à elles. Mais elles ne respectent rien, ni personne. C'est en cela qu'elles sont si dangereuses. Leur volonté de jouissance est absolue, sans loi, au mépris de tous et de tout.

-          J'ai du mal à comprendre qu'un ange puisse choisir de se prêter à un tel jeu.

-          Je n'ai pas choisi.

-          Comment ça ?

-          C'est une longue histoire… Marie, il est tard. La suite, demain.

-          Non ! On s'en fiche qu'il soit tard, je suis en vacances. Raconte, maintenant.

-          Non, tu en as assez appris pour aujourd'hui. Il te faut déjà digérer tout ça.

-          Angel, s'il te plaît…, tenta-t-elle, implorante.

-          Non. Je veux que tu te couches, que tu fermes les yeux et que tu comptes jusqu'à dix, répondit-il d'une voix qui n'admettait aucune contestation.

Marie obtempéra, se mit au lit, ferma les yeux et compta jusqu'à dix. Au beau milieu de son décompte, elle sentit un baiser déposé sur son front et à dix, elle dormait déjà.

Angel la regardait, souriant et attendri.

 


 

9 - Aveu

 

 

Cette nuit-là, Marie fit des rêves étranges. Dans l'un d'eux, elle était attaquée par Elodie et Sandra qui lui perçaient un immense trou au milieu du ventre. Un serpent menaçait de passer par ce trou. Mais finalement il se transformait en Angel.

Elle se réveilla avec une impression de malaise. Le soleil inondait sa chambre, il était près de onze heures. Elle chercha du regard Angel, bien qu'elle sût par avance qu'elle ne le trouverait pas là. Un sentiment de grand vide s'empara d'elle comme à chaque fois qu'elle constatait son absence. Pourtant, peut-être parce qu'elle savait qu'elle le reverrait le soir même, elle décida de ne pas s'y abîmer. Elle se leva, alla prendre sa douche et enfila une petite robe légère. Elle alla embrasser son père qui, rentré depuis quelques jours de l'hôpital, somnolait sur le canapé devant la télé. Sa mère était au travail, son petit frère en colonie de vacances. Elle s'assit sur un coin libre du canapé et sourit à son père.

-          Comment te sens-tu Papa ? lui demanda-t-elle.

-          Un peu fatigué, mais ça va, répondit-il, même si ses cernes démentaient le simple « un peu fatigué ».

-          Assez bien pour qu'on fasse une petite promenade ensemble ?

-          Oui, si tu veux.

-          On pourrait aller pique-niquer tous les deux au Parc de Saint-Cloud, qu'en dis-tu ? proposa-t-elle.

-          Si tu me prépares les meilleurs sandwichs du monde, ça marche, lui  lança-t-il, bien que son appétit, tout comme celui de Marie, eût considérablement diminué depuis quelques temps.

-          Ça marche ! dit-elle joyeusement en se levant.

La perspective de ce moment seule avec son père la ravissait. Ce n'était pas si fréquent, peut-être même n'était-ce jamais arrivé. Cette sortie seule avec lui, sans son frère ou sa mère, prenait une tournure d'autant plus précieuse que la maladie de son père ne garantissait pas que de telles occasions se représentassent.

Arrivés sur la pelouse près de la Grande Gerbe, nom de la fontaine et du restaurant qui s'y trouvaient – ce qui l'avait toujours fait rire, enfant -, ils déplièrent la couverture, sortirent sandwichs, tomates et boisson, s'installèrent et goûtèrent la chaleur du soleil et la quiétude du lieu. Ils se firent la réflexion qu'ils étaient bien, là, coupés des bruits de la ville, bercés par le bruissement des feuilles et les gazouillis des oiseaux. S'ils s'allongeaient, ils pouvaient laisser leur regard et leurs pensées se perdre dans l'immensité du ciel bleu qu'aucun nuage ne ternissait. La beauté simple de la nature qui les entourait, les plongeait dans une bienfaisante sérénité.

Ils étaient ainsi tous deux allongés, délicieusement abandonnés au bonheur de l'instant, quand Marie prit la parole :

-          Dis Papa, si un jour tu rencontrais la plus belle femme que tu puisses imaginer, tu penses que tu pourrais succomber à la tentation ?

