Apocalyspe

valalex

20 décembre 2012.  On reste cloisonnés chez moi, à attendre. C’est la fin. Nulle échappatoire. Les gouvernements du monde entier l’ont annoncé, les Eglises du monde entier l’ont reconnu officiellement : le 21 décembre 2012 sera le dernier jour à vivre sur cette Terre. La fin du Monde – j’ai bien envie de me demander de quel monde il s’agit mais l’heure n’est pas à la dérision. Les questions aujourd’hui, on se les pose plus. Pourquoi maintenant ? Quel crime commis a provoqué cette sentence immédiate plutôt que la prolongation de la peine ? Crime contre la Nature disent certains. Crime contre la raison, disent d’autres. Chacun a bien sûr son avis. Même ceux qui refusent de croire à cette prophétie ont leurs opinions.

Face à une telle annonce, le chaos s’organisa. Evidemment on pense que tous les comportements seront erratiques, anomiques, indisciplinés, « libres » de toute norme… Mais c’est bien se tromper. J’ai vu, de mes yeux et dans les médias, les différents comportements qui ont émergé. Ceux qui ont essayé de s’affranchir des normes sociales n’ont pas vécu assez longtemps pour vivre le dernier instant de leur belle planète. Ils en ont entraînés beaucoup avec eux, certes. Mais jusqu’au dernier instant, l’Humanité étant l’Humanité, les rapports demeurent régis par des règles, bien qu’elles se soient largement assouplies depuis quelques mois. Et quelque part c’est assez réconfortant de constater cela. 

Si l’annonce de l’Apocalypse n’a été officielle que le 14 décembre, la croyance en cette échéance avait contaminé la majorité des Hommes depuis trois ou quatre mois déjà. Ceux qui depuis ont refusé d’y croire se sont bien sûr comporté comme si de rien n’était, ou presque. Quant aux autres, c'est-à-dire l’immense majorité, ils s’autorisaient des dérapages contrôlés, notamment à travers l’organisation d’immenses fêtes ou tous les plaisirs – les derniers à vivre- étaient permis, encouragés, déifiés.  C’est d’ailleurs ces immenses fêtes qui ont scellé notre sort à tous. Car la croyance en la Fin n’avait jamais eu de quelconque argument scientifique pour la soutenir. C’est assez incroyable mais cette panique, cette vision dernière, ont réussi à se propager en quelques mois en court-circuitant, semble-t-il, la raison des individus. Ce sont donc ces immenses concerts-orgies, organisés dans des centaines de villes dans le monde au même moment, qui ont scellé notre sort.

A trois reprises ce mois-ci, tous les grands groupes, chanteurs, DJ, etc… se sont relayés  pour donner des concerts dans le monde entier, concerts synchronisés pour décupler l’esprit de communion.

Le 13, la première donnée scientifique sur l’inévitable Apocalyspe a été communiquée. Quand j’y pense, quelle blague ! Les plus gros évènements, sous les sauts des fêtards en transe, ont provoqué simultanément des petits tremblements de terre à des endroits critiques de la planète. En fait, si j’ai bien compris, ces spasmes épidermiques à la surface du globe ont détraqué l’équilibre interne de la planète, un peu comme l’acupuncture peut apaiser un individu, ou le paralyser, ou pire… Dans deux jours donc, la terre devrait s’affaisser sur elle-même, ou bien voler en éclat.

Et moi j’attends. On attend : j’ai ma femme et mon fils à mes côté. Plus fort encore que la croyance en l’Apocalypse ait pu être chez certains, nous continuons d’espérer. Espérer. Bien sûr, on prononce plus ce mot depuis quelques jours. L’intensité de la situation est telle, le murmurer pourrait précipiter notre vœu aux oubliettes de l’univers. Et jusqu’au moment M, on poursuit notre existence.

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