-          A la tentation de quoi ?

-          De … Tu vois bien…, répondit-elle gênée.

-          De tromper ta mère ?

-          Oui.

-          Des tentations, tu sais, dans une vie on en rencontre toujours. Pas besoin de rencontrer l'improbable plus belle femme du monde. J'ai rencontré des femmes extrêmement séduisantes. Et comme je ne suis pas un ange, j'ai pu parfois être tenté. Mais l'amour de ta mère m'a toujours semblé le bien le plus précieux qu'il m'ait été donné de recevoir. Et pour rien au monde, pas même pour une nuit de plaisirs torrides, je n'aurais voulu risquer d'endommager cet amour.

-          C'était facile de résister ?

-          J'aimerais pouvoir te dire que, non, c'était très dur et en tirer une immense gloire. Mais la vérité, c'est que l'amour protège : quand on aime vraiment quelqu'un, les tentations pour une autre finissent par se dégonfler toutes seules. On dit que l'amour rend aveugle. On dit ça pour dire qu'on ne voit pas les défauts de l'être aimé, mais je crois qu'il rend aussi aveugle aux beautés des autres.

-          Si tu n'avais pas cet amour pour maman, tu aurais pu succomber ?

-          Oui, probablement. Mais pourquoi toutes ces questions ? Qu'est-ce qui te préoccupe ?

-          Oh, rien, juste pour savoir.

En réalité, Marie restait profondément perturbée par cette histoire d'ange Tentateur. Il y avait là, dans le procédé même, quelque chose qui continuait à la révolter. Et puis… elle n'appréciait pas du tout qu'Angel puisse être en train de coucher avec une fille, même dans le cadre d'une mission.

C'est d'ailleurs l'une des premières choses qu'elle lui dit le soir même quand ils reprirent leur conversation. Après une longue et tendre étreinte quand Angel arriva, Marie se décolla légèrement de lui et dit :

-          Tu avais raison.

-          Hmm ? ânonna Angel, sur ses gardes devant le ton employé par Marie.

-          Je ne digère pas, asséna-t-elle.

-          Que ne digères-tu pas ? s'enquit-il doucement.

-          Que …Elle hésita. Que… Que tu couches avec des filles…

-          Marie, je n'ai pas le choix.

-          Pourquoi ? demanda-t-elle du ton suppliant qu'elle avait déjà eu avec lui.

-          Parce que c'est ma mission et qu'elle m'a été attribuée en fonction de mon histoire. Assieds-toi, lui dit-il en la poussant vers le lit.

Il s'assit près d'elle et lui  saisit les deux mains pour l'inviter à soutenir son regard. Il poursuivit :

-          Marie, je n'ai pas toujours été un ange. J'ai été un jeune homme, il y a longtemps. Je suis né en 1785, en Louisiane. Mes parents étaient de riches propriétaires terriens. Nous avions une colonie d'esclaves noirs qui travaillaient dans nos plantations. J'avais une sœur de dix ans ma cadette, que j'adorais. Elle était si belle, si gentille, si drôle. Un jour, l'été de mes vingt-cinq ans, en me promenant dans la plantation, j'ai entendu des cris. J'ai vite reconnu ceux de ma sœur. J'ai couru. Je suis arrivé près d'une remise où l'on rangeait les outils. Je suis entré et j'ai vu… j'ai vu ma sœur en train de se faire violer par l'un de nos esclaves. Il ne m'avait même pas entendu tellement il était pris par sa sale besogne. J'ai saisi une serpe et je la lui ai plantée dans le dos. Je l'ai tué, Marie.

-          Mais il était lui en train de commettre un crime ! Tu as sauvé ta sœur !

-          Oui et c'est ainsi qu'en a jugé la justice des hommes. Il n'y a même pas eu de procès. Chacun a considéré que cet esclave n'avait eu que ce qu'il méritait. Mais il en a été autrement avec la justice divine. Quelques mois plus tard, j'ai eu un accident : la carriole que je conduisais a brisé l'une de ses roues contre une pierre et s'est renversée. En tombant, ma tête a heurté une autre pierre et je suis mort sur le coup.

-          Pour te punir ???

-          Non, je crois que cet accident était un pur fruit du hasard. Mais lorsque je me suis présenté devant les Juges du Purgatoire, mon crime m'a été rappelé.

-          Mais ce n'était pas un crime puisque tu défendais la vie de ta sœur !

-          Si, c'en était un. J'ai tué sous l'emprise de la colère, pas pour rendre une quelconque justice. Et il n'y a pas de plus grand crime que d'ôter la vie à quelqu'un. Seul Dieu peut reprendre la vie qu'il a donnée.

-          Alors Dieu n'avait qu'à protéger ta sœur !

-          Marie ! gronda Angel.

-          Pardon, murmura-t-elle, mais je trouve ça injuste. Et je ne vois toujours pas le rapport avec ta mission d'ange Tentateur.

-          Si, Marie, comprends : le Mal, je sais ce que c'est. Je l'ai commis. Je sais donc le reconnaître mieux qu'un autre. Et à défaut d'avoir pu empêcher mon propre crime, je peux au moins éviter que d'autres en commettent d'aussi grands. C'est la chance qui m'a été donnée lors du Jugement : j'étais devenu une âme grise par mon crime, mais comme jusqu'alors j'avais été une âme pure, il m'a été offert de racheter ma faute.

-          Et si tu avais refusé ?

-          Je serais allé directement en enfer.

-          Charmant ! Et tu dois accomplir cette mission pendant combien de temps encore ?

-          Je l'ignore. Jusqu'à ce que ma faute soit pleinement rachetée, mais peut-elle l'être ?

-          Tu as 230 ans …

-          Oui, ou plus exactement ça fait plus de 200 ans que j'ai et aurai toujours 25 ans.

-          Tu étais marié ?

-          Non, mes parents me présentaient des fiancées potentielles mais aucune ne me plaisaient vraiment.

-          Tu n'étais jamais tombé amoureux ?

-          Oh si, quand j'avais cinq, j'étais très amoureux de la fille de nos voisins parce que l'hiver elle portait un beau manteau rouge. Et toi, tu as été amoureuse ?

-          Les anges ne savent pas tout ?

-          Non, les anges lisent les âmes, en tirent les conséquences, mais ne devinent pas tout des détails d'une histoire ou des pensées. Alors, déjà été amoureuse ?

-          Non …enfin si, à la maternelle, d'un certain Marc, parce que c'était lui qui me sauvait quand on jouait au prince et à la princesse dans la cour de récréation.

Ils souriaient tous les deux, amusés par ces souvenirs légers, au milieu des infortunées révélations d'Angel. Cependant, Marie revint à la charge :

-          Et quand… Marie était confuse de sa curiosité, mais elle devait poser sa question. Quand tu couches avec ces filles, est-ce qu'il t'est arrivé de tomber amoureux ?

-          Jamais.

-          Alors tu ne sais pas ce que c'est d'être amoureux, à l'âge adulte ?

Angel sembla hésiter.

-          Pourquoi cette question ? demanda-t-il sans répondre à celle de Marie.

-          Je voudrais savoir ce que tu ressens quand tu couches avec ces filles …

-          Je ne ressens rien, Marie. Je n'ai aucun plaisir, ni même aucune sensation. Mon corps demeure totalement insensible.

-          En tant qu'ange, tu ne ressens rien ? Tu n'as jamais ressenti ni amour, ni plaisir ?

Angel regardait intensément Marie. Comme s'il la sondait, ou plutôt comme s'il cherchait en elle la réponse à sa question. Marie le relança :

-          Angel ? Tu ne me réponds pas ?

-          Je ne peux que dire la vérité. Alors parfois il vaut mieux que je me taise.

-          Pourquoi ? Qu'est-ce que tu ne peux pas dire ? Que tu as déjà eu du plaisir avec tes victimes ?

-          Non, pas avec elles.

-          Avec qui alors ? demanda Marie plus énervée qu'elle ne l'aurait voulu. Qui ?

-          Marie…

-          Réponds, je t'en prie, tu me tortures !

-          Je viens de te répondre.

Marie allait protester qu'il n'avait rien répondu quand elle réalisa qu'il avait prononcé son prénom. Sa colère retomba aussitôt et c'est à peine, si pleine d'une pudeur nouvelle, elle osa demander :

-          Avec moi ?

-          Oui, avec toi. Pour la première fois de mon existence d'ange, je ressens quelque chose au contact de quelqu'un, avoua-t-il.

-          Tu ressens quoi ?

-          Des sensations … des sentiments…

-          Moi aussi Angel, je ressens tout ça ! Alors pourquoi m'avoir dit quand je t'ai embrassé que ce n'était pas possible ?

-          Parce que je suis un ange Tentateur ! Je ne peux pas être ta tentation et te condamner ! Je ne peux pas te mettre en danger ! Je dois m'éloigner de toi.

-          Mais c'est ton éloignement qui me met en danger ! Je dépérissais sans toi ! Angel, sans toi,  je n'arrivais plus à vivre !

-          Marie, si je reste près de toi, c'est à l'Enfer que je te condamnerai sans le vouloir, à une mort éternelle. Ce n'est pas possible. Je dois m'éloigner.

-          Non, Angel, je refuse, protesta-t-elle de toutes ses forces, de toute son âme. Je veux te voir, je te veux chaque jour près de moi.

Elle marqua une pause et reprit :

-          Si j'ai bien compris tout ce que tu m'as dit sur tes missions, c'est quand ces filles sont passées à l'acte qu'elles ont signé leur condamnation ?

-          Oui. Où veux-tu en venir ?

-          Alors nous ne passerons pas à l'acte, dit-elle en rougissant. Mais je veux te voir, je te veux près de moi.

-          C'est trop risqué.

-          Non, ce n'est pas trop risqué. Même si moi je venais à être trop tentée, tu m'en empêcherais, n'est-ce pas, par amour ?

Angel ne disait plus rien. Il réfléchissait. Mais Marie n'était pas sûre de bien interpréter son silence :

-          C'est le « par amour » qui te gêne ?

-          Non.

Et il ajouta plein de malice :

-          Ah au fait, et toi, tu disais quoi l'autre jour dans la clairière, quand je suis parti ?

Marie lui répondit d'une grimace et d'une bourrade de l'épaule. Evidemment, ce qu'elle avait crié dans la clairière à la terre entière, il l'avait entendu !

Elle contre-attaqua :

-          Tu n'as pas répondu à ma question …

-          Laquelle ?

-          Si les termes « par amour » te gênaient ?

-          Je t'ai répondu non.

-          Mais encore ? insista-t-elle, taquine.

-          Encore quoi ? tenta Angel.

Ah, il voulait jouer au plus fin. Elle avait un avantage : il lui avait dit ne jamais mentir, il suffisait donc qu'elle pose les bonnes questions. Elle demanda :

-          Ces termes conviennent-ils pour exprimer ce que tu ressens pour moi ?

Angel hésita. Mais pas par doute sur la réponse à donner. Juste parce qu'il aurait préféré la garder pour lui.

-          Oui, soupira-t-il. Satisfaite Melle la Maline ?

-          Très.

Et en appui de ses dires, Marie se saisit du visage d'Angel entre ses deux mains et lui planta un long baiser. De nouveau, une vague de sensations déferla sur leurs deux peaux.

Ce qui fit dire à Angel :

-          Marie, tout ça est trop risqué.

-          Non, Angel, c'est merveilleux. Ce n'est pas risqué. Tu m'aideras, tu seras fort pour nous deux, protesta-t-elle.

-          Marie … contre toi…à cause de ce que je ressens… je me sens plus vulnérable que fort, avoua-t-il.

-          Alors je serai forte pour nous deux ! Je résisterai à la tentation, mais Angel, je veux, je dois te voir. Je ne peux plus vivre sans toi. Ne m'abandonne plus, je t'en conjure !

-          Je ne sais pas …

-          Un ange pourrait-il laisser dépérir une âme pure par sa faute ? Pas très charitable, non ? lui asséna-t-elle en coup de grâce.


 

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